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La commission des affaires culturelles s'est dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête pour faire la lumière sur les modalités du contrôle par l'État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires. Les travaux d'enquête, qui peuvent durer 6 mois, débutent par une table ronde réunissant des représentants de collectifs de victimes de plusieurs établissements, parmi lesquels : Notre-Dame de Bétharram, Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, Saint-François-Xavier d'Ustaritz ou encore Riaumont de Liévin.

La rédaction de LCP vous propose les morceaux choisis des séances publiques dans l'hémicycle et des séances de travaux ou des auditions en commissions.

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00:00:00Bonjour à tous et bienvenue à l'Assemblée Nationale.
00:00:10Aujourd'hui, c'est une audition très attendue que nous vous proposons de suivre, puisque
00:00:15les députés entendent des collectifs de victimes de Bétharame, affaire qui a déclenché
00:00:20une onde de chocs, ces révélations de violences, notamment sexuelles, commises il y a plusieurs
00:00:25années dans cet établissement catholique privé des Pyrénées Atlantiques.
00:00:30Alors pour la première fois de son histoire, la Commission des Affaires Culturelles et
00:00:34de l'Éducation de l'Assemblée Nationale s'est dotée des prérogatives d'une commission
00:00:39d'enquête.
00:00:40Elle tente de faire la lumière sur le contrôle par l'État de ces établissements scolaires
00:00:45privés et notamment de prévenir des violences susceptibles de s'y produire.
00:00:50Rappelons que les personnes convoquées devant une commission d'enquête ont l'obligation
00:00:54de s'exprimer sous serment.
00:00:56Parmi les personnalités invitées ce jour-là à répondre aux députés, il y a Alain Esquerre
00:01:02qui porte et incarne le combat des victimes de Bétharame.
00:01:06Direction tout de suite la salle Lamartine pour écouter ses auditions.
00:01:10A tout à l'heure.
00:01:11Pour Bétharame, tout d'abord au nom de l'union des collectifs, je tiens Madame la Présidente
00:01:17et M. et Mme les rapporteurs à vous remercier pour l'organisation de cette commission d'enquête
00:01:25parlementaire.
00:01:26Je l'appelais de mes voeux et vous y avez répondu et c'est très important pour nous
00:01:34et ce dossier collectif nous oblige à tous.
00:01:38En ce qui me concerne, j'ai créé le collectif des victimes de Bétharame le 10 octobre 2023.
00:01:48Pourquoi j'ai créé ce collectif ?
00:01:50Parce que je n'ai trouvé sur Internet aucune association ou groupe qui traitait de cette
00:02:00question des victimes de violences scolaires.
00:02:03Je parle de violences scolaires.
00:02:05Et très vite, j'ai un certain nombre d'anciens élèves qui m'ont contacté.
00:02:14Je n'en connaissais aucun au départ.
00:02:17Ils m'ont contacté pour me faire part, souvent d'une façon très dure, de ce qu'ils avaient
00:02:26vécu à Bétharame.
00:02:28Je voulais faire un recueil de témoignages et petit à petit, je me suis rendu compte
00:02:38que les témoignages étaient si forts, si importants, si graves, qu'il fallait que
00:02:43je constitue un dossier pénal.
00:02:46Je me suis posé plusieurs fois la question d'avoir le courage de porter cette parole.
00:02:52Le contexte, c'est que, depuis toujours, je me considère comme victime de cette institution
00:03:00de Bétharame, puisque j'y ai fait ma scolarité entre 1980 et 1985.
00:03:05J'y suis resté six ans, j'habite à côté, dans le petit village de Monteau.
00:03:12Cet établissement, pour moi, ça représentait beaucoup de choses, parce que, déjà, je
00:03:19suis chrétien à la base, et je faisais déjà la messe dans ma chambre.
00:03:25J'étais très croyant, et intégrer un établissement catholique, pour moi, c'était important
00:03:33pour la suite de ma vie.
00:03:34Je suis rentré à Bétharame, j'avais 10 ans, et ça a été une période extrêmement
00:03:48difficile.
00:03:49Au départ, assez facile, puisque j'étais brillant, premier de la classe, et après,
00:03:54ça s'est dégradé par la suite.
00:03:56Je ne voudrais pas mobiliser la parole plus longtemps, on reviendra là-dessus, mais le
00:04:01collectif y compte aujourd'hui plus de 2 000 membres.
00:04:06J'ai 180 plaintes, mais au-delà des plaintes, j'ai énormément de témoignages, parce que
00:04:14ne croyez pas que c'est facile, en fait, de déposer un CERFA et d'aller ensuite être
00:04:20auditionné devant un officier de police judiciaire, même quand vous avez des traumas liés à
00:04:26des violences physiques subies pendant l'enfance.
00:04:29Parce qu'à Bétharame, c'était la terreur, et personne ne pouvait imaginer que nous étions
00:04:35dans des mains à la fois de prêtres agresseurs, j'ai ici d'ailleurs, sur les 70 dernières
00:04:43années, tous les prêtres, tous y sont agresseurs, tous ces prêtres directeurs.
00:04:48Et donc, j'ai un certain nombre encore de victimes qui vont peu à peu, évidemment,
00:05:01rejoindre le corpus de plaintes déjà très conséquent.
00:05:06Le collectif de Notre-Dame-du-Sacré-Cœur à Dax, donc Cendrillon, est beaucoup plus
00:05:12récent, puisqu'il date d'une quinzaine de jours.
00:05:16Actuellement, nous sommes une trentaine de membres et nous avons identifié, de façon
00:05:27formelle, quatre prêtres et un laïc comme agresseurs sexuels.
00:05:36Il y a un prêtre où il y a encore un point d'interrogation.
00:05:41Et nous avons actuellement, sur les différents moyens que nous avons mis à disposition,
00:05:48nous avons ouvert une page Facebook, nous avons ouvert un compte WhatsApp.
00:05:58Sur les différents témoignages qui arrivent par ces différents moyens, nous sommes
00:06:03actuellement à entre 28 et 30 cas de signalés, soit d'agressions sexuelles.
00:06:12Agressions sexuelles, il y en a cinq de façon sûre.
00:06:19Il y en a déjà qui ont déjà porté plainte de toute façon en 2021, qui avaient déjà
00:06:23porté plainte. Et ensuite, ce sont des agressions physiques.
00:06:27Alors nous, personnellement, dans notre collectif, je ne sais pas si c'est à l'avis de tout
00:06:31le monde, mais pour ce qui concerne les violences physiques, on voudrait replacer les faits
00:06:39dans le contexte de l'époque, c'est-à-dire qu'en 1958, moi je suis rentré interne à
00:06:46Cendrillon en 1958, j'ai 77 ans, donc je suis rentré en 1958 et en 1958, ce n'était pas
00:06:55Cendrillon, c'était dans les familles, c'était la société où prendre une gifle, c'était un
00:07:04moyen éducatif de prendre une gifle.
00:07:07C'était un moyen éducatif et tout ça était fait pour notre bien, y compris à commencer par
00:07:12les familles. Dans les familles, à l'époque, il y avait le martinais.
00:07:16Donc tout ça, si vous voulez, alors ces violences, une gifle, on veut différencier parce qu'il y a
00:07:22une différence quand même entre prendre une gifle et ensuite ce qui se passait à Bétarame, par
00:07:26exemple, qui est l'histoire du perron ou autre.
00:07:30Et nous à Cendrillon, ce n'était pas du tout le perron, mais c'était ce qu'on appelait le
00:07:34téléphone. Alors on était au chaud, entre guillemets, mais enfin, on pouvait s'y retrouver jusqu'à
00:07:41trois heures du matin. Donc si vous voulez, dans ce qui concerne le physique, on voudrait
00:07:49différencier la gifle.
00:07:53Qui d'entre nous n'a pas pris une gifle de ses parents?
00:07:55Je n'en sais rien. C'est bien, félicitations.
00:07:59Mais voilà, donc je pense que pour le physique, voilà pour ce qui est au niveau sexuel, on ne
00:08:07veut pas différencier que ce soit les attouchements ou les viols.
00:08:11Pour nous, c'est pareil.
00:08:13Le collectif des victimes de notre garaison s'est créé dans la dynamique de celui de
00:08:21Bétarame et à ce titre là, on doit remercier Alain Esquerre pour la dynamique qu'il a su
00:08:26créer. Actuellement, ce collectif s'est créé à la mi-février, donc il a à peine un mois
00:08:32d'existence. Actuellement, on a une cinquantaine de membres et nous avons recueilli déjà un
00:08:40certain nombre de témoignages, donc ces témoignages sur des formulaires SERFA ont été
00:08:45écrits et nous allons déposer ces témoignages la semaine prochaine, mercredi prochain, au
00:08:52tribunal de Tarbes.
00:08:54Moi, je représente le collectif des anciens élèves du Relègue Carillon à Brest, au Collège
00:09:00Saint-Pierre, qui doit aussi beaucoup à Bétarame pour deux raisons.
00:09:04D'abord, la dynamique qu'il a insufflée dans ce devoir de mémoire, mais aussi parce que
00:09:10l'un des cofondateurs de notre collectif, Frédéric Bénédict, est un cumulard.
00:09:14Il a fait les deux. Il était à Bétarame et au Collège Saint-Pierre du Relègue Carillon.
00:09:22Voilà, donc, il a décidé avec Joël Lagadec de créer ce collectif qu'on a créé, qu'il a
00:09:27créé, je pense, le 26 février 2025.
00:09:30Et depuis, on a à ce jour, donc ça fait un peu plus de trois semaines, on a à peu près un peu
00:09:36plus de 140 aujourd'hui membres et sur le collectif, sur notre fil WhatsApp, qui s'éveille
00:09:43à 7 heures du matin et finit vers minuit, une heure du matin.
00:09:48Voilà, on a à peu près 70 participants.
00:09:51Les témoignages remontent, j'irais même reflux, comme dans des égouts longtemps bouchés.
00:09:58Et voilà, nous, c'est essentiellement de la violence.
