"J'ai été terroriste et je ne m'en excuserai jamais", a-t-il déclaré au cours de son ultime prise de parole. Le jihadiste Mehdi Nemmouche a été condamné à la prison à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, ce vendredi 21 mars, après cinq semaines de débats. La cour d'assises spéciale de Paris l'a reconnu coupable de séquestration des sept otages occidentaux, en bande organisée en lien avec une entreprise terroriste. Il a aussi été reconnu coupable d’actes de tortures et de barbarie sur les otages, ainsi que d'association de malfaiteurs terroristes. À l'issue du verdict, l'avocat de Mehdi Nemmouche et trois ex-otages se sont exprimés.
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00:00Médineh Mouche est restée impassible à l'énoncé du verdict de culpabilité
00:05avec le prononcé de sa peine, la perpétuité.
00:10Si Médineh Mouche est impassible, sa défense ne peut que l'être.
00:15D'ailleurs y avait-il un vrai suspense ? En réalité le vrai suspense maintenant
00:20c'est va-t-on faire appel ? Médineh Mouche va-t-il faire appel de
00:25cette condamnation à perpétuité ? Normalement en toute logique il le
00:31devrait, puisqu'il a clamé son innocence quant à la séquestration des otages.
00:37Mais un appel serait tout théorique, puisqu'il est déjà de toute façon
00:42condamné à la perpétuité pour le quadruple assassinat du musée juif de
00:46Bruxelles. Et il sait que jamais il ne sera libéré, il sait qu'il mourra en
00:51prison, il est le prisonnier au long cours, à vie, que j'ai décrit à la fin de ma
00:57plaidoirie. Alors il y a un vrai suspense, peu d'intérêt pratique en réalité quant
01:05aux conséquences judiciaires d'un nouvel appel.
01:10Et puis une réflexion qui est la sienne, et moi je ne peux qu'épouser sa
01:16réflexion, c'est lui qui décide. Il trouve, je parle de Médineh Mouche, que
01:21ce procès a été magnifique, ce sont ses propres termes.
01:26En cela il fait référence à l'action de son avocat, pardon il parle de moi-même,
01:33mais il fait aussi référence à sa propre tenue. Il trouve que son avocat et
01:39l'accusé ont tenu leur rang. Je crois que le procès a satisfait aussi
01:46d'une certaine façon les partis civils. Moi je me suis engagé dans un combat
01:53assez dur contre l'accusation, j'ai été parfois probablement un peu trop
01:58agressif avec les partis civils qui accusaient, mais tout ça je l'ai expliqué
02:04au nom de l'architecture du procès. Mon but c'était que cette architecture du
02:10procès soit respectée, avec une cour, un président, une accusation, des partis
02:14civils, mais aussi un pilier central de granit dans cette architecture du procès.
02:20Je parle de l'accusé et de sa défense. Moi je me suis battu pour que les partis
02:25civils aient leur place, la souffrance des victimes a sa place dans un procès
02:28comme celui-ci, c'est bien évident, mais elle ne doit pas être excessive et tout
02:33mon but est d'essayer de la délimiter pour que l'oxygène de la défense existe,
02:38que la défense existe, et elle a existé, dans l'intérêt de l'accusé bien sûr,
02:43mais en réalité dans l'intérêt de tous, y compris des partis civils.
02:48Dans l'intérêt de tous, y compris des partis civils, car cela donne une
02:54légitimité certaine au verdict. Médinez-Mouche a été défendue, il a
03:00été condamné, je le répète, la légitimité du verdict est assurée par la tenue de ce
03:07procès qui a respecté l'architecture d'une procédure judiciaire et donc on
03:13va réfléchir, on a dix jours, à l'opportunité de faire appel ou non.
03:17Rendez-vous dans dix jours pour notre décision définitive.
03:35Je ne suis pas un spécialiste à la différence de vous des prêtoirs et
03:42des procédures judiciaires. Je trouve que c'était un procès exceptionnel à tous
03:47les niveaux, enfin en tout cas c'est comme ça que moi je l'ai vécu.
03:50Il a été très bien mené par un président qui a largement donné la
03:56parole et aux partis civils pour expliquer ce qu'ils avaient vécu et ce
04:02qu'ils croyaient être leurs droits. Il a donné aussi très largement la
04:07parole à la défense et la défense a été respectée.
