Donald Trump a fait volte-face mercredi soir en annonçant ramener pendant 90 jours les droits de douane à 10% pour tous les pays à l'exception de la Chine, pour laquelle ils grimpent à 125% "immédiatement".
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00:00Sept minutes, mais il nous faudrait sans doute sept ans pour essayer de comprendre ce qui s'est passé hier soir et ce qui s'est passé depuis une semaine.
00:05On va essayer de comprendre ce matin avec vous, Jean-Paul Chang. Bonjour et merci d'être là.
00:10Vous êtes économiste et spécialiste de l'économie chinoise. Nicolas Dose nous accompagne, ainsi que Stéphane Bureau, consultant États-Unis de BFM TV.
00:17Hier soir, à 20h, donc, boum, Donald Trump annonce qu'il suspend pour 90 jours les droits de douane majoré qui étaient entrés en vigueur 12h plus tôt hier matin à 6h.
00:31Qu'est-ce qui lui est passé par la tête ? Est-ce qu'on pouvait le deviner ?
00:36Le deviner, si on l'avait pu, on serait probablement aujourd'hui très riches et on serait heureux de ce qui s'est passé.
00:43On aurait pu certainement intuitionner parce que ce n'est pas la première fois qu'il rétropédale sur des menaces qui avaient été faites à des partenaires commerciaux.
00:50Il avait fait la répétition avec le Canada et avec le Mexique, mais je pense que c'est la réalité brutale qui s'est mise à cogner à la porte depuis quelques heures, quelques jours, à la chambre peut-être à coucher de M. Trump.
01:02Il faut voir qu'il y a une limite probablement, tout puissant soit-il, il y a une limite à ce que l'on peut longtemps faire tant de mal à tant de gens puissants qui perdaient aussi des milliards de dollars.
01:13Il y a une expression chez nous que j'aime bien, il y a un moment où on joue avec les poignées de sa tombe.
01:18Alors, je pense que Donald Trump, d'une certaine manière, avait fait la démonstration qu'il était peut-être là.
01:24Et politiquement, il sentait autour de lui ses alliés qui lui disaient, Donald, il faut mettre un coup de frein.
01:30De toute façon, il est impossible de négocier avec autant de pays s'il est vrai que 75...
01:35Oui, parce que c'est l'argument qu'il a donné.
01:36Exactement.
01:37C'est de se donner le temps pour discuter avec les 75 pays qui demandent à le faire.
01:40Mais la vérité, en fait, c'était que le marché obligataire particulièrement, et je laisserai peut-être le professeur nous donner ici quelques outils pour comprendre, parce que c'est complexe.
01:50Mais le marché obligataire était parti vraiment, violemment, contre le président Trump.
01:55On voyait les taux remonter, et les Chinois détiennent une arme de destruction massive.
02:01C'est le premier détenteur.
02:03Enfin, c'est une des menaces ou un des moyens.
02:08Les Chinois détiennent beaucoup d'obligations américaines.
02:10Il n'y avait quand même pas menace de faillite de l'économie américaine.
02:13Pas menace de faillite, il y avait un petit parfum de risque, un petit parfum de risque de défaut.
02:17Vous savez, ces fameux taux longs souverains dont on parle 10 ans, 30 ans, quand ils évoluent légèrement, de quelques petits points, ça va.
02:26Quand c'est plusieurs dizaines de points de base de modification en quelques heures, sur une économie de la taille des États-Unis, c'est un vrai signal d'alarme.
02:33Alors, tout le monde est donc exempté pendant trois mois.
02:37En tous les cas, les droits sont suspendus pendant trois mois, sauf la Chine.
02:39La Chine, qui a eu l'audace de riposter aux 104% de taxes qui sont entrées en vigueur hier, et donc, du coup, qui écope d'un nouveau coup de bambou à 125%.
02:50Mais, est-ce qu'à ce niveau de taxes, Jean-Paul Chang, faire du commerce a encore du sens entre ces deux pays ?
02:56En tout cas, c'est un gigantesque handicap.
02:58Pour moi, c'est clair que ce n'est pas quelque chose de favorable aux gamères sans entrer les deux pays.
03:04Donc, si on continue comme ça, effectivement, on peut s'attendre à une diminution importante, finalement, des échanges entre ces deux pays.
03:10C'est catastrophique pour le reste du monde aussi.
03:12Mais, en attendant, il faut distinguer ce qui est un peu la guerre de communication et puis la réalité.
03:20D'un côté, la Chine est le seul pays, finalement, qui soit un peu préparé à ce choc en diversifiant déjà ses marchés à l'exportation depuis quelques années déjà.
03:31Ils ont eu l'expérience de Trump à un premier choc avec un premier accord qui, après deux ans de guerre commerciale, à partir de 2018, en 2020,
03:40il y a eu un premier accord qui n'a pas été respecté pour toutes sortes de raisons, de part et d'autre, d'ailleurs, mais en plus à cause du Covid, tout ça.
03:47Donc, eux, ils sont préparés, ils savent que le risque existe, ils évaluent ça à long terme.
