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  • 25/03/2025
Romain a 35 ans. En 2012, il est devenu tétraplégique après un accident de ski. Sur Instagram, "Roro le costaud" démonte les clichés sur son handicap. Brut l'a rencontré.
Transcription
00:00Quand t'es en fauteuil, tous les jours, tout le monde te dit bon courage.
00:03Je veux dire que du courage, t'en as à revendre avec tout ce qu'on t'a donné.
00:06Moi, c'est Roroul Costo, Romain, mon vrai prénom.
00:09J'ai 35 ans, je travaille chez les pompiers.
00:13Et en 2012, j'ai eu un accident de ski en Haute-Savoie alors que j'étais sur des pistes.
00:17Je suis devenu tétraplégique, C6, C7.
00:19Donc tétraplégique, c'est quelqu'un qui ne bouge plus les jambes,
00:22qui n'a plus d'abdominaux, qui n'a plus de pectoraux et qui ne bouge plus les mains non plus.
00:26Voilà, ça c'est pour moi, ma situation personnelle.
00:30Mais ce n'est pas grave, j'ai encore le sourire.
00:50Moi, au départ, où j'ai eu ma voiture, je me suis inscrit sur des plateformes de covoiturage.
00:54Et j'avais tout le temps les mêmes réactions.
00:56Ce n'est pas marqué, je ne le disais pas.
00:58Ce n'est pas marqué dans ton profil que tu es handicapé.
01:00Et les gens arrivaient, les gens arrivaient.
01:03Puis je leur disais, je suis désolé, je ne vais pas vous ouvrir la voiture.
01:05Enfin, le coffre, vous pouvez l'ouvrir parce que je suis en fauteuil roulant.
01:09Et là, les gens s'arrêtaient et disaient,
01:11« Ah merde, il est en fauteuil roulant ? Mais attends, c'est lui qui va me conduire ?
01:14Ben ouais, ouais, on va faire 600 kilomètres, ça va bien se passer. »
01:17Et du coup, en fait, les gens s'installaient.
01:18Et je les voyais au départ qu'ils étaient un peu stressés ou un peu sur la retenue.
01:24Et après, ils me voyaient, ils me disaient,
01:25« Ah mais ça va, en fait, tu ne conduis pas trop mal.
01:27Tu ne conduis pas trop mal pour un handicapé.
01:29Ben ouais, tu vois, on conduit bien et puis après, ça s'est toujours très bien passé. »
01:33Dans le handicap, on peut tout faire à partir du moment où on adapte les choses.
01:37Et c'est valable pour tout, c'est valable pour vraiment tout et même la voiture.
01:42Une voiture, on peut tout adapter.
01:44D'une voiture utilitaire jusqu'à une voiture de sport.
01:47Il y a des handicapés qui ont des très, très belles voitures de luxe.
01:55Quand je dis aux gens, « Je fais de la course à pied. »
01:57Ben ouais, ils s'arrêtent, tu sais.
01:59« Tu fais de la course à pied, mais tu es handicapé, tu es en fauteuil. »
02:01Les gens disent, « Ça ne marche pas. »
02:02Ouais, mais en fait, on peut faire de la course à pied en fauteuil aussi.
02:04Le sport, chez moi, c'est une drogue, en fait.
02:07J'étais très sportif avant mon accident.
02:09Et c'est une des choses qui m'a travaillé le plus quand j'étais en rééducation,
02:14c'était de faire du sport.
02:15Donc, j'en faisais avec les profs que j'avais en rééduc.
02:18C'était un besoin avant et maintenant, c'est carrément une drogue.
02:21Donc, c'est une drogue positive.
02:22C'est l'avantage, c'est qu'elle ne fait pas de mal.
02:23Avant, quand j'allais faire du sport, je mettais ma tenue, je mettais mes baskets.
02:27Là, je voulais faire pareil, en fait.
02:29Quand je faisais du sport, je voulais sortir de mon fauteuil de ville
02:32que j'ai tous les jours et me mettre dans mon fauteuil de sport.
02:34C'était vraiment important pour moi de faire ce transfert.
02:39Il n'y a aucune différence entre le sport et le handisport.
02:42Soit je fais de la musculation dans une salle, soit je fais de l'athlétisme.
02:46J'ai un fauteuil d'athlétisme qui me permet de faire des courses du 100 m jusqu'au marathon.
02:51J'ai aussi un vélo pour les valides.
02:55C'est un handbike pour nous, on pédale avec les mains.
02:59On a des sports qu'on ne peut pas faire.
03:01Moi, en fauteuil roulant, on n'a pas encore inventé le saut en longueur.
03:04Ça n'existe pas.