04:09Je trouve que c'était, on a eu aussi, c'est comme ça que je l'ai vu, un avocat
04:16général et un parquet qui connaissaient très bien son dossier donc on a eu des
04:19vrais débats de fond. On a bien posé l'enjeu de ce procès qui était aussi la
04:27sécurité des français face à la menace terroriste islamiste et voilà donc la
04:35conclusion logique des jugés de la cour et la leur, je pense qu'elle correspond
04:41parfaitement au débat que nous avons eu et je trouve que ça c'est vraiment, enfin
04:45c'est intéressant parce qu'on a fait la démonstration qu'en fait on avait un
04:49système judiciaire qui tenait la mer, qui était capable de à la fois faire la
04:53part aux victimes en donnant tous les droits à la défense et en protégeant la
04:59société, ça c'est l'essentiel. Il y a le droit, c'est la force de notre
05:05système. La justice française lui donne le droit de faire appel, ce qui n'était
05:11pas le cas du système carcéral et répressif de l'état islamique.
05:17C'est notre force, c'est notre c'est notre honneur que d'être capables, y
05:21compris face aux pires des bourreaux, de leur donner le droit de se défendre.
05:26Les médias se sont beaucoup axés, c'est normal, sur vous, sur les quatre journalistes
05:30français et pourtant la force de ce procès ça a été aussi de montrer qu'il y avait
05:33eu plein d'autres otages européens qui ont eu la parole. Il y a ceux qui sont
05:37parvenus et puis il y a ceux qui ont pu témoigner.
05:38Non mais c'est pour ça que je trouve que honnêtement ce procès il a été
05:40exceptionnel. Il a donné la parole, il nous a donné la parole, mais il a donné
05:44la parole à tous nos camarades qui ne sont pas revenus.
05:47Rappelez-vous cette lettre extraordinaire, le testament en fait de
05:52John Cantlie qui a été élu à la barre. Tous nos camarades européens, américains,
05:57britanniques qui ne sont pas revenus ont pu s'exprimer. Les Syriens ont été, ont
06:03pu être entendus. Je pense qu'on a témoigné, pourquoi on a porté témoignage
06:08aussi fortement, c'est pour raconter que ce qu'ont vécu au quotidien les Syriens
06:13face à l'état islamique qui a torturé en masse, liquidé en masse, qui a quand
06:18même réduit en esclavage sexuel les yézidis, c'était au-delà, franchement
06:21on a réussi à porter leur voix au-delà de notre cadre. Et je pense que, et d'ailleurs
06:26c'était intéressant ce soir, la Cour a accepté de les joindre à notre
06:31situation d'otages français, journalistes, connus, donc évidemment pour nous c'est
06:35plus facile de s'exprimer. Eux n'avaient aucun espace pour parler, pour raconter
06:39leurs souffrances, pour raconter leur calvaire. Et bien aujourd'hui une Cour
06:45française leur a donné cette voix, leur a donné cette possibilité d'exister et
06:49ça honnêtement je trouve que c'est tout à notre honneur et c'est vraiment
06:53quelque chose de fort. Didier, vous l'aviez imaginé ce moment quand vous étiez dans les geôles, ce moment d'esclavage, ce moment d'huberté ?
07:00Visiblement moins que Médine Desbouches qui, à certains moments, nous avait dit on se retrouvera,
07:05ce qui veut dire que d'ailleurs il n'avait pas décidé de mourir, il pensait qu'on
07:09se retrouverait dans un procès. Non, honnêtement je ne le pensais pas. Mais
07:13voilà, comme quoi il faut rester serein, patient et solide puisque c'est arrivé,
07:19n'oublions quand même pas qu'on a cette chance nous d'être sortis et d'avoir
07:24justice rendue. C'est aussi un long travail d'enquête, de travail
07:31des magistrats instructeurs du parquet, mais il y en a quand même plus de la
07:35moitié d'entre nous qui se sont fait égorger, qui ne sont jamais sortis, puis
07:37encore une fois ce qu'on disait sur les Syriens qui eux ont vécu quand même un
07:41calvaire sur plusieurs années et de la part du régime de Bachar el-Assad et de
07:45la part de Daesh qui, de ce point de vue là, se sont quand même sérieusement fait
07:48de la courte échelle.
