Affaire Grégory : Le cas Bernard Laroche, des accusations aux soupçons jusqu'au meurtre
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00:00Le cas d'Arnaud Bernard Laroche a été élevé en même temps que le dernier de la fratrie Jacob,
00:17c'est-à-dire Marcel Jacob, et a été élevé également avec Jacky Villemin,
00:23donc le frère aîné de Jean-Marie, qui est désigné dans la procédure comme le bâtard.
00:31Bernard vit à Hautmonzé avec son épouse, Marie-Ange Boll, et leur fils de 4 ans.
00:40Contre maître à l'usine, il bénéficie d'une bonne situation et est très apprécié de son entourage.
00:48Les gens qui décrivent le caractère de Bernard Laroche, c'est quelqu'un d'extrêmement paisible, de plutôt jovial,
00:54c'est un caractère très agréable, et je dirais que c'est le contraire du portrait qu'on pourrait faire d'un assassin d'enfant.
01:05Les gendarmes se demandent alors pourquoi il aurait pu en vouloir à Jean-Marie.
01:10Et en creusant dans la vie des deux cousins, ils ne tardent pas à se faire un premier avis.
01:18Quand on gratte, on se rend compte qu'il y en a un qui a réussi à passer contre maître très rapidement,
01:23Jean-Marie Villemin, alors que l'autre a mis plusieurs années et a dû ramer pour avoir son diplôme de contre-maître.
01:29On en a un qui a un bel enfant, Grégory, alors que Bernard Laroche a la malchance d'avoir un enfant qui a un handicap.
01:40Mais si Bernard Laroche est bien le corbeau, pourquoi a-t-il attendu 18 mois avant de passer à l'acte ?
01:48Les enquêteurs pensent qu'un événement survenu deux jours avant la mort de Grégory pourrait être l'élément déclencheur.
02:01Le dimanche 14 octobre, Jean-Marie et Christine Villemin ont eu la visite chez eux à l'éponge de son frère Michel.
02:10Et à ce moment-là, Jean-Marie et Christine sont en pleine réussite.
02:17Il exhibe avec un peu de forfaiterie son aisance matérielle et notamment ce très beau salon en cuir dont il vient de faire l'acquisition.
02:30Or, Bernard Laroche et Michel Villemin sont très proches et se sont vus l'après-midi du 16 octobre 1984.
02:40Une rencontre au cours de laquelle Michel aurait pu faire part de la réussite de Jean-Marie à Bernard.
02:50C'est cet élément qui retient le plus notre attention et qui nous permet d'imaginer qu'il y a eu un déclic de la jalousie, parce qu'il ne faut pas l'oublier.
02:59Le levier de l'affaire Grégory, c'est la jalousie.
03:02Fort de ces nouvelles informations, le 31 octobre, 15 jours après la mort tragique de Grégory, les gendarmes placent Bernard Laroche en garde à vue.
03:15Sommé de s'expliquer, le cousin de Jean-Marie nie tout en bloc.
03:22Ce n'est pas moi, je ne suis pour rien dans cette affaire.
03:26On lui pose une question sur à telle heure que faisais-tu.
03:30Il a quand même un peu réponse à toutes les demandes qui lui sont faites et pour lui, il n'est pas l'auteur.
03:36L'homme de 29 ans fournit un alibi aux enquêteurs pour le moment du drame.
03:43Il va notamment parler de Muriel Boll, qui est sa belle sœur, la sœur de sa femme.
03:51Il explique qu'à 17h30, il s'est rendu chez sa tante Louisette et que Muriel, âgée de 15 ans, était déjà là.
04:00Elle venait de rentrer du collège par le bus.
04:03L'enlèvement ayant eu lieu peu après 17h, l'homme n'aurait donc pas eu le temps d'accomplir le crime.
04:11Faute de charge suffisante à son encontre, à l'issue de sa garde à vue, Bernard Laroche est remis en liberté.
