La nouvelle de sa mort, le jour de Pâques, a ému le monde entier. Pourtant le pape François était loin de faire l’unanimité tant ses prises de position pouvaient bousculer l’Eglise et au-delà.
De la défense des migrants à ses prises de position politiques contre Trump, le souverain pontife aimait déranger pour faire bouger les lignes. Une enquête signée Caroline Mier, Bertrand Séguier, Fanny Régnault, Simon Terrassier, Pauline Sarrafy et Sophie Herbé.
De la défense des migrants à ses prises de position politiques contre Trump, le souverain pontife aimait déranger pour faire bouger les lignes. Une enquête signée Caroline Mier, Bertrand Séguier, Fanny Régnault, Simon Terrassier, Pauline Sarrafy et Sophie Herbé.
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00:00Sur la place Saint-Pierre de Rome, les cloches retentissent.
00:10Mais en ce lundi de Pâques, journée si symbolique pour les chrétiens,
00:15le pape ne se présentera pas au balcon.
00:30Devant la basilique, la nouvelle se répand.
00:38Des milliers de fidèles venus du monde entier affluent
00:40pour rendre un dernier hommage au souverain pontife.
00:47Je suis vraiment choquée et il y a une sorte d'agitation autour de nous maintenant.
00:52Mes pensées vont aux pèlerins qui sont ici, mais surtout pour le pape lui-même.
00:56C'est une très triste nouvelle.
01:00Une grande perte pour l'église et pour le monde entier.
01:04Un pape qui a travaillé si dur pour la paix et pour le bien de tous.
01:08C'est vraiment impressionnant qu'il ait pu faire ses adieux à Pâques.
01:10Je pense que c'est presque un miracle pour l'Italie.
01:16Des fidèles pour beaucoup déjà présents hier,
01:19lors de sa dernière apparition.
01:21Très affaibli, malade,
01:28le pape François avait réussi à s'offrir un moment de communion et de bénédiction.
01:36Quelques minutes plus tôt, au balcon de la basilique,
01:40il avait prononcé à bout de souffle le traditionnel « urbi et orbi ».
01:45Quelques mots très attendus par la foule.
01:58Le reste de son message sera finalement lu par un prélat italien.
02:04Des paroles qui résonnent désormais comme un testament.
02:07Que le principe d'humanité ne cesse d'être la marque de notre action quotidienne.
02:18Face à la cruauté des conflits qui impliquent des civils sans défense
02:21et attaquent des écoles, des hôpitaux, des travailleurs humanitaires,
02:25nous ne pouvons pas nous permettre d'oublier que ce ne sont pas des cibles qui sont frappées,
02:33mais des personnes, toutes dotées d'une âme et d'une dignité.
02:39Les dernières volontés d'un pape qui, pendant 12 ans,
02:43n'aura cessé de vouloir défendre ses convictions,
02:46quitte à bousculer les codes et déranger les puissants.
02:49Le 13 mars 2013, la fumée blanche s'envole au-dessus de la place Saint-Pierre.
03:07Le cardinal argentin, Georges et Mario Bergoglio,
03:10est élu 266e pape de l'Église catholique.
03:15C'est le premier pape latino-américain de l'histoire.
03:19Bonsoir.
03:28Il me semble que mes frères cardinaux
03:30soient allés chercher l'évêque de Rome à l'autre bout du monde.
03:40Sitôt élu, le nouveau pape marque déjà sa différence.
03:44Il choisit de se faire appeler très simplement François.
03:49Quand on a appris que le pape avait choisi le prénom de François,
03:53on s'est dit que ce ne serait pas un pontificat banal,
03:54parce qu'après 264 papes, il faut avoir l'idée de choisir un prénom qui n'a jamais été pris.
04:02Ce choix n'est pas anodin.
04:03C'est une référence directe à Saint-François d'Assise,
04:07toujours du côté des pauvres et des démunis.
04:09François d'Assise, c'est un fils d'une grande famille
04:12qui va rejeter entièrement le système dans lequel il devait déployer sa vie
04:16et qui va aller tout nu voir son évêque en lui disant
04:19« Moi, je veux suivre le Christ en vivant dans la pauvreté ».
04:21Donc, quand le pape François arrive en s'appelant le pape François,
04:25on comprend déjà qu'on va avoir affaire à quelqu'un
04:28qui a une vision très ferme et très originale.
04:31Une personnalité, un style qui vont détonner au Vatican.
