"Il aurait fallu que je m'arrache le pied pour sortir de la voiture, je l'aurais fait."
Les images de sa F1 en flammes ont fait le tour du monde. Depuis, il a repris la compétition. Romain Grosjean raconte son terrible accident, et comment il a surmonté cette épreuve.
Les images de sa F1 en flammes ont fait le tour du monde. Depuis, il a repris la compétition. Romain Grosjean raconte son terrible accident, et comment il a surmonté cette épreuve.
Catégorie
🥇
SportTranscription
00:00La voiture s'arrête, je détache ma ceinture, j'essaie de sortir et j'arrive pas à sortir.
00:05Et ma première pensée c'était de me dire que je dois être sur le côté ou à l'envers
00:10et je peux pas sortir parce que je suis bloqué par le sol.
00:13Donc au début j'ai voulu attendre qu'on vienne m'aider.
00:17Et puis assez rapidement je me rends compte qu'en fait il y a du feu partout
00:22et que j'ai pas le temps d'attendre donc j'essaie de ressortir à nouveau, je suis bloqué.
00:26Et là je me suis dit bon bah en fait voilà c'est terminé, c'est terminé.
00:31Et le titre de mon livre La mort en face c'est parce que pour moi
00:36la mort elle s'est arrêtée à 5 secondes de mon visage.
00:39Elle a été en face de moi, j'ai presque pu la matérialiser.
00:44Et à ce moment là je me dis non, pour mes enfants je peux pas,
00:48enfin c'est pas possible, mes enfants peuvent pas grandir sans un père.
00:51Et je remets un grand coup d'épaule et de casque dans tout ce qui était au-dessus de moi.
00:57Et en fait j'arrive à casser une pièce qui me bloquait dans la voiture
01:01et à trouver la première sortie.
01:14Depuis l'accident j'ai deux dates de naissance.
01:17J'ai le 17 avril 1986 et j'ai le 29 novembre 2020.
01:21Je me considère comme un survivant, c'est sûr, un miraculé aussi.
01:24Cet accident le refait 100 fois, 99 fois, le pilote sort pas vivant des flammes.
01:29J'ai vu mes gants rouges devenir noirs et je sais que j'ai les mains en feu.
01:33Mais à ce moment là c'est pas grave, il aurait fallu que je m'arrache le pied pour sortir de la voiture, je l'aurais fait.
01:46J'ai une main droite qui va très bien et puis j'ai une main gauche qui est un peu moins jolie.
01:50Donc forcément il y a une grosse brûlure.
01:52Une brûlure en fait c'est un peu étrange comme blessure, ça guérit jamais vraiment.
01:56Et c'est vrai qu'aujourd'hui en fonction de l'humidité dans l'air, de la météo, ça va me faire plus ou moins mal.
02:01Mais j'ai appris à vivre avec et puis c'est pas bien grave.
02:04Et c'est vrai qu'en permanence je serre ma main comme ça, je la bouge pour que la peau continue de travailler, même un an après.
02:14On apprend à vivre avec ça et en même temps c'est un peu une marque de soldat qui me rappelle ce que j'ai vécu et qui me rappelle que chaque jour je devrais pas être là.
02:24Et donc c'est un bonus et il faut en profiter.
02:26L'accident a eu lieu le dimanche 29 novembre à 17h.
02:30Le mardi en fin de journée j'étais déjà en visioconférence avec ma psychologue avec qui je travaille depuis 9 ans.
02:36Donc on se connaît très bien et puis on a tout de suite travaillé pour éviter tout ce qui était stress post-traumatique.
02:42Et j'ai eu deux flashbacks au mois de décembre, deux flashbacks effectivement du moment où je me suis dit ça y est c'est fini et presque accepté de mourir.
02:50Et on a retravaillé dessus et depuis plus rien.
02:53J'ai jamais fait de cauchemar, je peux voir les images de l'accident, je peux en parler assez ouvertement.
03:08On a un peu joué les vases communicants, c'est-à-dire qu'au début je lui disais tout va bien,
03:11j'ai pas mal, ça va aller, etc, etc.
03:13Parce que je savais qu'elle avait les enfants à la maison, elle il fallait qu'elle gère aussi ce qu'elle avait vécu.
03:19Parce que je pense que c'était plus dur à suivre à la télé que ça ne l'était dans la voiture.
03:27Et donc au début j'étais vraiment là pour la réconforter.
03:31Puis à un moment quand on a commencé à faire les soins un peu plus importants sur mes mains,
03:34il a fallu faire ce qu'on appelle un débridage, c'est-à-dire couper la peau, cloquer.
03:38Et je m'en suis retrouvé avec des doigts à la chair.
03:41À ce moment-là c'est moi qui ai eu un coup de moins bien, j'ai appelé Marion et c'est elle qui était là pour moi.
03:47Pour la suite de ma vie, pour ma main gauche, on doit faire attention.
03:52Donc je vais rentrer avec Marion à la maison, voir mes enfants.
03:56Décision difficile, je ne pensais pas terminer ma carrière en Formule 1 comme ça.
04:00Mais je pense que c'est pour le mieux.
04:09Quand je cours, je dirais que la seule chose aujourd'hui à laquelle je fais beaucoup plus attention,
04:14c'est dès qu'il y a un accident, je demande tout de suite des informations.
04:18Et je suis beaucoup plus inquiet sachant ce qui peut se passer que je ne l'étais à l'époque.
04:24Mais après, moi en tant que pilote, aller faire des dépassements, rouler vite, faire ce que j'aime, rouler engagé,
04:31ça il n'y a aucun blocage ou aucune séquelle de cet accident.
04:36On sait que malheureusement le sport automobile reste un sport dangereux, extraordinaire mais dangereux.
04:42J'ai porté le cercueil de Jules Bianchi il y a quelques années, qui était un pilote de Formule 1, un ami.
04:49Donc c'est sûr, on vit des choses qu'on ne devrait pas vivre à 30 ans, mais on sait que ça fait partie de notre métier.
04:56Et que tant que les côtés positifs et la passion sont plus importantes que le reste, on continue.