Entre 1979 et 1987, Action directe commet 80 attentats en France. Parmi les visages des terroristes placardés dans tout le pays, il y a celui de Joëlle Aubron, une fille qui ne manquait de rien. Journaliste et autrice du roman "La Fille de Deauville", Vanessa Schneider raconte son histoire.
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00:00On a tiré au bazooka contre le ministère des Transports.
00:03Un homme et une femme ont déchargé leurs armes
00:05sur la façade du ministère de la Coopération.
00:088 balles à bout portant,
00:10deux en pleine tête, les autres dans le corps.
00:13Le patron de la régie a été assassiné
00:15au moment même où il rentrait chez lui.
00:17Le correspondant anonyme a revendiqué l'attentat
00:20au nom du groupe Action Directe.
00:21C'était après Mesrine, les ennemis publics numéro 1.
00:30Action Directe, c'est un groupe d'autonomes
00:50qui entend, par la lutte armée,
00:52renverser l'État capitaliste.
00:55Entre 1979, date de sa création,
00:58et 1987, l'arrestation de son chef Jean-Marc Rouillant,
01:03de sa compagne Nathalie Ménigon,
01:05de Joël Aubreau et de Georges Cipriani,
01:07Action Directe commet 80 attentats sur le sol français.
01:10Donc c'est quand même énorme.
01:12Toute organisation se réclamant d'une idéologie politique
01:15qui instaurera la violence en système
01:19sera poursuivie et dissoute.
01:22Interdite.
01:24Et ses membres seront pourchassés,
01:26arrêtés, condamnés.
01:28J'ai des souvenirs très précis.
01:30Quand j'allais au lycée, en métro,
01:32de voir les affichettes avec les 4 visages
01:35des 4 derniers d'Action Directe
01:37qui n'avaient pas encore été capturés.
01:47Joël Aubreau m'a intéressée
01:48parce qu'elle a un parcours
01:49qui n'est pas celui des autres membres d'Action Directe.
01:52Les autres membres d'Action Directe
01:54viennent de milieux extrêmement défavorisés.
01:57Ils ont été déscolarisés très tôt.
01:59Ils sont souvent en rupture familiale
02:01depuis leur jeunesse.
02:03Alors que Joël Aubreau,
02:05c'est une fille qui ne manquait de rien.
02:09Elle est née à Neuilly,
02:10dans une famille soudée, aimante,
02:13avec suffisamment d'argent
02:16pour lui offrir une école privée,
02:18avec un château de famille.
02:20Et moi, ce qui m'a intéressée en tant que romancière,
02:23c'était justement
02:25qu'est-ce qui a bien pu lui passer par la tête
02:28et qu'est-ce qui a bien pu faire
02:29pour que cette jeune fille,
02:31qui a eu une enfance tout à fait normale,
02:33bascule dans ce groupuscule révolutionnaire
02:37jusqu'à prendre les armes,
02:38demander à se former aux armes
02:40et se porter volontaire
02:42pour l'assassinat de personnalités civiles.
02:56Le ou les meurtriers
02:58n'ont laissé aucune chance à René Audran.
03:01Quelqu'un ouvre la porte du conducteur
03:03et vide un chargeur de 11.43.
03:05Huit balles à bout portant.
03:07Deux en pleine tête,
03:09les autres dans le corps.
03:11Le haut fonctionnaire s'effondre.
03:13Il est mort sur le coup.
03:18Sous une feuille de plastique blanc,
03:20le corps de Georges Besse,
03:22le PDG de Renaud.
03:25Le patron de la régie a été assassiné
03:28au moment même où il rentrait chez lui.
03:30Georges Besse est un grand patron respecté.
03:33Il est proche de beaucoup de membres du gouvernement.
03:38C'est un père de famille
03:39qui est considéré comme avoir bien géré ses boîtes.
03:42Donc ça crée énormément d'émotions
03:44et surtout la police et le gouvernement français
03:48comprennent que l'action directe ne va pas s'arrêter là
03:51et va continuer à commettre des assassinats.
03:55Il y a eu d'autres alertes.
03:57Il y a eu une bombe posée sous la voiture du garde des Sceaux
04:00en tuant le chauffeur.
04:01Nous ne pouvons pas lutter contre eux
04:04avec des méthodes ordinaires.
04:06Nous serons obligés d'employer tous les moyens
04:09à notre disposition.
04:17C'était des affiches un peu à l'américaine
04:19avec de grosses récompenses
04:22qui étaient promises à qui donnerait des informations
04:25pour leur capture.
04:31Ils sont beaucoup plus près que ce que la police pensait.
04:33Ils ne sont ni en Allemagne ni au bout du monde.
04:36Ils sont dans le Loiret,
04:38donc tout proche de Paris,
04:39dans une ferme qui sont louées sous des faux noms.
04:41Ils sont très insérés localement
04:43puisque ça fait deux ans et demi qu'ils sont là.
04:47Les gens du village les connaissent.
04:49Ils les invitent à boire l'apéro.
04:51Ils amenaient souvent à traire les vaches.
04:53Il fallait que j'y montre,
04:54parce que comme on avait des petites chèvres,
04:56quand ils auront leurs petits,
04:57que je sache traire mes chèvres.
04:59Ils amenaient le soir pour traire mes vaches,
05:01avec moi, que j'y montre.
05:02Les taux se resserrent.
05:04Une fois que la police les a identifiés,
05:06il va y avoir un assaut du RAID assez spectaculaire.
05:11C'est cette ferme qui a été prise d'assaut samedi soir.
05:13Sur place, 50 hommes du RAID,
05:15unité d'élite de la police,
05:16commandés par le commissaire Ange Mancini.
05:18Ils sont tous vêtus de noir et portent des cagoules.
05:20Samedi matin, ils voient passer une jeune femme.
05:22C'est peut-être Nathalie Ménigon.
05:24Mais en quatre ans de clandestinité, elle a changé.
05:27Un indice va leur confirmer son identité.
05:29La jeune femme est allée acheter des graines pour des hamsters.
05:32Or, Nathalie Ménigon est passionnée par ses petits animaux.
05:35À 20h55, l'assaut.
05:37Ménigon, Aubron et Cypriani, surpris, ne résistent pas.
05:40Rouillant, tentent de s'emparer d'une arme.
05:42Les policiers tirent en l'air et le capturent.
05:44Dans la ferme, des armes, de l'argent et des documents.
05:47Mais aussi une liste de personnalités à enlever ou à tuer.
05:50Une pièce de la ferme avait d'ailleurs été spécialement aménagée en prison populaire
05:54pour y détenir l'une de ses personnalités.
05:57Joël Aubron, comme les autres,
06:00les trois autres qui ont été arrêtés avec elle,
06:02ne manifesteront jamais aucun regret
06:06ni aucune forme de compassion envers leurs victimes.
06:09J'assume le terme de terroriste.
06:13Comme les résistants pendant la dernière guerre étaient terroristes aussi.
06:16Voilà.
06:29La libération de mes camarades
06:31est une bataille toujours en cours.
06:37Si je dis
06:39je regrette,
06:42c'est vraiment
06:44donner la pare-belle aux vainqueurs en disant
06:47qu'ils avaient raison,
06:48continuer à nous massacrer.
06:50Et puis après, on viendra tous pleurer dans votre giron
06:55parce qu'on regrette très très fort
06:58de ne pas avoir été aussi soumis
07:01que vous le souhaitiez.
07:02Et ça, il n'en est pas question.