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  • 04/04/2025
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 4 avril 2025 : l'animateur et producteur Michel Drucker. Son livre, "Avec le temps", aux éditions Albin Michel, est disponible depuis mercredi.

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Transcription
00:00Bonjour Michel Drucket.
00:02Depuis votre plus jeune âge, vous vouliez compter dans ce qui est vite devenu votre passion, l'audiovisuel,
00:07à une époque où les transistors dominaient et où l'image n'était qu'à ses balbutiements.
00:11Depuis, le monde a changé, le petit écran s'est affiné, aplati.
00:14Il est devenu un incontournable dans nos foyers, offrant des moments de détente, de partage
00:18et une vue sur le monde où les rencontres sont de mise.
00:20Vous faites partie de cette évolution, Michel, car vous n'avez jamais cessé de tenir la main
00:24des téléspectateurs qui vous suivent depuis vos débuts.
00:26C'était en 1964, donc il y a 61 ans, des débuts tremblants, certes, mais remarqués,
00:35vous offrant une adoption de la part d'un public fidèle et assidu.
00:38Le petit est devenu Michel Drucker, dit le patron.
00:41Vous avez vous-même eu du mal à croire à cette longévité, au désir que vous n'avez jamais cessé de susciter,
00:47mais de cette curiosité qui vous est propre et de cette envie d'en profiter, presque semble-t-il,
00:52jusqu'à votre dernier souffle.
00:54Vous avez d'ores et déjà connu huit présidents, rencontré trois générations d'acteurs, chanteurs,
00:58réalisateurs, sportifs, hommes politiques.
01:00Le matin, vous continuez à vous lever à 8h pour lire les infos, vous continuez à faire du vélo,
01:04du rameur aujourd'hui, faire des squats un peu, des abdos, et avant le passage, sur la balance,
01:09et donc pour mieux vous asseoir sur ce canapé rouge qui fait partie de nos vies, de notre quotidien.
01:15Aujourd'hui, vous publiez, avec le temps, chez Albin Michel, un tête-à-tête avec vous-même et avec nous.
01:20Ce livre vous permet-il justement davantage de raconter ce qui vous tient à cœur ?
01:25Oui, parce que quand j'ai été hospitalisé, ma grande angoisse était de perdre la mémoire.
01:31Je me disais, si je fais deux petits AVC pendant l'opération, je suis mort, je vais être handicapé.
01:36Je m'en suis sorti, et la mémoire.
01:39Ce livre est un travail de mémoire, et cette mémoire, à ma grande surprise,
01:45elle est pratiquement intacte, et plus j'avance, c'est très étrange, plus j'avance,
01:50et pourtant je ne suis pas en Alzheimer, mais en général, quand on est en début d'Alzheimer,
01:54on se souvient du passé, et c'est le présent qui vous fait défaut.
01:59Et je m'aperçois que j'ai une bonne mémoire, très bonne mémoire, je me souviens de détails,
02:04je me souviens des parfums, je me souviens des atmosphères, je me souviens des intonations,
02:09mais ça, je ne savais pas, et je n'arrive pas à comprendre avec ces avantages.
02:15C'est un avantage d'avoir une bonne mémoire.
02:17Pourquoi je n'ai pas fait d'études ? Ça, ça reste un mystère.
02:20Pourquoi, entre l'âge de 12 ans et 19 ans, je n'ai rien foutu, rien lu ?
02:27Je m'intéressais au foot, je voulais être copain, je courais les filles,
02:31j'étais incapable de me concentrer sur quelque chose,
02:35et puis je le regrette parce qu'encore aujourd'hui,
02:40si on me demandait de choisir entre ma carrière et d'être médecin, je serais médecin.
02:45Votre père, d'ailleurs, était médecin, c'était vraiment le chemin que vous souhaitiez emprunter,
02:49il était très intransigeant avec vous, c'est-à-dire qu'il vous a toujours enseigné la bienveillance,
02:53il a toujours voulu que vous fassiez...
02:55Et la gratitude et les remerciements.
02:56Il vous appelait à la fin de certaines émissions parce qu'une question lui paraissait trop dure.
03:01Oui, il me disait « mais qu'est-ce qui te prend ? »
03:03Je lui disais « papa, pourquoi ? »
03:04« Je ne sais pas, tu avais un ton bizarre avec... »
03:06Je lui dis « non, pas du tout ».
03:08Il me dit « mais n'oublie pas que tu as beaucoup de chance d'interviewer ce monsieur, ou ce chanteur, ou cet écrivain,
03:15il est hors de question ».
03:17Et Ardisson, j'en parle d'Ardisson dans le livre,
03:20Ardisson avait pour envie, et puis c'était son style, d'allumer tout le monde.
03:27Puis un jour, il m'allumait comme tout le monde,
03:29il disait que Drucker mène sa carrière comme un clair de notaire.
03:32Et puis un jour, on a fait une émission ensemble pour le 60e anniversaire du débarquement en Normandie,
03:37d'où je viens.
03:38Il était étonné que je sois assez fair-play pour accepter de faire l'émission avec lui,
03:41puis je lui dis « mais non, tu y arrives au contraire, tu vas voir ».
03:43Il me dit « moi j'ai un handicap par rapport à toi, je ne sais pas faire de direct, j'ai peur en direct.
03:48Il me faut mes fiches, il me faut une clim, je suis... »
03:52Et moi le direct c'était mon truc, puisque j'étais commentateur sportif,
03:55et le direct il n'y a pas mieux.
