Le témoignage de Marie-Pierre qui a perdu sa mère après un séjour aux urgences

  • l’année dernière
Cyril Hanouna recevra au cours d’une nouvelle émission les personnalités qui font l’actualité du moment. Leur vérités, leur promesses, les questions que se posent les Français, tout sera passé au crible pour ce moment de télé qui casse déjà les codes.


Pour cette grande première, le premier invité sera Éric Zemmour, journaliste et essayiste, presque candidat à l’élection présidentielle 2022.

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Transcription
00:00 -Ma maman a intégré le 19 décembre à 19h les urgences de Simone Veil à Aubonne.
00:07 Elle a été prise en charge uniquement le 20 décembre à 19h.
00:12 -24h plus tard.
00:14 -Pendant ces 24h, je suis arrivée le 19 décembre à 21h, soit 2h après que ma mère soit acceptée aux urgences.
00:23 Elle avait un drap jetable, pas de chaussettes, et je lui ai mis ma doudoune pour la couvrir.
00:29 J'ai demandé aux soignants s'il y avait des couvertures, ils n'en avaient pas.
00:33 Le lendemain, ma nièce a pris le relais auprès de ma maman.
00:37 Pas de nourriture apportée à ma mère, pas de change.
00:41 Ma nièce, infirmière, a pu demander aux soignants de lui apporter quelque chose à manger.
00:47 Elle a eu une compote.
00:49 Ils ont demandé pendant plus de 2h à ce que ma mère soit changée au niveau de sa protection.
00:54 Elle a été changée à 17h le 20 décembre.
00:57 A 19h, elle est reçue par le médecin allergentiste, qui l'a diagnostiqué plusieurs choses,
01:05 dont une hyponatrémie, une insuffisance rénale aiguë, une ECR PLV, une déshydratation, une infection urinaire et un globe urinaire.
01:16 Le globe urinaire aurait pu être évité s'il y avait eu le médecin plus tôt.
01:25 Ma mère est restée de nouveau dans le couloir dans les urgences à la sortie du box quand elle a vu le médecin.
01:35 Elle est restée toute la nuit dans le couloir jusqu'au 21 décembre,
01:40 où on nous a dit que suite au résultat, elle restera sûrement dans l'unité gériatrique aiguë.
01:45 On a dû attendre 14h pour qu'on nous dise qu'il n'y a pas de place dans l'unité gériatrique aiguë.
01:51 Donc, ça va être un retour à l'EHPAD.
01:54 Elle est repartie à 15h de Simone Veil.
01:58 Elle a intégré l'EHPAD et là, elle a complètement tout lâché.
02:02 Ma mère, qui était quelqu'un de combattante dans la vie, l'a complètement lâchée prise.
02:08 Elle a refusé de s'alimenter à partir de ce moment-là.
02:11 Elle ne voulait plus qu'on la touche, même le visage, pour lui faire un câlin.
02:15 Elle refusait systématiquement tout.
02:19 Comme elle avait décidé de ne pas vouloir d'acharnement thérapeutique,
02:24 ils ont enlevé l'hydratation le 29 décembre.
02:26 Elle est décédée le 4 janvier.
02:29 Ma question que j'aurais à vous poser, M. Véran, c'est si j'ai porté plainte.
02:34 J'ai fait une main courante dans un premier temps,
02:36 parce que la police n'a pas voulu que je porte plainte.
02:39 Il n'y avait pas de conséquences graves qui ont découlé le 21 décembre.
02:43 Du coup, je suis retournée au commissariat le 21 janvier pour déposer plainte cette fois-ci.
02:48 J'ai écrit aussi à la directrice de l'hôpital le 21 décembre,
02:52 qui m'a répondu dans la journée en me disant qu'elle allait lancer une enquête
02:56 et des investigations auxquelles je n'ai pas de nouvelles à ce jour.
02:59 Ma question serait juste la suivante.
03:01 Si c'était votre maman, qu'est-ce que vous auriez fait à ma place ?
03:04 D'abord, Madame, merci pour votre témoignage.
03:07 [Applaudissements]
03:13 Je n'ai pas à me substituer ni à la justice ni aux enquêteurs, vous le savez.
