Dans cette communauté qui prône l'anticapitalisme, l'autosuffisance et l'écologie et où vivent une centaine de femmes et d'hommes, voilà comment on s'organise face à la crise.
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00:00Il y a des endroits comme ça qui peuvent être relativement préservés
00:03et on a la chance d'être dans un endroit qui est relativement préservé.
00:06Et ce n'est pas venu comme ça en claquant des doigts.
00:08Ça fait aussi partie quelque part d'un choix de vie,
00:11d'une dynamique de vie où on ne fait pas n'importe comment,
00:14on ne mange pas n'importe quoi,
00:16on fait attention à ce qu'on consomme,
00:18on fait attention à ce qu'on jette,
00:19on fait attention à ne pas jeter, à ne pas gaspiller.
00:22Voilà, c'est tout l'ADN du village en définitive.
00:25Et quelque part, ça nous prépare à ce genre de choses.
00:30Ce village, c'est le village Emmaüs-l'Escarpot.
00:34Ici vivent et travaillent une centaine de femmes et d'hommes
00:37depuis 1986 pour la plus grande communauté Emmaüs de France.
00:41Une structure comme celle-ci, il n'y en a pas beaucoup.
00:45Si l'activité économique principale, la vente de briques à braque,
00:49qui accueille entre 1500 et 2000 visiteurs par jour,
00:51s'est arrêtée avec le confinement.
00:53Pendant ce temps-là,
00:55voilà comment cette communauté anticapitaliste,
00:57autosuffisante à 70% et écologique,
01:01s'organise face à la crise.
01:04La chance que nous avons, c'est d'avoir ce grand jardin
01:06de 11 hectares et demi,
01:07ce qui fait qu'on n'est pas confiné dans des petits appartements
01:10comme le sont malheureusement tous ces gens qui sont en ville.
01:13Et nous, on a quand même 11 hectares et demi.
01:16Et même à l'extérieur, nous avons plus de 25 hectares pour l'agriculture.
01:20Donc les différentes activités que l'on a,
01:22quand on est confiné comme ça,
01:25c'est de pouvoir rattraper tout le retard que nous avons
01:28dans les divers secteurs,
01:30que ce soit au niveau de l'électronique,
01:31au niveau de l'électroménager,
01:33au niveau du brique à braque,
01:34au niveau du tri des vêtements,
01:37du tri des livres, enfin toutes les activités.
01:40Et ce qui est très important pour nous, c'est la ferme.
01:43Et la ferme qui bien entendu nous permet
01:45une autonomie financière alimentaire à plus de 70%,
01:49que ce soit au niveau de l'élevage,
01:51au niveau du maraîchage,
01:52au niveau de l'apiculture,
01:54au niveau du verger.
01:55Je ne vois pas la différence,
01:56sauf qu'il n'y a pas de clients.
01:57On bosse, on avance.
02:01D'habitude, je suis dans un atelier
02:03ou dans les bâtiments enfermés,
02:04là ça me va très bien.
02:05À l'atelier vêtements ou à la vente des vêtements.
02:07Je suis en formation à la ferme.
02:08Je n'ai pas la main ouverte
02:09et je découvre que finalement,
02:10ce n'est pas pire que ça.
02:12Chaque personne qui vit dans le village est un compagnon.
02:14Une grande partie d'entre eux n'avait plus de travail,
02:16de salaire ou de logement
02:17avant de rejoindre la communauté,
02:19qui, elle, vit à 100% grâce à son activité publique.
02:23Vente d'objets, épiceries, restaurants, bars
02:26et reçoit zéro subvention.
02:28Les habitants sont logés, nourris, blanchis
02:31et reçoivent un salaire pour leur participation
02:33aux activités du village.
02:34Il y a deux mois, j'étais encore à la rue.
02:37Si j'étais à la rue au jour d'aujourd'hui,
02:39je ne sais pas où je serais.
02:40Si, sans m'endormir dans un foyer,
02:42à ne pas pouvoir bouger,
02:44c'est peut-être incapable.
02:45Financièrement, on n'a pas,
02:47depuis le début du confinement,
02:49on n'a pas un centime qui rentre
02:52puisque le bric-à-brac est totalement fermé,
02:54on n'a pas un centime.
02:55Pour le moment,
02:57on arrive avec le soutien de la banque
02:59qui nous a avancé des fonds,
03:01on arrive à s'en sortir.
03:02Je redis que grâce à la ferme
03:04et l'atelier Transformation,
03:07avec le fournil où on fait notre propre pain,
03:11tout cela nous permet de subvenir à nos besoins,
03:14mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps.
03:16Nous, le confinement ici,
03:19on le vit un peu différemment de l'extérieur
03:21puisque du coup,
03:23on a beaucoup d'espace pour pouvoir circuler
03:27et travailler.
03:28On s'est simplement réorganisé
03:30sur notre manière de bosser.
03:33On travaille tous par tout petits groupes.
03:36Du coup, il y a cinq ou six ateliers
03:38qui sont mis en place ici sur la ferme.