03:57Et puis finalement on a fait cette émission, on m'a sympathisé, on a refait d'autres émissions après.
04:01Et un jour il m'a dit, il me traitait que quand j'allais sur cette émission qu'il avait sur C8,
04:06il me baisait la main en lançant la musique du parrain.
04:09Et il m'a dit un jour « tu as raison, il n'y a pas d'honte, tu es bienveillant ».
04:14Et il a dit « j'ai fini par me Druckeriser ».
04:17Et ça m'a fait plaisir.
04:19Vous avez toujours eu ce besoin d'ailleurs d'être rassuré aussi sur le fait de pouvoir continuer.
04:25Ça fait peur justement, c'est un tourbillon ça, que tout s'arrête ?
04:30Oui, mais ma mère qui était très loin de tout ça,
04:34quand elle m'a découvert dans Champs-Elysées, elle disait « mais tu fais quoi pendant la semaine ?
04:40Puisque tu ne travailles que le samedi, déjà ».
04:43Et souvent elle me disait « est-ce qu'on te reprend à la rentrée ? ».
04:48C'est un langage qu'on dit à un cancre.
04:54Ça voulait dire « tu redoubles ou tu continues ? ».
04:57Donc j'ai gardé ça, j'ai gardé l'angoisse de mes parents.
05:01Et j'ai toujours un peu peur de la hiérarchie.
05:05Toujours. C'est bizarre.
05:08C'est mon moteur, mais je sais que je ne suis pas normal.
05:12Mais je n'ai pas trouvé d'autre solution pour être heureux que de travailler.
05:17Sachant qu'avoir un travail qui vous plaît, qui est votre passion,
05:22c'est un privilège inouï.
05:24Notre métier, on rencontre, regardez, le nombre de gens que vous rencontrez.
05:28Moi j'ai rencontré la terre entière,
05:32sans avoir été épaté par les gens et les paillettes,
05:37puisque mes idoles, et vous le comprendrez, vous qui êtes sportif,
05:40mes idoles c'est les champions.
05:43Pour moi, les grands boxeurs, le Tour de France, les grands tennismen,
05:49Federer, Nadal, pour moi c'est des héros.
05:53Et c'est pour ça que mes plus belles...
05:56Quand on me dit, vous êtes après 62 ans, 3 ans de carrière, à 83 ans,
06:00quelle est votre grande fierté ?
06:02Vous, ça va vous toucher, car je sais que vous êtes sportif.
06:05Ma grande fierté, vous savez ce que c'est ?
06:07C'est d'avoir fait trois fois le Mont Ventoux, sans mettre pied à terre.
06:10Et ma grande fierté, c'est d'avoir fait, pour le Téléthon,
06:13le Mont Saint-Michel-Paris, 520 kilomètres,
06:15en m'arrêtant simplement, avec Antoine Decaune,
06:18deux fois 20 minutes pour manger des pâtes et me faire masser.
06:21Ce titre de livre interpelle, avec le temps, on pense évidemment
06:24à la chanson de Léo Ferré, avec le vent, avec le temps, tout s'en va.
06:29Qu'est-ce qui s'en va avec le temps, Michel Dreyker ?
06:35Des images.
06:37Mais je crois qu'avec le temps,
06:39Nul des guérissants de son enfance, c'est une chanson de Jean Ferrat.
06:42Je pense que l'enfance reste quand même.
06:45On reste toujours un enfant.
06:47Et même m'en vieillissant, ma femme,
06:50qui est une femme exceptionnelle,
06:52qui m'a beaucoup aidé dans ma vie...
06:54Qui vous rendait hommage dans cet ouvrage ?
06:56Oui, mais tu ne te rends pas compte.
06:58Tu ne te rends pas compte.
07:00Je t'appelle papa, tu m'appelles maman, mais t'es resté un enfant.
07:03Voilà, la seule chose que tu sais faire, c'est travailler,
07:06parce que t'adores ça, mais pour le reste,
07:08t'es complètement inapte, inapte.
07:10Donc, il reste l'enfance quand même.
07:13Et puis, il y a une chose qui s'en va passer,
07:16c'est les parents.
07:18C'est mon frère, j'y reviens.
07:21C'est ma famille.
07:23Avec le temps, on n'oublie pas sa famille.
07:26Mais ce qu'on a fait dans le métier,
07:29qu'est-ce qu'il reste ? Il reste Lina.
07:32Il reste Lina, où on peut encore voir
07:35Pierre Brasseur, on peut encore voir
07:38tous ces acteurs qu'on a aimés, Gabin,
07:41évidemment, Paul Meurice, Lino Ventura,
07:44Romy Schneider, j'en parle dans le livre.
07:46Grâce à Lina, on n'est pas tout à fait morts.
07:49Pour terminer, dès les premières lignes,
07:51vous avouez que le plus important pour vous,
07:53c'était de durer.
07:55C'est une trace.
07:57Il y a toujours d'ailleurs un rapport au temps qui s'écoule.
07:59Est-ce que vous êtes fier de la trace que vous laissez,
08:02d'ores et déjà, aujourd'hui, et de ce que vous avez créé ?
08:05En tout cas, pour quelqu'un qui n'a rien foutu,
08:07je ne m'en suis pas trop mal tiré,
08:09mais je n'ai pas dit mon dernier mot,
08:11parce que j'ai encore des choses à faire.

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