Après 40 ans de vie de femme, Océan a amorcé son changement de genre. La première année de sa transition, il en a fait un film. Il raconte.
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00:00Je m'appelle Océan, je suis comédien, auteur, réalisateur.
00:04Je suis un homme trans et j'ai fait un film sur la première année de ma transition.
00:08Tu prends deux pas en haut.
00:10Ah mais j'ai peur.
00:11Et le couille qui pousse.
00:12Je ne savais pas trop aussi comment ça allait se passer et tout.
00:15C'est une aventure quoi.
00:16Transitionner, c'est une aventure en fait.
00:18C'est partir avec un sac à dos, faire le tour du monde, mais en soi.
00:22J'ai pu penser ma transidentité
00:25grâce au féminisme, parce qu'en fait, bon, je pense que c'était déjà là en moi,
00:29c'est sûr, mais je n'avais pas accès en fait.
00:31Avant ça, je n'avais pas pu le penser, déjà parce que je n'avais pas de modèles,
00:34pas d'exemples, je ne connaissais pas de mecs trans du tout dans mon entourage
00:38pour le coup et ni dans les médias.
00:40Finalement, je n'avais jamais vu justement un film comme le mien.
00:43C'est aussi pour ça que je l'ai fait, parce que je sais que parfois,
00:45c'est des déclencheurs, quoi.
00:47Ça fait genre... Et là, c'est cool parce que je reçois plein de témoignages
00:49de gens qui disent, quand t'as fait ta vidéo de coming out, j'ai switché,
00:52j'ai compris que moi, j'étais dans le même cas que toi.
00:55Je suis là, yes, c'est cool.
00:57Ça peut aider d'autres gens, en fait, à comprendre quelque chose
01:00qui est déjà en eux, évidemment.
01:01Tu ne vas pas tout d'un coup avoir l'idée d'être trans,
01:02parce que tu vois une vidéo, c'est sûr que non.
01:05Mais du coup, par des lectures féministes,
01:08par des lectures féministes, j'ai pu aussi déconstruire la question du genre,
01:11comprendre que c'était des constructions sociales et des rôles aussi
01:14dans lesquels on était aussi enfermés en tant qu'hommes et femmes
01:17et qu'après, la biologie avait assez peu à voir là-dedans,
01:21même si c'est la première chose qu'on t'en fournait.
01:23On va regarder ses organes génitaux, mais en fait, en réalité, c'est beaucoup plus complexe.
01:26Je me suis rendu compte que ce rôle social,
01:29en fait, ce jeu social-là, pour moi, il n'était plus juste.
01:33Enfin, je me sentais plus moi-même dans une performance sociale d'homme.
01:39Et donc, j'ai à un moment pris cette décision de passer à l'action
01:42et je pense que c'est quelque chose qui était toujours présent en moi,
01:45mais que je n'étais pas capable de comprendre ou d'analyser.
01:49Et puis aussi, j'avais, comme tout le monde, intériorisé la transphobie.
01:52Donc, je pensais qu'être trans, d'ailleurs, je disais transsexuel,
01:56alors que maintenant, c'est un mot qu'on n'utilise plus du tout.
01:58C'était des gens qui avaient une maladie, qui avaient un problème psychiatrique.
02:01Et aujourd'hui, je pense tout le contraire.
02:03Je pense qu'on n'a absolument pas plus de problèmes psychiatriques que n'importe qui.
02:08Et qu'en fait, c'est plutôt la société qui veut nous médicaliser
02:11parce qu'elle veut dire qu'on a un problème,
02:13parce qu'en fait, on vient toucher à quelque chose de tellement sensible,
02:16qui est justement cette construction sociale et cette arnaque, en fait,
02:18qui est le genre, parce que finalement, pourquoi il y a cette arnaque ?
02:21Pour oppresser les femmes.
02:22Et donc, en gros, je me suis dit, c'est un truc de fou.
02:26Après, j'ai évidemment pas transitionné pour être du côté des oppresseurs,
02:31loin de là, mais plutôt pour être un allié,
02:33un allié des femmes et du féminisme plus que jamais.
02:35J'ai eu 40 ans de vie de femme et comme les femmes, j'ai subi ces oppressions.
02:40J'ai été sexualisé, j'ai été agressé sexuellement.
02:42J'ai vécu un avortement.
02:43Enfin, je veux dire, ça, ce n'est pas quelque chose que je vais effacer.
02:46En fait, ça fait partie de ma vie.
02:47Et du coup, je n'aurai jamais un regard d'oppresseur.
02:50Je n'aurai jamais une attitude oppressive avec les femmes, j'espère en tout cas.
02:54Et tout simplement parce que c'est impossible et que je n'ai pas envie, en fait.
02:58Je n'ai pas envie de...
02:59Je ne fais pas ce mouvement pour devenir un oppresseur.
03:01Je fais ce mouvement pour me sentir bien dans mon corps, dans ma socialisation, en fait.
03:05Parce que c'est peut-être, on peut trouver ça bête,
03:07mais moi, je me sens mieux comme ça, avec des muscles.
03:11Je me sens, ça me semble plus logique quand on dit monsieur que madame.
03:14Mais après, je suis la même personne quand même.
03:18Je suis la même personne, quoi.
03:19Je n'ai pas changé.
03:20T'as de la transphobie quotidienne, des gens tout le temps
03:21qui viennent te poser des questions ultra intrusives, ultra déplacées
03:24et qui te regardent comme un espèce de truc chelou.
03:28Ou même, moi, après, comme je suis un peu exposé,
03:31je vois tous les commentaires transphobes qu'il peut y avoir quand je fais des interviews ou quoi.
03:36Et donc, cette violence-là, franchement, je ne la subissais pas avant.
03:39Et donc, je tiens à rappeler ça.
03:41Et encore, dans mon cas, c'est intéressant parce que je dirais que je suis tout en haut
03:45de la chaîne des privilèges, c'est-à-dire que je suis un mec, je suis blanc,
03:48j'ai de l'argent, je suis bien entouré, je n'ai pas été rejeté, je n'ai pas 18 ans,
03:51je ne suis pas à la rue.
03:52Mais pour la plupart des trans, c'est beaucoup plus dur que pour moi.
03:54Non, c'est encore plus dur que ça.
03:56Souvent, ce que je dis aux jeunes qui se posent des questions,
03:57je leur dis, fais des expériences.
03:59Tu vois, genre, pour les meufs qui se posent des questions,
04:02enfin, les personnes assignées femmes, je leur dis, mets un binder, tu vois,
04:06juste pour voir ce que ça fait la sensation de ne pas avoir de seins, en fait,
04:08et d'être dans la rue sans des seins, parce que c'est vrai qu'il y a plein de meufs.
04:12Ce truc des seins, ça fait qu'on les voit comme des meufs tout le temps et qu'elles demandent
04:16à tes potes de te genrer au masculin ou au féminin, c'est dans le sens,
04:21et de t'appeler par le prénom que toi, tu te choisirais.
04:24Et tu peux l'expérimenter, ça, tu peux l'expérimenter.
04:26Ça coûte rien, ça fait de mal à personne.
04:28Et si tout d'un coup, tu vois que ça provoque un confort et un bien-être
04:31extrêmement fort, alors il faut commencer à vraiment y réfléchir pour de vrai.
04:36Si tu sens ça, c'est que quand même, il y a un truc qui est là,
04:39donc il faut savoir l'écouter parce que si tu n'écoutes pas
04:41et que tu le mets sous le tapis, ça va tout le temps te faire souffrir.