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Transcription
00:00 et pour en parler avec nous, Emmanuel Maître, chargé de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique.
00:04 Bonjour, merci d'être avec nous.
00:07 Ce rapport des scientifiques qui décident effectivement d'avancer de 10 secondes à nouveau,
00:12 donc cette horloge de l'apocalypse, pointe des dangers croissants de la guerre en Ukraine
00:17 et le risque accru d'une escalade nucléaire.
00:20 On n'a jamais été aussi près, semble-t-il, de l'apocalypse.
00:22 Ça veut dire qu'on est tout proche aujourd'hui d'une destruction mutuelle des grandes nations du monde.
00:29 Bonsoir, en effet, c'est ce que semblent pointer les scientifiques qui gèrent cet outil
00:35 qui permet de comparer un petit peu l'évolution du risque avec, en tout cas,
00:39 une situation qui est perçue dans laquelle deux puissances nucléaires majeures
00:43 sont dans des rapports extrêmement conflictuels et, pendant une période longue,
00:50 menacent, en tout cas, utilisent des propos vraiment assez…
00:54 qu'on n'avait pas vus depuis très longtemps concernant l'usage d'un homme nucléaire.
01:00 Oui, on n'avait jamais vu ça, même durant la crise des missiles à Cuba.
01:02 C'est dire si aujourd'hui, on est effectivement dans une situation particulièrement périlleuse.
01:06 Mais quel est le degré scientifique, d'une certaine manière, du constat de ces scientifiques ?
01:11 Il faut dire que figurent parmi les membres du bureau de ce bulletin 13 anciens Nobels.
01:17 Oui, tout à fait, c'est un groupe assez éminent, d'ailleurs, qui a été fondé,
01:21 y compris par des personnalités qui avaient été liées au programme Manhattan,
01:24 donc de construction de la bombe atomique aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.
01:29 Vraiment des personnalités respectées qui ont une méthodologie
01:32 qui leur permet d'effectuer ce calcul.
01:34 Alors, évidemment, c'est avant tout un outil pour alerter, pour sensibiliser l'opinion publique.
01:38 Ce qui est certain, c'est qu'en ajoutant également différents facteurs,
01:42 vous en avez parlé, le changement climatique, la santé globale, etc.,
01:47 on aboutit forcément à un diagnostic de plus en plus compliqué
01:51 et on se rapproche de cette fameuse apocalypse.
01:53 Donc c'est vrai qu'il y a une méthodologie, il y a des critères,
01:57 mais il y a aussi une extension peut-être du champ d'action
01:59 qui a fait que la situation n'a fait que se détériorer depuis les années 90.
02:04 Le fait que nous soyons entrés avec la fin de la Guerre froide dans un monde multipolaire,
02:07 avec des puissances qui, non seulement disposent de l'arme nucléaire,
02:11 mais d'une certaine autonomie stratégique aujourd'hui,
02:13 on n'est plus dans une logique de bloc,
02:14 ça accentue aussi le risque d'usage, de main, d'engagement de cette force nucléaire ?
02:20 On l'a longtemps pensé et c'est vrai que quand on imaginait encore il y a quelques années
02:25 quels étaient les points chauds sur lesquels une arme nucléaire malheureusement pourrait être employée,
02:29 on pensait beaucoup à des théâtres régionaux,
02:32 par exemple l'Inde ou le Pakistan, la péninsule coréenne.
02:34 Finalement ce qu'on voit aujourd'hui et cette année,
02:36 c'est que cette rivalité historique qui avait caractérisé la Guerre froide
02:41 entre les deux grandes puissances et même superpuissances nucléaires
02:45 que restent aujourd'hui les États-Unis et la Russie,
02:47 c'est finalement aujourd'hui de là d'où vient ce qu'on perçoit comme le danger principal.
02:52 On pourrait dire que ce sont des risques qui se sont ajoutés.
02:55 À la fois on garde cette rivalité qui est construite sur des arsenaux conséquents en éco-nucléaire
03:03 et puis on a aussi d'autres situations régionales qui accroissent le danger.