03:42Il y a des préparations de planches de culture,
03:45il y a des semis à faire,
03:47il y a du repliquage,
03:49il y a des soins auprès des arbres fruitiers.
03:53Au réfectoire, là, c'est la même chose.
03:56Les cuisiniers nous servent.
03:58Ils ont masque, ils ont gants.
04:00On mange par deux ou par trois par table.
04:02Donc, on est prudent avec ça.
04:04Je suis en train de couper le tissu pour faire des masques.
04:08Je fais des bandes de tissu
04:09que je coupe en morceaux
04:11et après, je bâtis.
04:14Une fois que c'est fait,
04:16que je voulais utiliser la scie,
04:17je le donne à ma collègue Isabelle
04:20pour qu'il fasse la condition.
04:25Mais ce qui est important pour nous,
04:27ce confinement aussi,
04:28nous amène de la réflexion.
04:30On nous amène un petit peu de réfléchir
04:32un petit peu à comment
04:34on va faire l'après-confinement.
04:36Et ça, c'est intéressant à réfléchir
04:38et ça nous incite justement à se dire
04:41ben oui, continuons à développer
04:43cette alternative économique,
04:45cette alternative sociale, culturelle, écologique
04:48pour une politique justement de commun,
04:51une politique de décroissance,
04:53une politique de respect de la nature
04:57et d'être de plus en plus en lien avec la nature.
04:59Pour moi, ça me paraît fondamental aujourd'hui.
05:02Je pense que ce qui va arriver,
05:05c'est que quand on va sortir du confinement,
05:08il y a bien entendu,
05:09j'ai bien peur qu'avec la force
05:11de ce système néolibéral,
05:13la force économique, la force de communication
05:16qui risque de nous culpabiliser
05:18pour relancer l'économie productiviste,
05:22consumérisme et nous la réimposer.
05:26Mais en même temps, à côté,
05:27je suis totalement convaincu
05:28et je suis persuadé
05:30que de plus en plus de gens
05:32vont prendre conscience que la vie a un autre sens,
05:34que la vie a d'autres valeurs
05:36et qu'on peut vivre autre chose.
05:38Et j'invite les gens,
05:39oui, je dis j'invite les gens
05:42à construire à titre soit individuel des alternatives,
05:45c'est-à-dire, quand je dis alternative individuelle,
05:48c'est de reprendre le plaisir de travailler le jardin.
05:52Rien que cela, pour moi,
05:54fait partie d'une prise de conscience politique,
05:56refaire du jardin.
05:57Ça, ça me paraît une action politique fondamentale.
06:00Et après, sur le plan collectif,
06:02sur le plan associatif,
06:04créons des alternatives
06:06où justement,
06:07on valorise l'humain
06:09sur des bases écologiques,
06:10sur des bases économiques,
06:12sur des bases sociales
06:14importantes,
06:15fondamentales.
06:16Et c'est là que je crois
06:18et j'invite les gens
06:19à rentrer dans cette utopie
06:21puisque nous, Village Emmanuel Escarpot,
06:22notre slogan c'est
06:23« Osons l'utopie avec et pour l'humain ».
06:26Eh bien, osons
06:28et osez chacun d'entre nous
06:29à construire ces utopies
06:31individuelles, collectives
06:33ou même à venir nous rejoindre.
06:34Car je pense que l'on
06:36on doit,
06:38et c'est un devoir
06:40de construire cette
06:41cette utopie de bien-être.
06:43On va apprendre à être plus proches
06:45peut-être les uns des autres.
06:47On va apprendre en même temps
06:48et découvrir que
06:49l'économie circulaire,
06:51l'économie, l'agriculture vivrière,
06:54eh bien, elle a toute sa valeur.
06:55Et elle a toute sa nécessité.
06:57Et que peut-être,
06:58il faut aller dans ce sens-là.
06:59Ça va nous montrer que la délocalisation,
07:02c'est une erreur.
07:03Comment on fait justement pour
07:05relocaliser les activités économiques ?
07:08Je crois que ça, c'est important.
07:09Ça va peut-être nous amener
07:11à réfléchir sur
07:13quelle sécurité nous voulons,
07:15quel bien-être nous voulons.
07:16Est-ce que c'est un bien-être matérialiste
07:19que l'on veut ?
07:19Ou au contraire,
07:21est-ce que c'est un bien-être
07:23que ce bien-être, on peut le trouver
07:24à travers une certaine sagesse ?
07:26La sagesse dans la simplicité.
07:29Et l'utopie que je pourrais dire,
07:31c'est qu'à un moment donné, je dirais,
07:32est-ce que ça va nous permettre
07:35à ce que les Restos du Cœur,
07:37à ce que Emmaüs
07:39et d'autres associations caritatives
07:40de ce style-là disparaissent ?
07:42Cela voudra dire qu'on a pris conscience
07:44du respect de l'autre,
07:46du respect du bien-manger,
07:49du respect de la nature.
07:51Là, je suis peut-être même plus utopique,
07:53mais je suis peut-être idéaliste.
07:54Mais osons,
07:56osons construire l'utopie
07:58à partir d'idéal.