Le romancier de 48 ans David Foenkinos sera à la tête de la 49e édition Prix du Livre Inter. Les candidatures se clôturent le 6 mars, le nom du lauréat sera proclamé le 5 juin. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-lundi-30-janvier-2023-3292189
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00:00 7h48, Léa Salamé, votre invitée ce matin, est la patronne du Livre Inter.
00:04 Bonjour Eva Béthan !
00:05 Bonjour !
00:06 Quel plaisir de vous retrouver ce matin.
00:08 C'est notre petit plaisir métronomique chaque année, vous voir débarquer dans la matinale
00:12 d'Inter avec le nom du nouveau président du jury du Livre Inter.
00:16 C'est le suspense chaque année.
00:17 On fait des pronostics avec Nicolas, on se trompe chaque année.
00:21 C'est vraiment systématique.
00:22 On se plante.
00:24 Bon alors cette année c'est qui ? Qui est l'heureuse élue ?
00:27 C'est David Fonquinos.
00:28 J'en suis très heureuse.
00:29 Après Jean-Christophe Ruffin, Leïla Slimani, Riyad Satou, Philippe Lançon, Daniela Ferrière,
00:34 Amine Malou, Jean-Marie Leclerc, Delphine de Vigan l'année dernière.
00:39 Pourquoi lui ? Pourquoi David Fonquinos ? Bonjour David !
00:42 Bonjour !
00:43 Vous savez c'est misérable.
00:44 Alors j'ai un petit papier mais il est très secret.
00:46 C'est « Liste des présidents possibles ». Et puis j'ajoute des noms.
00:49 Et puis il y a des signes cabalistiques, des choses que je mets.
00:52 Alors je pense que pour David Fonquinos, le déclic véritable s'est fait au moment
00:57 du livre Charlotte.
00:58 Parce que c'est un livre magnifique où il parlait de Charlotte Salomon, peintre de
01:03 26 ans, exterminée aux Juifs.
01:05 Mais qui venait après une idée qu'on avait à tort probablement de légèreté.
01:09 Et puis après il me fait rire avec autre chose.
01:11 Et je me suis dit mais qu'est-ce qu'il y a qui résiste et qui passe à travers tous
01:16 les livres ? Qu'il soit gay ou qu'il soit triste ? C'est une force de vie.
01:20 J'ai l'impression qu'il y a… Mais chacun, c'est très subjectif parce que c'est
01:25 en le lecteur aussi qu'on parle.
01:26 Il y a une force de vie.
01:27 Et il y a aussi, j'ai envie de dire, chez ce garçon, parce qu'il y a quelque chose
01:31 qui reste dans l'éternelle jeunesse.
01:33 J'ai l'impression qu'il ne s'est jamais remis de l'émerveillement d'avoir découvert
01:37 la lecture.
01:38 On va en parler parce que son rapport à la lecture est passionnant.
01:42 David Fonquinos, c'est donc vous le lauréat.
01:43 Vous avez accepté tout de suite la proposition indécente d'Eva Béthan ou vous avez tergiversé,
01:48 négocié ?
01:49 J'ai accepté immédiatement et je dois dire que j'en rêvais.
01:50 Pour moi c'est vrai que c'est un prix qui me fascine, que je trouve beau, qui est
01:53 démocratique, qui a permis de mettre en lumière tellement d'écrivains peu connus à l'époque
01:57 qui ont fait des carrières formidables.
01:59 J'ai découvert des livres, moi, des auteurs comme Kuruma par exemple, grâce au Prix Inter.
02:03 Donc c'est un immense privilège.
02:06 Et donc Eva, je vous remercie de vos signes kabbalistiques.
02:09 Et c'est vrai que vous écoutiez de la matinale chaque année l'annonce du Tézidan.
02:14 Oui, ça me fait bizarre.
02:15 Je me souviens très bien.
02:16 L'année dernière, Delphine de Vigan, Riyad Satouf, il y a 3-4 ans.