00:10:01Je dirais même, il y a quelques, voilà quelques petits témoignages d'abus sexuels, pas de violence,
00:10:08mais d'abus qui ne sont pas avérés et qui, malheureusement, ne le seront pas puisque le responsable présumé est mort.
00:10:16Par contre, la violence, moi, à titre personnel, je n'ai jamais vu ni entendu un niveau de violence pareil.
00:10:26C'était une violence totalement décomplexée par des professeurs.
00:10:31Il n'y a pas d'internat chez nous, donc ça peut expliquer aussi peut-être l'absence de violence et d'abus sexuels.
00:10:36Par contre, la violence, on a fait des petites recherches.
00:10:40Je crois que ces professeurs n'avaient pas les diplômes requis.
00:10:42Ils avaient pour certains le bac, pour d'autres, un niveau d'oeuvre éventuellement, mais aucun, aucun crédit d'habilitation en termes de pédagogie.
00:10:50Alors CAPES, ça serait mon Henri.
00:10:54Voilà, mais par contre, ils étaient recrutés par le père directeur, le père L, pour leur adhésion à ces méthodes qui étaient la pédoplégie, c'est-à-dire la pédagogie par les coups.
00:11:06Et on en a reçu beaucoup.
00:11:07Alors, je pense que j'aurai, au cours de cette réunion, l'occasion de vous donner quelques détails, mais c'est atterrant et infligeant.
00:11:19Je vous remercie, Adam Bertrand.
00:11:25Merci, nous, on est, on vient dans la suite de Betarame.
00:11:29Alors, ça paraît étrange parce que Betarame est très, très loin de nous, puisque nous sommes allés sur scène, mais on a découvert le 3 mars qu'un enseignant, qu'un surveillant de Betarame,
00:11:42un des tortionnaires de Betarame, il faut le dire, avait poursuivi sa carrière directement de Betarame.
00:11:47À Neuilly-sur-Seine, à Saint-Dominique-de-Neuilly, et quand ce fait nous a été remémoré, on s'est tous souvenus de ce surveillant, on a décidé, avec un petit groupe d'anciens, d'ouvrir une page Facebook, un groupe Facebook qui permettrait aux gens de témoigner.
00:11:59L'objectif de ce groupe, c'était de recueillir des témoignages sur cette personne pour aider nos frères de Betarame.
00:12:05Et là, avec stupeur, on a eu finalement assez peu de choses sur lui qu'on ne savait déjà, on savait qu'il tirait les oreilles, ça, on s'en souvenait tous, qu'il tirait les oreilles,
00:12:15on s'en souvenait tous, qu'il tirait les cheveux, etc. Mais on a eu des témoignages sur sept autres personnes, sur une période qui va de la fin des années 80 au début des années 2000, qui ont eu des comportements répréhensibles vis-à-vis d'enfants.
00:12:31Et je vous parle de choses qui vont d'un abus physique très violent, d'une maîtresse de CM1 extrêmement violente, les gens parlent de sadisme.
00:12:39À un maître de CM2 qui caressait des petites filles sous leur jupe derrière son bureau, à des viols, des viols par des profs de lycée, un prêtre mis en cause aussi sur des élèves, des garçons de 5e, etc.
00:12:53Alors là où on retrouve ce surveillant, c'est qu'évidemment, il a essayé de cacher certaines choses qui se passaient dans l'école.
00:13:01On a un lien très fort avec nos frères de Bétarame et on leur remercie d'avoir ouvert cette porte et tous les jours, j'ai à nouveau des messages.
00:13:12Aujourd'hui, ce groupe Facebook, on l'a voulu assez ouvert, donc on l'ouvre à des gens qui étaient des anciens, parfois il y a même des parents, il y a même quelques professeurs qui sont dedans.
00:13:22Quand j'ai écrit ce document hier, on était 292 et ce matin, on est 373.
00:13:28Je ne suis pas seule, mais je suis la seule qui visite, donc je tiens à dire quand même que je ne suis pas la seule à tenir cette page et on a reçu des témoignages, je vous le dis, qui vont de telle personne m'a mis une gifle qui m'a fait me retourner sur ma même, à des abus sexuels extrêmement graves.
00:13:46Après, quand on parle dans votre question, qu'il y ait combien de victimes, c'est dur en fait et moi, j'estime aussi que les enfants qui ont assisté à ça, il y a des enfants qui aujourd'hui encore, enfin des enfants, ils ne sont plus des enfants, mais c'est dur parce qu'ils ont été des enfants qui aujourd'hui sont des adultes de plus de 40 ans et qui me disent, moi, je vivais dans une peur constante et donc ces victimes, elles sont nombreuses.
00:14:05Après, il faudrait peut-être les classer, mais en tout cas, il y a énormément de gens, nous, on a à peu près une cinquantaine de témoignages de gens qui vont de j'ai vécu quelque chose, on m'a fait quelque chose ou j'ai vu quelque chose être fait à d'autres enfants ou je vivais dans une peur constante de vivre quelque chose.
00:14:22Alors nous, nous sommes les filles du bon pasteur, c'est un système judiciaire et c'est peut-être aussi pour ça qu'on n'a pas pu se faire entendre.
00:14:38Un système, alors notre, excusez-moi, notre association, elle a été déposée le 9 décembre 2020 et acceptée le 19 juillet 2021.
00:14:51Alors on a fait des recherches sur les bons pasteurs parce qu'on voulait savoir exactement pourquoi on nous avait fait ça, parce que le système judiciaire, ce n'était pas tout, parce qu'il y avait aussi des petites filles de 2, 3, 4 ans qui étaient là.
00:15:07Qu'est-ce que vous avez fait pour être dans un système pareil ?
00:15:13Alors, 10 ans de recherche et puis au bout d'un temps, on s'est dit bon, ben voilà, on fait l'association et puis après, on verra.
00:15:22Alors dans cette association, on peut compter 300 dossiers de victimes, plus de 300 dossiers de victimes et on en a encore quelques-uns qu'on vérifie parce qu'on les vérifie.
00:15:36On vérifie tout ce qu'on dit et tout ce qu'on fait.
00:15:39Il n'y a pas de surprise.
00:15:41Tout ce qu'on a fait, tout ce qu'on a dit, vous pouvez le vérifier partout où vous pouvez.
00:15:48Alors, plus de 300 dossiers sur le bureau de l'avocat, 200 victimes sur des forums différents selon les affinités, on va dire.
00:15:58Et puis, il y a des milliers et des milliers de filles qui n'ont jamais rien dit et qui sont dans la nature et qu'on ne verra jamais parce qu'elles sont comme nous au départ, trop hontes, trop culpabilisées, trop humiliées et ça vous démolit pour la vie entière.
00:16:23Notre groupe des anciens d'Eustaritz, anciens élèves, victimes du Collège Saint-François-Xavier d'Eustaritz, a été créé il y a un mois à peu près.
00:16:32Nous avons une centaine de membres.
00:16:36On commence à recevoir pas mal de témoignages sur les violences qui se sont...
00:16:44Est-ce que vous pouvez juste vous approcher un tout petit peu plus du micro ou le tendre vers votre... Voilà, parce qu'on ne vous entend pas trop.
00:16:49On commence à recevoir des témoignages qui commencent à nous relater ce qui s'est passé là-bas.
00:16:56Beaucoup de violences physiques.
00:16:58On commence à avoir quelques violences sexuelles qui arrivent aussi.
00:17:02On est une centaine pour l'instant et on va commencer à déposer quelques plaintes dans les jours qui suivent.
00:17:11Voilà dire que beaucoup de gens ont leur vie perturbée parce qu'il s'est passé là-bas.
00:17:19Et ça va des années 1960 pour le dernier à 2005, avec un jeune homme qui a de grosses difficultés dans la vie.
00:17:31Voilà. Et si vous me permettez de lire un texte que j'ai écrit, si je peux.
00:17:39J'ai déjà mis ce gant blanc en hommage aux victimes.
00:17:42Ça, c'est déjà fait. Arnaud l'a déjà fait à la conférence de presse de monsieur Ayé.
00:17:49Et donc, je lève mon poing recouvert d'un tissu blanc.
00:17:51Ce n'est pas un signe d'agressivité.
00:17:53Je lève ce poing par solidarité envers toutes les victimes, victimes de violences et de toutes sortes et dans tous les établissements,
00:18:00qu'ils soient privés catholiques, privés ou publics.
00:18:03Je tiens à souligner que les premières violences physiques graves avec blessures que j'ai subies,
00:18:08c'était à l'âge de 9 ans et c'était dans une école primaire publique.
00:18:12Jean Jaurès à Anglette.
00:18:14Elles ont continué ensuite de la sixième à la troisième et au collège privé catholique d'Eustaritz,
00:18:19comme pour des dizaines d'autres victimes.
00:18:21À cette époque, tout le monde savait.
00:18:23Tout le monde savait dans le Behand pour Betaram et tout le monde savait pour Eustaritz dans le Pays basque.
00:18:28Tout le monde savait au minimum qu'il y avait de la violence physique dans ces établissements et tout le monde a laissé faire.
00:18:34C'est inadmissible.
00:18:35Si on avait ordonné des enquêtes, on aurait certainement découvert qu'en plus des violences physiques, il y avait aussi des violences sexuelles.
00:18:41Aujourd'hui, rien n'a changé.
00:18:43Quand j'entends les mesurettes proposées par madame la ministre Elisabeth Borne et le gouvernement,
00:18:48je me rends compte qu'ils n'ont rien compris ou plutôt qu'ils ne veulent surtout pas mettre de moyens importants,
00:18:53donc financiers, pour qu'il n'y ait plus de violence et de souffrance dans nos écoles.
00:18:58J'ai honte de mon pays.
00:19:00J'ai honte de voir que des enfants ont été violés, frappés, humiliés dans nos écoles et des centaines d'enfants.
00:19:05Alors, je veux juste préciser que je ne suis pas victime de cette institution de la Sainte Croix de Riomont,
00:19:13plus communément appelée village de Riomont, mais je représente donc le tout nouveau collectif de victimes et d'anciens du village de Riomont qui s'est créé hier.