03:17 Je n'ai pas à connaître du dossier médical de votre maman.
03:20 La description que vous faites de ce séjour hospitalier aux urgences
03:25 est une description tout à fait anormale, d'accord ?
03:27 De ce que vous en faites là, mais ça ne veut pas dire que je porte un jugement.
03:30 Vous comprenez bien que je ne suis pas juge, je n'ai pas de pouvoir de police
03:34 et je ne suis pas le médecin qui était en charge et je n'ai pas accès au dossier médical.
03:38 Ce qui est certain, c'est que quand on va aux urgences d'un hôpital,
03:41 c'est qu'on est dans une situation sanitaire aiguë qui nécessite une évaluation urgente
03:45 pour pouvoir vérifier s'il y a lieu d'approfondir les examens,
03:49 si un retour à domicile peut-être ou en EHPAD peut être autorisé,
03:53 s'il y a besoin de faire des examens complémentaires ou de donner un traitement.
03:56 Et le minimum, au-delà de cette gestion médicale,
04:00 cette prise en charge médicale, qui doit se faire très vite dans un service d'urgence,
04:03 c'est évidemment l'hydratation, la nutrition et vérifier si les conditions physiques
04:08 permettent au patient ou à la patiente d'uriner ou s'il faut l'accompagner par un sondage.
04:12 Ça, c'est une façon de faire tout à fait normale et attendue dans ce type de situation.
04:17 Manifestement, ce n'est pas ce que vous avez rencontré avec votre maman,
04:19 donc ça veut dire que si les choses sont avérées, il y a des dysfonctionnements
04:22 qu'il faut pouvoir éclairer à travers l'enquête.
04:25 Ça n'enlève absolument rien à la perte de votre maman et je comprends,
04:27 vous me demandez ce que je ferais à votre place, je demanderais des réponses.
04:30 Je demanderais évidemment des réponses. Évidemment. Évidemment.
04:34 Et je les demanderais comme fils d'eux ou comme médecin d'eux.
04:37 Donc c'est normal, votre demande est totalement légitime.
04:41 Je vais pouvoir prendre la suite.
04:44 Moi, je suis la soignante, je suis infirmière anesthésiste depuis 20 ans.
04:48 Je travaille également dans le service du SMUR, qui est fermé depuis 3 ans dans mon hôpital,
04:53 qui plonge finalement le territoire de 560 000 habitants dans un accès aux soins dégradé.
05:03 C'est le mot qui revient quand on parle de l'hôpital, mais pas que,
05:07 puisque moi je travaille dans un hôpital public, mais je suis aussi très sensible
05:10 en lien avec la ville forcément, et donc c'est à la fois la ville et l'hôpital qui est complètement touché.
05:16 Je ne vais peut-être pas revenir parce qu'on n'a plus le temps.
05:20 Je vous remercie Cyril, je vais faire court.
05:23 Donc ça va mal, je crois qu'on ne va pas revenir là-dessus.
05:26 Je pense que vous serez d'accord avec moi, monsieur Véran,
05:29 que le système de santé aujourd'hui en France va très mal.
05:32 Il va mal depuis 30 ans, on le sait, mais moi ça fait 20 ans que je travaille,
05:36 je vois que le post-Covid a été particulièrement douloureux.
05:41 Donc moi j'ai une question, parce que vous voyez, il y a eu le Covid.
05:46 Vous avez demandé à vos soignants, vous étiez à l'époque ministre de la Santé, de mener la guerre.
05:53 C'est monsieur Macron qui a exprimé ce fait-là.
05:56 On n'est pas très sensible à la sémantique guerrière chez les soignants,
06:00 mais nous sommes des gens de devoir, on s'est dit qu'on allait au front.
06:09 On y est allé, on a fait ce qu'on avait à faire.
06:12 Je ne rentrerai pas dans la polémique, la polémique a déjà eu lieu du Covid, etc.
06:16 Mais factuellement, on est allé avec les moyens du banc,
06:20 et vous le savez, je ne vais pas revenir là-dessus,
06:22 sur la pénurie de masques, sur la pénurie des équipements de protection individuelle.
06:27 Donc les soignants, ils sont allés.
