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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Depuis le 1er juillet 1975, nous avons fait ensemble au travers de ces dossiers quotidiens
00:17pas mal de découvertes. Il y en a parmi vous qui m'écrivent régulièrement et je les en remercie
00:21pour donner leurs impressions sur tel ou tel dossier et surtout pour donner leur avis sur
00:26le comportement des criminels dont nous parlons et les avis sont différents bien entendu. Certains
00:31n'admettent pas le crime dits passionnel et n'admettent pas surtout les circonstances atténuantes
00:36qui allègent bien souvent les peines. D'autres pensent que tous les criminels sans exception sont
00:41des fous qu'il faut soigner. D'autres encore ne pensent pas, ils affirment simplement que tout
00:47criminel est une bête nuisible qu'il faut supprimer. Aujourd'hui je ne sais pas quelle sera votre
00:53réaction chers amis car ce dossier n'est pas si j'ose dire simplement extraordinaire non ? C'est
00:59autre chose. On ne peut pas dire que ce soit un crime passionnel ou crapuleux. On ne peut même
01:05pas dire que ce soit un crime de dément. On ne sait pas ce que c'est. Il semble que l'être humain dont
01:12nous allons parler ne soit pas un être humain justement mais autre chose. Quelqu'un d'une
01:17autre planète, d'un autre monde. Quelqu'un qui ne pense pas comme nous, ne réagit pas comme nous.
01:23Bref on est désarmé. Je dirais même qu'on n'arrive pas à croire que quelqu'un comme ça existe,
01:30que quelqu'un puisse faire une chose pareille. Et pourtant il faut bien l'admettre puisque c'est
01:36là. Et il faut s'empêcher de dire très vite c'est monstrueux pour ne pas y réfléchir.
01:41Ce serait trop facile et ce dossier n'est pas du tout facile.
01:54Avant toute chose il faut que vous sachiez que nous ne prononcerons aucun nom dans tout ce qui
02:10va suivre. Le personnage principal de cette affaire est une femme. Elle a été condamnée à la réclusion
02:16criminelle à perpétuité mais elle a été libérée après 14 ans de détention. Nous ignorons l'endroit
02:23et le pays où elle vit. Peut-être aurions-nous dû essayer d'en savoir davantage mais nous avons
02:29résisté à cette tentation. Cette histoire a 21 ans, exactement 21 ans. Le 5 décembre 1954 une
02:39femme s'est enfin résignée à faire des aveux incroyables à la gendarmerie locale. Cette femme
02:46la voici, Denise. Elle est née en Bretagne en 1926. Son père était effecteur. Un jour qu'il
02:55avait bu plus que de coutume, il se noya dans une mare, accidentellement. Sa veuve, trop pauvre pour
03:02élever quatre enfants, est obligée de les faire travailler très tôt. C'est ainsi qu'à 13 ans
03:06Denise est placée comme domestique. A 16 ans elle est toujours domestique et court les balles pour
03:11se distraire. Sa mère la trouve dure et coléreuse. Les garçons la recherchent. Elle est déjà belle.
03:18A 19 ans elle est employée d'administration. C'est une employée médiocre aux appointements
03:23médiocres, 20 000 anciens francs par mois. Elle rencontre un étudiant qui devient son amant et
03:29elle va voir sa mère tous les dimanches. Puis elle rencontre un médecin et d'autres étudiants. C'est
03:35en 1951 et Denise est enceinte. Il ne semble pas que cela lui pose un problème insurmontable sauf
03:42que le médecin, qui n'est pas sûr de sa paternité, refuse de reconnaître l'enfant. Denise accouche
03:48seule à 26 ans, le 26 avril 1952, d'une petite fille. C'est ensuite le circuit habituel, nourrice
03:58puis grand-mère etc. L'enfant fait le tour de la famille mais sa mère va la voir régulièrement
04:04chaque dimanche, s'en occupe beaucoup et la gâte dans la mesure de ses moyens. Je vous disais que
04:10Denise était belle, c'est vrai. Elle a un visage de madone, une madone qui serait dure, cruelle et
04:17autoritaire. Car si les traits sont beaux, les lignes pures, les cheveux en bandeau, l'expression
04:23générale n'est que dureté. Denise n'est pas très cultivée mais elle est intelligente et l'on sent
04:29chez elle un désir permanent d'accéder à quelque chose de supérieur. L'un de ses amants la
04:34décrit ainsi. A l'époque où je l'ai connue, elle était d'une intelligence à mon avis exceptionnelle
04:40malgré son peu d'instructions mais d'une instabilité sentimentale surprenante. Elle changeait
04:45souvent d'amis de rencontre. C'était la fille sympathique qui ne donnait pas d'importance à
04:49l'acte sexuel ou qui ne semblait pas en donner. En définitive elle était, je crois, incapable d'un
04:55attachement quelconque. Voici venir maintenant le démenti sur ce témoignage car Denise va s'attacher.