04:18Mais son alibi ne va pas tarder à s'effondrer.
04:25Muriel nous dit exactement l'inverse.
04:27Elle nous dit oui, je suis allé chez Louisette, mais Bernard était déjà là.
04:31Donc on voit que c'est un détail, mais c'est un détail important qui montre qu'il y a quelque chose qui n'est pas clair.
04:39Pour éclaircir cette zone d'ombre, les gendarmes se tondent vers le chauffeur du bus scolaire.
04:45Et contre toute attente, ils leur indiquent que ce mardi 16 octobre, Muriel n'a pas pris le bus.
04:53Un témoignage confirmé par des camarades de l'adolescente.
04:58Deux de ses collègues de collège disent qu'elle est montée dans une voiture.
05:03Une voiture dont elle donne à peu près la description, de couleur, verte, etc.
05:07Avec un homme à bord, etc.
05:10Le 2 novembre 1984, Muriel est de nouveau entendue par les gendarmes.
05:17Mise face à ces contradictions, la jeune fille craque.
05:23Elle finit par nous avouer qu'elle était partie avec Bernard Laroche qui était venu la chercher à la sortie du collège.
05:30Qu'ensemble ils sont allés à l'éponge, qu'ensemble ils ont récupéré un enfant qu'elle a décrit comme étant Grégory.
05:39Elle nous raconte un scénario qui correspond à l'enlèvement de l'enfant par Bernard Laroche.
05:46Jusqu'au moment où il sort de la voiture avec l'enfant et il revient quelques instants plus tard sans lui.
05:54Trois jours plus tard, Muriel réitère ses accusations devant le juge d'instruction.
06:00Le fameux juge Lambert.
06:03Il ordonne alors l'arrestation immédiate de Bernard Laroche.
06:07Bernard Laroche est arrêté sur son lieu de travail.
06:11Il est arrêté, j'y insiste, devant les caméras de télévision qui vont retransmettre l'événement et qui va être un événement médiatique tout à fait considérable.
06:23A son arrivée au palais de justice d'Epinal, le principal suspect dans la mort du petit Grégory est accueilli par une foule hystérique.
06:33C'est une atmosphère extrêmement violente.
06:37Il y a des cris à mort, on organise des manifestations pour obtenir le rétablissement de la peine de mort.
06:43On dit à mort Laroche, en fait il y a une ambiance de lynchage.
06:53Face au juge, Bernard Laroche clame son innocence.
06:57Mais malgré ces dénégations, Jean-Michel Lambert décide de l'inculper pour assassinat.
07:07Le juge Lambert, il est jeune, il est pris aussi dans le tourbillon, il est pris dans cet enjeu médiatique qu'il ne maîtrise pas forcément.
07:16Epinal est le premier poste de Jean-Michel Lambert qui n'a que 32 ans.
07:22Mais il est également le seul juge d'instruction et doit gérer 229 dossiers.
07:29L'affaire Grégory porte le numéro 180.
07:34Traqué par la presse, le jeune magistrat est propulsé sur le devant de la scène médiatique.
07:39Et visiblement, ce n'est pas pour lui déplaire.
07:43Sa porte est souvent entre-ouverte, il ne fait pas des conférences de presse tous les matins.
07:47Mais il se méfie peu des journalistes.
07:50Donc du coup, le juge Lambert, il n'a pas une maîtrise millimétrée de sa communication.
07:56Le soir même de l'inculpation de Bernard Laroche, le magistrat s'exprime devant la presse.
08:02Convaincu d'avoir enfin mis la main sur l'assassin de Grégory.
08:10Qu'est-ce qui vous a permis de l'inculper ?
08:12Un témoignage capitale et en partie un rapport d'expertise.
08:17Ce témoignage, celui de Muriel ?
08:19Exact.
08:27Alors, Bernard Laroche est-il vraiment le ravisseur de l'enfant ?
08:31Et si c'est le cas, pourquoi s'être encombré d'une adolescente de 15 ans comme témoin de son méfait ?
