Si nous nous habituons aux restrictions, au couvre-feu et aux drames liés au Covid, c'est peut-être à cause du fonctionnement de notre cerveau…
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00:00Vous vous êtes peut-être demandé ces derniers mois
00:02comment il était possible finalement de trouver ça normal d'avoir 400 ou 500
00:06morts par jour dans notre pays, de vivre dans des couvre-feu,
00:09des confinements, des restrictions dans tous les sens, alors qu'il y a encore un
00:13an,
00:14c'était vécu comme un véritable choc.
00:16Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'un petit peu cynique dans cette façon
00:19de s'habituer à ce qui nous arrive ?
00:21Eh bien je crois qu'il ne faut pas du tout culpabiliser mais plutôt voir comment
00:24fonctionne notre cerveau et notre organisme face à ces changements
00:27profonds qui nous touchent de si près.
00:28Quand on est confronté à un stimulus effrayant, à une peur comme celle d'une
00:32pandémie, la réaction du cerveau c'est la réaction de peur émotionnelle qui
00:37prend naissance dans une zone cérébrale profonde qui est au coeur du cerveau et
00:41qui s'appelle l'amidale cérébrale, rien à voir avec les amidales dans la gorge,
00:44il y en a une dans chaque hémisphère du cerveau et quand elle s'active à ce
00:48moment-là ça provoque une réaction
00:50neurophysiologique de libération d'hormones comme le stress, comme
00:54l'adrénaline qui prépare
00:55l'organisme
00:56à combattre ou à fuir, en tout cas à ne pas trop s'exposer aux dangers. Mais ce
01:00sont des modifications qui fonctionnent selon le principe du pic, il y a une
01:04alerte, il faut réagir et donc il y a une mobilisation transitoire des
01:09ressources de l'organisme mais qui au bout d'un moment s'émousse. En général
01:13une émotion dure quelques minutes, souvent on conseille aux gens qui sont en
01:17colère par exemple de simplement laisser passer quelques minutes, de
01:19sortir de chez eux, de prendre l'air et l'émotion retombe. Donc premier
01:23changement radical de situation au début de la menace, forcément grande
01:27mobilisation émotionnelle, psychologique, comportementale. Mais quand la
01:31situation dure, forcément le système émotionnel revient à sa ligne de base et
01:34donc il y a un phénomène qu'on appelle phénomène de désensibilisation parce
01:39qu'on perd la sensibilité à la menace et ou alors d'habituation, on parle aussi
01:43d'habituation, habituation de la peur, habituation du plaisir aussi, vous le
01:47savez très bien quand vous avez pour la première fois une toute nouvelle voiture
01:50vous avez un plaisir intense et puis au bout de quelques mois ça vous fait plus
01:53grand chose. On est fait comme ça, c'est fait pour réagir à des changements
01:56rapides. Donc ce qui nous arrive en ce moment c'est le retour à la ligne de
01:59base, c'est une habituation qui est tout à fait normale et qui donc ne doit pas
02:03nous poser forcément des problèmes de culpabilisation, il faut en tenir compte
02:06dans notre gestion de cette situation. Le cerveau humain se sert d'indice dans son
02:10environnement pour se faire une représentation d'un risque et il y a
02:14plusieurs biais qui interviennent à ce niveau là. Il y a un biais très important
02:17qu'on appelle le biais de représentativité, c'est à dire que je vais
02:20avoir l'impression qu'un risque est important si par exemple je vois beaucoup
02:24d'informations et d'images liées à ce risque. Au début de la pandémie, en mars
02:282020, février mars 2020, tout le flot d'images qu'on voyait
02:33déferler dans les médias a activé ce biais de représentativité et a conduit
02:37nos cerveaux à nous faire une représentation très très importante du
02:41risque et du danger. Mais avec l'habituation qui est intervenue,
02:45évidemment le traitement des médias a fait beaucoup moins la parabelle aux
02:48images dramatisantes de la pandémie de Covid et donc notre biais de
02:53représentativité a beaucoup moins joué et notre perception du risque s'est aussi
02:57atténuée. Ce qu'il faut garder en tête quand on parle de la peur comme un moyen
03:00de stimuler l'action, c'est quelque chose qui est essentiel et qui nous vient des
03:05études notamment sur les campagnes de prévention, par exemple du cancer ou des
03:10accidents de la route, où beaucoup de messages de sensibilisation ont voulu
03:14mettre l'accent sur la peur, mais souvent ça ne fonctionnait pas parce que
03:17derrière il manquait quelque chose de très important qu'on appelle en
03:19psychologie le sentiment d'auto-efficacité. Le sentiment
03:22d'auto-efficacité c'est l'impression que vous avez face à un danger et ayant
03:28éprouvé cette fameuse peur, l'impression que vous avez le pouvoir
03:31d'actionner des leviers personnellement pour vous soustraire au danger, pour vous
03:36protéger. Donc ça, ça dépend en fait des solutions qui vont être proposées aux
03:40individus pour renforcer ce sentiment d'auto-efficacité. Le cerveau humain a
03:45d'autres ressources que l'émotion, il a la raison, et la raison est plus durable
03:51dans le temps, c'est-à-dire qu'une fois que l'action a été enclenchée au départ
03:54par l'émotion, nous notre choix, notre responsabilité, c'est d'enclencher la
03:58deuxième vitesse qui est l'action par la raison, c'est-à-dire s'approprier en
04:02fait les connaissances sur l'épidémiologie, sur les gestes barrières,
04:06sur la vaccination, ce qui prend du temps, ce qui est une démarche démocratique,
04:11mais qui à ce moment-là, s'approprier toutes ces connaissances permet en
04:15suite d'enclencher un mouvement de responsabilisation vis-à-vis de
04:19l'épidémie qui lui n'a pas de durée de vie limitée, il n'y a pas de date de
04:23péremption pour l'action raisonnée.