05:04Il s'appelle Jacques. Il est plus jeune qu'elle de quatre ans. Né à Paris en 1930, il est le fils
05:11naturel d'un commandant d'infanterie. Lorsqu'il est né le commandant d'infanterie, son père avait
05:1670 ans, sa mère 30. Très vite sa mère est donc seule à l'élever. Elle l'adore et comme on dit
05:22se saigne aux quatre veines pour son éducation. En 1944 le jeune garçon est au lycée de Willgrand
05:28où la vie devient pour lui impossible. L'un de ses demi-frères a été condamné à mort puis gracié
05:34et son nom de famille circule méchamment sur les livres de ses petits camarades. Il quitte le
05:40lycée, rate plus ou moins ses examens et finit par entrer à Saint-Cyr en 1952 avec un rang honorable.
05:45Il a 22 ans. C'est ce que l'on appelle un peu vite un don juant. A 17 ans une première liaison,
05:52un enfant qu'il reconnaît puis d'autres liaisons, un autre enfant qu'il refuse de reconnaître.
05:56Disons aussi qu'il est beau mais d'une beauté fade aux yeux froids et aux lèvres minces. Il a
06:02l'air conformiste et bien élevé. Ceux qui le connaissent le décrivent tout autrement. C'est un
06:07intellectuel prétentieux qui n'a pas les pieds dans la réalité. Il se complaît dans des discours
06:11fumeux qu'il veut philosophiques. Il se prend volontiers pour une sorte de diable pervers
06:16qui connaît seul la signification du monde. Il disserte sur le droit d'effort, le bonheur
06:22par la souffrance et la nécessité d'échapper à la masse, d'être exceptionnel. La rencontre de ces
06:29deux aides va donner un résultat effrayant. L'homme a trouvé le terrain idéal pour y planter
06:34ses idées. Il dit il faut être sublime, il faut être original, orgueilleux, sans pareil, exceptionnel.
06:41Il dit il faut chercher l'extraordinaire. La jeune femme l'écoute fascinée par des mots, des théories
06:49dont elle ne connaît pas le plus petit bout. Un journaliste dira plus tard cet homme a une
06:55indigestion de philosophie. Il a déversé cette indigestion sur Denise. Oui le résultat est effrayant
07:04et c'est là qu'on a du mal à y croire. On a beau dire voyez-vous, cette femme a cru tout ce que
07:12lui disait cet homme. Elle a cru qu'elle devait commettre un acte exceptionnel. Elle fut persuadée
07:18qu'il était nécessaire de traduire concrètement une recherche de l'absolu née d'un cerveau malade.
07:24Je ne devrais pas dire un cerveau malade mais que dire d'autre ? Que dire d'autre s'il est exact que
07:33Jacques demande à Denise un jour de septembre 1954 d'immoler son propre sang, de tuer sa fille.
07:39S'il est exact qu'il ait dit c'est parce qu'on n'a pas le droit de commettre un acte qu'il faut le
07:44commettre. C'est parce que cet acte est monstrueux qu'il a de la valeur. Alors comment ne pas penser
07:50un cerveau malade ? Denise va tuer sa fille. Les faits concrets qui ont suivi le long cheminement
07:59de la pensée dans le cerveau de Denise se sont déroulés entre le 22 septembre 1954 et le 5
08:05décembre 1954. Trois tentatives et la quatrième, l'acte monstrueux.
