C'est l'une des organisations criminelles les plus puissantes au monde. En Calabre, dans le sud de l'Italie, la 'Ndrangheta importe la quasi-totalité de la cocaïne consommée en Europe. Pour Brut, notre reporter Raphaël Tresa a pu rencontrer un ancien boss repenti de cette mafia.
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00:00Pourquoi tu n'as pas demandé à ton père de faire ça ?
00:04Parce que dans la drangada, quand il s'agit d'une infamie, d'un trahison,
00:10c'est à la famille la plus proche de la laver.
00:13Si l'un d'entre nous trahit, il meurt.
00:16J'ai tué moi-même, qui suis le père,
00:19ou j'ai tué moi-même, qui suis le fils.
00:31Il y a un vendite qui essaie de le tuer en faisant le moins de bruit possible.
00:35Mais il ne faut pas exclure d'autres.
00:38On peut essayer de le faire devenir un accident.
00:41C'est préférable de le faire devenir un trahison.
00:43On l'a vu, mais la histoire nous montre
00:46qu'ils peuvent t'aussi tuer au milieu de la rue.
00:49Ce n'est pas facile de survivre.
00:51Tu penses que je suis vivant parce qu'ils ne veulent pas me tuer ?
00:55Pour Brut, j'ai rencontré un ancien boss de la drangada,
00:58une mafia née en Calabre, au sud de l'Italie.
01:01Cette organisation criminelle est l'une des plus puissantes au monde
01:04et importe la quasi-totalité de la cocaïne consommée en Europe.
01:07Cet ancien boss a accepté de nous parler à une condition,
01:10que l'entretien ne se fasse pas chez lui.
01:12On l'a donc rencontré dans une maison isolée, à la campagne.
01:15Ce repenti de la drangada ne souhaite évidemment pas qu'on le reconnaisse,
01:18mais il assume de dire son nom, Bonaventura,
01:21un clan mafieux célèbre en Italie.
01:29Je suis vivant parce que je ne sors pas.
01:31Je vis à la maison, je réfléchis en tant qu'ancien boss de la drangada.
01:37J'essaie de ne pas m'exister.
01:40J'essaie de ne pas m'exister, tu vois ?
01:42Les gens ne me voient pas, ils ne savent pas où je vis.
01:45Les gens ne savent rien de moi.
01:51Je m'appelle Luigi Bonaventura,
01:53je suis né dans une famille de drangada,
01:56qui s'appelle la famille Vrenna Bonaventura.
01:59Mon grand-père était l'un des boss les plus importants
02:02qui commandait en Calabrie.
02:09Quand je suis né, ma famille était déjà en train de combattre une faïda.
02:13Les faïdas, c'est la guerre des Calabriens, la guerre de la drangada.
02:17C'était une guerre jusqu'à la mort de l'un des mecs de l'une des deux familles.
02:27J'ai eu une enfance très traumatique,
02:30faite de la violence,
02:32d'un entraînement dur,
02:35d'un indoctrinement.
02:37En réalité, je n'étais jamais un enfant,
02:40donc j'ai été élevé comme un enfant, un soldat.
02:49Est-ce que tu peux nous expliquer comment t'es élevé ?
02:52J'ai été élevé depuis que j'étais petit,
02:54éduqué avec l'éducation drangadistique,
02:56depuis que j'étais petit pour tuer.
02:59Déjà depuis que tu es petit,
03:01ils te portent dans des murs,
03:03ils te montrent comment ils tuent les animaux,
03:05ils te font boire du sang,
03:07ils te font manger la viande crue,
03:09ils te font écraser un animal, tuer un animal,
03:12ils te font faire de la domestique avec la mort.
03:14Depuis que tu es petit,
03:16dans une famille drangadiste,
03:18il y a toujours eu des problèmes
03:20avec les armes.
03:22Quand j'étais petit,
03:24mon père et mes oncles portaient des armes à la maison.
03:27Tu les montais, tu les démontais,
03:29le jeu était de les monter et de les démonter
03:31le plus vite possible, de les nettoyer.
03:33C'était un jeu, c'était fascinant.
03:35Je ne comprenais pas précisément
03:37que c'était un instrument,
03:39que c'était un objet,
03:41je ne comprenais pas précisément
03:43que c'était un instrument de mort.