06:29 Moi j'ai vu, à titre personnel, des soignantes pleurer pour aller travailler dans les services.
06:34 Parce que moi j'ai de la chance, monsieur Véran, je suis infirmière anesthésiste.
06:37 Donc moi, de fait, j'avais le droit aux masques FFP2.
06:41 Donc j'ai vu cette difficulté, on a vu, mais on y est allé, on l'a fait.
06:46 Donc moi je suis assez sensible aussi, je vois que vous êtes sensible à la difficulté des uns et des autres.
06:52 Donc voilà, oui on a eu des sacs plastiques également.
06:56 Je ne vais pas m'étendre, je pense que vous en avez déjà assez entendu.
07:00 Moi la question, enfin, ce qui m'a le plus choquée à titre personnel,
07:04 c'est que vous voyez, nous les soignants, on accompagne des gens, comme vous,
07:08 on accompagne des familles, qui donc, voilà, sont amenées.
07:13 La mort c'est quelque chose qu'on traverse, moi ça fait 20 ans, c'est tous les jours,
07:18 je ne fais pas qu'intuber et ventiler les patients,
07:20 je peux aussi accompagner des gens en fin de vie, accompagner des familles.
07:23 Et alors vous voyez, pendant le Covid, ce qui s'est passé,
07:26 c'est qu'on n'a pas pu, dans certaines chambres, dans les chambres en général,
07:29 vous avez décrété, alors il y avait le principe de précaution.
07:32 Je sais, oui, c'était une période particulière, je l'entends très bien,
07:36 mais nous il a fallu qu'on fasse quelque chose qui nous a paru particulièrement inhumain.
07:41 Et on fait ce travail technique, c'est un travail que je fais très rigoureux,
07:46 mais néanmoins très humain.
07:48 Et c'est un petit peu ce qui anime tout le monde,
07:50 parce que tous les gens qui sont dans cette salle,
07:52 tous les millions de gens qui nous regardent,
07:54 ce qu'ils attendent de nous les soignants,
07:56 et nous les soignants potentiellement, on est des usagers, on est des patients,
07:59 c'est de l'humanité, de l'éthique dans ce que l'on fait.
08:02 Voilà, et bien vous voyez, à un moment donné,
08:04 quand on n'a pas pu accompagner les familles,
08:06 quand on a pu voir des familles qui n'ont pas pu,
08:09 qui ont été privées du rite funéraire,
08:13 qui n'ont pas pu accompagner, tenir la main de leurs proches,
08:17 et là je parle des parents avec leurs enfants,
08:22 des parents avec leurs parents, voilà.
08:25 - Des enfants.
08:27 - Vous m'avez compris, ça, ça a été particulièrement éprouvant.
08:32 Alors moi j'aimerais savoir ce que vous, en tant que médecin,
08:34 et vous l'avez répété, et je sais, vous êtes médecin,
08:37 il y a longtemps que vous n'êtes plus médecin, monsieur Véran,
08:39 mais vous avez été soignant.
08:40 - Il y a trois ans, je consultais encore l'hôpital.
08:42 - Alors vous consultiez, ben écoutez, je suis ravie de savoir
08:44 que vous avez encore cette sensibilité,
08:46 je m'adresse, et aussi à l'ancien ministre,
08:49 et aussi aux représentants du gouvernement, aux porte-parole,
08:52 parce que vous représentez ici quand même la puissance publique,
08:55 et c'est important, qu'est-ce que vous pensez de cette situation
08:58 qu'on a pu vivre ?
09:00 - Alors la question de l'hôpital aujourd'hui ?
09:01 - Ah non, spécifiquement sur le fait qu'on ait dû...
09:05 - Je voudrais, je voudrais, pardon, vous êtes venu avec une dame
09:08 que vous avez présentée comme une dame qui vous accompagnait,
09:10 qui est patiente.
09:11 - Alors je, non, on ne s'accompagne pas, j'ai préféré,
09:13 comme on a un temps assez court,
09:14 - D'accord, vous n'êtes pas venu ensemble.
09:16 - que son témoignage, peut-être qu'on ne se connaît pas.
09:18 - D'accord, parce que vous disiez que j'accompagne cette dame,
09:20 donc je pensais, et donc je voulais peut-être donner la primeur
09:22 de la réponse à cette dame sur l'état de l'hôpital et les difficultés.