08:20Les récits extraordinaires de Pierre Delmar, un podcast européen. Le 22 septembre 1954, Denise
08:28est chez sa mère. Le matin elle reçoit de Jacques une lettre de rupture. Depuis longtemps leurs
08:33amours sont orageux. Depuis longtemps il a dit quand on aime il faut le prouver. Denise est sur
08:39le balcon, sa fille joue à ses pieds. La description de cette scène je le précise nous vient de ses
08:46propres aveux. Elle prend l'enfant qui a deux ans à bout de bras et la soulève lentement au-dessus
08:54du vide. Un long moment s'écoule. Denise hésite. A-t-elle peur qu'on la voit ? A-t-elle peur de ce
09:07qu'elle veut faire ? Au bout d'une minute elle repose l'enfant sur le sol. Il ne s'est rien passé.
09:14Le 27 septembre, cinq jours après, Jacques rejoint Denise. Les deux amants vont se promener au bord du
09:24canal. Entre ces deux dates Denise prétend que Jacques lui aurait dit vous n'avez rien fait, vous
09:29êtes incapables de courage alors c'est simple je vais coucher avec quelqu'un d'autre. Jacques repart
09:35sur cette déclaration. Denise retourne au bord du canal avec sa petite fille. Elle arrive à une
09:42passerelle et s'y engage le bébé dans ses bras. Elle s'arrête l'acier sur la rambarde et d'un seul
09:51coup précipite l'enfant dans l'eau noire et glacée du canal. À peine le geste fait elle se met soudain
09:57à hurler au secours. Grâce au courant l'enfant est déporté vers un endroit peu profond près de la
10:01porte de l'écluse. Un homme alerté par les cris de Denise se précipite et réussit à arracher l'enfant
10:06de l'eau. Il la rend à sa mère qui pleure en l'acérant convulsivement dans ses bras. L'homme
10:12dira plus tard c'est une chance inouïe d'avoir pu rattraper le bébé. On aurait dit qu'elle savait
10:16nager. Elle flottait à la surface en remuant ses bras et ses jambes. Dans la maison de l'éclusière
10:22on console la mère, on réchauffe l'enfant. C'est la deuxième tentative. Personne ne s'en rend compte.
10:27Personne sauf peut-être l'enfant qui à partir de ce jour semble prendre conscience que sa mère n'est
10:33plus une protection et réclame sans arrêt les bras de sa grand-mère. Deux semaines s'écoulent.
10:39Aux yeux de ses proches, Denise paraît de plus en plus angoissée. Tout le monde pense que la rupture
10:44entre les deux amants est inévitable et que la tension nerveuse de la jeune femme en est la
10:48conséquence. Mais Denise pendant ce temps écrit à Jacques. L'amour va-t-il être plus fort que la peur
10:56et le diable plus habile que Dieu ? Et elle ajoute. À relire cette lettre, je trouve qu'elle n'est pas
11:04empreinte de l'amour que je ressens, mais de peur. Effectivement j'ai peur.
11:12Le 16 octobre, Denise va rejoindre sa fille chez sa nourrice. Il est tard. Les deux femmes préparent
11:20le dîner. Denise ouvre des huîtres, la petite fille joue dans la cour avec d'autres enfants.
11:26Denise profite alors d'une absence de la nourrice, saisit l'enfant à bras le corps et traverse le
11:30jardin en courant. Elle atteint la rivière proche, court sur le pont, jette sa fille dans l'eau d'un
11:35seul élan et revient toujours en courant reprendre sa place à la cuisine. Au bout de quelques minutes,
11:40la nourrice inquiète de ne plus voir la petite fille, donne l'alerte. On cherche partout dans la
11:43nuit pendant près d'une heure. Heureusement, le bébé est habillé de blanc et on l'aperçoit enfin,
11:48assise dans l'eau de la rivière, bleu de froid, miraculeusement déposée par le courant à
11:52proximité de la berge et indemne. Si Denise paraît ce jour-là à bout de nerfs, rien de plus normal
11:58pour les témoins de cette troisième tentative. Pour eux, c'est une mère épuisée par les émotions
12:02et la crainte de perdre son enfant qui pleure au bord de la rivière. Mais Denise n'a qu'une idée
12:07en tête, retrouver son amant. Elle part du village à pied, fait 18 kilomètres pour attraper un train
12:13et regagner Paris où il se trouve. Dans la nuit du 16 au 17 octobre, elle erre dans Paris avec
12:19sa valise. Un automobiliste la remarque et s'arrête car elle lui paraît complètement
12:22désemparée. Elle n'a pas d'argent sur elle et ne sait pas où aller dormir. L'homme la prend en
12:28pitié, la fait dîner, lui offre une chambre où dormir. Cet homme sera l'un des témoins du procès.