02:19 C'est vrai que c'est toujours un moment aussi très plaisant.
02:21 C'est une aventure collective.
02:23 Aussi Eva m'a raconté, c'est vrai que les membres du jury parfois se revoient encore
02:27 entre eux, vivent une aventure très forte d'échange autour de la littérature.
02:30 Donc je suis vraiment très heureux.
02:32 Et c'est la question que je pose chaque année au nouveau président ou à la nouvelle présidente.
02:35 Vous serez un président directif, autoritaire, jupitérien ou démocrate et horizontal ?
02:40 Je serai très autoritaire.
02:41 Ça va être très très dur cette année.
02:44 Honnêtement, je trouve ça tellement beau.
02:47 Je sais que les lecteurs, les jurys qui vont participer à ce prix, ils vont envoyer des
02:51 lettres de motivation, on va les lire.
02:53 C'est à monde de la littérature qu'on a envie de partager.
02:55 Un prix, c'est un échange.
02:56 Je vais être très heureux d'écouter la particularité de chacun et de chacune sur
03:03 les textes.
03:04 Et ça va être à mon avis un moment d'échange surtout.
03:07 Eva, comment se passent les délibérations qui font le sel de ce prix-là ? Est-ce que
03:13 ça vous est arrivé d'affaire ? Comme le dernier Goncourt, ils ont fait 14 tours de
03:16 scrutin, il a fallu la double voix du président pour que ça passe ou non ?
03:19 Dans le règlement, il est écrit que les deux premiers tours sont à la majorité absolue
03:25 et le troisième à la majorité relative.
03:27 Et c'est là où les gens commencent vraiment à négocier.
03:30 Ils se rendent compte que le livre… Mais ce qu'il y a de formidable, c'est que nous
03:34 on demande au président de ne pas utiliser leur voix double.
03:37 Donc on va faire des tours jusqu'à ce que…
03:39 Mais il a une voix double.
03:40 Il a une voix double, mais je le martyrise.
03:43 Je le mets en condition pour ne pas qu'il l'utilise.
03:45 J'espère vraiment ne pas avoir utilisé cette voix.
03:47 C'est-à-dire, comme il ne peut pas y avoir des échos, on est obligé de mettre la voix
03:52 double.
03:53 Mais l'idée de ne pas l'utiliser.
03:54 L'an dernier, il y a un juré, mais c'est les sorties du cœur vers la fin des délibérations,
03:58 il disait « mais dans la vie, ça devrait toujours se passer comme ça, parce que les
04:01 gens s'écoutent et il y a une sorte d'intelligence collective ». Alors il s'entretue par
04:05 moment pour des idées, mais on les pousse à se bagarrer.
04:08 Mais il y a un respect absolu de la parole d'autrui.
04:11 Eva, vous disiez de Delphine de Viguet l'année dernière que ce qui vous frappait chez elle,
04:15 c'était son rapport ahurissant au lecteur et à son public.
04:18 On pourrait dire exactement la même chose à David Funkynose qui continue, alors qu'il
04:22 n'est pas obligé puisqu'il a des chiffres de vente astronomiques aujourd'hui, il continue
04:25 à tisser un lien avec son public, à aller voir les jeunes dans les lycées.
04:29 Et c'est aussi ça qui m'interpelle beaucoup.
04:32 Par exemple, j'ai demandé à son auditeur des chiffres de vente.
04:34 Je suis frappée par le fait que, par exemple, le Mystère en ripic, si j'ai les chiffres
04:37 en tête, 178 000 exemplaires en édition blanche et 375 en poche.
04:43 Deux fois plus en poche.
04:44 C'est-à-dire que je me dis que ça veut dire que, et vous me direz si c'est une erreur,
04:49 mais que vous allez toucher des gens sur une longue durée et des gens qui n'ont peut-être
04:53 pas les moyens de l'acheter cher, mais qui vont l'acheter moins cher.
04:56 Et ça, je trouve ça extrêmement intéressant.
