Jean-Claude Pichon vin wine

  • il y a 18 ans
Nouvel impétrant de choix au sein de la Commanderie du Bontemps, Jean-Claude Pichon porte un regard très avisé, « sans langue de bois », sur l'avenir de la filière vin d’Aquitaine. Directeur Général de la Caisse Régionale du Crédit Agricole d'Aquitaine depuis le 30 septembre 2005, succédant à Christian DUVILLET (1) – après avoir dirigé à Montpellier dès 1997 le Crédit Agricole du Midi – Jean-Claude PICHON est un défenseur de la cause engagée mutualiste agricole au sein d’une filière vin qu’il connaît bien. Autant dire, un homme de terrain et de proximité. Natif de Chartres et lui-même issu d’une famille d’agriculteurs, il est à l’évidence sensible aux doléances et au désarroi actuel de la famille des viticulteurs : un allié assidu lorsqu’il s’agit d’aller combattre sur le front des idées, les difficultés rencontrées par les viticulteurs aquitains.


Retour sur un contexte socialo-économique viticole en demi-teinte

Depuis 2002, au sein de ses services spécifiques comme celui du Contentieux ou des Grandes Entreprises du Vin, la Caisse Régionale d’Aquitaine du Crédit Agricole vit de près, voire de très près, (des dossiers épineux entre les mains) la détresse qui s’exprime crescendo au sein de la communauté des viticulteurs du cru: ses sociétaires en grande majorité. Des clients qui, selon l’importance des exploitations, des appellations revendiquées et des marchés investis, ont vu leur pouvoir d’achat réduit de moitié, voire davantage en touchant au meilleur des cas, le SMIC ou, pour les producteurs de vin en vrac, le RMI. Situation absurde et inquiétante à la fois ! Adieu les prix rémunérateurs des années fastes, les cotations lucratives et optimistes. La viticulture, alors vraie vocation pour une grande majorité de vignerons, serait-elle devenue une activité déprimante et qui socialement, les marginalise ? Rien n’est plus sûr ! « En dessous de 1000 euros le tonneau (soit 900 litres), point de salut ! » diront les viticulteurs concernés voyant leur rémunération réduite en 2005 à 650 euros les 9 hectolitres. Et les jeunes exploitants à peine installés ? Comment ne pourraient-ils pas être découragés et dégoûtés d’un tel système économique où la mise en marché – l’offre et la demande – est régie par des lois implacables ? Aussi, Jean-Claude PICHON serait-t-il naturellement très à l’écoute de cette population de jeunes viticulteurs, lui qui participa activement au développement de la politique d’installations des Jeunes Agriculteurs (2) - de 1977à 1983 - sous son mandat de Directeur Général du Centre National des Jeunes Agriculteurs (CNJA).


Une viticulture à deux vitesses

Par ailleurs, d’autres chiffres sont éloquents et montrent l’étendue des dégâts économiques en grande partie due à la surproduction mondiale et des marchés, par voie de conséquence, saturés. Sur 10 000 exploitations que comptent le vignoble girondin, près de 1000 propriétés trinquent et « boivent la tasse ». A ce stade, un tiers est dans le rouge (dépôt de bilan à la clé) et un autre tiers dans l’orange : une rémission somme toute en guise d’avertissement. Et la légère reprise des ventes des vins de Bordeaux, enregistrée au cours du printemps 2005 sur la dernière campagne, quoique apportant une lueur d’espoir, ne change guère les choses à vrai dire. Quant à l’impact de la politique d’arrachage partiel et temporaire (finalement 6300 euros indemnisés par hectare arraché), ou encore la distillation de crise, il est trop tôt, au vu des échéances, pour en tirer un bilan probant. Les prochaines campagnes de ventes pourront-elles sauver certaines exploitations d’un marasme, en apparence inextricable, sans une véritable aide de l’Etat, de l’Union européenne ou du « plan Bordeaux » (3) si scrupuleusement respecté à la lettre ?