00:19:24Ils ont donc une page Facebook et je souhaite juste lire une petite introduction pour préciser les choses, expliquer pourquoi ça date d'hier.
00:19:35Donc, c'est un texte qu'ils ont écrit.
00:19:37Mesdames et messieurs les députés, l'Institut de la Sainte Croix de Riomont, par le biais d'une déclaration d'un article paru le mardi 18 mars dans la Voix du Nord,
00:19:45fait valoir qu'aucun collectif de victimes de Riomont n'a été officiellement créé.
00:19:49Je précise par ailleurs que dans cet article, il est écrit aussi que le village et les moines du village de Riomont ont essayé de faire pression sur votre commission pour que je ne sois pas présente aujourd'hui.
00:20:03Eh bien, soyez informés que c'est désormais le cas. Donc, il y a maintenant un collectif.
00:20:08Notre collectif vise à soutenir et défendre les droits des victimes de maltraitance et d'abus qui se sont produits dans cet établissement depuis sa création en 1960.
00:20:18Et par l'intermédiaire de moi-même, nous vous annonçons la création de ce collectif.
00:20:22Pour répondre à vos questions brièvement, le village d'enfants de Riomont a été créé en 1960 par le père Albert Revé.
00:20:31C'était un prêtre qui officiait précédemment à Liévin et donc qui a eu pour idée de proposer à la justice et au juge de Béthune, au juge pour enfants, d'accueillir des enfants qui étaient en situation de pré-délinquance.
00:20:45Et donc, il a ouvert ce lieu-là. C'était tout en haut d'une colline, un lieu extrêmement fermé, boisé à Liévin et qui n'était pas du tout construit.
00:20:56Et finalement, c'était une sorte de projet total dans le sens où ce sont les enfants qu'il a recrutés par le tribunal de Béthune qui ont construit ce lieu.
00:21:09C'était donc des travaux forcés. Les enfants étaient évidemment, dès le départ, extrêmement maltraités.
00:21:18Chose qui était tout à fait assumée par le père Revé puisque dans toutes les archives que j'ai pu compulser depuis que je travaille sur cette histoire, donc ça fait bien 6 ans maintenant,
00:21:29tout est consigné et assumé. Les sévices physiques étaient considérés comme quelque chose qui allait redresser des enfants perdus, des mines, qui étaient dans des familles qui partaient à Volo.
00:21:46Et donc, on leur proposait une prise en main idéologique, religieuse et donc physique.
00:21:53Donc le père Revé assumait le fait d'embrasser les enfants sur la bouche.
00:21:57Le père Revé assumait d'enfermer les enfants au pain sec à l'eau pendant 5 jours, nus, dans des douches, frappés à coups de ceinturon côté boucle.
00:22:06J'ai des anciens qui ont des traces, qui ont gardé des traces physiques de ça.
00:22:10Les enfants, quand ils essayaient de fuguer, on les rasait et on leur mettait une croix au mercurochrome rouge sur la tête pour que toute la ville sache qu'ils avaient essayé de fuguer.
00:22:23Donc, c'était comme une sorte de système carcéral, clairement, et tout le monde le savait.
00:22:30Tout le monde était au courant de ce qui se passait dans ce lieu.
00:22:33Les enfants fréquentaient les écoles publiques de Riomont.
00:22:37Les instituteurs voyaient l'état physique des enfants, puisqu'ils étaient en culottes courtes, été comme hiver.
00:22:44Donc, tout était parfaitement visible.
00:22:48Je veux juste, pour finir le propos, dire que ça a duré de 1960 à 2019, qu'entre 1960 et 1982, c'était des enfants plutôt pauvres, en pré-délinquance, qui étaient donc reçus à Riomont.
00:23:08Donc, la DAS a financé ce lieu pendant plus de 20 ans, qu'en 1982, quand Mitterrand a été élu, Robert Badinter a réussi quand même à faire fermer ce lieu à coups de lettres,
00:23:21notamment de personnes comme Simone Veil, qui a demandé la fermeture de ce lieu, et qu'entre 1982 et 1989, il y a eu une sorte de zone grise où ils étaient officiellement...
00:23:34Ils n'avaient pas le droit de recevoir des enfants, mais ils ont continué à recevoir des enfants par le biais de la DAS, qui a continué à leur fournir des enfants.
00:23:41Et à partir de 1989, ils renassent de leur cendre, puisqu'ils créent une école privée hors contrat, Jean Bosco, jusqu'en 2019, où ils appliqueront les mêmes méthodes,
00:23:52où il y aura des violences physiques, des violences sexuelles, des violences psychologiques, tout à fait extrêmes.
00:24:00Et que cette école privée hors contrat a donc accueilli des garçons qui venaient de familles catholiques traditionnalistes. Voilà.
00:24:10— Permettez-moi d'abord de vous saluer, de saluer votre force, votre courage, et de dire, pour commencer les travaux d'audition de cette commission d'enquête parlementaire,
00:24:21que c'est de votre force, de votre courage de victime que cette commission d'enquête est née.
00:24:28Et je veux, au début de nos travaux, constater que, déjà, nous pouvons, nous assistons à une forme de tsunami, de mur qui est en train de se fissurer.
00:24:48Je crois qu'on est au tout début. L'essentiel de vos collectifs ont été constitués il y a quelques jours, quelques semaines,
00:24:57à la suite de la création du collectif des victimes de Bétharame, et que, probablement, en ce moment même, d'anciennes victimes, des victimes nous entendent,
00:25:07vous entendent, nous regardent, vous regardent. Probablement qu'ils et elles se constitueront aussi en collectif de victimes, et je veux les encourager à le faire.
00:25:18Qu'ils et elles prendront la parole, et peut-être se présenteront devant la justice. Et si cette commission d'enquête a une utilité, peut-être dès ces premiers instants,
00:25:28c'est celle-là. Participez avec vous à ce processus de libération de la parole. Ceci étant dit, je veux rappeler que c'est une commission d'enquête parlementaire,
00:25:38et que, donc, nous ne sommes pas dans la recherche de responsabilités individuelles, que c'est là le travail de la justice, qu'il y a des procédures judiciaires,
00:25:47qu'elles sont indépendantes et c'est heureux, et qu'il y a une nécessité pour nous pour bien agir et travailler, de distinguer les choses.
00:25:56Et notre objet, comme commission d'enquête parlementaire, est de venir identifier d'éventuelles défaillances dans les modalités de contrôle par les différents services de l'État,
00:26:08le ministère de l'Éducation nationale, le ministère de la Justice, le ministère de l'Intérieur, peut-être d'autres administrations,
00:26:17modalités de contrôle au sein des réseaux d'établissements privés sous contrat, notamment de l'enseignement catholique, dont il faut rappeler qu'il est largement financé sur fonds publics,
00:26:26et à partir de l'identification de ces défaillances, et bien évidemment de proposer des évolutions pour empêcher d'autres bêtes arabes, empêcher d'autres justarites, d'autres dames de garaison,
00:26:35empêcher d'autres drames comme ceux que vous nous avez décrits, et protéger tous les enfants.
00:26:39Donc pour venir au cœur de ce que vont être nos travaux pendant plusieurs mois, cette question que j'adresse à chacun d'entre vous,
00:26:47est-ce que vous-même comme victime, enfants, adolescents, ou certains membres de vos collectifs, est-ce qu'ils ont cherché de l'aide à l'époque où ils étaient victimes ?
00:26:57Si oui, comment, vers qui se sont-ils tournés ? Au sein de l'établissement ? En dehors de l'établissement ? Quelles réponses ont-ils eues alors ?
00:27:09C'est la question pour nous du signalement qui est vraiment au cœur de notre attention. Quand un signalement, à condition qu'il soit prononcé, parce qu'il y a cette omerta très forte,
00:27:21quand un signalement est prononcé, qui s'en saisit ? Comment ? Est-ce qu'il est transmis ? Où est-ce qu'il va ?
00:27:26C'est ça que nous cherchons à reconstituer et votre diagnostic, votre témoignage, vos expériences sont absolument indispensables pour nous permettre de bien comprendre
00:27:35comment tout ça s'est passé et continue à se passer aujourd'hui.
00:27:41Je veux bien prendre la parole en ce qui concerne Notre-Dame du Sacré-Cœur à Dax.
00:27:47Moi, je suis rentré en 1958 et tous les abus sexuels qui se passaient à l'époque, personne n'en parlait, y compris entre nous, on n'en parlait pas.
00:27:59Moi, j'ai passé 7 ans interne, j'ai joué dans l'équipe de foot depuis les Benjamins, Minimes, Cadets, peu importe, avec 3 personnes, 2 qui ont porté plainte.
00:28:11Jamais, jamais, on n'a découvert, maintenant, qu'en fait, on a été victime. On n'en a jamais parlé.
00:28:18Moi, personnellement, mes parents sont morts, ils ne l'ont jamais su.
00:28:25La première personne à qui j'en ai parlé, c'est mon épouse, il y a maintenant, on va dire, 3 semaines, après 50 ans de mariage.
00:28:35Mes enfants n'étaient pas au courant. Maintenant, ils le sont, y compris mes petits-enfants.
00:28:40Donc, entre nous, on n'en parlait pas. Ça, c'est absolument vrai. Pourquoi on n'en parlait pas ? Parce que, personnellement, enfin, et je pense que c'était le cas de beaucoup,
00:28:50moi, j'aurais dit à mes parents, mais alors mes parents, c'est surtout du côté de ma mère, ma mère était une béni-oui-oui, enfin, il n'y avait que les curés qui comptaient.
00:28:58Bon, c'était comme ça. Et du moment qu'elle m'avait mis la cendrillon, elle m'avait mis au summum de l'excellence.
00:29:07Toujours est-il que si j'avais raconté ça à mes parents, un, ils ne m'auraient pas cru. Ça, c'est absolument évident. Et deuxièmement, heureusement que je ne l'ai pas raconté,
00:29:18finalement, avec le recul, parce que je pense que, comme on m'aurait pris pour un menteur, eh bien, cendrillon, ce n'était pas assez fort pour m'éduquer.
