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00:00La historia de Shonagon
00:30La poésie japonaise ne qualifie pas. Il y a une manière de dire bateau, rocher, embrun, grenouille, corbeau, grêle, héron, chrysanthème, qui les contient tous.
00:41La presse ces jours-ci est remplie de l'histoire de cet homme de Nagoya. La femme qu'il aimait était morte l'an dernier. Il avait plongé dans le travail à la japonaise, comme un fou. Il avait même fait une découverte importante, paraît-il, en électronique.
00:53Et puis là, au mois de mai, il s'est tué. On dit qu'il n'avait pas pu supporter d'entendre le mot « printemps ».
01:01Il s'est tué. On dit qu'il n'avait pas pu supporter d'entendre le mot « printemps ».
01:11Il me décrivait ses retrouvailles avec Tokyo.
01:39Comme un chat rentré de vacances dans son panier, il se met tout de suite à inspecter ses endroits familiers.
01:46Il courait voir si tout était bien à sa place. La chouette de Ginza, la locomotive de Shimbashi, le temple du renard au sommet du grand magasin Mitsukoshi, qu'il trouvait envahi par les petites filles et les chanteurs de rock.
01:56On lui apprenait que c'était maintenant les petites filles qui faisaient et défaisaient les gloires, que les producteurs tremblaient devant elle.
02:03On lui racontait qu'une femme défigurée ôtait son masque devant les passants et les griffait, s'il ne la trouvait pas belle.
02:10Tout l'intéressait.
02:10Lui qui n'aurait pas levé les yeux sur un but de platini ou une arrivée de tiercé, s'encairait avec fièvre du classement de Shigno Fuji dans le dernier tournoi de Sumo.
02:20Il demandait des nouvelles de la famille impériale, du prince héritier, du plus vieux gangster de Tokyo qui apparaît régulièrement à la télévision pour enseigner la bonté aux enfants.
02:29Ses joies simples du retour au pays, au foyer, à la maison familiale, qu'il ignorait, 12 millions d'habitants anonymes pouvaient les lui procurer.
02:36Sous-titrage ST' 501
03:06¡Gracias!
03:36¡Gracias!
04:06Le génie graphique qui a permis aux japonais d'inventer le cinémascope dix siècles avant le cinéma
04:10compense un peu le triste sort des héroïnes des bandes dessinées, victimes de scénaristes sans coeur et d'une censure castratrice.
04:16Parfois elles s'échappent. On les retrouve sur les murs.
04:19Toute la ville est une bande dessinée.
04:31C'est la planète Mongo.
04:33Comment ne pas reconnaître cette statuaire qui va du baroque plastifié au stalinia lassif.
04:38Et ces visages géants dont on sent peser le regard.
04:41Car les voyeurs d'images sont vus, à leur tour, par des images plus grandes qu'eux.
04:54A l'approche de la nuit, la mégalopole se casse en village.
04:58Avec ses cimetières de campagne à l'ombre des banques, ses gares et ses temples, chaque quartier de Tokyo redevient une petite bourgade, naïve et proprette, qui se cache entre les pattes des gratte-ciels.
05:08Le petit bar de Shinjuku lui rappelait cette flûte indienne dont le son n'est perceptible qu'à celui qui en joue.
05:23Il aurait pu s'écrier, comme dans Godard ou dans Shakespeare.
05:26Mais d'où vient cette musique ?
05:27Plus tard, il lui racontait qu'il avait dîné au restaurant de Nishinipori, où M. Yamada pratique l'art difficile de l'action cooking.
05:38Il me disait qu'à bien observer les gestes de M. Yamada et sa façon de mélanger les ingrédients, on pouvait méditer utilement sur des notions fondamentales, communes à la peinture, à la philosophie et aux arts martiaux.
05:57Il prétendait que M. Yamada détenait, et de façon d'autant plus admirable que son exercice en était humble, les sens du style.
06:04Et que par conséquent, c'était à lui de mettre sur cette première journée de Tokyo, avec son pinceau invisible, le mot fin.