03:08 La dissuasion reposée jusqu'à présent sur encore une fois des blocs
03:11 qu'on croyait soumis à des logiques rationnelles,
03:13 aujourd'hui on a un véritable doute,
03:15 d'autant qu'on a affaire à de nouvelles puissances nucléaires
03:17 comme la Corée du Nord ou supposées comme telles,
03:19 à des puissances du seuil comme l'Iran qui sont régies semble-t-il par d'autres logiques,
03:24 parfois religieuses ou qui dépassent notre rationalité,
03:28 disons à nous occidentaux, j'ai envie de vous dire.
03:31 Ça là aussi ajoute une composante, une part d'inquiétude aujourd'hui ?
03:37 Je dirais oui et non.
03:38 Enfin évidemment déjà plus il y a d'acteurs, plus on peut supposer qu'il y a un risque,
03:42 plus il y a des logiques en plus qui peuvent être triangulaires
03:45 avec des actions-réactions entre différents pays.
03:48 Je pense par exemple à la Corée du Nord
03:50 qui va réagir à ce que font les États-Unis dans le Pacifique
03:53 mais qui sont aussi influencés par l'arsenal chinois,
03:56 donc c'est des logiques un peu compliquées.
03:58 Après sur les aspects de rationalité,
03:59 c'est des choses qui sont importantes à regarder et qui peuvent en effet inquiéter,
04:03 mais il faut se souvenir que pendant la guerre froide par exemple,
04:05 on a eu des moments avec l'administration Nixon
04:08 où justement le président américain lui-même essayait de mettre en doute,
04:12 ou de laisser entendre que sa rationalité n'était pas forcément tout à fait entière
04:17 pour justement faire peur et un peu créer le doute chez l'adversaire.
04:20 Donc je crois que ce jeu de la dissuasion n'a jamais non plus été totalement limpide
04:24 ou sans danger à un moment, même pendant la guerre froide.
04:27 Il y a des moments où cette fameuse, d'ailleurs,
04:29 horloge de l'apocalypse s'est rapprochée aussi de minuit.
04:32 Donc je pense qu'il y a toujours eu des périodes où évidemment
04:36 ce mécanisme de dissuasion a été perçu et a été particulièrement dangereux.
04:41 Il existe dans tous les pays qui disposent aujourd'hui de l'arme nucléaire
04:45 une doctrine qui rend prévisible l'usage de cette force
04:48 et des degrés de validation qui la aussi permettent d'anticiper,
04:51 ou bien ce n'est pas le cas aujourd'hui, on est à l'aveugle sur un certain nombre de ces pays ?
04:56 Alors tous les pays ont une doctrine qui est plus ou moins précise,
05:00 mais en fait évidemment dans chaque doctrine il y a une part d'ambiguïté,
05:03 puisque c'est un peu le fonctionnement même de la dissuasion nucléaire,
05:06 et même pour un pays comme la France de laisser planer une forme de doute
05:09 sur le seuil précis dans lequel on serait amené à envoyer l'arme nucléaire.
05:13 Donc ça c'est une chose, donc des doctrines qui peuvent être précises,
05:17 dans lesquelles il y a une part d'ambiguïté, et après la question supplémentaire
05:19 c'est dans quelle mesure ces doctrines sont crédibles ou en tout cas crues par l'adversaire.
05:23 Et ça c'est je dirais un petit peu la manière dont elles sont perçues et reçues de l'autre côté,
05:28 et qui fait que pour certains pays on a vraiment des interrogations,
05:33 les experts mais aussi les dirigeants politiques
05:36 s'interrogent sur la véracité des doctrines annoncées.
05:38 Donc par exemple dans le cas de la Russie,
05:40 s'il y a une doctrine très claire qui dit que la Russie se servirait de ses armes nucléaires
05:44 uniquement pour défendre vraiment sa souveraineté dans des cas d'extrême légitime défense,
05:48 on a pu se demander notamment, au vu des déclarations politiques de l'année,
05:52 si elle n'était pas prête à en faire un usage beaucoup plus précoce dans le cadre d'un conflit.
05:56 Merci Emmanuelle Maître d'avoir été avec nous,
05:58 voilà pour cette horloge de l'apocalypse qui est particulièrement inquiétante aujourd'hui.

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