00:29:29On me renvoyait à Bétarame, parce que ça, à l'époque, et ça, tout le monde le savait dans la région, y compris jusqu'à Bordeaux, les Bordelais qui étaient à,
00:29:41il y avait Grand-Lebrun, Thivoli, Saint-Genès, les Bordelais qui étaient dans ces institutions, à l'époque, si ça n'allait pas très bien à Bordeaux,
00:29:52ils avaient une étape qui était Cendrillon. Si Cendrillon, ça n'allait pas très, très bien, hop, il passait Bétarame.
00:30:03Et il y avait une étape supplémentaire. Alain pourra le dire. Si à Bétarame, ça n'allait pas, il y avait Domezain.
00:30:12Alors Domezain, c'était un prêtre qui avait monté une école. Apparemment, personnellement, je ne connais pas Domezain, mais il n'y avait même pas de cours de récréation.
00:30:23La cours de récréation, c'était à la place du village. Et c'était un prêtre qui, il était à l'avance, à l'époque, il y avait la mixité qui n'était pas partout.
00:30:32Mais la mixité, comment elle se passait ? J'ai un neveu qui a été. Un garçon parlait à une fille, il n'y avait aucune discussion possible.
00:30:40Il prenait un coup de bâton. Alors voilà comment... Nous, en tout cas, comment on a vécu à l'époque, donc 58-60, on ne parlait pas de ça. C'était tabou.
00:30:56Bon, ensuite, très honnêtement, je pense qu'à l'inverse maintenant des jeunes et tout ça, je pense qu'on était moins au fait aussi de comprendre sur le moment.
00:31:08Alors on s'aperçoit maintenant que c'était des choses abominables, mais de comprendre sur le moment que finalement, c'était peut-être pas si grave que ça, ce qu'on subissait, tout ça. Voilà.
00:31:23Nous, en ce qui concerne le collège Saint-Pierre, aucune aide de toute façon n'aurait pu être sollicitée auprès de la direction de l'école parce que la violence y était vraiment systémique.
00:31:32Voilà. Donc de bas en haut, je dirais, à part les femmes qui nous servaient à la cantine, tout le monde était dans la violence.
00:31:40Je n'ai pas... Jusqu'à maintenant, on commence à remonter le fil de l'histoire de ce continuum de la violence.
00:31:46On a repéré à peu près tous les professeurs. Il n'y en a pas un qui, un jour ou deux, c'est rare qu'il n'en ait donné qu'un, n'ait pas frappé un élève. Ils étaient recrutés pour ça véritablement.
00:31:59Donc je dirais qu'à la limite, si on avait eu l'heure de se plaindre auprès du directeur ou d'un professeur de la violence, on s'en serait repris d'autres et il y aurait eu des mesures de rétorsion derrière.
00:32:13Les parents, on n'en parlait pas parce que pour la plupart, on nous mettait là pour ça.
00:32:16Et je n'arrive pas à croire que le diocèse ait pu ignorer ces choses-là puisque le collège était marquété comme...
00:32:23On disait ça aux enfants et les parents disaient ça aux enfants.
00:32:26Si tu n'es pas sage ou si tu ne travailles pas bien, tu vas aller chez les frères quatre bras ou les frères tapes dures.
00:32:31Voilà, je pense que comme slogan, c'est relativement efficace et c'est ça qui s'est passé.
00:32:36Ils ont massacré toute une génération d'étudiants, je dirais entre 1960 et 1990.
00:32:43Bon, les dernières plaintes se situent en 96 quand le collège était devenu mixte.
00:32:51Mais voilà la grosse poche de violence.
00:32:53Mais c'est 1960-1970 avec des sévices, mais qui sont qui sont juste.
00:33:00C'est juste hallucinant, des séries de gifles qui vous brisent le tympan.
00:33:06Certains comme moi, d'ailleurs, ont eu l'audition un petit peu altérée.
00:33:09Des coups de poing dans le dos, dans l'épaule, là où ça ne fait pas mal, qui font vomir les gens.
00:33:15L'estrade aussi, alors ça, c'est plus pervers.
00:33:19C'est-à-dire qu'on enterre quelqu'un sous l'estrade parce qu'il n'a pas su répondre à la question.
00:33:23Le mec s'assoit entre les serpillères, les balais, le vieux linge pourri,
00:33:30et puis attend qu'on veuille bien le faire sortir.
00:33:32Enfin, c'était ignoble.
00:33:36Pas de signalement pendant 30 ans, ça veut dire que qu'a fait l'État ?
00:33:39Pendant ce temps-là, je m'excuse, mais on est à l'Assemblée, on paye des impôts.
00:33:47Il n'y a pas eu, en 30 ans, un signalement.
00:33:50Est-ce qu'il n'y a pas eu un signalement ?
00:33:52Est-ce qu'il y a eu des inspections ? Je n'en sais rien.
00:33:54Alors, je sais que Mme la ministre veut aujourd'hui améliorer ce système de contrôle,
00:34:02en accroître la fréquence.
00:34:06Mais je pense aussi qu'il ne faudrait pas que ces gens-là soient prévenus.
00:34:10Parce que je dirais qu'à la limite, si on dit qu'on passera dans une semaine,
00:34:14les profs et le directeur, ils ne sont pas bêtes, ça aurait été le club-maître chez nous.
00:34:18Ils auraient vu des enfants bien habillés, à qui on aurait appris à sourire, etc.
00:34:24Mais ça se passe dans le silence des familles, des autorités de contrôle, du diocèse.
00:34:36Donc je dirais qu'à la limite, il faut les prendre par surprise.
00:34:40Parce que des nouveaux Bétharame, des nouveaux Saint-Pierre, il peut y en avoir encore, je pense.
00:34:46Si on reste à ce niveau de contrôle.
00:34:48Alors je sais que ça s'est un petit peu amélioré, mais je pense qu'il faut faire les choses différemment.
00:34:56Madame Spilbou, si vous voulez poser votre question.
00:35:00Oui, merci Mme la Présidente.
00:35:02Merci à vous, et comme mon collègue co-rapporteur, je tiens à saluer votre courage.
00:35:10Et puis la confiance que vous nous faites, malgré ce que vous venez de dire monsieur, sur l'inaction réelle, ressentie et réelle,
00:35:20de l'État et de nombreux pouvoirs publics ou religieux pendant ces années qui ont fait qu'il y a eu ce silence.
00:35:26Et cette confiance, on en mesure le poids aujourd'hui sur nos épaules.
00:35:32Et je crois que notre présence, deux co-rapporteurs de groupes opposés, la présence nombreuse de nos collègues commissaires,
00:35:40que je salue de différents groupes politiques, les commissaires de la commission éducation et affaires culturelles,
00:35:46qui non seulement poseront des questions, mais nous accompagneront en tant que membres de cette commission d'enquête.
00:35:52Elle montre aussi à quel point on a le devoir d'être à la hauteur de l'espoir qui est en train de naître.
00:36:02Vous en parliez, monsieur Esquerre, c'est-à-dire c'est un jour fondateur aujourd'hui, parce que vous vous rencontrez,
00:36:08vous les différents collectifs, vous ouvrez par la médiatisation, la libération de la parole à d'autres victimes.
00:36:14Et surtout, vous allez nous donner les clés et donner à tous ceux qui ont été acteurs de ce système et qui le sont aujourd'hui,
00:36:22pour sécuriser et faire en sorte que tous les protocoles, le signalement, la chaîne de responsabilité deviennent efficaces, rapides,
00:36:36pour empêcher que quand il y a une violence qui commence, elle ne se perpétue pas et elle ne devienne pas plus grave.
00:36:44Parce que ce qui nous est apparu dans nos premières visites sur place et dans nos premiers échanges formels ou informels avec des victimes,
00:36:52c'est que lorsqu'on dit un coup, une gifle, finalement, à l'époque, c'était accepté.
00:36:58Derrière les coups, il y avait des violences physiques, derrière les violences physiques, il y avait très souvent des violences sexuelles.
00:37:04Et en fait, lorsqu'on accepte le début, on ferme les yeux sur l'ensemble d'un système.
00:37:12Vous venez de dire quelque chose de très important, monsieur, et c'est peut-être là que j'orienterai ma question sur le fait de prévenir et les méthodes d'inspection.
00:37:22Le sujet du contrôle est un sujet qui est le cœur de cette commission d'enquête.
00:37:28C'est comment sont prévus les contrôles par les pouvoirs publics, par le ministère de l'Éducation nationale,
00:37:34que ce soit sur des établissements publics ou des établissements privés, sous contrat ou hors contrat,
00:37:40et comment ces contrôles permettent de vraiment signaler les dysfonctionnements, les maltraitances, la souffrance d'un enfant.
00:37:48Vous en avez donné une des clés, les délais de prévenance.
00:37:52Il y en a plein d'autres que vous avez peut-être envie de nous partager.
00:37:56La modalité d'entretien, les entretiens hors cadre scolaire dans la famille, parce qu'il y a toutes les responsabilités.
00:38:02Ce que je vous poserai peut-être à vous tous comme question, si vous avez envie les uns et les autres de prendre la parole,
00:38:10c'est quels sont les contrôles que vous avez connus ou dont on vous parle et qui n'ont pas fonctionné.
00:38:18Comment vous imagineriez le contrôle qui aurait pu, en se replaçant dans le passé,
00:38:22faire que les faits soient beaucoup plus tôt décelés et beaucoup plus tôt prévenus ?
00:38:26Madame Lebry, allez-y.
00:38:28Madame Lebry, ensuite Madame Bertrand.
00:38:30Pardon. Nous, c'était un peu spécial parce qu'on avait été placé là par la justice,
00:38:36soit à la suite de viols, d'incestes familiaux, peu importe.
00:38:44Les filles qu'on avait mises sur le trottoir, qui faisaient partie de bandes et autres,
00:38:48alors il y avait deux, l'ordonnance de 1945 pour les délinquants et l'ordonnance de 1958 pour l'adolescence sans danger.
