Les Témoins du Temps / Exposition de Salah Oudahar

  • il y a 10 ans
Photos et textes : Salah Oudahar
Conception graphique, scénographie et vidéo : Lionel Grob
Direction Artistique : Jean-Marc Biry
Voix et Musiques : Myriam Loucif, Yan Gilg, Boris Labouèbe, Loïc Rouault, Salah Oudahar.
Exposition réalisée par Chambre à part et les Médiathèques de la Ville et la Communauté Urbaine de Strasbourg, dans le cadre Festival Strasbourg-Méditerranée 2013.

Salah Oudahar, né en 1951 à Iflissen, en Kabylie maritime, en Algérie, est diplômé des Sciences politiques. Il a enseigné à l’Université de Tizi-Ouzou jusqu’en 1992, date à laquelle il a quitté l’Algérie pour s’établir à Strasbourg où il développe depuis un travail à la lisière de la recherche, de la création artistique, de l’action culturelle, sur les thèmes notamment de l’histoire et de la mémoire.

Les témoins du temps prend sa source dans la mémoire de la guerre d’Algérie que Salah Oudahar a connue dans son village des Iflissen/Tigzirt, en Kabylie maritime.
Par le texte et la photographie, il revient, plus de 50 ans après, sur les traces de son enfance. Il évoque, à travers diverses empreintes, réelles et imaginaires, physiques et symboliques, le passé lointain – la présence phénicienne, romaine… – et récent – la guerre d’indépendance.
En revisitant ces lieux livrés à l’érosion du temps, à l’oubli des pouvoirs et des hommes, l’auteur s’adonne à une forme de déambulation, de recomposition mémorielle. Car au travers d’une narration intime, Salah Oudahar tisse un récit où s’enchevêtrent souvenirs historiques, remémorations personnelles et perceptions singulières.

« Dans les textes et les images de Salah Oudahar, il est beaucoup question de ruines. Ruines d’une histoire, ruines d’une région, ruines d’une culture... et bien d’autres sortes de ruines encore. Le regard qui est le sien, à travers les ruines qu’il nous donne à voir, est-il celui d’un simple spectateur, un témoin oculaire venant nous relater comme dans une enquête ce qui s’est passé, ce qui a été, ce qui est advenu, ou bien celui d’un co-auteur – voire même d’un co-producteur, avec toutes les questions que cela pose de « construire du déconstruit » – de la ruine ainsi montrée ? Cet avant idéal, cet « avant la dégradation », qu’est-ce qui en fait trace, qu’est-ce qui en témoigne ? Qu’est-ce qui nous assure qu’il y a bien eu un « avant d’avant ces ruines »? Qu’est-ce qui nous garantit que « quelque chose a été » ?
Ce que Salah Oudahar nous montre sont effectivement bien des ruines. Et pour nous les montrer, il a choisi la voie la plus sûre mais aussi la plus ardue et la plus fragile : celle de l’émotion et de la lente poésie qui s’infiltre à travers toute une réalité de vécus superposés, témoignant incontestablement de l’existence d’un avant incontestable. L’avant qu’il nous donne ici à revivre, s’il avait été froidement décrit par des chiffres, des dates, des faits, des bornes, des jalons, aurait eu toutes les caractéristiques d’un objet fabriqué de toutes pièces, enfermé dans des séries de données objectives, quantifiables, mesurables. Cela aurait été un constat d’huissier. Juste un tas de cailloux sans sens.
Par sa poésie qui tente de saisir l’insaisissable, qui essaie de nous dire l’indicible, Salah Oudahar parvient à faire une émotion vraie d’un simple mur de pierres, d’un vague reste de maisons, d’une photographie usée par le temps. C’est la vérité de cette émotion qui est la vérité ultime de la ruine. Il n’y a pas de vraies ruines sans vrai cœur pour les faire battre ; sans vrai cœur pour les faire battre, il n’y a que des pierres stériles, empilées par le hasard.
Cette leçon, il l’a retenue de son père qui était tailleur de pierres ; Salah Oudahar, à une génération de distance, a retrouvé le geste ancestral qui donne leur sens aux choses : comme son père avant lui, d’un caillou posé là il fait une œuvre pétrie d’humanité et de vérité. C’est en façonnant par le cœur la matière brute, minérale, que l’un et l’autre apportent leur pierre à l’édifice de l’humanité toute entière. L’un comme l’autre, mais chacun selon son art, construisent notre maison commune. » Y. Balangier, auteur