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Mahmoud DOUA interviewé lors de la conférence/ débats maison des associations Libourne vendredi 7 décembre 2012 19h30

de l’intervention de Majmoud DOUA à la 28ème RAMF

Mahmoud Doua est anthropologue et sociologue du fait religieux à l’Université de Bordeaux. Aumônier et imam, il est aujourd’hui un témoin privilégié qui a offert au public de la RAMF sa réflexion sur la laïcité et la présence musulmane en France.

Mise en place officiellement en 1905, par la loi de séparation de l’Eglise et de l’État, la laïcité est le fruit d’un long combat douloureux. Il s’agissait de soustraire l’individu aux dogmes de l’Eglise qui avait le monopole des consciences et des libertés individuelles. Une telle ambition imposait de réduire l’influence cléricale et c’est ainsi qu’a germé l’idée de séparation.

L’article 1 de la loi a un principe fondamental : garantir de la liberté de conscience et du libre exercice des cultes. A cela s’ajoute la neutralité de l’Etat, ne devant se référer à aucune transcendance dans l’élaboration d’une loi. Ainsi, elle concerne l’ensemble des institutions, mais épargne l’espace public où chacun est « libre » d’exprimer ou d’afficher sa croyance.

Pourtant dans la réalité, les faits ne se conforment pas toujours aux aspirations premières de la loi. L’article 2 stipule le non-financement public des lieux de culte. Pourtant, la France, petite fille de l’Eglise, a hérité de nombreux édifices dont le financement et l’entretien reste à sa charge. Toujours dans ce sens, les associations cultuelles sont exonérées d’impôts locaux et fonciers et les lieux de culte présents notamment au sein des établissements pénitenciers et hospitaliers bénéficient de subventions étatiques. L’intervenant illustre ces limites en évoquant l’introduction, en 1966, d’un nouveau bail permettant aux municipalités d’accorder des terrains destinés à la construction de lieux de culte.

Aujourd’hui, la problématique soulevée par les débats politico-médiatiques oriente l’opinion vers des conceptions biaisées du principe de laïcité. Tout semble lié à une confusion entre l’Islam théologique et l’Islam en tant qu’entité ethnoculturelle. La croyance en Dieu et l’exercice du culte relèvent d’une dimension cultuelle n’ayant aucun lien avec les origines des français de confession musulmane. Le poids normatif vient aujourd’hui de la culture arabo-africaine et prend le pas sur le fondement théologique des prescriptions islamiques. En ce sens, de nombreuses questions sociales sont réduites à la question de la « religiosité », et font l’impasse sur le fond. La question de l’échec social en banlieue se trouve trop souvent assimilée à l’appartenance religieuse de ces habitants, ne permettant pas de traiter les problématiques sociales de manière significative. La cristallisation de toutes ces questions autour de celle de la religiosité freine ainsi l’acceptation de la pratique de l’Islam en opérant une fracture avec la société.

Mahmoud DOUA ouvre ensuite le débat en évoquant des propositions concrètes afin de faciliter l’acceptation de la pratique de l’Islam en France. Il s’agirait d’apaiser la question sociale et parallèlement de résoudre la question religieuse, notamment en évitant les actions politiques négatives. Nous devons porter la lutte contre les discriminations en tant que citoyens et non en revendiquant notre appartenance religieuse.

La France demeure culturellement un pays catholique bien que la laïcité soit l’un des principaux fondements de la République. L’habitus catholique continue d’orienter les comportements, souvent de manière inconsciente.

La critique de la particularité de la laïcité française est facile, mais il convient de souligner qu’elle se veut une chance qu’il faut consolider. La croyance qui se vit le plus facilement dans cadre laïc ne serait-elle pas justement l’Islam ? Une foi qui encourage à l’apaisement aussi bien à l’échelle d’une société que celle des individus.

Rapporté par Ismaïl et Sonia.

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