04:39A commencer par son train de vie, plus modeste.
04:42Il emménage notamment dans cette résidence hôtelière du Vatican,
04:45bien moins luxueuse que les appartements pontificaux.
04:51Il n'a pas voulu rouler dans des grosses voitures,
04:53il a roulé dans une petite Fiat qu'on repérait bien dans les cortèges officiels.
04:57Il n'a pas voulu mettre des chaussures rouges parce qu'il trouvait ça ridicule
04:59et qu'il avait mal aux pieds et qu'il voulait mettre ses baskets noires.
05:03Moi, je me souviens à Rome, de près là, et puis même au gradé,
05:06qui me disait « Vous vous rendez compte, Virginie ?
05:08Bientôt, on ne pourra plus porter nos boutons de manchette. »
05:11Bon, moi, je me souviens de ces phrases.
05:12À Rome, c'était vraiment... C'était tout le temps.
05:15Et notamment dans les franges les plus traditionnalistes.
05:17Oui, tout ça a énervé.
05:22François fait de la défense des démunis la plus grande cause de son pontificat.
05:26Il choisit d'ailleurs de faire son premier déplacement
05:29sur l'île de Lampedusa en Italie,
05:32porte d'entrée en Europe pour des milliers de migrants.
05:37C'est le pape qui va jeter une couronne de fleurs dans la Méditerranée
05:40à la mémoire des migrants morts en mer dans cette traversée terrible
05:44et qui dit « Qu'as-tu fait de ton frère ? »
05:47Autrement dit, nous, gens du Nord,
05:49comment est-ce qu'on peut supporter que tant de gens meurent en essayant de nous rejoindre ?
05:54Et puis parce que, comme pape en Italie,
05:57l'Italie, c'est la Méditerranée.
05:58La Méditerranée, il l'a dit à de nombreuses reprises,
06:00c'est un cimetière aujourd'hui de gens qui essayent là aussi de venir au Nord
06:04chercher une vie meilleure.
06:06Et donc, ça lui était insupportable
06:08et ça lui était impossible de ne pas en parler.
06:10Notre société a oublié ce que c'est de pleurer,
06:19d'avoir de la compassion.
06:22C'est la mondialisation de l'indifférence.
06:27Et si le pape François prend particulièrement à cœur la cause des migrants,
06:31c'est peut-être parce que leur sort résonne de façon très personnelle
06:35avec sa propre histoire familiale.
06:37Le pape François est issu d'une famille d'émigrés italiens vers l'Argentine.
06:43Et d'ailleurs, son propre père, en 1929,
06:45devait embarquer sur un bateau depuis le port de Gênes
06:48qui devait se rendre à Buenos Aires.
06:51Ce bateau a fait naufrage.
06:52Mais heureusement, le père du pape François
06:54n'est jamais monté sur ce bateau pour des raisons administratives.
06:58Et donc, le pape François a grandi quand même dans cette idée
07:02que les migrants pouvaient périr en mer.
07:05François ne cesse d'alerter sur le sort de ses hommes et femmes
07:10au point d'être surnommé le pape des migrants.
07:14En 2016, il effectue un geste très symbolique
07:18lors d'une visite dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile près de Rome,
07:22devant les caméras du monde entier.
07:24Là, le pape François décide de laver les pieds des migrants.
07:28Et moi, je me souviens très bien m'être rendue la veille
07:32à la rencontre de ces migrants.
07:33Je rencontre cette femme enceinte qui vient du Nigeria,
07:37qui comprend à peine pourquoi elle a été choisie par le pape François
07:41pour qu'on lui lave les pieds.
07:42Ce n'est pas dans sa tradition religieuse.
07:44Et ça paraît même... On lui explique.
07:46Mais voilà, elle semble un peu perdue.
07:48Et le geste humain et le symbole dans cette crise des migrants,
07:53il était absolument puissant.
07:57Pour médiatiser cette grande cause, la même année,
08:01François va même organiser une opération d'ampleur.
08:04À Lesbos, en Grèce,
08:06il embarque 12 migrants syriens,
08:09dont 6 mineurs dans son avion.
08:11À bord, il prend la parole devant les caméras.
08:18Les enfants m'ont donné plein de dessins.
08:22Regardez celui-ci.
08:24Que veulent les enfants ?
08:26La paix.
08:28Parce qu'ils souffrent.
08:30Regardez ça.
08:31Ils ont vu un enfant se noyer.