12:33Il dira « Cette femme était désespérée. J'ai essayé de la faire parler. Au bout de quelques
12:40temps, elle m'a dit « J'ai un amant » et il exige que j'accomplisse quelque chose d'atroce. À force
12:48d'insistance, l'homme finit par recueillir l'horrible confidence. Il veut que je tue ma
12:53fille. » Ce témoin impressionné tentera de raisonner Denise et, avant de la laisser partir,
12:57la menacera même clairement. « Si dans les jours qui viennent j'apprends quelque chose de
13:02semblable, mon devoir sera d'avertir la police de votre confidence. » Denise sautait alors,
13:07mais en partant, elle précise « Je dois le faire. C'est la condition de notre union future. »
13:16Le 8 novembre, enfin. Denise doit acheter sa soeur et elle emmène sa fille avec elle.
13:25C'est la quatrième tentative. La dernière.
13:31Dans l'après-midi, la mère et la fille sont seules. Dans la cuisine, Denise lave du linge.
13:40L'enfant joue, assise par terre. Près d'elle une bassine, remplie d'eau savonneuse.
13:51Denise décide, et c'est horriblement efficace, de noyer l'enfant dans la bassine en lui
14:02maintenant la tête sous l'eau. Cette mère décide de noyer son enfant comme on noie un petit chat.
14:09Cela prend du temps. Il faut le faire. C'est long, ignoble, difficile. Mais la bassine
14:23est grande, remplie d'eau savonneuse à ras bord. Et finalement la mère lâche l'enfant.
14:31La tête reste sous l'eau. Le petit chat est mort.
14:40Jusqu'au 5 décembre 1954, ce sera un accident. Mais c'est le troisième accident consigné par
14:52les gendarmes où l'on parle de noyade à propos du même enfant. Ils sont soupçonneux. Pourtant,
14:57Denise a alerté elle-même les pompiers une heure après la mort de l'enfant. Et sa déclaration est
15:01vraisemblable. Je me suis absenté. L'enfant était assis sur son pot dans la cour. Elle a dû vouloir
15:07jouer avec l'eau. Elle est tombée la tête la première dans la déciveuse. Quand j'ai vu qu'elle
15:12était morte, je me suis évanoui. Sur le moment, tout le monde la croit, bien sûr. Comment imaginer
15:17autre chose devant cette mère qui pleure ? Pourtant, la nourrice sait bien que l'enfant avait peur de
15:22l'eau depuis quelque temps et répétait toujours « pas l'eau, pas l'eau pour Cathy ». Le rapport de
15:28gendarmerie transmis au parquet, une rapide enquête effectuée, les gens parlent comme s'ils savaient
15:33depuis toujours. Et Denise décide à avouer le 5 décembre 1954. Et elle accuse. Elle accuse Jacques,
15:43son amant, d'être l'instigateur du crime. Dans ce domaine, les preuves sont très difficiles à
15:50réunir. Il y a tout ce que rapporte Denise sur ses conversations avec Jacques, encore faut-il les
15:55confirmer. Il y a des lettres de Denise, mais il les a brûlées, sauf une qu'il a oubliées sans doute.