04:58 Est-ce que vous, qu'est-ce que vous sentez ? Qu'est-ce que vous renvoient les lecteurs ?
05:03 J'ai l'impression qu'il y a des choses, au moment où ils se reconnaissent en vous, mais
05:07 quoi ? C'est pas dans l'histoire, c'est dans quoi ? Dans quoi ils se reconnaissent ?
05:10 C'est difficile pour moi de définir ça.
05:12 En tout cas, ce qui me touche, moi, c'est que, après la délicatesse, on m'a dit "Voilà,
05:17 t'as eu un tel succès avec ce livre, tu dois toujours écrire ce même type de livre".
05:20 Et je suis à chaque fois allé dans des chemins très différents.
05:23 Vous parliez de Charlotte, qui a un livre très grave sur cette peintre allemande.
05:28 Ce qui me touche, c'est d'être suivi par des lecteurs en alternant des livres plus
05:32 graves, des livres plus légers.
05:33 L'importance, oui, d'aller voir les lecteurs.
05:35 Vous parliez justement de Charlotte.
05:37 J'ai eu la chance, je sais l'importance des prix littéraires, d'avoir le concours
05:41 des lycéens qui a un prix de lecteur aussi.
05:43 Il est beaucoup étudié à l'école, donc je vais en majorité beaucoup voir les lycéens.
05:49 C'est très important, parce que moi qui n'étais pas un lecteur en adolescence,
05:53 c'est magnifique de pouvoir échanger.
05:54 C'est ça que moi je trouve très intéressant, c'est votre rapport à la lecture, David
05:57 Fankinos, qui est passionnant.
05:58 Jusqu'à 16 ans, vous étiez le prototype, dites-vous, du non-lecteur, celui qui se force
06:02 à lire les bouquins pour l'école et qui n'aime pas ça.
06:04 Et puis à 16 ans, vous vous retrouvez à l'hôpital pour une infection sévère, vous
06:08 avez failli mourir à ce moment-là.
06:09 Et là, qu'est-ce qui se passe ?
06:11 Comme quoi, on peut ne pas aimer lire et devenir président du Livre Inter, donc c'est
06:15 beau.
06:16 Mais en tout cas, moi je n'étais pas issu d'un milieu culturel, mais évidemment,
06:20 j'ai passé de longs moments à l'hôpital, j'ai failli mourir.
06:22 Et c'est vrai qu'à ce moment-là, on était en 1991, donc sans la possibilité
06:27 d'ouverture sur le reste du monde.
06:29 Et c'est vrai que les livres m'ont sauvé, m'ont consolé, m'ont accompagné, m'ont
06:33 fait voyager de ma chambre.
06:34 Et c'est vrai, je suis devenu boulimique de lecture à ce moment-là.
06:38 J'ai lu beaucoup de littérature russe.
06:40 Après, je suis parti d'ailleurs voir la maison d'Ostoyevski à Saint-Pétersbourg,
06:44 Albert Cohen pour sa langue, pour son humour, Romain Garry, Kafka, Kundera, que j'ai
06:50 eu la chance après de rencontrer.
06:51 Voilà, souvent d'ailleurs, les auteurs d'une vie sont ceux qu'on rencontre, je
06:55 trouve, entre 15 et 25 ans.
06:56 Saskia de Ville : Vous avez raison.
06:57 Et un jeune aujourd'hui qui serait un prototype de non-lecteur comme vous, vous lui conseilleriez
07:01 quoi pour tenter la littérature ?
07:03 Je trouve que La promesse de l'aube, c'est un livre absolument merveilleux pour commencer
07:08 à lire parce que c'est à la fois tellement romanesque, c'est une ouverture sur la
07:12 vie, le rêve, le monde, et puis en même temps la langue est d'une si grande beauté.
07:16 Oui, la mère, toujours Eva.
07:20 Oui, la mère, toujours la mère Eva, bien sûr.
07:24 On va avoir une belle relation Eva et moi.
07:26 On vous la laisse.