03:06Ça serait chiant de sortir du sable à chaque fois.
03:13Aujourd'hui, je peux dire que je suis encore un pompier à roulettes.
03:17C'est vrai, je suis un pompier à roulettes.
03:19Les gens me disent que je suis handicapé et que je ne peux pas travailler.
03:22Pourquoi ?
03:23Ma première question, c'est ça.
03:25Pourquoi ?
03:26Puisque c'est totalement faux.
03:27Il y a encore beaucoup trop de clichés.
03:29Moi, je l'ai subi dans mon métier.
03:31Au départ, quand je suis arrivé dans mon nouveau métier,
03:34je suis tombé sur quelqu'un qui pensait que je n'étais pas capable.
03:37Quelqu'un qui m'a donné du boulot pour une journée.
03:39Au bout d'une heure, j'ai été le voir.
03:41Je lui ai dit que c'est bon, j'ai fini.
03:43Ma tête, elle va très bien.
03:44C'est mes jambes qui ne fonctionnent pas.
03:46Il n'y a pas de souci.
03:48C'est pareil.
03:49Pour d'autres missions qui m'ont été attribuées plus tard,
03:52il y a eu cette réticence.
03:53Il y a eu ce préjugé, malheureusement.
03:56Aujourd'hui, je travaille au centre d'appel des sapeurs-pompiers.
03:59Je réponds aux appels au 18 et au 112.
04:02Si je suis rentré dans le monde des pompiers,
04:05c'est pour aider les autres.
04:07Pour pouvoir sauver des vies.
04:09Ce qui est hyper gratifiant,
04:12c'est que même encore en fauteuil,
04:14j'appartiens encore à la chaîne des secours.
04:16Au tout débat, forcément, il a fallu que je me fasse au fait
04:19de ne plus monter dans les camions de pompiers.
04:21Ça a été compliqué pour moi
04:23parce que depuis 12 ans, j'étais dans le monde des pompiers.
04:25Du coup, je ne me voyais pas faire autre chose d'autre.
04:28Le fait de savoir que je pouvais y rester,
04:31ça a été vraiment salvateur pour moi.
04:36Quand je me suis retrouvé célibataire,
04:39beaucoup plus longtemps,
04:41beaucoup plus tard après mon accident,
04:43j'ai eu des doutes.
04:45Je me suis dit, est-ce que je vais arriver à plaire malgré le fauteuil ?
04:48Est-ce que le handicap va faire peur ?
04:50Du coup, je me suis inscrit sur les sites de rencontres.
04:52Je n'ai pas cherché à avoir des sites spécialisés.
04:54J'ai voulu être comme monsieur tout le monde.
04:56Je ne l'affichais pas clairement en photo.
04:58Par contre, dès qu'on commençait à discuter,
05:00j'abordais très vite le sujet, expliquer que j'étais en fauteuil.
05:03Le handicap n'était pas un frein à la séduction
05:06et n'était pas un frein à la sexualité.
05:08Je sais que le gros cliché, c'est que...
05:11Attends, un handicapé, c'est...
05:13Les jambes, elles ne marchent plus,
05:15donc forcément, il n'y a plus rien qui marche.
05:17Non, ce n'est pas aussi simple que ça.
05:24Dans la discipline, avec ma fille, dans l'éducation,
05:27du fait de mon handicap, je ne rencontre pas vraiment de difficultés.
05:30Ma fille m'a toujours connu en fauteuil.
05:32Donc, elle a appris l'autorité,
05:36l'autorité avec un papa assis.
05:39L'accouchement, la naissance de ma fille,
05:41c'était un moteur pour moi dans ma rééducation.
05:44Je voulais être là à l'accouchement
05:46et je ne voulais pas que le handicap,
05:48ça lui pèse dans la vie.
05:50Donc, dès le départ, je me suis promis toujours
05:53que je dépasserais mes limites
05:55pour qu'elle puisse faire comme tout le monde.
05:58On a grandi en même temps, finalement,
06:00parce qu'au moment où elle est venue au monde,
06:03moi, ça ne fait pas longtemps que j'étais né
06:06de ma deuxième vie, de ma vie de fauteuil,
06:09de ma renaissance à moi.
06:11Et du coup, on a appris à grandir en même temps, ensemble.
06:14Et ça fait forcément une relation assez fusionnelle.
06:17Mon handicap, je l'aime autant que je l'emmerde
06:20parce qu'il m'a privé de beaucoup de choses,
06:23il m'empêche de faire des choses.
06:25Mais à côté de ça, il m'a apporté tellement
06:28que je lui dis merci.
06:30Et grâce à lui, je bouffe la vie à pleines dents.

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