08:44Ça, pour les enfants,
08:48ça va droit au cœur.
08:54Vraiment, aujourd'hui, c'était un jour pour pleurer.
08:56Les 3 familles syriennes, de confession musulmane,
09:02sont accueillies à Rome par le Vatican.
09:04Un geste de solidarité
09:06qui ne sera pas forcément bien perçu.
09:10Ils sortent de l'avion du pape
09:11et ils vont faire leur demande d'asile à Champignan.
09:14Je me souviens d'ailleurs avoir rencontré par la suite
09:17ces migrants
09:18qui découvrent le soir même,
09:21à Rome,
09:22ils ouvrent leur téléphone
09:23et sur leurs réseaux sociaux,
09:24ils comprennent que le monde entier
09:26interroge leur présence,
09:28la polémique,
09:28pourquoi ils sont dans l'avion du pape
09:30et ils sont musulmans.
09:31Et c'est vrai que même dans le trajet retour,
09:33il y a des journalistes
09:34qui interrogent le pape sur...
09:35Mais pourquoi ?
09:36Pourquoi vous ramenez des migrants
09:37et pourquoi des migrants musulmans ?
09:39Et le pape leur répond
09:40mais être chrétien n'est pas un privilège.
09:43Et ça, voilà.
09:44Là, on commence à sentir effectivement
09:46une distanciation vis-à-vis de François
09:48qui pose des gestes de plus en plus politiques.
09:50Une action qui incarne
09:52une autre volonté du pape François.
09:54réinstaurait le dialogue
09:55avec le monde musulman
09:57alors que les débats sur l'islam
09:59déchirent l'Europe.
10:02Que lui, il est né dans une ville multiculturelle,
10:04Buenos Aires,
10:05où il dialogue depuis qu'il est archevêque
10:08avec le rabbin,
10:10avec les musulmans.
10:11Effectivement,
10:12il n'a peut-être pas mesuré
10:13à quel point les opinions publiques nationales
10:16et notamment les catholiques en France
10:18sont beaucoup plus rétifs.
10:21Il y a eu les attentats en France.
10:24La question de la place de l'islam
10:27est un problème depuis des décennies.
10:33Un pape politique
10:34qui n'hésite pas à affronter les puissants,
10:37comme lors de la campagne américaine de 2016.
10:41Lors d'une visite au Mexique,
10:44il choisit de se rendre à la frontière
10:45avec les Etats-Unis
10:46pour bénir ce crucifix géant
10:49appelé la Croix du Migrant,
10:51planté sur un monticule
10:53qui surplombe la frontière de Barbelé.
10:59La tragédie humaine,
11:00qui est la migration forcée,
11:03est aujourd'hui un phénomène mondial.
11:05Un phénomène global.
11:07Un geste perçu comme une provocation
11:12dans un contexte
11:15où Donald Trump a axé
11:16sa campagne présidentielle
11:17sur la lutte migratoire.
11:20Une personne
11:21qui veut construire des murs
11:28et non des ponts
11:31n'est pas chrétienne.
11:33La réponse de Donald Trump
11:37ne se fait pas attendre.
11:40Je suis un bon chrétien.
11:43Le pape a dit que peut-être
11:44Donald Trump n'était pas chrétien.
11:46J'étais très surpris
11:47de voir qu'il remettait
11:47en question ma foi.
11:49Mais je suis chrétien
11:50et fier de l'être.
11:54Le pape François n'a eu
11:55aucune inclination
11:56pour Donald Trump.
11:58Ça a été très net
11:59depuis le début.
12:00Le programme de Trump,
12:01la brutalité de Trump,
12:03tout ça lui est totalement étranger.
12:06Le bras de fer va perdurer
12:08et même s'accentuer
12:10avec le deuxième mandat
12:11et la politique
12:12de déportation massive de Trump.
12:16François et Trump
12:17se sont littéralement
12:18télescopés frontalement.
12:21François a réitéré
12:22évidemment son rejet,
12:24sa condamnation
12:25de cette politique
12:26qui vise à renvoyer
12:27les immigrés chez eux
12:28et quelque part
12:29à les déshumaniser
12:30puisque ce sont vraiment
12:31désignés comme
12:32des millions d'indésirables
12:34qui sont là
12:35pour quelque part
12:36insécuriser
12:37la société américaine.
12:38Et ça,
12:39c'est quelque chose
12:39que François ne peut pas
12:40entendre.