07:28 Vous goût littéraire, David Fonckinos, vous aimez les écrivains qui décrivent l'époque
07:32 comme des pentes, comme Houellebecq, ou ceux qui vous emmènent dans un monde imaginaire,
07:37 qui vous sortent de l'époque justement ?
07:38 Je pense les deux en fait.
07:40 On alterne des moments, on a besoin d'être en phase avec la vie, la compréhension du
07:43 monde et les écrivains ont cette force et cette lumière et en même temps j'ai besoin
07:47 d'évasion.
07:48 Mon écrivain préféré c'est Philippe Ross.
07:50 Donc on est vraiment dans les deux.
07:52 C'est-à-dire à la fois le portrait de l'Amérique et du contemporain et en même
07:57 temps la puissance de la fiction.
08:00 Vous avez déclaré dans une interview « le livre que j'aurais aimé écrire c'est
08:03 la vie sexuelle de Catherine M.
08:05 Vous David ? »
08:06 Alors vraiment, vous le garçon sage, j'étais chic depuis dix minutes et puis voilà quoi.
08:12 Je n'y croyais pas.
08:13 Mais c'est une boutade.
08:14 Le livre que vous aimeriez écrire, « La vie sexuelle de Catherine M.
08:18 », je pense que ça devait être une blague.
08:19 Vous avez une tendance pour les numéros deux, les médias d'argent, ceux qui voient
08:23 le succès leur passer sous le nez.
08:24 Vous savez que c'était votre dernier livre d'ailleurs.
08:27 Oui, c'est sur le casting d'Harry Potter, celui qui n'a pas été choisi.
08:30 Vous savez qu'au Livre Inter il n'y a qu'une numéro un, c'était Eva Bettenc.
08:34 Vous êtes une femme, vous vous contentez d'être numéro deux.
08:37 Eva, pour terminer, comment ça se passe ? Je voudrais juste redire que c'est un livre
08:41 qui est un prix extrêmement prescripteur.
08:43 C'est-à-dire que celui qui a le prix a minimum 60 000 ventes.
08:46 J'ai vu dans les dernières années, même 80.
08:48 Ça peut être beaucoup plus pour certains.
08:50 Comment ça se passe ?
08:52 Il y a deux opérations simultanées.
08:56 Nous lançons aujourd'hui l'appel à candidature.
08:58 Donc vous qui nous écoutez, écrivez-nous.
09:00 Vous avez deux manières d'écrire.
09:01 Soit vous allez sur notre site internet franceinter.fr et vous laissez guider jusqu'à Livre Inter.
09:07 Soit par courrier.
09:08 Vous notez l'adresse ? Livre Inter, France Inter, 116 avenues du président Kennedy,
09:14 75-220 Paris, Sédex, 16.
09:17 Et vous avez jusqu'au 16 mars inclus.
09:19 Mais vraiment, vous nous écrivez comme une vraie lettre.
09:21 On n'écrit plus de lettres aujourd'hui.
09:23 Vous avez la chance.
09:24 Et on vous dit « parlez-nous de vous ». Personne, à part votre psy, vous dira « parlez-vous
09:27 de vous ». Donc nous, nous sommes là.
09:29 Et simultanément, je demande à une cinquantaine à soixantaine de critiques de me donner
09:34 la liste de leurs romans écrits en français préférés.
09:37 Et là, vous en sélectionnez 10.
09:38 Voilà.
09:39 Et je mets des bâtons.
09:40 Et les titres qui sont le plus cités forment la liste.
09:43 Voilà.
09:44 On a compris.
09:45 On va aller sur le site.
09:46 Et comme chaque année, vous aurez plein plein de lettres.
09:47 Mais bien sûr.
09:48 Et elles sont en général formidables.
09:49 Merci à tous les deux.
09:51 Et on vous retrouve donc dans quelques semaines pour savoir qui sera le lauréat du prix Inter
09:56 cette année 2023.
09:57 Merci David Fankinos.
09:58 Merci Eva Beydetan, belle journée à vous deux.