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Santé toujours fragile pour notre forêt alsacienne qui recouvre toujours plus d'un tiers de notre territoire : le vice-président de Fibois Grand Est, Jean-Pierre Renaud, se tient prêt pour les défis futurs liés au changement climatique, en ce journée internationale des forêts.

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Transcription
00:00Jusqu'à 9h, ici Matin.
00:02Passez une excellente journée, on est ravis de vous accueillir.
00:0411-21 mars, c'est la journée Sébastien International des forêts.
00:08Il y a plus d'un tiers de notre territoire.
00:1039% est recouvert de bois en Alsace
00:12et les défis immenses depuis quelques années déjà
00:15promettent d'être encore plus importants demain.
00:17La forêt d'aujourd'hui, est-ce qu'elle ressemble à celle de votre enfance ?
00:19Est-ce qu'il y a des changements ? Si oui, lesquels ?
00:21Moins d'arbres, moins d'essence, moins d'animaux aussi ?
00:24Vous témoignez au 0388 25 15 15.
00:27Bonjour Jean-Pierre Renaud.
00:28Bonjour.
00:29Vous êtes le président de Fibois Grand Est, la filière bois dans notre région.
00:32Elle a déjà pas mal changé, notre forêt, ces dernières années.
00:34Absolument.
00:35On a une forêt qui évolue beaucoup plus rapidement qu'on ne le pensait.
00:38La forêt a toujours évolué.
00:40Elle change à travers les générations.
00:42Les forestiers l'éduquent pour cela.
00:44Mais on peut dire que depuis 10 ans,
00:45elle change beaucoup plus vite à un rythme
00:47qui est bien sûr lié au changement climatique.
00:48Ça, on ne s'y attendait pas.
00:50Parce que ça allait si vite.
00:51On s'attendait à ce qu'il faille adapter la forêt
00:54par rapport à cette nouvelle donne.
00:55Mais on ne pensait pas que ça allait si vite.
00:57Le facteur déclenchant, c'était ce qu'on appelait la crise des scolites
01:00qui a touché essentiellement l'épicéa.
01:02Notamment dans les secteurs les plus bas en altitude.
01:04Puisque à partir de 2018,
01:06on a eu une augmentation de la mortalité des épicéas
01:08attaquées par ces insectes qu'on appelle les scolites.
01:11Et qui a conduit à prélever pendant plusieurs années
01:13à peu près 90% des épicéas.
01:15C'était des arbres morts ou dépérissants.
01:18On en est où aujourd'hui justement de cette crise des scolites ?
01:22La crise des scolites ne s'est pas éteinte
01:25parce qu'on a toujours les insectes.
01:26Mais disons qu'elle s'est apaisée, entre guillemets,
01:29pour deux raisons.
01:30D'une part, parce que les conditions climatiques,
01:31notamment l'an dernier, ont été plus favorables.
01:33Avec un été plus vieux.
01:35Et deuxièmement, c'est un peu aussi faute de combattants.
01:37Parce que beaucoup d'épicéas qui étaient en pleine, ont disparu.
01:40Donc du coup, ce qui reste comme épicéas,
01:42c'est plutôt dans les zones d'altitude.
01:43Notamment dans le massif ogien.
01:45Et là, on a des épicéas qui sont un peu mieux adaptés, plus résistants.
01:48Mais on peut dire que c'était vraiment le début de l'alerte.
01:51Mais maintenant, qui concerne quasiment
01:52toutes les essences forestières de notre région.
01:54Les épicéas qui ont été plus résistants,
01:56est-ce qu'ils sont voués à rester ?
01:58Ou à être remplacés,
02:00notamment par des chênes, par du cèdre ?
02:03Ce serait peut-être meilleur pour le réchauffement climatique ?
02:05C'est en tout cas l'ambition que vous avez
02:07pour ces prochaines années dans les Vosges ?
02:08Alors, il n'y a pas de règle générale.
02:11Les épicéas qui sont en altitude,
02:12au-dessus de 900 mètres d'altitude, pour dire les choses,
02:15sont plutôt à leur place.
02:16On est à l'étage montagnard, voire subalpin.
02:19Et là, on a des épicéas qui sont à leur place.
02:21Mais il faut quand même rester vigilant.
02:22Parce qu'en fonction des scénarios climatiques,
02:24on peut avoir des épicéas, même à cette altitude-là,
02:26qui peuvent être en difficulté.