00:39:00Personnellement, j'ai bénéficié, entre parenthèses, de celle de 1958, j'ai été violée à 11 ans.
00:39:08Alors, le contrôle, mais il n'y en avait pas de contrôle.
00:39:16C'était la porte ouverte à toutes les exactions.
00:39:18Nous, on subissait la clôture que les bonnes sœurs...
00:39:22Excusez-moi, je le dis volontairement comme ça.
00:39:26Les bonnes sœurs, elles n'avaient rien de bon.
00:39:30Rien de bon.
00:39:32Les bonnes sœurs nous martyrisaient.
00:39:35Les rares filles qui arrivaient à prendre le dessus, elles fugaient.
00:39:41Mais quand elles revenaient, on leur tendait les cheveux à ras.
00:39:47Et on leur mettait des robes...
00:39:51C'était plutôt des chiffons que des robes.
00:39:54Et on les enfermait au mitard.
00:39:56Moi, le mitard, je l'ai connu.
00:39:59Maintes fois.
00:40:01Parce que je n'ai pas changé.
00:40:03Je dis tout ce que je pense.
00:40:06Alors, le mitard...
00:40:11Une couverture, quand il y en avait une.
00:40:14Un matelas pourri.
00:40:16Un seau hygiénique dans le fond.
00:40:18Une cuvette et un seau d'eau.
00:40:22Je suis désolée de vous dire ça.
00:40:24Mais le seau hygiénique, quand il était plein.
00:40:27A votre avis, comment ça se passait quand on avait des envies pressantes ?
00:40:32On le faisait dans un coin du mitard.
00:40:38Voilà.
00:40:39Alors, des contrôles, il n'y en avait pas.
00:40:42J'en ai vu un en 4 ans.
00:40:46C'était un juge ou un juge pour enfants.
00:40:49Je n'ai pas su parce que ça ne dépendait pas de chez moi.
00:40:55J'étais au Mans, pour tout vous dire.
00:40:58Ça dépendait de la juridiction du Mans.
00:41:03Il est venu.
00:41:05Mais il est resté quoi ?
00:41:07Allez, on va dire 10 minutes.
00:41:10C'est tout.
00:41:13Et elles nous ont martyrisées.
00:41:16C'est le cas de dire le travail forcé.
00:41:18Parce que le jour Venise,
00:41:20des kilomètres de jour Venise,
00:41:24et ça, avant.
00:41:26Il fallait travailler avant d'aller en cours.
00:41:32Alors voilà.
00:41:34Je suis soft.
00:41:38Je ne peux pas vous dire le fond de ma pensée,
00:41:42ni ce qu'on a vécu.
00:41:44Mais ce que je vous dis là, c'est déjà pas mal.
00:41:47Merci, madame Lebril.
00:41:49Madame Bertrand, c'est à vous.
00:41:51Moi, je suis d'une génération qui a suivi la génération de mes camarades.
00:41:56Nous, il y a eu des contrôles.
00:41:58J'ai des témoignages de gens qui me disent,
00:42:00on parle par exemple d'une maîtresse de CM1,
00:42:02tortionnaire sadique.
00:42:03Les parents se sont plaints à la direction.
00:42:05Plusieurs fois.
00:42:07On me parle même d'un contrôle académique,
00:42:10comme on l'a tous connu.
00:42:11Alors moi, je me souviens, enfant,
00:42:13une semaine avant, deux semaines avant,
00:42:14on nous disait, attention, on va être contrôlés.
00:42:16Là, tout le monde était sage.
00:42:17Mais à aucun moment, les enfants n'ont été entendus.
00:42:20Je vous parle d'une personne qui frappait sur la tête de ses élèves
00:42:23de manière répétée,
00:42:24qui a décollé les oreilles d'un enfant
00:42:27qui venait de se les faire recoller chirurgicalement.
00:42:30Des choses d'une violence inouïe.
00:42:32Et donc, les parents se sont plaints.
00:42:34La direction n'a rien fait.
00:42:37Il y a eu un contrôle qui n'a servi absolument à rien.
00:42:41Et ça, et vous parliez tout à l'heure d'Omerta,
00:42:44mais de toute façon, c'est le modus operandi
00:42:47de toutes les écoles privées catholiques.
00:42:50Il ne faut pas atteindre la réputation de l'école.
00:42:52On ne fait pas de bruit, on ne fait pas de vagues.
00:42:54On m'a redit il n'y a pas longtemps,
00:42:56on lave notre linge sale en famille.
00:42:59Pareil, il y a un prêtre qui posait problème,
00:43:04dont les élèves ont trouvé qu'il avait des gestes très déplacés.
00:43:08Ils sont allés se plaindre aux censeurs de l'époque
00:43:11qui leur ont dit que ce sont des accusations très graves.
00:43:15Vous savez bien que les prêtres sont en manque d'affection.
00:43:17Ce sont des gestes d'affection légitime d'un homme de Dieu.
00:43:20Et si vous continuez à dire ce genre de choses,
00:43:24il vous arrivera des choses très graves.
00:43:26Il y aura des conséquences très graves.
00:43:28Le censeur en question, c'est le fournirait de Bétharame.
00:43:33Je vais le dire parce qu'en effet, les élèves, les dates concordent.
00:43:40C'est M. Damien Sajet qui était censeur à Saint-Dominique-de-Neuilly.
00:43:45Il est resté chez nous huit ans.
00:43:48Dans ce cas très précis, des enfants ont parlé.
00:43:53On parle de libération de la parole,
00:43:55mais en fait, tout le monde a parlé.
00:43:57Il y a beaucoup de gens qui parlaient.
00:43:58Les enfants ont parlé, les enfants ont crié.
00:44:00J'imagine que les hurlements des enfants de Bétharame
00:44:02et des autres ont dû être entendus par quelqu'un.
00:44:05Les enfants de Neuilly ont parlé.
00:44:07Mais à chaque fois, ils sont heurtés à quelque chose
00:44:10qui a été la direction, etc.
00:44:12Ce qui me met en colère,
00:44:16ce qui m'a blessée au début, mais maintenant c'est de la colère,
00:44:19c'est de savoir que, par exemple,
00:44:20certains professeurs ont été couverts
00:44:22par plusieurs directeurs ou directrices successives.
00:44:26On a continué à couvrir.
00:44:29En l'occurrence, ce prêtre qui a été condamné en 2015
00:44:33pour détention d'image pédopornographique
00:44:35parce qu'il y avait une enquête sur lui,
00:44:37malheureusement, il a été prescrit pour des choses de 1999.
00:44:40En 1999, il n'était plus à Saint-Domingue.
00:44:42Ce type-là a été exfiltré de Saint-Dominique
00:44:45parce qu'un garçon, dans la chambre de laquelle il est rentré
00:44:49pendant une retraite de profession de foi,
00:44:51s'en est ouvert à une de ses camarades,
00:44:53cette jeune fille.
00:44:55On était en 5e, on avait 13 ans.
00:44:57Cette jeune fille est allée voir sa maman
00:44:59et sa maman est allée voir l'école.
00:45:01Mais si on avait écouté les trois courageux camarades
00:45:04qui étaient allés voir M. Sager avant,
00:45:06qui lui avaient dit attention,
00:45:08il nous caresse le dos bizarrement quand on joue au foot,
00:45:10on est très mal à l'aise avec lui.
00:45:12S'il y avait eu un signalement à ce moment-là,
00:45:14si les gens avaient pris leur responsabilité,
00:45:16il n'y avait pas que M. Sager dans ce bureau.
00:45:18Il y avait une autre personne, une femme,
00:45:20responsable aussi de la discipline à Saint-Dominique.
00:45:22Les enfants ont parlé.
00:45:24Les enfants n'ont pas été écoutés.
00:45:26Il a fallu que les adultes,
00:45:28et même quand les adultes parfois s'exprimaient,
00:45:30on ne faisait rien, notamment pour cette maîtresse.
00:45:32Il y a un témoignage qui, moi, me glace
00:45:34sur un maître de CM2
00:45:36qui caressait les petites filles
00:45:38tous les jours,
00:45:40il y en a qui disent, je me suis fait caresser tous les jours,
00:45:42il a mis la main dans ma culotte tous les jours en CM2,
00:45:44de la directrice de l'école primaire
00:45:46qui prévient,
00:45:48je suis désolée, c'est vraiment dur,
00:45:50qui prévient une des mamans d'élèves en lui disant
00:45:52fais attention à M. Machin,
00:45:54fais attention.
00:45:56Donc on savait, ce type est arrivé
00:45:58avec une réputation et on l'a laissée dans une école de CM2.
00:46:00Donc les contrôles n'ont servi à rien,
00:46:02les enfants ont parlé, n'ont pas été écoutés,
00:46:04et tout ça pour protéger la réputation
00:46:06de ces établissements.
00:46:08Chez nous, pour le coup, une gifle,
00:46:10à mon époque, je suis née en 83,
00:46:12si on m'avait mis une gifle,
00:46:14si un surveillant m'avait mis une gifle,
00:46:16si un professeur m'avait mis une gifle,
00:46:18je pense que ma mère défonçait le portail de l'école
00:46:20et ça ne se serait pas arrêté là.
00:46:24Moi-même, j'ai été victime
00:46:26de ce qu'on appelle du grooming,
00:46:28c'est-à-dire qu'il m'a repéré,
00:46:30j'avais 13 ans,
00:46:32il m'a poursuivie toute l'année.
00:46:34Mes parents ont retrouvé le courrier,
00:46:36c'est intéressant, qu'ils ont envoyé à l'époque
00:46:38à la direction suite aux échanges.
00:46:40Et on voit, en fait, ma mère retrace
00:46:42que depuis septembre jusqu'à juin,
00:46:44il m'a poursuivie, etc.,
00:46:46jusqu'à ce qu'il m'offre des objets physiques
00:46:48qui m'ont mis extrêmement mal à l'aise
00:46:50et que ma mère puisse aller avec ces objets
00:46:52devant la direction de la rétention.
00:46:54Et il a été pareil, encore une fois,
00:46:56je ne sais pas pourquoi il n'y a jamais eu de signalement.