07:49Il n'y a eu aucune réaction de Médine Desbouches à l'annonce du verdict, ça vous étonne ?
07:53Non, ça ne m'étonne pas, c'est très cohérent avec la façon dont il mène sa
07:58défense depuis le départ, dont on l'a entendu d'ailleurs sur ses déclarations.
08:01Je n'aime pas me faire l'exégète de Médine Desbouches, mais non, je n'ai aucune
08:07surprise et puis c'est son choix en fait, il a le droit de s'exprimer, c'est encore
08:10une fois un droit de la défense, il a le droit de se taire, ce qu'il a fait pendant
08:1311 ans. Donc non, je pense que son avocat
08:17effectivement dans sa pédoirie l'a assez bien cerné quand il avait,
08:22je vais reprendre un mot de la défense, en l'expliquant, il avait une certaine...
08:27Le carcéral était son milieu et qu'il avait une esthétique du carcéral, c'est
08:31ce qu'on avait constaté lorsque nous étions sous sa botte, lorsqu'il était
08:35notre geôlier et c'est évidemment ce qu'on a constaté à Bruxelles lors du
08:39procès pour l'assassinat antisémite du musée juif et puis c'est ce qu'on a
08:43constaté ici, en fait c'est assez cohérent avec ce qu'il est.
08:46Merci beaucoup, merci.
08:48Bien sûr, bien sûr, dites-moi.
08:50Nicolas, c'est un moment que vous aviez imaginé, ce moment du procès, ce moment du verdict quand vous étiez dans les geôles syriennes ?
08:56Oui, c'est la conclusion d'une page qui s'est ouverte il y a une douzaine d'années
09:01quand j'étais détenu, quand j'avais commencé à imaginer ce procès, ce procès
09:07qui se termine ce soir mais pour moi c'est un combat qui commence, c'est la
09:13bataille qui commence parce que des propos extrêmement toxiques ont été
09:17tenus à la barre et tout l'engagement que j'ai eu ces dernières années pour la
09:22prévention de la radicalisation, la prévention du terrorisme et des
09:25discours de haine prend son sens aujourd'hui et je quitte cette salle
09:29d'audience plus convaincue que jamais de la nécessité de cet engagement et de ma
09:35détermination à continuer de lutter contre ces discours.
09:39Vous disiez que vous ne vouliez pas vous focaliser sur Mehdi Nemmouch et que vous aviez un grand intérêt pour la peine qui serait éventuellement infligée à Qaïssa Abdallah.
09:49Pourquoi c'était important aussi de mettre l'accent sur ce personnage-là ?
09:54Qaïssa Abdallah a été moins couvert, a reçu moins d'intérêt de la part des médias parce qu'il ne concerne que deux des otages, Pierre Torres et moi-même,
10:04parce que c'est un Syrien, parce que son cas est un petit peu plus complexe.
10:08Son histoire néanmoins mérite d'être rapportée, mérite tellement d'ailleurs d'être rapportée qu'elle a donné lieu à un film de fiction.
10:18Ce n'est pas courant qu'un film de fiction soit créé pendant une instruction judiciaire et sorte quelques mois avant la tenue d'une audience d'assises.
10:30Nous avions, Pierre Torres et moi-même, identifié Qaïssa Abdallah non seulement comme l'un des hauts responsables de l'état islamique à Raqqa,
10:40un co-responsable de notre enlèvement, mais aussi comme la base d'une potentielle cellule dormante en Europe, en l'occurrence en Allemagne, où il a été arrêté.
10:53Et c'est toute notre satisfaction aussi, à Pierre et à moi, que d'avoir potentiellement contribué à prévenir la commission d'attentat sur le sol européen après cette interpellation.
11:07Et nous sommes très satisfaits que Qaïssa Abdallah soit désormais neutralisée judiciairement.
11:13Nicolas, je reviens un peu en arrière sur les propos toxiques. Vous évoquiez les propos tenus par Médien et Mouche dans le boxe.
11:20Il s'agit en particulier, oui, des propos tenus par Médien et Mouche dans le boxe.
11:24En quoi c'est des propos toxiques ?
11:27Ce sont des propos qui peuvent désarçonner. Ce sont des propos qui surfent sur le confusionnisme de l'époque.