09:24 - Mais allez-y, allez-y, vous l'avez fait tout à l'heure.
09:26 - Non, j'ai parlé de l'enquête et de la difficulté particulière.
09:29 - Ah oui.
09:30 - Vous avez dit des choses qui sont vraies d'ailleurs,
09:33 sur la détérioration des conditions de travail, la dégradation,
09:37 vous avez cité le mot "soins dégradés", "procédures dégradées"
09:40 dans les établissements de santé, les mots sont connus,
09:44 ils sont multifactoriels.
09:46 Moi, le principal, selon moi, c'est d'abord le manque de médecins,
09:50 parce que ça, ça parlera à tout le monde ici,
09:52 quel que soit le territoire où vous habitez aujourd'hui,
09:54 que vous alliez à l'hôpital ou en ville, on manque de médecins.
09:57 - Alors là, particulièrement, je vous arrête, là, il y a un manque de médecins,
10:00 mais il y a aussi un manque de soignants, alors les soignants sont des médecins.
10:03 Il y a une pénurie de personnel.
10:04 - Je crois que vous avez déjà dit...
10:05 - Je me permets, je me permets.
10:06 - Je vais en fait, je vais me permettre de faire deux phrases.
10:08 - Je vous en prie, je vous en prie.
10:10 - Donc, on manque de médecins, c'est le sujet numéro un,
10:12 parce qu'il y a beaucoup de lits dans les hôpitaux qui ferment
10:14 parce qu'il n'y a plus de médecins.
10:15 La psychiatrie, c'est même plus d'un poste sur trois qui n'est pas pourvu,
10:18 ça remonte à plusieurs années.
10:20 Et la cause, on la connaît, c'est qu'il y a eu une très mauvaise idée
10:24 dans les années 70 qui a consisté à empêcher des jeunes français
10:27 d'apprendre la médecine en France, c'était ce qu'on appelait le numerus clausus.
10:30 J'ai passé le concours de médecine à Grenoble en 1998,
10:34 on était moins de 4000 admis en deuxième année chaque année.
10:37 Au début des années 70, avant le numerus clausus,
10:40 on était monté à 12-13 000 par an.
10:42 Or, entre les années 70 et 98, la population avait augmenté de 15 millions,
10:46 on vivait 15 ans de plus et les technologies faisaient
10:49 qu'on avait encore plus besoin de soins et de consultations.
10:51 Donc, c'était une hérésie.
10:52 On l'a supprimée en 2018, il a fallu attendre 2018
10:55 et c'était un engagement de campagne d'Emmanuel Macron en 2017.
10:58 - Avec le numerus supertus.
10:59 - Et il faut 10 ans pour former des médecins.
11:01 Alors, cette année, on en forme à peu près 11 000,
11:03 on va en former encore davantage dans les années à venir
11:05 parce qu'il ne faut pas dégrader la qualité de formation.
11:07 Mais ça, il ne faut pas mentir aux gens, d'ailleurs on ne ment pas,
11:09 le président l'a dit lui-même le mois dernier,
11:10 il n'y a pas une solution toute faite du jour au lendemain.
11:12 Ça veut dire qu'il faut être capable d'innover
11:14 et d'être capable de faire notamment ce que font
11:16 beaucoup d'autres pays autour de nous,
11:17 donner des compétences supplémentaires à des soignants non médicaux
11:21 qui sont formés pour ça.
11:22 Je m'adresse à une infirmière anesthésiste,
11:24 vous êtes capable, vous avez des compétences d'ailleurs
11:26 supplémentaires par rapport à des infirmières non anesthésistes
11:29 en matière de prescription des aliments.
11:31 Je pense qu'il faut qu'on aille bien au-delà,
11:33 mais bien au-delà de ce qu'on connaît aujourd'hui
11:35 et je suis assez fier d'avoir pu booster...
11:37 - Dans la concertation, on est d'accord, et non dans le clivage.
11:39 - Oui, mais vous savez si la concertation, ça veut dire
11:40 on en reparle dans 10 ans, en fait, on n'a plus le temps.
