En sept minutes, elle a sauvé 11 patients de l'incendie de son établissement. Aide-soignante, Halima raconte.
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00:00Ce soir-là, on m'a appelée pour un remplacement de dernière minute,
00:06donc je suis allée travailler au foyer d'accueil médicalisé.
00:09Je commence mon tour comme je fais d'habitude.
00:13Il y a 11 résidents qui sont tous en train de dormir
00:18parce qu'ils ont tous pris des somnifères
00:20et ils ont des traitements quand même assez corsés.
00:23J'entends l'alarme incendie.
00:25Ça sonne, ça sonne, ça sonne.
00:26Je fais le tour, je ne vois rien.
00:28Et du coup, j'appelle la directrice pour lui dire
00:32qu'elle me conseille d'appeler les pompiers.
00:34À ce moment-là, je pousse la porte coupe-feu du couloir
00:37et là, une vague de chaleur me descend du plafond.
00:41Je voyais le plafond s'effondrer, donc il fallait que je fasse super vite.
00:46Je n'avais pas le temps d'avoir peur.
00:48J'ai pris vraiment mon courage à deux mains.
00:50Je me suis dit, je ne peux pas partir et les laisser là.
00:54Pour moi, je n'aurais pas pu survivre à ça.
00:56Il y avait un seul résident qui était trop difficile pour moi.
01:01J'étais à bout de force, je n'y arrivais plus.
01:03Donc, j'ai appelé mon collègue pour qu'il vienne m'aider.
01:07Il a commencé par sortir le lit, mais le lit ne passait pas à travers la porte.
01:12Donc, on a porté le résident, on l'a mis dans son fauteuil roulant.
01:16On l'a sorti et je l'ai juste enroulé dans un drap pour le sortir.
01:21Et en fait, le drap s'est pris dans les roues
01:24et du coup, ça a fait basculer le résident par terre.
01:27J'étais mal, je commençais à pleurer parce que j'avais peur de lui avoir fait mal.
01:31En sept minutes, j'avais sorti tout le monde.
01:33Ça peut paraître très rapide et en fait, quand on le vit, c'est super.
01:39La particularité des résidents, ils sont quasi tous déficients.
01:43Pour certains, ils sont autistes et pour certains, ils ont des pathologies associées.
01:49Donc, ils ont des troubles moteurs et intellectuels.
01:55Je croyais que tout le monde était sorti, je fais le compte
01:58et là, je me rends compte qu'il manque une personne.
02:01Maria est retournée se coucher.
02:02Donc, je retourne la chercher, je me fais poursuivre par une pompier
02:06qui me somme de rester à l'extérieur.
02:10Je ne l'écoute pas parce que je pense que je suis un mâme de la trouver en premier,
02:14vu que je connais sa chambre et j'accompagne Maria à l'extérieur.
02:18Je commence par allumer sa robe de chambre.
02:20Je me fais un petit peu gronder par le pompier et je lui mets ses chaussons dehors.
02:25Quand tout le monde était installé, ma cheffe de service m'a dit
02:29« si vous voulez rentrer, allez-y, on est là ».
02:31Parce qu'ils m'ont rejoint juste après que j'ai sorti tout le monde.
02:37Et en fait, non, je me disais que ma mission, c'était de rester jusqu'au bout,
02:45de l'éveiller comme j'étais venue pour l'éveiller toute la nuit.
02:49Donc, je voulais finir mon travail.
02:51Et je suis rentrée chez moi le matin.
02:53Mon fils m'a interpellée en me disant « maman, tu te rends compte que t'aurais pu mourir ? »
02:59« T'as pensé à nous, maman ? »
03:02Et là, je lui ai dit « non, j'ai pas pensé à vous, j'ai pensé aux personnes qui étaient avec moi ».
03:06J'ai eu la médaille du courage, mais en fait, pour moi, c'était un acte normal.
03:13Normal dans le sens où notre métier, il faut déjà être courageux pour le faire.
03:19Parce qu'en fait, même sans le vouloir, on donne tout.
03:24On donne tout parce qu'on se prend en pleine face toutes les émotions des résidents et des patients.
03:31C'est un métier qui prend au trip.
03:36Donc, c'est soit on le fait avec toute l'énergie qu'on a et on peut vite s'excuser.
03:43Soit on ne le fait pas.
03:45Ce n'est pas comme aller au bureau, taper des notes et repartir.
03:50Non, c'est des histoires de vie, c'est-à-dire que c'est des empreintes qu'ils laissent dans notre vie.
03:57Moi, des patients, il n'y en a pas beaucoup, en fait, dont je ne me souviens pas.
04:02L'être soignant, déjà, ce métier-là, il est en souffrance.
04:05Je pense qu'il y a plus de maltraitance institutionnelle que de maltraitance envers les résidents.
04:15Il ne faut l'échanger qu'une fois par semaine à cause des dotations.
04:18Avoir que trois couches dans la journée et il ne faut pas dépasser le budget.
04:25Donc, on ne peut pas réduire des êtres humains à une question budgétaire.
04:35Sous-titrage Société Radio-Canada