03:48Quand j'ai appris plus tard
03:50que c'était vrai que les autres enfants,
03:52les masculins, jouaient avec des armes,
03:54j'ai compris la différence.
03:56Leurs étaient des armes jouantes,
03:58les miennes étaient des armes vraies.
04:00J'ai commencé à tirer de petit,
04:02j'ai commencé à tirer dans l'air.
04:12Bien sûr, j'ai tiré dans des campagnes isolées,
04:15comme enfant,
04:17en commençant à grandir,
04:19entre 12, 13, 14 ans,
04:21nous allions directement
04:23dans des endroits isolés,
04:25où nous nous entraînions,
04:27mon père et mes oncles
04:29nous enseignaient à gérer,
04:31à adopter plus d'armes.
04:38Quel genre d'armes étaient-elles ?
04:40Elles étaient des pistoles,
04:42des calibres, des marques,
04:44des fusils.
04:46Il y avait l'automatique,
04:48les mitraillettes,
04:50il y avait de nombreuses armes.
04:57Donc, il y avait un tir,
04:59une façon de le tenir,
05:01une façon de prendre la mire,
05:03de nombreuses techniques
05:05que, petit à petit, tu fais ta propre.
05:07C'était fascinant,
05:09parce que tu n'as pas la cognition
05:11que tu vas utiliser les mêmes armes
05:13sur les personnes.
05:24J'étais encore un petit garçon,
05:26j'avais 16 ans, je crois,
05:2816 ans ou quelque chose.
05:30La drangata creusait, creusait.
05:32Nous parlons d'une drangata
05:34qui, relativement récemment,
05:36sortait du periode de séquestration
05:38de personnes, qui, bloquant
05:40les séquestrations de personnes,
05:42allait se lancer dans le business
05:44de la cocaïne.
06:00Comment est-ce que la drangata
06:02s'est retrouvée à devenir
06:04le plus gros importateur
06:06de la cocaïne ?
06:36Le tour d'affaires
06:38de la drangata
06:40est de peu moins
06:42de 53 milliards d'euros.
06:44Pour arriver à quasiment
06:4653 milliards d'euros,
06:48il faut ajouter
06:50le PIB du Paraguay,
06:52celui de la Bosnie
06:54et celui de l'Islande.
07:06Je sais que c'est très compliqué
07:08pour toi de parler de ça,
07:10mais dans les années 90,
07:12tu as été obligé
07:14de passer aux armes,
07:16d'occuper-toi
07:18d'une situation
07:20d'homicide.
07:22C'est-à-dire,
07:24tu as été obligé
07:26d'acquérir des armes
07:28et tu as été obligé
07:30d'acquérir des armes
07:32et tu as été obligé
07:34de faire face
07:36à une situation
07:38d'homicide.
07:40Je pense bien
07:42que je parle
07:44des années 90.
07:46Dans cette mission,
07:48c'était une partie
07:50des clans rivals
07:52qui envahissaient
07:54la vie de la famille
07:56et la personnalité physique
07:58de la famille.
08:00Alors la famille
08:02C'était le fils d'un de nos soignants.
08:05C'est là qu'a commencé l'action, où il devait mourir.
08:09En ce temps-là, il s'appelait le chef de la ville de Crotone.
08:24Mon rôle était celui de Sentinelle,
08:27d'apporter l'information
08:29quand les personnes qui devaient mourir étaient là.
08:33Et en plus de faire du soutien,
08:36pour voir s'ils avaient réussi à fuir.
08:39Mais en réalité, le commandant a commencé l'action
08:43et a fait des morts et je ne sais pas combien de blessés.
08:50Bien sûr que j'ai du sang sur les mains,
08:52c'est ce que je dis à la vérité.
08:55Quand je me suis retrouvé dans l'homicide,
08:57en tant qu'exécuteur,
08:59au début j'ai fait tout de manière manuelle,
09:02avec une précision, un film, un entraînement.
09:05J'avais tout dans la tête,
09:07très clair, précis.
09:09Mais à l'hôpital,
09:11je n'ai pas ressenti la situation.
09:14J'étais très fatigué.
09:23J'avais 4 ans,
09:25j'étais l'adjoint d'une famille très importante.
09:32Je me suis marié avec une femme
09:34qui n'appartenait pas à l'ethnie.
09:37Et donc, petit à petit,
09:40ils m'ont donné la joie de vivre,
09:43de vivre différemment.