12:41Et le pape va répondre
12:43donc par cette lettre
12:44qu'il envoie
12:44aux évêques américains
12:47dans laquelle il explique
12:48simplement que c'est
12:49absolument impossible
12:50pour un catholique
12:52éthiquement,
12:53moralement,
12:54d'accepter,
12:55de trouver ça normal.
12:56Une lettre envoyée
12:59alors qu'il était
12:59déjà gravement malade
13:01juste avant
13:02son hospitalisation
13:03mi-février.
13:05J'exhorte tous les fidèles
13:07de l'église catholique
13:08ainsi que tous les hommes
13:09et femmes de bonne volonté
13:10à ne pas céder
13:11aux récits qui discriminent
13:13et causent
13:14des souffrances inutiles
13:15à nos frères et sœurs
13:16migrants et réfugiés.
13:19Ironie de l'histoire,
13:21son dernier visiteur
13:22officiel sera
13:23J.D. Vence.
13:24Le vice-président américain
13:27venu officiellement
13:28pacifier les relations
13:29a-t-il réussi ?
13:31Rien n'a filtré
13:32de leur discussion.
13:36Ancré dans ses convictions,
13:38le pape François
13:39n'hésite pas à bousculer,
13:41y compris ses propres fidèles.
13:44Comme ici,
13:46lors de l'un de ses
13:46tout premiers déplacements,
13:48lorsqu'il est questionné
13:49sur l'homosexualité.
13:51Si une personne est gay,
13:52cherche Dieu
13:55et est de bonne volonté,
13:58qui suis-je pour le juger ?
14:00Et là,
14:01pour la première fois,
14:02on a un pape
14:03qui va mettre en avant
14:04l'accueil,
14:05la miséricorde,
14:06tendre la main,
14:06tendre la main aux homosexuels.
14:08Il ne dit pas,
14:09évidemment,
14:09il ne dit jamais
14:10que l'homosexualité
14:11n'est pas un problème,
14:12entre guillemets.
14:13En tant que leader catholique,
14:14ce n'est pas ce qu'il dit.
14:15Mais il dit,
14:16il faut accueillir.
14:16Une modernité acclamée
14:18par certains
14:19qui va vite trouver
14:20ses limites
14:21sur d'autres thèmes majeurs.
14:24Et il a dérangé
14:25absolument tout le monde
14:25pendant son pontificat.
14:26Quand la semaine d'après
14:27ou le jour d'après
14:28ou l'heure d'après,
14:29il va parler
14:30de l'avortement
14:31et dire que les médecins
14:32qui le pratiquent
14:33sont comme des tueurs à gages,
14:35il va exaspérer
14:35les premiers
14:36qui étaient ravis
14:37du propos du début
14:39sur les migrants.
14:39Et quand il parle
14:40de la planète
14:41et de l'écologie,
14:42en disant que tout ça
14:43est totalement lié,
14:44que pour lui,
14:45c'est le même respect
14:46de la vie
14:46qui est en jeu
14:47dans tous les cas,
14:49eh bien,
14:49il va encore exaspérer
14:50d'autres gens.
14:51Au-delà des clivages,
14:53quel sera l'héritage
14:54du pape François ?
14:56Que restera-t-il
14:57de ses combats ?
14:59Bergoglio,
15:00c'est une vie de combat.
15:01Toute sa vie,
15:02il a lutté
15:02contre la hiérarchie,
15:03contre des tas de choses.
15:05Et il ne laisse pas
15:06forcément que du positif
15:07sur la pédophilie.
15:09Est-ce qu'il est allé
15:09assez loin,
15:10sans doute pas ?
15:10Il restera aussi
15:11un style,
15:12un style d'exercice
15:13de la papauté
15:14qu'on n'avait jamais vu.
15:16Pour moi,
15:16il restera ce pape religieux,
15:19exigeant,
15:20extrêmement dérangeant
15:21avec tout le monde
15:21et qui appelle
15:22à une forme de radicalité.
15:24Il faut être cohérent,
15:25donc il faut refuser
15:26toutes les compromissions.
15:27Et ça,
15:28pour les catholiques,
15:29c'est un appel très fort.
15:33Alors que s'organise
15:34le prochain conclave,
15:36les cardinaux
15:36décideront-ils
15:37de poursuivre
15:38l'héritage
15:38du pape François,
15:41le nom du prochain
15:42souverain pontife
15:43sera connu
15:44d'ici deux
15:45à trois semaines.
15:46Sous-titrage Société Radio-Canada