11:38Ce sont des propos qui sont beaucoup plus biberonnés de fait à la propagande russe qu'à celle de l'état islamique.
11:48Et pourtant, cela ne veut pas dire, cette absence de référence religieuse ne veut pas dire, surtout pas, que Médien et Mouche n'est pas un djihadiste.
11:57Sa façon de faire, sa façon d'émettre sans cesse des dénis capillotractés, sa façon de se moquer de la cour, de se moquer de toutes les institutions en permanence, est une forme de poursuite de son djihad.
12:11Il a poursuivi son djihad à la barre. Il compte le poursuivre désormais en détention.
12:16Il y a une chose qui est très importante à garder à l'esprit, c'est que partir dans une forme de surenchère dans le mal ne fait pas de vous un génie du mal.
12:27Cela fait juste de vous un criminel, un criminel en l'occurrence provocateur et narcissique.
12:34Mais ce qui est beaucoup plus difficile, c'est d'être un génie du bien et de partir dans une surenchère dans le bien.
12:42Mais il n'y a aucun mérite à faire de la surenchère dans le mal. Aucun mérite.
12:47Sa posture, sa position ne réclame aucun effort. Tout le monde peut l'adopter.
12:53La cour a fait une large place dans son verdict aux autres otages, autres que les Français, et également aux citoyens syriens qui ont été victimes des accusés dans le boxe.
13:05Ça, c'est quelque chose que vous retenez, c'est important ?
13:08C'est une immense justice qui a été rendue. Nous sommes, je pense, tous extrêmement satisfaits du fait que ce ne sont pas que les otages français qui ont été pris en compte dans cette cour d'assises française ici à Paris.
13:23Ce sont tous les otages du monde entier, toutes les victimes du monde entier.
13:27Alors bien sûr, il ne s'agissait pas de faire le procès de Daech en général.
13:31Nous avions cinq accusés, trois présents dans le boxe, mais il était essentiel d'internationaliser cette crise, cette prise d'otages de masse qui impliquait une douzaine de nationalités différentes parmi les victimes,
13:44qui impliquait des milliers de Syriens et qui impliquait aussi des auteurs de nombreuses nationalités différentes.
13:51J'ai une dernière question, Nicolas. J'imagine que vous pensez aussi à ceux qui sont parvenus aujourd'hui, qui auraient peut-être été mes très témoignants pendant ce procès.
13:59J'avais démarré ma déposition en donnant leur nom, en listant très solennellement, très cérémonieusement leur nom, le nom de tous ceux qui ne sont pas revenus.
14:10Tous les otages que nous avons laissés derrière, qui ont été exécutés dans des conditions atroces.
14:17Et ce procès est aussi là pour leur rendre justice.
14:22Ce procès, je pense, aura été un beau moment de justice pour tous ceux qui ont été là, mais aussi pour tous les proches, les proches de Raqqa.
14:34On a eu, durant la semaine consacrée à Qais al-Abdallah, de nombreuses personnes venues de Raqqa, dans la salle d'audience, qui venaient écouter, qui venaient suivre les débats,
14:45mais aussi des familles américaines, britanniques, espagnoles, belges, que sais-je, des familles venues d'un peu partout, y compris des familles d'otages qui ne sont pas revenus.
14:58Et nous pensons à eux. Merci.
15:15...
15:44OK. Pardon, je suis en train toujours de... Je ne l'avais pas préparé.
15:50...
15:56Non, ça va aller. Je vous remercie.
16:00Je voulais rappeler l'importance des témoins de la diaspora syrienne dans le cas de Qais al-Abdallah, qui a pris la peine maximale.
16:13C'est des témoins qui, non seulement, ont spontanément donné l'alerte sur cette personne dont on a reconnu aujourd'hui la dangerosité,
16:22mais c'est aussi des gens qui sont venus en audience pour soutenir leurs témoignages.
16:29Et je rappelle aussi l'ambiance délétère de ce procès par rapport à ces témoins et le souci qu'on peut se faire aujourd'hui,
16:39à la fois dans cette affaire, s'il devait y avoir un appel, mais également pour d'autres affaires concernant des anciens responsables de l'État islamique ou du régime syrien.
16:51Je vous remercie.