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Jean-Emmanuel Bibault, radiothérapeute en cancérologie à l’hôpital Pompidou de Paris, est l'invité de Lionel Gougelot à l'occasion du vendredi thématique sur les impacts de l’intelligence artificielle sur notre quotidien et sur notre santé.

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Transcription
00:00 7h, 9h, Lionel Gougelot.
00:04 8h45 sur Europe 1, les vendredis thématiques de la rédaction d'Europe 1.
00:08 Vous le savez, on se penche aujourd'hui sur les grands défis et l'avenir de l'intelligence artificielle.
00:13 L'un des domaines dans lesquels elle va provoquer une véritable révolution, c'est la médecine.
00:17 On va en parler avec vous Jean-Emmanuel Bibaud. Bonjour.
00:20 Vous êtes radiothérapeute en cancérologie à l'hôpital Georges Pompidou.
00:23 Vous avez beaucoup travaillé sur ce sujet.
00:25 Vous publiez un livre, 2041, l'Odyssée de la médecine, comment l'intelligence artificielle bouleverse la médecine.
00:32 C'est publié aux éditions des Équateurs.
00:34 Et dès le début de votre livre, Jean-Emmanuel Bibaud, vous annoncez la couleur.
00:37 Vous dites "Aujourd'hui, je suis convaincu que l'intelligence artificielle bouleversera profondément la façon d'exercer notre métier de médecin
00:44 et améliorera le devenir des patients.
00:47 Nous sommes en passe d'inventer des machines qui nous soigneront mieux que nous sommes capables de nous soigner nous-mêmes.
00:52 La machine se dressera bientôt contre la maladie avec une implacable efficacité."
00:58 Là, vous parlez au futur, mais cette intelligence artificielle, elle existe déjà dans la pratique médicale ?
01:03 Absolument. Depuis quelques années, ça fait 3-4 ans, elle s'est déjà imposée dans plusieurs domaines en médecine.
01:10 Par exemple, en radiologie, il y a pas mal d'algorithmes qui analysent déjà certaines radiographies
01:16 pour vérifier qu'il n'y a pas de cassures ou de fractures, des choses comme ça.
01:19 Pardonnez-moi, je vous interromps tout de suite, ça veut dire quoi un algorithme qui vérifie qu'il n'y a pas de...
01:24 En fait, quand on parle d'intelligence artificielle, ce sont des algorithmes qu'on appelle d'apprentissage profond très souvent.
01:30 Ce sont des réseaux neuronaux artificiels.
01:32 Le deep learning, comme on dit.
01:33 C'est exactement ça.
01:34 Ce sont les mêmes algorithmes qu'on a sur Facebook ou sur Google pour faire de la reconnaissance d'objets sur des images ou de visages,
01:39 quand on met les noms de ses amis sur les photos.
01:42 Et donc, ces algorithmes-là sont utilisés cette fois-ci pour vérifier, par exemple, qu'il n'y ait pas de fractures,
01:46 qu'il n'y ait pas d'infections pulmonaires ou pas d'épanchement, des choses comme ça.
01:49 Et en quoi c'est plus efficace que l'œil humain sur une IRM ?
01:52 Alors, c'est intéressant parce qu'en fait, ça peut être plus rapide, c'est quasi instantané.
01:57 Et puis, ça permet parfois de ne pas passer à côté de petites choses sur lesquelles l'œil humain n'aurait pas forcément "tilté".
02:04 Et donc, ça permet d'attirer l'attention du radiologue parce qu'il faut quand même savoir qu'à l'heure actuelle,
02:08 tout ce qui est fait par l'IA est toujours vérifié ensuite par un radiologue ou un médecin humain.
02:13 Donc ça, ça existe déjà en ce moment dans les centres hospitaliers ?
02:18 Absolument, et c'est déjà même utilisé pour faire certains traitements en radiothérapie par exemple.
02:22 On a déjà des algorithmes qui vont aider à faire le ciblage de la tumeur qu'on va traiter par le rayon.
02:27 Et en fait, on passe maintenant d'un ciblage qui prenait parfois plusieurs heures à faire manuellement,
02:32 à maintenant 2 à 3 minutes qui est fait par l'algorithme et qui est toujours ensuite vérifié par l'humain.
02:37 Mais ça nous fait gagner beaucoup, beaucoup de temps.
02:39 Là, on est au stade, dans l'exemple que vous nous donnez, du diagnostic.
