L’ascension des étages Emile Lelouch

  • il y a 10 ans
L’ascension des étages

Je continuais de monter les étages, à la recherche de sensations nouvelles :
Soudain, un son familier attira mon attention, le piano !
« Jardin sous la pluie » noyé par une pédale trop généreuse….
Une solide matrone, marquait les temps d'une manière vigoureuse
Cependant, le pauvre enfant rêvait de s'évader pour reconstituer l’œuvre,
Sans contrainte., à travers son imagination….
Il aurait aimé redessiner les contours de cette pensée furtive et feutrée,
Alors qu'il était condamné à entendre le martellement impitoyable :
Comparable aux travaux effectués dans une maison.
On comprenant mieux pourquoi Saint-Saëns avait inséré des pianistes
Dans « Le carnaval des animaux »
Le malheureux élève s’accommodait pourtant de ce carcan !
Il attendait , lui-aussi, une éclaircie alors que l'eau du «  jardin sous la pluie » semblait déjà envahir toutes les zones avoisinantes ;
Je n'ai pas pu m’empêcher d'intervenir, timidement , en disant que la pédale , constituait « le poumon du piano » et que les risques d’étouffement étaient nombreux,
Il fallait apprendre à lever le pied!.
Je crois avoir dit que la pédale ne dissimulait rien,
Mais que, mal employée, elle accentuait les faiblesses et les défauts de l'exécutant..et puis, ce n'est pas à coup de marteau pilon que ce thème , si subtil, si délicat ferait ressortir toute la magie de l'ouvrage.
Sansom François affirmait même qu'il était souhaitable de se débarrasser de la barre de mesure, pour ne pas cloisonner la mélodie.
Elle n'existait d'ailleurs pas dans le chant grégorien
Je suis reparti , en écoutant la fausse note chronique de ce morceau
je parvenais, cependant, à le reconstituer dans ma mémoire, à travers l'interprétation de grands pianistes.
Je continuais à monter allègrement les étages pour parvenir au « poulailler » :
(les chambres de bonnes)
Là où la bonne humeur se manifeste  le plus ,
Parmi les travailleurs de nuit ou ceux qui commencent très tôt le matin.
C'est peut-être la pauvreté qui génère cette réelle complicité.
Ceux qui regardent le quotidien ,sans état d'âme, d'une façon lucide,
Avec une simple chambre un vasistas et un lit
Mais quand l'esprit de solidarité intervient. les pièges disparaissent
Les portes soudées les unes aux autres, facilitent les rapports et donnent l'apparence qu'il s'agit d'une réunion de famille.
Certains sont employés par des locataires de l'immeuble:
La petite du sixième fait le ménage chez celle du troisième ;
Bien sûr, le soir venu ,elle raconte toutes les frasques de sa patronne
Ce qui développe chez tous les participants ,
des confidences contagieuses, à une grande échelle...
La vie s'écoule, au rythme de ces banalités, mais on oublie la médiocrité des propos, puisqu'ils provoquent le rire et la bonne humeur…..

Emile Lelouch

Recommandée