08:38Les gendarmes ne le savent pas encore.
08:40Mais un incroyable coup de théâtre est sur le point de venir bouleverser le cours de l'enquête.
09:08Le 7 novembre 1984, deux jours après l'inculpation de Bernard Laroche, Muriel Boll apparaît devant les caméras de télévision.
09:19Elle fait alors une déclaration fracassante.
09:38La jeune adolescente accuse les gendarmes d'être à l'origine de ces terribles aveux contre Bernard Laroche.
09:57Pour les gendarmes, c'est un véritable coup de massue.
10:01Ils imaginent alors que la jeune fille aurait pu être menacée par sa famille.
10:06Elle récite cela comme une leçon donc apprise évidemment avec beaucoup de zèle à l'avance.
10:15On se dit ben oui c'est pas possible, bon elle a subi des pressions etc. Ben oui, moi enquêteur, voilà ce que je me dis.
10:26L'incroyable volte-face de Muriel Boll fait la une des médias français.
10:32Jean-Marie et Christine Villemin, les parents de Grégory, apparaissent totalement dévastés devant les caméras de télévision.
10:41Pour eux, la jeune adolescente ment ouvertement.
10:52Vous pensez que c'est la pression énorme de sa famille qui l'a fait se rétracter, qu'elle ait peur ?
11:01Elle a quand même répété trois fois de suite, elle n'a rien inventé et les gendarmes ne l'ont rien soufflé.
11:08Mais suite à la rétractation de Muriel, les charges à l'encontre de Bernard Laroche s'effondrent littéralement.
11:18Il ne reste plus rien des accusations de Muriel contre son beau-frère.
11:23Il faut donc retourner aux éléments de police scientifique, c'est-à-dire le rapport d'autopsie, les expertises en écriture, pour déterminer finalement qui peut être le coupable.
11:37Mais en épluchant le dossier, les avocats de Bernard Laroche découvrent que les expertises en écriture sont en réalité juridiquement irrecevables.
11:49Ces expertises sont annulées pour vise de procédure, à savoir que les experts ont été désignés non pas par le juge d'instruction, comme il eut fallu, mais par les gendarmes.
12:03Et cette erreur, je le dis clairement, est imputable à monsieur le juge d'instruction qui a très très mal appliqué les dispositions du code de procédure pénale.
12:15Une erreur aux lourdes conséquences qui n'échappe pas aux journalistes.
12:22Le juge Lambert hérite alors d'un surnom dans les médias, le petit juge.
12:29On a tendance à nommer aussi les gens sur des critères physiques, c'était pas un nombre très grand, et c'était une manière aussi, je pense, de souligner, peut-être pas de la manière la plus intelligente d'ailleurs,
12:41le fait qu'il a eu beaucoup de mal à tenir son enquête.
12:48A la fin de l'année 1984, les tensions apparaissent entre les gendarmes, persuadés de la culpabilité de Bernard Laroche, et le juge d'instruction, sensible aux arguments de la défense.
13:03A partir de décembre 1984, on se retrouve dans une situation complètement surréaliste.
13:09On est à la fois toujours saisi officiellement et chargé d'enquêter, mais le juge refuse que l'on poursuive toute investigation sur la piste de Bernard Laroche, il ne veut plus qu'on en entende parler.
13:23En janvier 1985, Jean-Michel Lambert dessaisit les gendarmes au profit du SRPJ de Nancy.
13:33Et moins d'un mois plus tard, le 4 février, il ordonne la libération de Bernard Laroche.
13:41L'événement est extrêmement médiatisé.
13:46Il est libéré, mais il reste inculpé d'assassinat.
13:51Donc ça, dans le contexte explosif de l'époque de cette affaire, ça crée un espèce de trouble profond.
14:00Comment quelqu'un, un assassin d'enfant, désigné comme tel par les enquêteurs, peut être mis en liberté ?
14:09Pour Christine et Jean-Marie, c'est l'incompréhension.
