• il y a 4 ans
“Il y a eu deux grands projets que l’on peut qualifier d’utopiques au 20ème siècle : Brasilia et Chandigarh“, explique François Laffanour. Fasciné par la création de la capitale du Pendjab indien supervisée par Le Corbusier, le fondateur de la galerie Downtown, située rue de Seine à Paris (6ème), met à l’honneur dans sa nouvelle exposition le mobilier créé à cette occasion par le cousin de l’architecte, Pierre Jeanneret.
Transcription
00:00 Nous avons la chance aujourd'hui d'être à la Galerie Downtown,
00:02 qui est une galerie mythique parisienne rue de Seine,
00:05 qui est une galerie dirigée par François Lafanour,
00:07 qui nous fait l'honneur de cette visite
00:09 et qui présente une exposition assez particulière
00:12 qui est entièrement consacrée à Pierre Jeannerey,
00:14 architecte extraordinaire,
00:16 qui a contribué très largement à un projet inouï
00:21 qui était celui de la ville de Chandigarh en Inde.
00:24 Lors de cette exposition, plus d'une vingtaine de pièces
00:26 du mobilier qui a été créé pour Chandigarh sont rassemblées
00:29 et c'est l'occasion d'un échange avec François Lafanour
00:33 qui va nous expliquer un petit peu ce qu'est ce projet incroyable.
00:36 Merci d'abord de nous accueillir dans cette galerie.
00:38 En quoi Chandigarh est-il un moment très particulier
00:42 de l'histoire des arts décoratifs contemporains ?
00:44 Alors, Chandigarh, c'est une expérience presque unique.
00:48 Il y a deux grands projets comme ça qu'on pourrait qualifier d'utopiques
00:52 au 20ème siècle, c'est Brasilia et Chandigarh.
00:56 C'est deux projets de construction d'une capitale.
00:59 Chandigarh a l'originalité d'être une capitale
01:03 qui a été créée à la suite de la partition avec le Pakistan.
01:07 Il a fallu, à partir de rien du tout, créer une nouvelle capitale
01:11 dans un endroit qui était complètement désert,
01:14 des grandes plaines qui sont assez plates, au pied des chaînes de l'Himalaya.
01:17 Et il y a eu ce projet qui a été donc mis en place avec un architecte américain.
01:23 Il se trouve que cet architecte américain qui s'appelait Meyer
01:25 est décédé brutalement.
01:26 L'Inde se retrouve à essayer de chercher un autre architecte.
01:30 Et évidemment, il pense à Le Corbusier.
01:32 Le Corbusier s'empare du projet.
01:35 Et son cousin, Pierre Jamret, qui travaillait avec lui dans son agence parisienne,
01:40 fait une œuvre assez extraordinaire, c'est-à-dire d'arriver à réunir des équipes
01:46 à s'occuper de la construction d'une ville qui s'est pratiquement construite
01:51 en trois, quatre ans.
01:52 Et une ville qui a aujourd'hui un million d'habitants.
01:55 C'est une grosse ville, on parle d'un énorme projet.
01:57 Oui, c'est une très grosse ville avec énormément de choses à faire
02:00 à l'intérieur de la ville pour tout ce qui est évidemment l'urbanisme,
02:05 mais aussi pour la création du mobilier.
02:07 Une ville où se mêlent à la fois les populations et les services administratifs.
02:11 Ce qui est intéressant et qu'on retrouve dans les créations qu'avaient faites
02:14 des gens comme Jean Prouvé auparavant, Charlotte Perriot aussi,
02:18 qui avait travaillé avec Le Corbusier et Jamret,
02:21 c'est que c'est un mobilier qui s'attribue aussi bien à une maison privée
02:27 qu'à un bâtiment public.
02:29 C'est un mobilier qui doit être utile,
02:31 qui est assez étonnant parce qu'il mixe des influences très, très différentes.
02:34 On retrouve un certain nombre d'éléments typiquement indiens,
02:37 ne serait-ce qu'avec les bois du thèque, du wengé, donc des bois exotiques.
02:40 Il y a cette ligne extrêmement avant-gardiste
02:43 qu'on a commencé à voir se développer dans les années 20-30.
02:46 Il y a en même temps une espèce de digestion, dans le bon sens du terme,
02:50 de l'histoire locale, le patrimoine anglo-indien.
02:53 C'est vraiment un mobilier qui est une forme de manifeste à lui tout seul.
02:57 Et c'est effectivement la qualité de ce mobilier,
03:01 c'est la qualité, je pense aussi, de ces créateurs dont je citais les noms tout à l'heure.
03:05 Ils ont à la fois la préoccupation, dans un siècle qui est quand même
03:09 un siècle essentiellement social, de faire des choses pour tout le monde.
03:12 Il y a aussi une volonté que les gens vivent dans quelque chose
03:17 qui va être perçu par eux comme confortable.
03:20 Mais aussi comme beau.
03:21 Ici, vous avez rassemblé dans votre galerie plus d'une vingtaine de pièces.
03:24 Il y a à la fois des armoires, des bureaux, comme ce très beau bureau derrière nous.
03:29 Beaucoup de sièges.
03:31 De quelle manière avez-vous pu rassembler une telle, alors presque une collection ?
03:35 Moi, je le présente comme une collection.
03:36 C'est-à-dire que moi, j'ai commencé à acheter ça il y a une vingtaine d'années.
03:39 J'ai commencé à commercialiser, on peut dire, il y a une dizaine d'années.
03:42 Mais l'idée était d'abord de mieux connaître.
03:44 L'idée, c'est aussi de voir comment est-ce qu'on pouvait restaurer.
03:46 Parce qu'au départ, je ne connaissais pas.
03:48 C'était un petit peu l'aventure.
03:49 J'ai essayé de réunir ceux que je trouvais les plus beaux,
03:53 qui avaient aussi des structures symboliques de ce travail.
03:56 On retrouve très souvent chez Pierre Jeanneret une forme de compas,
04:01 c'est-à-dire un V à l'envers.
04:03 On retrouve très souvent ce langage.
04:05 On le voit sur le bureau, on le voit sur des chaises, on le voit sur d'autres fauteuils.
04:08 Par exemple, si on prend cette chaise, il y a ce fameux compas.
04:11 Et puis, il y a une assise très rectiligne qui semble poser en équilibre dessus.
04:15 C'est assez étonnant quand même.
04:16 Il y a quelque chose qu'on ne retrouve pas en général.
04:19 Les designers essayent plutôt de lier le haut et le bas,
04:22 essayent de trouver une harmonie.
04:24 Là, ce n'est pas le cas.
04:25 Là, on sent qu'il y a une volonté de créer presque une surprise,
04:27 quelque chose d'un peu magique.
04:29 [Musique]

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