11:42 - Non, alors déjà, je pourrais peut-être revenir sur le numérosus apertus,
11:44 mais c'est un débat un peu technique.
11:46 J'espère qu'on aura le nombre de médecins.
11:48 - Je vous dis, donc moi, je veux bien, par exemple,
11:50 sur la télémédecine, si vous voulez, ça faisait 10 ans
11:52 qu'on parlait de la télémédecine en disant qu'il fallait en faire.
11:54 - Mais ça m'a dégradée, la télémédecine, monsieur.
11:56 Vous l'avez mis en place par rapport au Covid.
11:58 - Juste, monsieur le ministre, monsieur Mélenchon,
12:00 moi, je pense d'abord au cas de Marie-Pierre
12:02 parce que ce n'est pas un cas isolé.
12:04 - Loin de là.
12:06 - J'ai eu de nombreux cas dans mon équipe.
12:08 - Et justement, c'est pour ça que je voulais partir
12:10 de la situation de Marie-Pierre, mais je ne voulais pas être impoli avec madame.
12:12 - Je vous en prie, mais...
12:14 - Mais bien sûr, mais le cas de Marie, il est typique.
12:16 Il est arrivé parce qu'aujourd'hui,
12:18 on va aller très clairement, on va aller droit au but,
12:20 clairement, aujourd'hui, il n'y a plus de personnel soignant.
12:22 - C'est ça. - Et vous le savez.
12:24 Il n'y a plus de médecins, vous le savez.
12:26 Il n'y en a plus en ville. - En fait, vous me dites que je le sais,
12:28 je voudrais juste répondre, pour de vrai, cette fois-ci.
12:30 - Oui, mais c'est important que les Français aussi entendent, monsieur Véran.
12:32 - D'accord. - Non, mais c'est important.
12:34 Parce que là, je vois que vous nous emmenez sur la télémédecine,
12:36 sur l'innovation. Moi, ce que je vois en tant que soignante...
12:38 - Vous voulez que je vous cite un exemple de blocage
12:40 quand on conserve trop longtemps ?
12:42 - Non, mais à un moment donné, les gens doivent savoir
12:44 qu'aujourd'hui, moi, je vis dans une structure
12:46 où on a fermé mon hôpital
12:48 trois jours durant parce qu'il n'y avait pas d'anesthésiste.
12:50 Alors, ça, c'est un fait.
12:52 Il faut que les gens entendent qu'aujourd'hui,
12:54 l'accès aux soins pour tous
12:56 n'est plus possible en France.
12:58 - D'accord. - Et ça, c'est très grave.
13:00 - On va aller sur... - À quel moment,
13:02 quand je dis qu'on manque de médecins dans notre pays,
13:04 ça contrevient au fait que vous ayez dû
13:06 fermer votre service pendant trois jours ?
13:08 - Ça contrevient. Je préfère dire ce que j'avais à dire.
13:10 - Non, ça ne contrevient pas. Ça va dans le même sens que vous,
13:12 ce que j'essaie de vous expliquer. - D'accord.
13:14 - Ensuite, sur les soignants non médicaux.
13:16 D'abord, les soignants, et je le dis,
13:18 parce que je le pense très sincèrement,
13:20 et ça contrevient aussi, ça contredit
13:22 ce qui a été dit tout à l'heure par monsieur,
13:24 notre hôpital a tenu à la force de ces soignants
13:26 et à la qualité de travail et de l'engagement de nos soignants.
13:28 Vous n'avez pas eu en France, comme dans certains pays,
13:30 y compris européens, des malades avec des bouteilles
13:32 d'oxygène dans les voitures au plus fort de la crise Covid.
13:34 Et le nombre de fois où on m'a annoncé que l'hôpital
13:36 allait s'effondrer, j'avais la confiance
13:38 dans nos soignants qui ont été remarquables du début à la fin.
13:40 Ils se sont fatigués. Il y a des soignants qui sont partis,
13:42 des soignants qui décident de faire autre chose.
13:44 Il faut le respecter, parce qu'on ne va pas forcer
13:46 les gens à continuer d'exercer quand ils sont fatigués.