16:00Mais les termes sont assez vagues, bien qu'inquiétants. C'est celle où Denise parle du
16:04diable. Il y a ce télégramme aussi aux termes sibilins que Denise lui adressa. Cathy décédée,
16:10à bientôt peut-être. Il y a aussi le fait que Denise le rejoignait après chaque tentative de
16:16noyade. Les confrontations sont dramatiques. Jacques nie tout et déclare « Cette fille est
16:21folle. Je lui aurais peut-être demandé de marcher à quatre pattes, mais pas de tuer sa fille. » Mais
16:27les présomptions sont suffisantes. Il est arrêté quelques mois plus tard et devant les assises,
16:31ses présomptions vont peu à peu devenir des certitudes. Car la sincérité de Denise dans
16:37ses accusations est de celle qu'on n'invente pas. Et les relations de Jacques témoignent de son
16:42étrange personnalité. Une femme notamment qui vécut avec lui une liaison difficile et garde
16:47un enfant de lui. Cette femme est bien différente de Denise. Avec elle, Jacques trouvait à qui
16:52parler. Cultivée, volontaire, elle prit elle-même la décision de rompre. « Il parlait pour le
16:58plaisir de parler, » dit-elle. « Pendant des heures, il enfourchait tous les dada que la
17:02philosophie à la mode mettait à sa portée, puis les abandonnait avec la même facilité. Je ne pense
17:07pas qu'il ait dit « Tuez votre enfant pour me prouver votre amour ». C'est bien trop concret,
17:11bien trop simple, bien trop clair. Mais si cette idée l'a effleuré un jour, il a dû raisonner
17:17pendant des jours, obscurément, sur la beauté des grands sacrifices. Moi, je l'ai laissé à ses
17:23problèmes de collégien. » Ainsi parlent, ou presque, toutes les femmes que ce faux donjuant
17:29a séduit. Pour elles, il a le goût de l'abstraction, il est prétentieux, obscur et pensait
17:34toujours subjuguer les femmes à grands coups de controverses philosophiques, mais faciles. Avec
17:39Denise, il a réussi avec un acharnement démoniaque. Denise a cru, elle a cru qu'il fallait rechercher
17:46l'extraordinaire, accomplir l'acte le plus défendu, le plus difficile pour prouver... Pour prouver on ne
17:53sait trop quoi, hélas. Pour l'avocat général, il n'y a aucun doute. Jacques est un pervers et un lâche
18:01qui a rendu folle une femme qu'il aimait et l'admirait inconditionnellement. Son réquisitoire
18:07est dur, il requiert la peine de mort pour Denise et les travaux forcés à perpétuité pour son amant,
18:13car il n'était pas le père de l'enfant. Denise ne réagit pratiquement pas. Mais Jacques, exaspéré
18:20par les accusations du procureur, lui jette à Arnieux « Il vaut mieux être un lâche ou un
18:24assassin ! » Ce qui peut vouloir dire qu'il est un lâche, effectivement, et il ne change rien dans
18:30l'esprit des jurés. Vous vous en souvenez peut-être, ce fut un grand procès il y a vingt ans. Il y
18:37avait maître Floriot, maître Maurice Garçon, un public tendu, un jury qui ne comportait que des
18:42hommes, et au moment où la mère accusée, toute noire vêtue, s'asseyait dans son box étrangement
18:47pâle et belle, un orage effrayant a éclaté dans le ciel d'été, une panne totale d'électricité a
18:52plongé le tribunal dans le noir. Jean Cocteau a dit que c'était là le procès du siècle, et pour
18:58ce procès du siècle, il n'y avait qu'une pièce à conviction, une lessiveuse. Et c'est devant cette
19:06lessiveuse que vinrent déposer notamment les experts en psychiatrie. Il faut bien en parler,
19:11je suppose, autant plus que très certainement comme nous, pour vous poser des questions sur
19:15le caractère, la personnalité de ces deux amants que la presse appela les amants maudits. Pour nous
19:21simples observateurs ou auditeurs, qui est Jacques ? Un jeune homme infantile et pervers ? Un homme
19:26sans autre envergure que la domination qu'il pensait exercer sur les femmes ? Bien pauvre
19:31domination qu'il voulait érotique et transcendante ? Moi je dirais morbide et criminel.
19:36L'expert dit, lui, dans les limites bien sûr de la psychiatrie légale, Jacques est sadique modéré
19:41et ordinaire. Et qui est Denise ? Nous pouvons dire une femme qui a voulu penser au-dessus de ses moyens,
19:48un caractère faible et influençable jusqu'à la folie morbide. L'expert dit, ni obsédé ni
19:55halluciné, Jacques a eu 20 ans de travaux forcés. Combien n'a-t-il fait en réalité, nous l'ignorons.
20:02Denise, la réclusion a perpétuité. Le 20 août 1968, elle a retrouvé sa liberté après 14 ans de prison.
20:13Voyez-vous, je me demande ce qui peut se passer aujourd'hui dans la tête de Denise,
20:20lorsqu'elle regarde une lessiveuse pleine d'eau savonneuse.
20:31Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives
20:52d'Europe 1. Réalisation et composition musicale, Julien Tarot. Production, Estelle Laffont.
20:59Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus. Remerciements à Roselyne
21:07Belmar. Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:12Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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