02:27En dessous, les épicéas qui sont morts doivent être remplacés
02:29par d'autres essences plus adaptées.
02:31Mais il n'y a pas que les épicéas qui sont concernés.
02:33Le sapin des Vosges,
02:35qui est quand même l'essence emblématique du massif vosgien,
02:37est lui aussi menacé.
02:38On estime qu'avec un scénario moyen,
02:40entre 3 et 4 degrés d'augmentation de température,
02:43on aura pas loin de la moitié des sapines hiervogènes
02:45qui vont être en inconfort climatique.
02:48Inconfort climatique, ça veut dire qu'elles peuvent subir
02:50dans les 10, 20, 30 prochaines années,
02:52des problèmes de dépérissement important.
02:55Ce qui est déjà le cas.
02:56Jean-Pierre Renaud, vice-président de FIBOIS Grand Est,
02:58la filière bois de la région,
03:00invité ici à Alsace pour parler de cette journée internationale des forêts,
03:03de l'état de santé de notre forêt en Alsace,
03:06qui recouvre jusqu'à 39% de notre territoire.
03:09Est-ce que la forêt a changé à côté de chez vous ?
03:12Vous qui vous baladez régulièrement peut-être dans les bois,
03:14vous constatez qu'il y a moins d'oiseaux,
03:16moins d'animaux, moins de branches dans les arbres,
03:19ou moins d'essence, 0,3% ?
03:22Quels sont les endroits très précisément qui risquent de changer le plus,
03:25dont le visage de notre forêt risque de changer le plus ces prochaines années ?
03:28Et à quel horizon aussi ?
03:31La forêt va surtout changer,
03:34sous la pression du climat,
03:37surtout là où les essences en place ne sont pas ou plus adaptées.
03:41Je parlais d'inconfort climatique,
03:44on estime qu'un tiers des forêts de notre région,
03:46à l'échelle du Grand Est ou de l'Alsace,
03:48un tiers en surface, sont constituées par des essences
03:51qui ne sont pas ou ne seront plus adaptées
03:54dans le cadre de scénarios moyens, encore une fois,
03:56parce que si on a des scénarios extrêmes,
03:58là on parle d'augmentation des températures de l'ordre de 4 degrés,
04:01c'est la dernière hypothèse,
04:03qui est déjà une hypothèse difficile,
04:05mais si on arrive à 6 degrés, là on va avoir vraiment des difficultés.
04:08Donc on a à peu près un tiers des forêts,
04:10qui sont situées soit en plaine, soit en montagne,
04:12mais notamment dans les essences, je parle de la sapinière,
04:14les sapinières qui sont proches du vignoble alsacien,
04:16sont évidemment plus trop à leur place.
04:18Et donc on va avoir, dans les prochaines années,
04:20on a déjà eu des problèmes de dépérissement,
04:22et on va en avoir de plus en plus.
04:24Donc c'est à nous, c'est à l'homme de replanter,
04:26de refaçonner la forêt ?
04:28Oui, alors l'homme ne va pas replanter toute la forêt,
04:31je pense qu'il faut aussi rester raison gardé,
04:33on n'aura pas d'une part les moyens,
04:35et puis la forêt a une capacité,
04:37l'écosystème forestier a une capacité de résilience,
04:40de se régénérer,
04:42il y a une diversité génétique aussi au niveau des espèces végétales,
04:45qui fait qu'on aura forcément des individus
04:47qui seront plus résistants et qui vont pouvoir subsister.
04:50Donc il faut rester confiant,
04:52il faut privilégier la diversité,
04:54la diversité des essences,
04:55et puis également introduire, là où il le faut,
04:57là où il n'y a pas d'essence adaptée,
04:59de nouvelles essences plus adaptées,
05:01comme le chêne pubaissant par exemple,
05:02qui est un chêne qu'on trouve déjà en Alsace,
05:03mais qui est un chêne qui ressemble à le chêne Sessile par exemple,
05:06et qui est bien adapté à des étés beaucoup plus secs.
05:08Certains proposent de rendre une partie de la nature,
05:13une partie de la forêt à la nature,
05:15d'arrêter en fait toute activité humaine,
05:18c'est irréaliste pour vous ?
05:20Vous avez dû voir passer ?