02:44 Mais il n'y a pas que le diagnostic qui va être amélioré par l'intelligence artificielle.
02:48 Il y a la prévention, il y a le traitement.
02:51 Exactement, oui. En fait, quand on utilise de l'IA en médecine, on peut faire soit ce que l'humain sait faire,
02:56 donc c'est typiquement de la perception, donc de la radiologie ou de l'analyse de biopsie comme on l'a dit.
03:01 Mais on peut aussi faire de la prédiction.
03:04 Et donc la prédiction, ça va être la capacité à savoir l'évolution d'une maladie ou alors le risque de développer une maladie.
03:11 Et donc, on peut, si on connaît ce risque, adapter éventuellement des mesures de dépistage
03:16 ou changer des comportements pour éviter la maladie avant qu'elle n'apparaisse.
03:20 De la même façon, sur les traitements eux-mêmes, si on arrive à prédire à l'avance les chances de guérison de quelqu'un,
03:25 peut-être que par exemple, s'il a de très, très bonnes chances de guérison,
03:28 on va faire des traitements qui sont moins lourds, qui auront donc moins de séquelles.
03:31 Et donc, on va faire ce qu'on appelle de la personnalisation des traitements.
03:34 C'est-à-dire qu'on ne va pas appliquer à tout le monde exactement la même chose,
03:37 mais on va personnaliser les choses pour essayer de maximiser les chances de guérison
03:41 et de minimiser les risques de séquelles.
03:44 Est-ce que cette intelligence artificielle est d'une certaine façon "condamnée" à être maîtrisée par tous les médecins à l'avenir ?
03:56 En fait, il y a un vrai enjeu sur la formation des médecins à l'utilisation de ces outils-là.
04:01 L'IA, c'est un outil, au même titre, je le dis souvent, que le stéthoscope.
04:05 Ça fait partie de l'arsenal thérapeutique du médecin, ça va faire partie de plus en plus.
04:09 Et il va falloir former les médecins à bien l'utiliser, à bien la contrôler,
04:13 et puis à bien comprendre aussi, à minima, comment elle a été faite, pour pouvoir juger de sa qualité, tout simplement.
04:19 Et donc, la faculté Paris-Cité, où je suis, a lancé notamment le département d'IA en santé,
04:24 qui est un des premiers de France, qui forme entre autres les médecins à l'IA,
04:27 mais aussi, par exemple, les ingénieurs au métier de la santé.
04:29 Quels sont les progrès, quelles sont les découvertes auxquelles il faut s'attendre pour l'avenir ?
04:35 Dans l'avenir, les principaux points, ça va être avant tout en radiologie.
04:39 On va continuer à avoir de plus en plus d'IA, notamment pour le dépistage automatisé,
04:43 par exemple du cancer du poumon, ou alors du cancer du sein sur l'hématographie.
04:47 Et puis, on va aussi avoir sur ce qu'on appelle l'anatomopathologie,
04:50 c'est-à-dire un grand mot pour dire l'analyse sous microscope des biopsies.
04:54 Quand on a une suspicion de cancer, on va aller prendre un petit morceau de l'anomalie,
04:58 et puis on va l'analyser sous microscope par un médecin,
05:00 et on va regarder les caractéristiques des petites cellules, pour voir si elles ont l'air d'être cancéreuses.
05:05 Eh bien ça, c'est une tâche de perception qui va être faite de plus en plus par de l'intelligence artificielle,
05:10 et qui va permettre d'accélérer énormément ce type de processus-là.
05:13 - Vous qui êtes médecin, Jean-Emmanuel Buveau, est-ce que, pardonnez-moi la question,
05:19 mais est-ce que vous vous sentez pas un petit peu dépossédé de votre art ?
05:24 - Alors, c'est vrai qu'il y avait cette question un petit peu de la réticence, on va dire, des médecins,
05:28 il y a encore, je pense, 10-15 ans, peut-être un peu moins.
05:32 On sent véritablement que cette réticence, elle est en train de disparaître.
05:36 Dès qu'on parle d'IA maintenant à l'hôpital, tout le monde...
05:38 - Pourquoi ? Parce qu'il y a des résultats concrets ? Des arrêts concrets ?
05:41 - Et les médecins sentent bien que l'IA est développée pour le bénéfice du patient.
05:47 Et en fait, bien entendu, le but d'un médecin, c'est de guérir le plus possible ses patients.