03:52Donc, ils peuvent tenir le choc pour le moment et qu'il y a une question de principe, par contre.
03:57Une question de principe, c'est les Américains, vous ne nous parlez pas sur ce ton-là.
04:02Il faut du respect, si vous voulez, qu'on négocie.
04:04Ils entendent le mot négociation chez Trump, bien sûr.
04:07Ils ne sont pas contre. Ils viennent publier, d'ailleurs, un livre blanc très détaillé sur les relations économiques entre les États-Unis et la Chine,
04:15montrer que c'est très, très, très interdépendant, que finalement, pour eux, il n'y a pas un déséquilibre si important entre les deux pays
04:23puisque si on tient compte à la fois du commerce du bien, mais si on ajoute le service, où les Américains sont excellentaires vis-à-vis de la Chine,
04:35et en plus de tout ce que les entreprises américaines vendent sur le marché chinois, qui atteignent à peu près 500 milliards, donc c'est très important.
04:43Désormais, ils mettent accès à 84% du coup ?
04:45Alors, pas sur ce qui est vendu sur le marché chinois par les entreprises américaines assidées en Chine.
04:50Ce que les Chinois disent, c'est que nos relations sont globales.
04:53On ajoute le déficit, enfin la balance des biens, la balance des services,
04:59plus ce que les entreprises américaines vendent sur le marché chinois à ce moment-là.
05:04Parce que dans cette surenchère, Stéphane, tout le monde a l'hyper, parce qu'il y a beaucoup d'entreprises américaines pour qui le marché chinois compte énormément.
05:12Beaucoup, et il faut voir aussi que l'activité économique américaine est essentiellement liée à la consommation,
05:19et beaucoup de cette consommation, c'est le fait de produits chinois.
05:22Donc, à partir du moment où on vient gripper cette mécanique, ça a un impact immédiat sur l'économie américaine,
05:31et Trump ne peut que le savoir.
05:33D'ailleurs, en ce moment, je pense qu'on est, pour l'essentiel, dans une bataille où il faudra savoir,
05:39entre les Chinois et les Américains, celui qui sera le premier prêt à perdre un peu la face.
05:43Parce que la Maison-Blanche, très tôt, il y a 40...
05:44La Chine a dit qu'elle ne reculera pas.
05:46Et la Maison-Blanche a dit, parce qu'ils savent, aujourd'hui, en l'espèce qu'il faut bouger,
05:52la Maison-Blanche disait, nous n'attendons qu'un premier signal pour reprendre les négociations.
05:57Ça ne peut pas durer très longtemps.
05:58Le facteur qui rend cette espèce de jeu très dangereux possible, c'est que les Américains ont fait des stocks,
06:06ont stocké beaucoup, beaucoup de ces produits avant les droits douaniers.
06:10Ce qui fait que pour quelques jours, quelques semaines, il n'y aura pas d'impact inflationniste aux États-Unis.
06:14Nicolas, un chiffre très parlant.
06:15Vous avez le CEPI, Centre de recherche français, qui a identifié 358 produits qui viennent de Chine,
06:20dont les Américains ne peuvent pas se passer et qu'ils ne trouvent pas ailleurs.
06:24Vous avez vu la réponse chinoise avec cette vidéo un peu ironique, qui nous montre des Américains,
06:29dans leur meilleur jour, en train de se mettre à concevoir des t-shirts.
06:32C'est très concret. Il y a des produits qui n'existent pas aux États-Unis.
06:36Donc il faut que la pure en chair s'arrête, en fait, entre les deux pays.
06:38À un moment donné.
06:39On va les laisser jouer, maintenant.
06:40Qui reculera en premier ?
06:42Je pense que les Chinois, à un moment donné, enfin, ce sera les plus diplomates des deux
06:47qui trouvera une solution pour entamer une sorte de calmosse.
06:53On commence à trouver une solution.
06:55Mais du côté du Chinois, il y a aussi un petit message politique,
06:58parce que cette façon brutale d'atteindre des intérêts fondamentaux aux Chinois,
07:05pour les Chinois, c'est insupportable.
07:06Donc si c'est sur ce point, ça veut dire qu'ils sont prêts éventuellement à céder sur tout,
07:10y compris sur d'autres problèmes politiques ou stratégiques, Taïwan, tout ça.
07:14Donc c'est important pour eux de montrer qu'une position de force
07:19que les Américains cherchent à établir n'a aucune chance de marcher.
07:23Par contre, le livre blanc, d'ailleurs, se termine par
07:26« nous sommes prêts à négocier, mais dans un esprit de respect mutuel », etc.
07:30Donc je veux dire, le mot « négociation » n'est jamais très très loin,
07:33ni chez les uns, ni chez les autres.
07:35Donc voilà, il faut faire attention, ne pas trop...
07:39Dernier élément hyper important aujourd'hui,
07:42des enquêtes vont s'ouvrir pour savoir si Donald Trump,
07:44dans toute cette séquence, n'a pas sciemment démoli la bourse
07:46pour pouvoir mieux la faire rebondir et enrichir plein de gens.
07:49Délit d'initié, donc.