09:46Quand j'ai eu deux enfants,
09:48j'ai décidé de ne pas donner l'éducation.
09:51Je me trouve souvent à marcher dans le corridor de la maison,
09:55en me demandant ce que serait l'éducation
09:58que j'aurais apporté à eux.
10:00Et souvent, je me rendais compte
10:02que, même si j'étais violent,
10:04j'étais préparant l'éducation
10:06qui appartenait à l'ethnie.
10:08En parlant avec ma femme,
10:10qui était étrangère dans certains environnements,
10:13même si je n'ai pas raconté
10:15les crimes les plus violents,
10:17elle m'a dit
10:19que je devais prendre mes responsabilités.
10:23En 2006,
10:25je lui ai dit à mon père
10:27ce que j'avais conçu,
10:29ce que je voulais faire.
10:31Il m'a dit que j'allais faire
10:33des études,
10:35que j'allais me séparer
10:37de la vie,
10:39de l'appartenance.
10:41Il ne m'a rien dit.
10:43Après, il s'est organisé une famille.
10:46Ils ont décidé d'éliminer le problème.
10:49Et c'est ce qui m'a fait sortir.
10:58Le 18 septembre 2006,
11:00avec d'autres,
11:02il m'a fait un enquête
11:05et il m'a dit
11:07qu'il avait pris une pistole
11:09et qu'il avait tiré
11:1112-13 coups.
11:19J'ai donc répondu au feu.
11:21J'ai essayé de me mettre
11:23dans une position
11:25où je ne lui donnais pas toute la forme.
11:28J'ai essayé d'être de côté
11:30pour donner moins de volume.
11:32J'ai essayé de le neutraliser,
11:34en essayant de ne pas le tuer.
11:36J'ai donc tiré vers les pieds,
11:38vers les jambes,
11:40et j'ai fait des blessures
11:42dans la langue.
11:51J'attendais l'heure.
11:53Il était 11-11h30.
11:55J'étais à la maison.
11:57J'attendais.
11:59Je ne pensais pas
12:01qu'il allait me tuer.
12:03J'attendais son fils.
12:07Les blessures étaient vers moi.
12:09La bellistique a trouvé
12:11de nombreux blessures
12:13à la hauteur d'un homme.
12:15J'ai réussi à survivre
12:17à cet ennui
12:19grâce à l'entraînement
12:21que j'avais.
12:23J'ai eu beaucoup de chance.
12:25Dieu m'a regardé
12:27pour ceux qui sont religieux.
12:29Pourquoi n'a-t-il pas demandé à ton père
12:31de faire ceci ?
12:33Parce que dans la drangada,
12:35quand c'est une chose de ce genre,
12:37une infamie, un trahison,
12:39c'est à la famille la plus proche
12:41de la laver.
12:43Si l'un d'entre nous trahit,
12:45il meurt.
12:47Je me tue moi-même,
12:49je suis le père.
12:51Ou je me tue moi-même,
12:53je suis le fils.
12:55Cela donne un sens de puissance.
12:57Pourquoi n'as-tu pas parlé ?
12:59Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
13:01Il a été arrêté
13:03pour ce suicide.
13:05J'ai décidé de collaborer
13:07avec la justice.
13:27J'ai collaboré avec la justice
13:29en octobre 2007.
13:31Il n'était pas possible
13:33que les mots de ma bouche
13:35sortent.
13:37Le jour où j'ai fait
13:39le premier verbe
13:41et que j'ai dénoncé
13:43quelques choses,
13:45je n'ai fait que
13:47désirer mourir.
13:49Il faut être structuré
13:51de façon difficile à expliquer.
13:53Tu as collaboré
13:55avec 14 procuratoires
13:57d'Italie.
13:59J'ai contribué
14:01à arrêter
14:03plus de 500 drangotistes.
14:09J'ai donné une mappage
14:11de la drangote
14:13et de son organigramme.
14:15J'ai donné une mappage
14:17de la drangote
14:19et de son organigramme.
14:21J'ai donné une mappage
14:23de la drangote
14:25et de son organigramme.
14:33J'ai créé un vrai
14:35écartement dans le mur
14:37de mon état
14:39de façon vulgaire,
14:41infâme.
14:53Il a échappé à trois tentatives d'assassinat.
15:23Il a dû mourir mille fois.
15:25Je suis donc en deute
15:27avec la mort.