05:51 Et donc il y a une vraie excitation, au contraire, actuellement,
05:53 au lieu de la réticence qu'on pouvait rencontrer avant, sur ces outils-là,
05:56 pour pouvoir s'en servir au bénéfice des patients.
05:59 - Oui, mais comment le médecin que vous êtes, alors vous vous êtes convaincu,
06:04 comment les confrères peut-être, peuvent-ils être convaincus finalement de la perspicacité,
06:11 de la pertinence d'un diagnostic par intelligence artificielle ?
06:15 Il peut toujours y avoir une zone d'ombre, une incertitude ?
06:18 - Absolument. Alors ça, c'est vraiment un thème très très important en IA,
06:22 particulièrement appliqué à la médecine.
06:24 C'est le fait qu'on puisse faire confiance ou pas à ce qui est fait par l'algorithme.
06:27 Très souvent, c'est difficile de faire confiance parce que l'algorithme vous donne une réponse
06:30 ou un diagnostic, mais vous ne donne pas les raisons pour lesquelles il a pris cette décision,
06:33 par exemple, et ça, c'est un vrai problème.
06:35 Maintenant, on a des méthodologies, ça fait plusieurs années,
06:38 qu'on appelle des méthodologies d'interprétabilité,
06:41 c'est-à-dire que l'algorithme, l'IA, vous donne le résultat,
06:44 mais aussi les raisons pour lesquelles il pense qu'il y a un tel ou tel diagnostic.
06:48 Et donc, le médecin peut juger la pertinence de ces raisons-là,
06:51 par exemple pour voir si ça correspond à son intuition médicale.
06:54 Et donc, on a déjà des outils qui permettent d'aller un peu au-delà de ces problématiques-là.
06:58 - Alors maintenant, moi je me mets du côté, du point de vue du patient.
07:01 Est-ce que là aussi, ce n'est pas une source de réticence, d'interrogation,
07:07 moi-même en tant que patient, est-ce que je fais plus confiance à la machine
07:11 sous intelligence artificielle, plutôt qu'au médecin que je connais,
07:14 avec lequel j'ai une relation de confiance, et dont j'ai la certitude qu'il a
07:18 les capacités pour traiter la maladie dont je suis atteint ?
07:21 - Absolument. Alors ça, c'est aussi quelque chose qui est en train de vraiment beaucoup évoluer.
07:25 Les gens sont en train de comprendre que l'IA ne va pas remplacer le médecin totalement.
07:29 Je pense que ce n'est pas le but du tout.
07:31 Ce n'est pas le but des chercheurs qui travaillent sur ces thématiques-là.
07:34 L'IA va devenir un outil, et paradoxalement, va renforcer la relation humaine
07:39 entre le médecin et son patient, parce que tous les actes techniques
07:42 dont on a parlé, sur la radiologie, la radiothérapie, etc.,
07:46 vont être faits de plus en plus de façon automatisée,
07:49 et donc ça va libérer du temps pour la consultation, pour la relation médecin-patient.
07:53 Et donc, au contraire, ce qu'on va voir, alors qu'on s'attendait un peu à l'inverse,
07:56 en réalité, on va voir, et ça a été montré dans pas mal de papiers
07:59 faits par des équipes qui s'intéressent à cette thématique-là,
08:01 probablement que l'aspect humain de la médecine,
08:04 paradoxalement, va être très renforcé,
08:06 parce que toute la technique va être diminuée dans l'emploi du temps du médecin.
08:10 Mais il restera donc cette relation de confiance...
08:16 - Obligatoire, enfin.
08:18 - Elle est essentielle. Évidemment qu'on ne peut pas imaginer
08:20 qu'un patient soit intégralement "traité" par une intelligence artificielle.
08:25 Mais je prends aussi souvent cet exemple-là,
08:28 qui est un peu caricatural, mais qui donne quand même une idée.
08:30 Imaginons qu'en 2041, justement, on ait un système chirurgical automatisé
08:35 qui vous donne d'excellentes chances de guérison, à dire 95%,
08:38 et qu'à côté, vous savez que le chirurgien,
08:40 alors je prends l'exemple de la chirurgie, mais ça peut être d'autres exemples,
08:42 que le chirurgien humain donne de moins bons résultats, par exemple 80%,
08:46 je pense qu'on est tous d'accord, moi le premier,
08:48 que j'aurais tendance à choisir la machine pour être certain qu'elle va me donner les meilleures chances.
08:52 C'est ça qui va se poser la question.
08:53 - C'est comme dans tout, ce sont les résultats qui finalement accréditeront le système,
08:59 d'une certaine façon.