13:48 Il y a des sujets d'attractivité des métiers,
13:50 avec des sujets de salaire,
13:52 avec le Ségur de la santé,
13:54 on a augmenté de 200 euros les salaires
13:56 de 2 millions de soignants dans notre pays.
13:58 - Excusez-moi, monsieur Véran, je vais quand même dire...
14:00 - Je vais terminer quand même, monsieur Goubelle.
14:02 - Non, mais attendez, je vais profiter, parce que moi,
14:04 quand vous dites que les soignants partent...
14:06 Je sais bien que ça vous déplaît, mais je suis bien obligée
14:08 de le dire, les soignants ne partent pas forcément
14:10 parce qu'ils sont juste fatigués,
14:12 ils partent parce qu'ils n'ont pas les conditions nécessaires
14:14 pour s'occuper, comme ils ne l'ont pas pu le faire
14:16 auprès de la maman de Marie, et c'est beaucoup plus grave.
14:18 - En fait, vous n'avez pas envie d'entendre ma réponse,
14:20 alors qu'elle va dans votre sens, c'est dommage.
14:22 - Mais moi, je préférerais qu'on entende la réponse
14:24 du terrain, monsieur Véran. - En tout cas, faites les questions
14:26 et les réponses. Vous m'avez interrogé, on va vous répondre.
14:28 - Un temps contraint, et qu'il est important aussi
14:30 que vous entendiez la réponse du terrain, monsieur Véran.
14:32 - Je vous dis que, madame, excusez-moi,
14:34 j'ai travaillé 15 ans de ma vie à l'hôpital.
14:36 - Si on est d'accord, c'est parfait. - J'ai travaillé 15 ans de ma vie
14:38 à l'hôpital public, j'ai dit tout à l'heure,
14:40 comme aide-soignant, comme médecin, je ne dis pas que j'ai la maîtrise
14:42 de l'hôpital public, mais je suis, je crois,
14:44 doté d'une expérience dans le monde hospitalier
14:46 qui fait que les problèmes ne me sont pas inconnus,
14:48 et je les reconnais. Vous avez face à vous un ministre
14:50 qui reconnaît les problèmes. - Vous avez commis des erreurs,
14:52 et on vous les pardonne, parce que nous sommes des soignants,
14:54 on peut pardonner les erreurs. Il y a eu des erreurs de commis.
14:56 - Je vais essayer. - Je voudrais dire un truc.
14:58 Le 31 décembre dernier, le centre hospitalier de Metz-sur-Ile
15:00 a annoncé que la quasi-totalité des infirmiers
15:02 aide-soignants épuisés ont été placés
15:04 en arrêt maladie. C'est un exemple.
15:06 Voilà, parce qu'on en parlait il y a un instant.
15:08 Aujourd'hui, il y a 27 000 lits qui ont fermé
15:11 dans les hôpitaux depuis 2013.
15:13 La dette des hôpitaux publics a atteint
15:15 30 milliards d'euros en 2020.
15:17 - Donc, Cyril, qu'est-ce qu'on fait ? - Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
15:19 - D'abord, il y avait un sujet de la tractivité salaire.
15:22 On a quand même fait un effort. Personne ne dit que c'est suffisant,
15:24 encore moins trop, mais 10 milliards d'euros par an
15:26 de hausse de salaire pour 2 millions de soignants,
15:28 c'est un effort qui n'avait jamais été fait.
15:30 - Il faut rappeler aux Français qu'on était dans la...
15:32 Il faut dire tout aux Français. Il faut dire que les soignants
15:34 étaient en dessous. On était les derniers depuis l'Europe.
15:37 Aujourd'hui, on est dans la moyenne. Donc oui, vous nous avez offert.
15:39 - Ça a été fait. - Ça a été fait. C'est vrai.
15:41 - C'est pas le contraire. Ensuite, on reprend beaucoup d'aides des hôpitaux
15:44 et on reconstruit ou on rénove 3 000 établissements hôpitaux et EHPAD
15:47 dans notre pays, ce qui ne prend pas, certes, 6 mois,
15:49 ce qui va prendre 10 ans, mais le financement, il est là.
15:52 Ensuite, il y a le sujet de l'organisation du travail.