00:46:58Est-ce qu'à l'époque, il y avait des organismes
00:47:00auxquels on pouvait signaler ce genre de faits ?
00:47:02Mais il n'y a eu aucune traçabilité
00:47:04de ces personnes qui sont venues,
00:47:06dont on sait qu'elles ont fait des choses,
00:47:08et qui ont ensuite poursuivi leur chemin
00:47:10dans d'autres écoles,
00:47:12à agresser d'autres enfants
00:47:14et à faire des choses vraiment terribles.
00:47:16– Je vous remercie, Mme Bertrand.
00:47:18Je vais peut-être maintenant donner la parole
00:47:20aux...
00:47:22Oui, tu veux reposer une question ? Vas-y, je t'en prie.
00:47:26Merci, vous décrivez
00:47:28des huis-clos
00:47:30où rien ne peut sortir de l'établissement.
00:47:32Les élèves qui sont victimes
00:47:34ne peuvent pas s'adresser à leurs agresseurs
00:47:36ou alors au risque d'être
00:47:38à nouveau agressés.
00:47:40Et puis les parents ou certains personnels
00:47:42se renvoyant au fond la responsabilité
00:47:44de signaler ou de prendre des mesures
00:47:46visant à protéger leurs propres enfants.
00:47:48– Les enfants, ils ne couvrent pas.
00:47:50Les enfants mettent dans les établissements,
00:47:52c'était notre cas à tous,
00:47:54pour les redresser, pour les dresser.
00:47:56Donc à la limite,
00:47:58voilà, si c'est le prix à payer,
00:48:00ben paye-le, voilà.
00:48:02– Donc il y a un huis-clos
00:48:04qui est à la fois celui de l'établissement, parfois celui de la famille,
00:48:06redoublé par celui de la famille.
00:48:08Il y a peut-être des enfants
00:48:10qui ont essayé d'échapper
00:48:12littéralement au huis-clos
00:48:14et je voudrais vous interroger sur
00:48:16est-ce que dans les établissements
00:48:18qui ont été les vôtres, est-ce qu'il y avait
00:48:20des enfants qui fugaient,
00:48:22qui échappaient, qui fuyaient ?
00:48:24Parce que notamment autour de Bétarame,
00:48:26on nous a décrit des fugues
00:48:28très fréquentes pendant très longtemps
00:48:30et des gendarmes
00:48:32qui récupéraient les enfants.
00:48:34Donc la question est celle-là, est-ce que des enfants tentaient de fuir ?
00:48:36Par qui étaient-ils rattrapés ?
00:48:38Et est-ce qu'il y a eu
00:48:40une réaction avec l'accumulation
00:48:42par exemple de fugues ?
00:48:44– Qui veut répondre à la question ?
00:48:46Madame Lebry, allez-y.
00:48:48– Alors nous,
00:48:50c'était…
00:48:52elles fugaient facilement, les filles.
00:48:54Moi je n'ai pas voulu parce que je ne savais pas
00:48:56ce qui m'attendrait dehors.
00:48:58Je n'étais pas terrorisée
00:49:00de savoir ce qui pourrait se passer
00:49:02puis j'étais loin de chez mes parents.
00:49:04Les filles fugaient.
00:49:06Mais pendant toute la nuit,
00:49:08avec les chiens bergers allemands,
00:49:10on était conviés
00:49:12à passer dans tous les bosquets,
00:49:14dans tous les jardins,
00:49:16pour savoir s'ils n'étaient pas montés en haut d'un arbre
00:49:18caché.
00:49:20Et quelquefois,
00:49:22elles fugaient et puis
00:49:24elles se rataient,
00:49:26elles tombaient par terre comme à Nancy
00:49:28où elle a râlé toute la nuit
00:49:30et que les chiens lui ont…
00:49:34l'ont mangé en fait.
00:49:36Au matin,
00:49:38ce n'est pas le corbillard
00:49:40qui est venu, c'est un tombereau
00:49:42avec un choel et puis ils l'ont baigné dedans
00:49:44et puis ben voilà.
00:49:46Et puis combien de
00:49:48cas similaires comme ça ?
00:49:50Vous savez, là je…
00:49:52je me lâche.
00:49:54Mais c'est difficile.
00:49:56C'est difficile parce que
00:49:58je parle au nom de toutes les copines
00:50:00et…
00:50:02voilà.
00:50:04Mais je pourrais vous tenir comme ça
00:50:06pendant des heures.
00:50:08Pendant des heures.
00:50:10Madame Lubry,
00:50:12on va continuer la conversation
00:50:14et j'entends bien ce que vous nous dites
00:50:16et si je comprends bien, vous dites que
00:50:18les enfants eux-mêmes
00:50:20étaient,
00:50:22pas témoins, mais responsables
00:50:24d'aller chercher les copines
00:50:26dans les bosquets.
00:50:28Très bien.
00:50:30Déjà c'est extrêmement choquant et bouleversant
00:50:32mais le décès de
00:50:34cette jeune femme, ça serait peut-être bien
00:50:36aussi de comprendre comment
00:50:38on a pu camoufler
00:50:40un décès
00:50:42provoqué par des chiens qui appartenaient
00:50:44comme vous dites,
00:50:46aux bonnes sœurs.
00:50:48Qui veut prendre la parole sur les témoins ?
00:50:50Allez-y, je vous en prie.
00:50:52Madame Delaporte.
00:50:54Sur l'aspect systémique, je trouve que
00:50:56le village de Riomont est un cas extrêmement
00:50:58grave parce que
00:51:00tout le monde était au courant.
00:51:02La mairie
00:51:04de Liévin était au courant.
00:51:06Le maire de Liévin était au courant.
00:51:08Mais c'est plus qu'être au courant, c'est
00:51:10une alliance objective
00:51:12parce que qui voulait de ces enfants ?
00:51:14Personne ne voulait de ces enfants.
00:51:16Et donc, le père Revé
00:51:18a utilisé cette occasion
00:51:20pour livrer
00:51:22un truc clé en main
00:51:24pour prendre en charge ces enfants.
00:51:26Du coup, il avait toutes les institutions
00:51:28avec lui. Il avait les journaux avec lui.
00:51:32Je ne sais pas combien j'ai compulsé
00:51:34d'articles de la Voix du Nord
00:51:36en faisant des papiers dithyrambiques
00:51:38sur Riomont. Alors que
00:51:40les gens voyaient passer
00:51:42les enfants dans des états lamentables.
00:51:44Les enfants, ils allaient
00:51:46à l'école. Ils ont été dans
00:51:48l'école privée de Liévin. Ils étaient
00:51:50à l'école publique de Liévin. Ils ont été
00:51:52au collège public de Liévin.
00:51:54Il y a une personne
00:51:56qui a écrit une lettre un jour
00:51:58qui était la femme du proviseur du collège
00:52:00Madame Clément, en 1969.
00:52:04Première alerte. On en fait quoi
00:52:06à sa lettre où elle dit qu'elle voit des enfants
00:52:08qui sont mal soignés, mal nourris,
00:52:10mal traités. On la prend et on la met
00:52:12à la poubelle, sa lettre. Et on lui dit
00:52:14retourne à ta cuisine.
00:52:16Et qu'est-ce qui se passe après ? Pourquoi
00:52:18tout d'un coup, l'administration
00:52:20se réveille pour faire
00:52:22une sorte de premier rapport
00:52:24en 1974
00:52:26parce que le père Revé veut une
00:52:28habilitation permanente
00:52:30et qu'on n'ose pas lui donner
00:52:32une habilitation permanente parce qu'on voit
00:52:34comment il fonctionne. Il y a des éducateurs
00:52:36qui ne sont pas formés. C'est des jeunes personnes
00:52:38qui sont complètement
00:52:40manipulées par le père Revé.
00:52:42Il y a des moines, même chose.
00:52:44Tout le monde a sa solde. Et donc du coup,
00:52:46les premiers rapports sont extrêmement
00:52:48timides. Alors on ne lui donne pas
00:52:50d'habitation permanente. On lui donne
00:52:52que des habitations provisoires de deux ans,
00:52:54deux ans, deux ans. Mais en fait,
00:52:56quand on regarde les rapports, ils sont
00:52:58complètement...
00:53:00Ils sont
00:53:02faits en sorte que ça puisse
00:53:04continuer. Donc
00:53:06le système, il a été
00:53:08protégé, il a été encouragé.
00:53:10Les institutions publiques,
00:53:12que ce soit du côté de la santé,
00:53:14de la justice ou de l'éducation,
00:53:16tout le monde a fait en sorte
00:53:18que ce lieu existe.
00:53:20Quand j'ai demandé
00:53:22les rapports du rectorat pour la
00:53:24deuxième partie de l'histoire, donc l'école privée
00:53:26hors contrat, le rectorat ne m'a pas
00:53:28communiqué les rapports.
00:53:30Ils ont forcément fait des rapports,
00:53:32ils y sont allés.
00:53:34Où sont ces rapports ?
00:53:36Que disent ces rapports ?
00:53:38Les enfants parlaient, les enfants
00:53:40donnaient des petits mots
00:53:42aux assistantes sociales. Ils leur disaient
00:53:44au secours, il y a tel prêtre
00:53:46qui m'a touchée, est-ce que c'est normal ?
00:53:48Je suis
00:53:50violentée. Les assistantes
00:53:52sociales, elles ont fait quoi en fait ?
00:53:54Elles n'ont rien fait en fait. Donc la chaîne,
00:53:56elle est immense parce que
00:53:58les enfants, ils ont parlé, ils ont dit,
00:54:00ils ont parlé à leurs parents, ils ont parlé
00:54:02aux personnes à l'extérieur.
00:54:04La dame qui s'occupait
00:54:06de la piscine à Liévin,
00:54:08les personnes
00:54:10qui faisaient, les enfants allaient faire du sport
00:54:12à l'extérieur, ils le disaient.
00:54:14Mais pourquoi personne n'a bougé jamais ?