05:21Alors tout dépend de quelle échelle on parle,
05:23si on parle de quelques milliers d'hectares
05:25ou quelques centaines d'hectares,
05:26ça existe déjà,
05:27l'ONF notamment crée des réserves biologiques intégrales,
05:30c'est intéressant, ça crée des références
05:32pour voir comment la nature,
05:33comment une forêt évolue spontanément
05:35sans intervention de l'homme.
05:36Si c'est un projet à plus vaste échelle,
05:38sur des dizaines de milliers d'hectares,
05:40nous considérons, au niveau de la filière
05:42et au niveau des forestiers également,
05:43que ce n'est pas une bonne idée.
05:44Pourquoi ? Parce que quand on parle de la forêt,
05:46on parle aussi de séquestration du carbone.
05:48Et la séquestration du carbone,
05:49à la fois dans les sols forestiers,
05:50mais aussi dans les arbres,
05:52c'est un élément très important
05:53pour lutter contre les changements climatiques
05:55et aussi pour l'exportation du bois,
05:57pour peu que ce bois soit utilisé en bois d'oeuvre,
05:58par exemple dans les charpentes,
06:00c'est du carbone atmosphérique
06:02qui va être stocké pendant des dizaines,
06:04voire des centaines d'années.
06:05Donc c'est intéressant de pouvoir séquestrer
06:07le carbone du bois dans ces conditions-là.
06:09Ce n'est pas très bon non plus pour les affaires.
06:11La filière bois fait quand même vivre
06:1320 000 personnes en Alsace.
06:14Exactement, c'est quand même un enjeu social.
06:17Ce sont souvent des emplois locaux
06:19et c'est un tissu de petites et moyennes entreprises
06:21avec quelques beaux fleurons en Alsace,
06:23notamment au niveau des scieries
06:25ou des usines de fabrication de charpentes,
06:27qui sont quand même extrêmement valorisantes
06:29pour notre tissu économique.
06:31Vous avez participé à une réunion hier
06:33avec le préfet de région à Metz
06:35sur le risque d'incendie
06:37qui risque d'être de plus en plus présent
06:39même chez nous en Alsace
06:41au cours des prochaines années.
06:43Il y a encore sécheresse et réchauffement climatique.
06:45Exactement.
06:47On avait un risque d'incendie important forestier
06:49traditionnel dans la région méterranéenne
06:51et puis un peu dans le sud-ouest
06:53mais surtout dans la région méterranéenne.
06:55On s'aperçoit, et notamment depuis 2022,
06:57avec ces très grands incendies qu'il y a eu dans le sud-ouest
06:59voire dans le centre de la France,
07:01que le risque s'étendait et qu'il est maintenant
07:03avéré dans le centre de la France
07:06Dans nos régions du Grand Est, on n'est pas encore
07:08même s'il y a eu des incendies en 2022
07:10importants dans les Vosges ou dans le Jura
07:12par exemple, mais dans nos régions de l'Est
07:14on pense que le risque d'incendie
07:16d'incendie majeur
07:18va arriver.
07:20Qu'est-ce qui s'est dit hier très rapidement ?
07:22Comment on va devoir s'adapter ces prochaines années ?
07:24Très concrètement, est-ce que vous avez un dispositif
07:26déjà en place ?
07:28Il est à mettre en place.
07:30Il faut s'inspirer de ce qui s'est fait en région méterranéenne.
07:32Il y a déjà aussi un recensement des zones
07:34dans lesquelles pourraient écoper des canadaires
07:36sur des lacs naturels
07:38ou sur des réserves d'eau.
07:40De manière à pouvoir se préparer à intervenir
07:42sur des incendies, sur des feux de forêt
07:44d'une taille qu'on ne connaissait pas dans nos régions.
07:46Il ne vous est pas échappé
07:48qu'un premier incendie
07:50s'était déjà déclaré hier.
07:52Un hectare de végétation partit en fumée
07:54hier au col de Couart dans les Vosges
07:56c'est extrêmement précoce évidemment
07:58pour un incendie
08:00de végétation chez nous en Alsace.
08:02Merci à vous Jean-Pierre Renaud.
08:04Vous êtes le vice-président de FIBOIS Grand Est, la filière bois
08:06dans le Grand Est. Merci d'être venu
08:08dépeindre un petit peu le visage de notre forêt alsacienne
08:10pour les prochaines années.
08:12Voilà pour l'état des lieux.
08:14Voilà pour les projections.
08:16Toutes les infos ici pour les réécouter
08:18à l'image de cette interview.

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