Ce qui est en jeu, c’est le style des vins de Bordeaux

Pour Jean-Claude PICHON, cette situation montre qu’il est temps de réagir en nuançant les cas dans le contexte actuel : « Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, c'est évident. L’impact de la crise diffère selon la taille des entreprises viticoles et de leur stratégie commerciale de développement. » Et de poursuivre : « il est regrettable que le milieu viticole ne réagisse pas assez vite parfois pour prendre les décisions qui s’imposent avant que les choses ne tournent mal. »

Et lorsqu’il s’agit d’évoquer brièvement avec lui quelques solutions miracles pour redonner du baume au cœur à ces viticulteurs en détresse ou de savoir en outre quelles positions adopter en matière de reconquête de marchés, la réponse de ce grand amateur de vin est sans détour : « non ! ni en France, ni à Bordeaux le viticulteur français ne doit succomber au charme d’une production de vins sans âme, faciles à boire, au goût et au style nivelés et calqués outre-Atlantique - bien que ces vins, ajoute-t-il, aient leur place sur des marchés spécifiques…- notre viticulteur français pensant que les vins plus traditionnels, plus singuliers même si moins accessibles de prime abord, ne sont plus vendeurs ». Et de conclure sur un ton optimiste : « des vins issus des appellations Bordelaises auront toujours une place légitime pour être un faire-valoir de la viticulture française, à condition, évidemment, de privilégier l'absolue qualité. »

On l’a compris, c’est l’uniformité du goût et des styles qui représente bien plus un véritable danger pour la filière que la concurrence elle-même.

Dans sa nouvelle mission d’émissaire des vins de Bordeaux, puisque couronné par la Commanderie du Bontemps, Jean-Claude PICHON se fera le chantre actif - après avoir cotôyé et défendu les vins du Languedoc-Roussillon - des vertus des Bordeaux et du fameux « goût de Bordeaux » : subtil, puissant, délicat et digeste selon ses mots.
Mais bien au-delà de sa nouvelle appartenance « médocaine », l'ami fidèle des vins qu’il est semble prendre fait et cause, en toute équité, pour les valeurs traditionnelles des bons vins - où qu'ils se trouvent - bien vinifiés et qui possèdent l'essentiel: une vraie personnalité.





Le saviez-vous ?

En Gironde, le Crédit Agricole SA est propriétaire, aidé d’un actionnariat multiple, de crus prestigieux acquis en 2004 tels que les crus classés en 1855 châteaux Grand Puy Ducasse (5ème cru classé en AOC Pauillac), Rayne Vigneau (1er cru classé en AOC Sauternes), ainsi que les châteaux Plagnac et Blaignan (AOC Médoc), Lamothe-Bergeron (AOC Haut-Médoc). Ces acquisitions, ex-propriétés du négociant bordelais Cordier & Mestrezat, ont été réalisées dans le cadre de sa filiale Crédit Agricole Private Equity et répondre ainsi à sa politique d’investissements patrimoniaux.


Pour en savoir plus:
Site: Crédit Agricole Private Equity



Crédits sujet:
Images: Philippe SIMON
Interview audiovisuelle: Frédéric LOT
Article: Frédéric LOT


(1) Christian DUVILLET fut en poste, à la direction générale de la Caisse Régionale d’Aquitaine du Crédit Agricole, de 2000 à 2005. Nommé en septembre 2005 Directeur Général délégué du Crédit Lyonnais à Paris, il est l’acteur majeur de la fusion des trois caisses régionales de la Gironde, du Lot-et-Garonne et du Sud-Ouest qui, en mai 2001, a conduit à la création d'une seule entité : la Caisse Régionale d'Aquitaine.
(2) Jean-Claude PICHON a également participé à la consolidation des structures de gestion du marché des vins et de l'ONIVINS durant son mandat au sein de la CNJA.
(3) « Le plan Bordeaux », mis en place par la volonté de l’interprofession viticole girondine - le Comité Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) sous l’impulsion de son président Christian DELPEUCH (2004-2006) – prévoie un arrachage de 8% du total du vignoble girondin (123 000 ha), une décentralisation du pouvoir décisionnel en matière de viticulture, encore détenu par l’Etat, pour une meilleure autonomie régionale en matière de décisions interprofessionnelles viticoles ainsi que le recours à des aides de l’Etat pour la distillation de crise provisoire.

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