14:14Très mal, cette libération, dans la mesure où leur petit garçon a été assassiné.
14:21Ils ont l'impression d'une trahison, quelque part, de la justice.
14:28D'autant plus que, comme ils l'avaient confié à la presse, les parents de Grégory sont persuadés de la culpabilité de Bernard Laroche.
14:38Et si ce n'était pas Bernard Laroche ?
14:43C'est lui.
14:48Vous vous êtes sûrs ?
14:54Et quelques jours après la libération du cousin de Jean-Marie, un événement va finir de les convaincre.
15:03Le récit, d'ailleurs, en est fait par un procès verbal d'audition ou d'interrogatoire de Christine Villemin,
15:10qui explique qu'il y a une soirée très arrosée au domicile de Villemin avec un journaliste d'un grand magazine.
15:22La journaliste fait alors écouter au jeune couple l'audition du procès verbal de Muriel Boll, accusant son beau-frère.
15:32Et bien entendu, le résultat va renforcer la conviction de Villemin et leur détermination.
15:38Pourtant, l'enquête ne va pas tarder à prendre une toute autre direction, car depuis plusieurs semaines,
15:46deux nouveaux experts sont chargés d'identifier le corbeau, à partir des lettres anonymes.
15:55Le juge d'instruction Lambert a désigné les meilleurs experts en écriture sur la liste de la Cour de cassation,
16:01de manière à avoir un avis autorisé sur notamment l'auteur de la lettre de revendication du crime.
16:10En mars, ils rendent leur rapport et contre toute attente, l'accusation change de camp.
16:17Christine Villemin devient la suspecte numéro un.
16:22L'information, fuite dans les médias.
16:26La thèse de la mère infanticide divise l'opinion publique dans la presse.
16:31Les deux clans s'affrontent.
16:34Il va y avoir la stratégie de Laroche d'un côté, la stratégie de Villemin de l'autre.
16:40On voit bien que les querelles de famille vont se téléporter un peu dans la gestion quotidienne de l'affaire d'un point de vue enquête et justice, et journalistique de fait.
16:53Face à ces accusations, Christine Villemin fait un malaise et est hospitalisée.
16:59Alors quand Jean-Marie se retrouve seule, sans sa femme à ses côtés, il voit rouge.
17:07Jean-Marie Villemin, il était totalement perdu à ce moment là, complètement.
17:11Christine Villemin est hospitalisée.
17:13Il a perdu tous ses repères et il a surtout perdu foi en la justice.
17:20Le 29 mars 1985, 5 jours après l'annonce des terribles accusations contre Christine, le père de famille, endeuillé, craque.
17:31Il se saisit de son fusil de chasse, direction Aumonsey, le village où habite son cousin.
17:39Sa décision est prise.
17:42Lorsque Jean-Marie Villemin approche à remettre son fusil, Bernard Laroche le supplie de croire que ce n'est pas lui qui est responsable de cet assassinat.
17:54Il essaie de trouver un terrain de discussion rationnel qui permette de sortir de la scène de violence qui est en train de commencer, dont il voit bien qu'il risque d'être la victime.
18:05Mais Jean-Marie est déterminée.
18:08Sans aucune hésitation, il abat son cousin d'une balle en pleine poitrine.
18:19C'est une scène horrible parce que Marie-Ange est à côté, elle voit mourir son mari.
18:23C'est le jour où elle apprend qu'elle est enceinte de son deuxième fils.
18:26Donc c'est une journée absolument catastrophique et un drame absolu.
18:31Jean-Marie Villemin se constitue ensuite prisonnier et est directement incarcéré, laissant son épouse Christine seule face aux accusations.
18:43Alors, le père de Grégory a-t-il tué le vrai responsable de la mort de son enfant ?
18:48Ou Christine Villemin pourrait-elle avoir assassiné son propre fils ?
18:51L'affaire Grégory réserve encore bien des surprises aux enquêteurs.