00:54:16En fait, tout le monde était au courant et ça a été
00:54:18un lieu qui a été protégé jusqu'en
00:54:202019 où il a fallu
00:54:22une vague de 200 auditions suite à une
00:54:24plainte pour viol déposée en 2013
00:54:26pour que le rectorat
00:54:28dise
00:54:30à Riomont
00:54:32de faire partir les enfants.
00:54:34Aujourd'hui, à Riomont, il y a des scouts et des louvettes
00:54:36avec des prêtres
00:54:38qui vont passer dans la justice
00:54:40et dont un, dont on va savoir ce qu'il va
00:54:42prendre pour détention d'image pédopornographique
00:54:44pendant cinq ans.
00:54:46Je veux dire,
00:54:48pour moi, Riomont, ça rassemble
00:54:50tout. C'est un cas d'école terrible
00:54:52sur l'institutionnalisation
00:54:54de ce lieu.
00:54:56Merci Madame Delaporte. Monsieur Paron,
00:54:58vous vouliez prendre la parole ?
00:55:00Oui, je voulais un peu parler de Saint-François-Xavier
00:55:02parce que vous avez demandé s'il y avait des élèves qui avaient
00:55:04rapporté les faits.
00:55:06Donc, on ne pouvait pas trop
00:55:08raconter ce qu'il y avait
00:55:10à l'école, à l'établissement
00:55:12puisque le directeur de l'établissement
00:55:14était lui-même un agresseur.
00:55:16Donc, on se taisait.
00:55:18Et de toute façon,
00:55:20quand on rentrait à la maison et qu'on
00:55:22avait raconté ça à nos parents,
00:55:24ils nous avaient mis là pour ça.
00:55:26On nous disait, s'il t'a pris des coups,
00:55:28c'est que tu les as mérités.
00:55:30Il y a un élève,
00:55:32un des derniers témoignages
00:55:34que j'ai eus, c'est pour l'année
00:55:362005, un jeune qui a été agressé
00:55:38par d'autres élèves sexuellement,
00:55:40qui s'est plaint
00:55:42à un surveillant.
00:55:44Le surveillant ne l'a pas cru,
00:55:46a mis de la pression sur lui,
00:55:48et même
00:55:50cet élève-là
00:55:52s'est senti seul,
00:55:54immensément seul,
00:55:56et il a passé ses journées à avoir peur
00:55:58tout le temps, parce qu'il était dans sa solitude.
00:56:00Donc ça,
00:56:02c'est pour l'établissement d'Eustaritz,
00:56:04avec beaucoup de victimes comme ça.
00:56:06Mais je voudrais aussi parler
00:56:08de... Parce que là,
00:56:10on est dans les établissements privés
00:56:12catholiques, mais moi,
00:56:14les premières violences, elles ont commencé
00:56:16dans une école publique primaire,
00:56:18et pas dans un petit village du fond
00:56:20du Pays Basque, c'était à Anglette,
00:56:22une grande ville.
00:56:24C'était en cours de
00:56:26CM1. Il y avait
00:56:28un des tortionnaires qui avait peint
00:56:30les vitres de la classe en blanc.
00:56:32Donc c'était les seuls
00:56:34vitres de toute l'école
00:56:36qui étaient peintes en blanc. Personne ne s'est
00:56:38posé la question pourquoi elles étaient peintes
00:56:40en blanc. Parce qu'en fait, il avait fait,
00:56:42pour pas qu'on voit de l'extérieur, ce qu'il nous
00:56:44faisait à l'intérieur.
00:56:46Il nous cassait des règles en bois sur la tête.
00:56:48Son grand plaisir pervers,
00:56:50c'était de nous faire monter au tableau
00:56:52pour nous faire écrire tout à fait en rond.
00:56:54Et pendant ce temps, il divissait le tableau
00:56:56qui avait deux faces, il donnait un coup sur le tableau,
00:56:58on était projetés à terre, violemment.
00:57:00Et là, il avait un faux rire.
00:57:02Le deuxième agresseur, c'était le directeur
00:57:04de l'école,
00:57:06qui avait une baguette, une espèce de petit fouet,
00:57:08qu'il appelait Caroline.
00:57:10Et donc il nous disait, viens, je vais te présenter
00:57:12Caroline. Et il nous faisait nous allonger
00:57:14sur ses genoux, et il nous fouettait
00:57:16avec sa baguette.
00:57:18Pour les dicter, quand on faisait trop de fautes,
00:57:20il nous faisait venir à côté de lui,
00:57:22nous prenait l'intérieur de la cuisse,
00:57:24pinçait,
00:57:26et tournait violemment
00:57:28jusqu'à qu'on corrige la faute.
00:57:30Donc quand on rentrait à la maison,
00:57:32moi j'avais deux, trois bleus,
00:57:34je disais à mon père, qui était médecin
00:57:36en Angleterre, il était médecin,
00:57:38je lui disais, mais papa, t'as vu ça ?
00:57:40La prochaine fois, tu feras moins de fautes.
00:57:42Donc en fait, tout le monde savait,
00:57:44parce qu'un établissement public,
00:57:46il y avait un médecin, il y avait des infirmières,
00:57:48tout le monde les voyait,
00:57:50les vitres peintes en blanc.
00:57:52Et personne n'a jamais rien dit.
00:57:54Donc c'est pire
00:57:56qu'un simple contrôle
00:57:58dans une école privée.
00:58:00Là, c'était tous les jours que les gens voyaient.
00:58:02Et je pense,
00:58:04pour vous parler de contrôle,
00:58:06je pense que les contrôles,
00:58:08ça ne marchera pas. Parce que même si
00:58:10vous ne venez pas,
00:58:12si vous n'annoncez pas votre venue,
00:58:14le prof ne va jamais taper quelqu'un
00:58:16si vous êtes là dans la classe. Non.
00:58:18Je pense qu'il faudrait un moyen,
00:58:20il y a un super moyen pour les personnes âgées
00:58:22qui existent avec un bracelet, quand ils sont en danger
00:58:24ou qu'ils tombent, ils appuient sur le bracelet.
00:58:26Évidemment, on ne peut pas donner ça à tous les élèves,
00:58:28ça coûterait une fortune.
00:58:30Mais en mettant un dispositif sur les téléphones,
00:58:32puisque tous les enfants
00:58:34maintenant ont les téléphones,
00:58:36en mettant un numéro simple,
00:58:38le 17 pour les pompiers,
00:58:40le 18 pour les pompiers et le 17 pour la police,
00:58:42si on mettait un numéro simple,
00:58:44le 10 pour les enfants,
00:58:46et qu'ils tombent directement sur quelqu'un
00:58:48qui puisse les soutenir,
00:58:50les comprendre,
00:58:52mais pas des numéros comme on voit,
00:58:54enfance, machin, 840, tout,
00:58:56on ne va pas aller chercher ces numéros-là.
00:58:58Il faut quelque chose de simple,
00:59:00qui soit dans la tête, le 10, le 12,
00:59:02avant on avait le 12, c'était les renseignements,
00:59:04on pourrait mettre un numéro d'urgence
00:59:06comme ça pour les enfants.
00:59:10Merci.
00:59:12Merci Monsieur Parrand.
00:59:14Alors effectivement, il existe des numéros,
00:59:16nous allons dans les auditions à venir
00:59:18auditionner
00:59:20ceux qui gèrent le 119,
00:59:22les associations de protection de l'enfance,
00:59:24pour là aussi travailler
00:59:26sur le fonctionnement de ces
00:59:28systèmes d'alerte,
00:59:30voir les améliorations qu'on peut proposer,
00:59:32pour rester sur le sujet
00:59:34des fugues qui nous ont beaucoup interpellés.
00:59:36Pourquoi ils nous ont interpellés ?
00:59:38Parce qu'on a eu un entretien avec Paul Vannier,
00:59:40avec le Conseil départemental
00:59:44des Pyrénées-Atlantiques,
00:59:46et on a dans les conventions
00:59:48entre l'éducation nationale
00:59:50et la protection de l'enfance,
00:59:52il y a des points d'alerte
00:59:54sur le sujet de l'absentéisme.
00:59:56C'est-à-dire qu'à partir d'un certain nombre
00:59:58de demi-journées ou de journées
01:00:00d'élèves absents, il y a un signalement
01:00:02des services sociaux pour que le département
01:00:04puisse aller voir dans la famille,
01:00:06à l'école, ce qui se passe,
01:00:08et c'est un des moyens de détection.
01:00:10Dans cette convention, il nous est apparu qu'il n'y avait
01:00:12pas le sujet des fugues, alors que
01:00:14quand on lit l'histoire de
01:00:16Riomont, que je connais maintenant bien,
01:00:18quand on entend les témoignages à Bétarame,
01:00:20M. Esquerre, le sujet des fugues
01:00:22était extrêmement fréquent avec,
01:00:24comme le disait Paul Vannier, la police
01:00:26ou la gendarmerie qui ramenait les enfants
01:00:28et qui avaient certainement, on l'imagine,
01:00:30des traces de quelque chose en masse.
01:00:32Et donc, vraiment, sur les fugues, peut-être, M. Esquerre,
01:00:34est-ce que vous pouvez nous dire
01:00:36comment ça se passait,
01:00:38et si c'est un sujet sur lequel vous avez
01:00:40essayé de recueillir
01:00:42soit des nombres, soit la façon
01:00:44dont ça a pu être suivi derrière ?
01:00:46Je vous remercie.
01:00:48À Bétarame, effectivement,
01:00:50les enfants fugaient souvent, et notamment le mercredi.
01:00:52Moi, je me souviens très très bien,
01:00:54dans les années 80-90,
01:00:56de voir
01:00:58l'estafette de la gendarmerie de Nailles
01:01:00revenir avec des enfants.
01:01:02Mais parfois, c'était aussi
01:01:04la population locale,
01:01:06les habitants de l'est d'El Bétarame,
01:01:08qui trouvaient
01:01:10des enfants en pleurs,
01:01:12fuyant l'établissement, et qui
01:01:14rappelaient, je me rappelle très bien
01:01:16de M. Sager, qui allait les
01:01:18chercher très rapidement,
01:01:20d'ailleurs, avec le véhicule
01:01:22de l'établissement.