15:54 Dans le Ségur, par exemple, les syndicats infirmiers m'ont demandé
15:57 la possibilité d'organiser certaines permanences de soins
15:59 par tranche de 12 heures plutôt que par tranche de 7 ou 8 heures.
16:02 Et donc, nous l'avons autorisé. Donc, le temps de travail
16:04 est en train de se réorganiser. Ensuite, on manque de soignants aussi,
16:07 pas que des médecins, mais on manque aussi de blouses blanches,
16:09 infirmiers et aides-soignants. On a augmenté, j'ai été ministre en charge,
16:12 de 30 % le nombre d'infirmières et d'aides-soignants en formation.
16:15 À la différence des médecins, c'est que c'est 2 ans et 3 ans
16:18 pour former des aides-soignantes et des infirmières, minimum,
16:21 mais donc, ça va plus vite que 10 ans, c'est-à-dire que des nouvelles promotions...
16:24 - Mais là, vous décrivez une réalité qui n'est tout autre, M. Véran.
16:27 - Ça veut dire que des nouvelles promotions de soignants boostés
16:29 avec davantage de formation vont arriver dans nos hôpitaux,
16:32 ce qui mettra un peu d'oxygène. Ensuite, il n'y a pas que ça,
16:36 encore une fois, il y a tout le travail en équipe,
16:38 la capacité à porter des projets, la bureaucratie tatillon,
16:41 les tâches administratives, les injonctions contradictoires
16:44 dans des hôpitaux qui sont de très grands établissements,
16:46 quel que soit leur statut, avec des sujets de gouvernance.
16:48 C'est pour ça que le président de la République a souhaité
16:50 remédicaliser davantage la gouvernance hospitalière,
16:53 sortir de la tarification à l'activité qui avait plongé le monde médical
16:57 et soignant dans une logique trop financier...
16:59 - Financiarisation, tout ça. - Financier, donc tout ça...
17:02 - On peut proposer autre chose. - Me parait, et comme médecin
17:04 et comme ministre, aller dans le bon sens. Encore une fois,
17:06 tout le monde ne peut pas, et je crois que tout le monde a conscience
17:08 du fait que tous les changements ne peuvent pas se voir
17:10 à l'aune de six mois ou d'un an, mais quand vous regardez
17:12 tous les changements qui ont été engagés, je rappellerai
17:14 que l'accord du Ségur a été signé par une majorité de syndicats,
17:17 ce qui est assez rare, y compris Force Ouvrière,
17:19 qui est un syndicat aujourd'hui dans la rue...
17:21 - Mais la réalité aujourd'hui, monsieur Véran, excusez-moi de vous couper,
17:23 c'est qu'aujourd'hui, les services d'urgence sont encore fermes,
17:27 et qu'aujourd'hui, l'accès aux soins, c'est pire qu'avant le Covid.
17:31 - Je ne dis pas que les choses sont déjà améliorées.
17:33 - Donc on n'est pas forcément sur une...
17:35 - Je veux dire qu'en médecine, on dit qu'il y a le traitement palliatif-curatif.
17:39 Le traitement palliatif, c'est d'être capable, vous l'avez dit vous-même,
17:42 de mettre en place de la télémédecine, vous avez dit que c'était palliatif,
17:45 ou d'être capable de penser... Et le traitement curatif, c'était, pardon,
17:48 juste former davantage de médecins et de soignants pour que demain,
17:51 on en ait davantage. Mais les services d'urgence qui manquaient d'urgentistes
17:54 hier, ce n'est pas parce qu'on a décidé il y a cinq ans de former
17:57 beaucoup plus d'urgentistes que les urgentistes ont déjà formé.
18:00 Donc c'est pour ça que ça prend du temps, mais là, on paye 40 ans de curif.
18:03 - On se retrouvera d'ici trois ans et j'espère que les faits vous donneront raison,
18:06 M. Véran, c'est un plan pour la santé des Français.
18:08 - Écoutez, j'espère que vous figurez que j'aime profondément, comme vous,
18:10 et je vous le reconnais, j'aime profondément l'hôpital et le système de la santé.
18:13 - A votre empathie envers les soignants, j'espère qu'ils vous entendront tous ce soir.
18:16 - Merci Christelle et Marie-Pierre.
18:18 [Musique]

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