Raphaël Zarka

  • il y a 14 ans
Raphaël Zarka ne devance pas l’Histoire, mais lui succède. En contemplant le monde, l’artiste
s’est aperçu qu’il n’était meublé que de fantômes, de formes récurrentes et de rémanences. Ainsi
des rhombicuboctaèdres qu’il photographie et inventorie. Ces formes géométriques, étudiées
par Archimède, redécouvertes par Luca Pacioli et Léonard de Vinci, ont ressurgi comme briselames
à Sète ou comme bibliothèque à Minsk. Elles constituent selon lui des « formes du repos », figures
archétypales tellement figées qu’elles semblent naturellement photographiques. Raphaël Zarka est
donc un artiste chercheur qui procède lentement au récolement de ces occurrences complexes.

Cette discipline lui inspire un essai (La conjonction interdite, 2003), une chronologie lacunaire (Une
journée sans vague, 2006) puis un documentaire intitulé Topographie anecdotée du skateboard
(2008). Ce documentaire de quarante minutes dresse l’inventaire des surfaces utilisées par les
skateurs pour sublimer leur discipline. Inventé en Californie, le skateboard dissocie les formes
urbaines de leurs fonctions, posant ainsi les bases d’un naturalisme des rues, terrains vagues et
trottoirs. Raphaël Zarka observe ces détournements et les met en perspective : les piscines vides qui
ont inspiré la création des skateparks possèdent les propriétés physiques des rampes cycloïdes
issues de la mécanique galiléenne. Ici, les principes élémentaires de la dynamique passent d’une
forme savante à l’usage populaire. Ainsi de la draisine, deux motos soudées « tête-bêche » en wagon
de fortune, reproduite par l’artiste. Ce véhicule rudimentaire, originellement conçu pour évoluer
sur le monorail de l’Aérotrain de l’ingénieur Bertin, apparaît comme la contre-forme du progrès, point
de tension d’une vision futuriste qui ne se réalisera jamais.