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"Je pense qu’on est à arrivé à un tel point d’urgence, que ce qu’il faut, c’est l’action directe."
Dans le nouvel épisode de Plumard, Augustin Trapenard reçoit l'écrivain Jean-Baptiste Del Amo. Uniquement sur BrutX : https://brutx.link/3GBvZjI
Transcription
00:00Dans quel monde, précisément, est-ce que vous avez l'impression de vivre aujourd'hui ?
00:03J'ai l'impression de vivre dans un monde crépusculaire,
00:06dans un monde qui est sur un point de bascule
00:09et qui ne retournera jamais à ce qu'il était précédemment.
00:24Ce qui est intéressant, c'est qu'on est tous faits de notre monde.
00:26Vous êtes une partie de ce monde aussi, de cette époque,
00:29de ce temps qu'est le nôtre.
00:31Oui, bien sûr, mais c'est pour ça aussi que pour moi,
00:32c'était important d'être militant, d'être engagé en tant que citoyen,
00:37avant tout, d'être engagé en tant que romancier.
00:39Je ne pense pas qu'un livre puisse changer le monde.
00:41Aujourd'hui, je pense qu'on est arrivé à un tel point d'urgence
00:44que ce qu'il faut, c'est l'action directe.
00:46Ce que le livre peut faire, en tout cas,
00:48c'est explorer une part d'obscurité,
00:51celle qui est propre à notre condition.
00:53Tout à fait, c'est nous tendre un miroir, en fait.
00:55C'est nous renvoyer notre reflet qui, parfois, est déplaisant.
00:59C'est explorer nos zones d'ombre.
01:01C'est nous interroger sur ce qui, fondamentalement,
01:04fait notre caractéristique d'être humain.
01:07Vous ne pouvez pas me dire ça.
01:08Pourquoi ?
01:08Parce que vous me voyez venir.
01:09Qu'est-ce qu'il y a de plus obscur en vous, Jean-Baptiste Delameur ?
01:11Ouh là là, vous vous aventurez dans des terres sauvages et inexplorées.
01:16Non, ce qu'il y a de plus obscur en moi,
01:18c'est sans doute mon pessimisme, parce que c'est ça, fondamentalement.
01:21Moi, je suis quelqu'un de très pessimiste,
01:23de rongé par la nostalgie, la mélancolie.
01:26Donc oui, je pense avoir une part d'ombre comme ça qui me hante
01:28et qui est assez perceptible, je crois, dans ce que j'écris.
01:31Si la littérature ne peut pas forcément changer le monde,
01:33peut-être que l'écrivain, en tant que personne,
01:35en tant qu'activiste, peut faire quelque chose.
01:37Quelle est l'utilité de l'écrivain ?
01:39J'ai l'impression que ce que propose le roman
01:41et que ne peuvent pas proposer peut-être les autres médiums,
01:45c'est la possibilité de l'expérience sensible.
01:48Et que quand on se met finalement à la place d'un autre individu,
01:51qu'on a une connaissance de ses sensations,
01:55inévitablement, on a une forme d'empathie aussi.
01:58Et peut-être que la littérature, elle permet ça,
01:59d'habiter d'autres corps, d'autres vies.
02:01Et puis peut-être de saisir, de préserver des images,
02:04des sensations, de mondes qui n'existent plus
02:07ou qui pourraient un jour cesser d'exister.
02:09Au fond, qu'est-ce que ça peut sauver quand même ?
02:11Parfois, j'ai l'impression de composer une forme d'herbier, en fait,
02:14en essayant de préserver comme ça des images que j'ai eues
02:17de lieux qui ne seront plus ou d'espèces qui ne seront plus.
02:21Et finalement, voilà, la littérature s'aggrave quelque part,
02:24même de manière infime,
02:26s'aggrave quelque chose de ce que nous avons été
02:28à cet instant-là, dans ce monde-là.
02:30Au fond, quand est-ce que vous vous sentez vivant ?
02:32Je me sens vivant quand je suis dans la nature.
02:34Alors, ça va tenir sur des choses très infimes,
02:36une lumière, un son particulier,
02:39la présence de quelqu'un que j'aime ou d'un animal.
02:41Là, maintenant, tout de suite, entre deux averses,
02:43dans ce refuge groin-groin, avec la nature tout autour, vous êtes vivant.
02:47Oui, là, je suis vivant.
02:48Vous savez qu'on est entouré de vivants et même dans les endroits
02:50les plus étranges.
02:51Si vous ouvrez, par exemple, la coudoir,
02:54il y a une petite clé pour votre plumard.
02:57Qu'est-ce qu'on y trouve ?

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