Le documentaire Netflix sur le meurtre de Marie Trintignant par Bertrand Cantat remet de nouveau la lumière sur ce féminicide, qui ne portait pas son nom en 2003.
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00:00C'est effectivement la relecture de ce drame, la réécriture avec nos yeux grands ouverts aujourd'hui.
00:05Et vous, Michel Fin, vous avez l'honnêteté de dire que vous n'avez pas vu, en tout cas que vous avez cherché à comprendre, certes,
00:11mais que ça vous a échappé d'une certaine manière. Alors expliquez-nous, qu'est-ce que vous avez compris à l'époque et qu'est-ce que vous n'avez pas vu ?
00:17Alors, les réalisateurs m'ont demandé de me remettre dans l'esprit de l'époque, et ça, c'était pas évident.
00:22Parce qu'aujourd'hui, il y a plein de choses qu'on sait sur les féminicides, mais à l'époque, ce mot n'existait pas, on ne l'utilisait pas.
00:27Donc, moi, à l'époque, je n'utilise pas du tout le mot de drame passionnel, mais je vois, comme tout le monde, cette histoire, sans la comprendre vraiment.
00:38Au début, on a la version de Cantat. On n'a que la version de Cantat, d'ailleurs. On n'a jamais, évidemment, la version de Marie Trintignant.
00:45Et on a la version qui raconte un accident des coups. Lui, il dit qu'il donne des baffes, qu'elle est tombée, peut-être sur un radiateur.
00:53On en reste à la version du radiateur jusqu'à l'autopsie.
00:58C'est accablant pour Bertrand Cantat, ce documentaire. Et il y a un matériau qui est très précieux, c'est ces deux auditions devant les magistrats lituaniens,
01:04où le chanteur d'Honard Désir tente de poser des mots sur ses gestes, mais les versions évoluent.
01:09Et là, dans l'extrait qu'on a vu dans le sujet d'Elisa Tranin, il y a une inversion de la charge.
01:14Une inversion de la charge de la preuve.
01:15Est-ce que c'est classique, ça ?
01:17Ça, c'est classique. C'est une méthode d'auteur, un marqueur de la violence conjugale, si vous voulez.
01:24Les auteurs de violences conjugales sont toujours dans le déni.
01:27C'est jamais eux, c'est toujours l'autre. C'est toujours la femme.
01:30Et quant à ce qu'il explique, dans les deux auditions d'ailleurs, il explique que c'est elle qui l'a frappée en premier.
01:34Enfin, il fait 1m86, elle fait 1m66. On a l'impression que c'est lui la victime.
01:41Vous, Maître Ronger, quel regard vous portez sur ce documentaire ? Qu'est-ce qui vous frappe ?
01:44Alors, pour rebondir sur ce qui vient d'être dit, effectivement, on a une inversion des culpabilités.
01:49Où, en fait, il arrive à se victimiser. On le voit dans les extraits d'audition. Il pleure, il a l'air abattu, etc.
01:56Il explique que, effectivement, c'est elle qui commence, qui donne le premier coup.
02:00Ou alors qu'elle était dans un état d'hystérie. On a pu voir ce mot dans le documentaire.
02:05Ou que ses mots, à elle, étaient encore plus agressifs que des coups.
02:08Et puis, un dénigrement, qui est d'ailleurs relayé par la presse, sur l'idée qu'elle aurait une relation incorrecte avec son ex-mari.
02:18Enfin, il essaie de faire valoir ça, ces messages qu'elle reçoit.
02:21Et donc, ce dénigrement de la victime, c'est aussi quelque chose qui participe de ce mécanisme d'inversion des culpabilités.
02:27On a effacé de notre langage ce vilain terme. On l'a pris dans le lancement.
02:31On l'a mis entre guillemets. On l'a pris volontairement.
02:33Mais on l'a effacé de drame passionnel.
02:35Parce que drame passionnel, ce qui ne veut absolument rien dire, c'était déjà excusé, quelque part, l'acte.
02:41C'est-à-dire, il y a de la passion.
02:41Donc, on peut tuer par passion.
02:44On peut tuer par passion. Sauf que ces histoires-là, ce n'est pas des histoires de passion, ce n'est pas des histoires d'amour.
02:48On se trompe quand on parle d'amour.
02:50C'est des histoires de possession.