09:01 L'intelligence artificielle, Jean-Emmanuel Bibaud,
09:04 ce sont des logiciels, des algorithmes, des programmes, que sais-je,
09:09 pardonnez-moi si je n'utilise pas les termes très précis,
09:12 tout ça, ça coûte cher ?
09:14 Alors, en fait, pour équiper les services des hôpitaux,
09:17 à créer, paradoxalement, ça ne coûte pas très très cher,
09:21 parce que ça coûte du temps de calculateur, grosso modo,
09:24 et puis du temps humain pour les faire, parce que ce n'est pas de la magie,
09:26 derrière il y a beaucoup de recherche, beaucoup d'humains qui les font.
09:29 Par contre, c'est vrai que pour équiper les hôpitaux, ça a un certain coût,
09:33 et je pense que ce coût, on l'a vu pour d'autres techniques,
09:36 va diminuer avec le temps.
09:38 Plus les techniques vont se généraliser, plus les prix vont baisser.
09:42 Donc à l'heure actuelle, c'est encore relativement cher,
09:44 mais je pense que d'ici 5-10 ans, ça va se généraliser,
09:47 et puis il va y avoir des mécanismes de remboursement qui vont être mis en place par les CPM, etc.
09:52 Et donc les choses vont se démocratiser, c'est indubitable.
09:55 - Je vous pose la question, parce que vous êtes bien placé pour le savoir, j'imagine,
09:58 l'hôpital français, le système hospitalier français est en crise,
10:02 est-ce que les comptes sociaux peuvent se permettre d'investir massivement
10:06 dans les différents outils de l'intelligence artificielle
10:09 pour améliorer les diagnostics, la prévention et les traitements ?
10:13 - Je pense qu'ils le peuvent, et surtout ils le doivent.
10:15 Parce que comme on l'a expliqué, prenons l'exemple des scanners thoraciques,
10:19 donc scanners des poumons pour voir si vous avez un cancer du poumon.
10:21 À l'heure actuelle, il faut que le radiologue lise les 500 coupes de scanner,
10:25 et ça lui prend énormément de temps.
10:27 Et donc c'est un peu un problème.
10:29 Il est préférable d'avoir une IA qui va pouvoir le faire de façon plus rapide,
10:32 et ensuite le radiologue va pouvoir le faire lui-même aussi de façon beaucoup plus rapide,
10:36 et donc ça va libérer du temps de médecin.
10:38 Et donc il va falloir repenser la façon dont on attribue les ressources financières,
10:42 et aussi les ressources de temps, d'organisation de l'hôpital entre autres.
10:46 Donc non seulement je pense qu'ils peuvent, mais surtout ils doivent,
10:49 parce qu'en réalité ça va libérer du temps médical pour d'autres choses.
10:52 Par contre ce qu'il ne faut pas faire, c'est qu'on se dise
10:55 "Ah bah j'ai acheté mon système d'IA, donc j'ai pas besoin d'employer plus de médecins."
10:59 Ça c'est le gros risque à mon avis, c'est-à-dire qu'on se dise...
11:02 - Oui, il ne faut pas que la machine emplache l'homme quoi !
11:04 - En fait c'est pas ça qu'il va falloir faire, il va falloir acheter ces systèmes-là,
11:07 avoir plus de temps pour les médecins, pour qu'ils voient plus de patients,
11:10 et mieux les patients, mais il ne faut pas que ça se fasse au détriment
11:13 de la "force médicale humaine" entre guillemets.
11:16 - Et paramédicale.
11:18 Cet avenir de l'intelligence artificielle,
11:21 elle est déjà enseignée, il est déjà enseigné à la faculté ?
11:25 - Oui absolument, donc par exemple à l'Université Paris Cité,
11:27 on a un département d'IA qui ne fait que ça,
11:29 et qui a l'originalité d'enseigner d'une part l'IA aux médecins,
11:33 mais aussi la médecine entre guillemets aux ingénieurs et aux chercheurs sur l'IA.
11:37 Donc on essaie de créer ces interactions-là pour les systèmes d'IA du futur.
11:40 - La médecine de l'avenir grâce à l'intelligence artificielle.
11:43 Merci infiniment Jean-Emmanuel Bibaud, je rappelle le titre de votre livre,
11:47 "2041, l'Odyssée de la médecine, comment l'intelligence artificielle bouleverse la médecine".
11:52 C'est aux éditions des Équateurs.

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