01:01:24Donc, cette question
01:01:26des fugues, elle est
01:01:28centrale. Les enfants,
01:01:30ils essayaient évidemment de fuguer.
01:01:32À tel point même, que parfois,
01:01:34je me rappelle très bien,
01:01:36on est en
01:01:3897, le petit Pierre
01:01:40qui va
01:01:42fuir le viol
01:01:44d'un surveillant
01:01:46le mercredi
01:01:48après-midi, il va
01:01:50s'enfuir pendant la nuit
01:01:52avec un copain, ils vont
01:01:54faire 25 kilomètres à pied et
01:01:56ils vont se retrouver à la rue
01:01:58Carnot à Pau,
01:02:00où la maman va
01:02:02ouvrir et
01:02:04le surveillant qu'il a agressé
01:02:06la veille vient le rechercher et la maman
01:02:08le laisse repartir.
01:02:10Cet enfant, le jeudi,
01:02:14il va revenir le vendredi
01:02:16soir à la maison et
01:02:18le samedi, elle va faire un courrier
01:02:20que j'ai en ma possession
01:02:22en indiquant au médecin que
01:02:24son fils
01:02:26est plein de douleurs anales
01:02:28aiguës.
01:02:30Le médecin ne fera pas d'examen
01:02:32clinique, il prescrira
01:02:34une simple pommade.
01:02:36Et la mère, qui est pourtant
01:02:38visiteuse médicale,
01:02:40ne se rend pas compte
01:02:42en fait,
01:02:44parce que pour elle, c'est une
01:02:46sidération, enfin ce qui arrive à son fils
01:02:48en fait, il ne lui
01:02:50ordonnera jamais d'ailleurs,
01:02:52elle ne voit pas.
01:02:54En fait, parfois
01:02:56vous avez tous les éléments qui
01:02:58vous indiquent qu'il y a
01:03:00un gros souci et en fait
01:03:02quand vous ne voulez pas voir, vous ne voyez pas.
01:03:04C'est pas qu'elle n'aime pas son fils, elle l'adore son fils.
01:03:06Elle l'aime, elle me l'a dit en pleurant.
01:03:10Mais
01:03:12quand on ne veut pas voir, on ne voit pas.
01:03:14C'est ça qui est quand même dramatique parce que
01:03:16je ne sais pas,
01:03:18notre société,
01:03:20on dit, c'était il y a
01:03:2230, 40, 50, 60 ans.
01:03:24Moi quand je vais voir Romain Clerc
01:03:26en février
01:03:28avec 8 plaintes criminelles
01:03:30qui visent le surveillant de Bétharame
01:03:32qui est actuellement en détention,
01:03:34des plaintes criminelles
01:03:36que je vais déposer
01:03:38le lendemain au procureur de la République.
01:03:40Et le directeur
01:03:42actuel de Bétharame
01:03:44me dit
01:03:46je n'ai rien à reprocher à ce
01:03:48surveillant.
01:03:50Et moi je veux
01:03:52lui lire les plaintes criminelles,
01:03:54il ne le souhaite pas, il ne veut même pas
01:03:56les entendre. Donc quand on dit
01:03:58c'était il y a 30,
01:04:0040 ans,
01:04:02je crois que
01:04:04notre responsabilité, il faut que
01:04:06je saisisse
01:04:08via l'article 40
01:04:10les maires d'Igon
01:04:12et de Monteau,
01:04:14le préfet qui est alerté, qui dit qu'il ne peut
01:04:16rien faire, on est en grande difficulté
01:04:18en fait. C'est-à-dire que s'il n'y a pas
01:04:20un Alain Esquerre qui se lève
01:04:22et qui hurle
01:04:24auprès de la presse
01:04:26et c'est la presse qui va faire
01:04:28pression pour que ce surveillant soit suspendu,
01:04:30ça en dit long sur les dysfonctionnements
01:04:32de l'État aujourd'hui en fait.
01:04:34Parce que là on parle
01:04:36d'il y a 30, 40 ans, mais
01:04:38aujourd'hui on a encore des choses à faire
01:04:40parce qu'il y a un trou dans la raquette.
01:04:42Les dispositifs d'alerte,
01:04:44ils ne marchent pas.
01:04:46La preuve, on en est à créer des pauvres
01:04:48pages Facebook.
01:04:50C'est-à-dire que s'il n'y a pas des citoyens
01:04:52qui prennent
01:04:54le taureau par les cordes,
01:04:56le système, il est bien huilé.
01:04:58Tout continue
01:05:00à tourner et le pas
01:05:02de vagues, il est toujours là en
01:05:042025. Il ne faut pas
01:05:06faire de vagues. On protège
01:05:08l'institution. L'enseignement
01:05:10catholique Philippe Delorme qui me dit
01:05:12on a trop protégé
01:05:14l'institution au détriment des élèves.
01:05:1620% des élèves
01:05:18de France sont dans des établissements
01:05:20privés. Il est
01:05:22temps d'agir. Et moi j'ai des
01:05:24propositions à faire et je le ferai cet après-midi
01:05:26sans
01:05:30problème.
01:05:32Madame
01:05:34Borne, on a
01:05:36l'idée de créer un office national
01:05:38de prévention et de contrôle des établissements scolaires
01:05:40et ça sera autre chose que les
01:05:42mercenaires, les sept mercenaires qui sont allés à
01:05:44Bétarame. Ce sera des contrôles inopinés.
01:05:46J'en ai vécu puisque
01:05:48j'ai été directeur d'EHPAD
01:05:50pendant 17 ans avec
01:05:52le conseil départemental et
01:05:54l'agence régionale de santé
01:05:56qui déboulait dans l'établissement et qui
01:05:58interrogait les personnes âgées et
01:06:00les personnels, sans d'ailleurs mon consentement
01:06:02et c'était bien normal, ils nous
01:06:04avaient dit qu'ils allaient
01:06:06commencer à 6h du matin.
01:06:08Donc pourquoi on ne pourrait pas
01:06:10dupliquer ce modèle en fait
01:06:12à l'éducation nationale
01:06:14et surtout à cette question
01:06:16de la vie scolaire. En tout cas
01:06:18aujourd'hui, les parents d'élèves
01:06:20ils sont derrière nous. Donc
01:06:22on va pouvoir agir
01:06:24mais terminer
01:06:26l'OMERTA quoi. On est en
01:06:282025,
01:06:30vraiment c'est un cri du cœur
01:06:32pour vous, on est dans le berceau
01:06:34de la démocratie ici. On a besoin
01:06:36de contrôle dans les établissements,
01:06:38on le demande à corps et à cri,
01:06:40ça ne fonctionne pas. Nous,
01:06:42on considère qu'il faut partir
01:06:44des victimes et les victimes
01:06:46elles ont des solutions
01:06:48et je peux vous dire que ça va être autrement
01:06:50efficace et notamment
01:06:52la possibilité d'interroger
01:06:54les enfants parce que s'ils sont préparés
01:06:56les enfants, ils ne se livrent pas.
01:06:58Il faut que ce soit spontané.
01:07:00C'est comme ça quand on est gamins.
01:07:02Je dirais qu'à la limite, pourquoi on ne fonctionnerait
01:07:04pas comme... ça existe aujourd'hui
01:07:06pour les lanceurs d'alerte. Pourquoi
01:07:08on ne ferait pas ça avec des enfants qui témoignent de violence
01:07:10parce que souvent, ils jouent leur peau aussi.
01:07:12Nous, il n'y a quasiment pas eu de fugue.
01:07:14On prenait trop cher derrière.
01:07:16Il y en a eu un qui a été ramené par un
01:07:18gendarme, il s'est pris une raclée
01:07:20énorme par le directeur. Il y en a un autre
01:07:22qui lui a fait de l'absentéisme parce que
01:07:24l'absentéisme, on ne veut pas aller à l'école,
01:07:26on est mieux chez soi donc on reste avec maman.
01:07:28Le fugue, on n'a pas confiance dans les parents.
01:07:30Il n'y a pas d'issue, on s'en va.
01:07:32Lui, il était resté
01:07:34chez lui, il ne voulait plus aller à l'école.
01:07:36Le directeur est arrivé,
01:07:38il l'a frappé devant sa mère et il l'a ramené
01:07:40où il l'a eu.
01:07:42Pour qu'on puisse
01:07:44interroger les enfants, il faut aussi
01:07:46qu'on soit en état de les protéger.
01:07:48Monsieur Vincent, merci.
01:07:50J'entends tout ce que vous me dites
01:07:54et votre corollaire est totalement légitime.
01:07:56Là, nous sommes
01:07:58dans une commission d'enquête parlementaire
01:08:00donc je vous demanderai de ne pas citer
01:08:02de nom, surtout
01:08:04quand il y a des procès en cours.
01:08:06Non, c'est monsieur Esquerre
01:08:08qui l'a fait. Mais je parle en général
01:08:10de toute façon pour que les débats se passent
01:08:12correctement et qu'on n'ait pas de soucis
01:08:14par la suite. Nous, on veut faire
01:08:16la transparence. C'est pour ça qu'on commence par les victimes.
01:08:18C'est pour ça qu'on vous écoute pour ensuite,
01:08:20à la lumière de ce que vous nous dites,
01:08:22on entendra ensuite l'État,
01:08:24l'Éducation nationale,
01:08:26l'inspection, les inspections, comment elles fonctionnent.
01:08:28C'est vraiment notre objectif.
01:08:30Donc,
01:08:32je crois que monsieur Lafitte
01:08:34voulait prendre la parole. Allez-y monsieur Lafitte,
01:08:36il faut éteindre votre micro.
01:08:38Que disait Alain à ce qui se passe actuellement ?
01:08:40C'est-à-dire que nous,
01:08:42ce qu'on a vécu,
01:08:44il y a 50 ans, 60 ans,
01:08:46quelque part,
01:08:48j'ai envie de dire, c'est malheureux,
01:08:50mais peu importe. Quand je dis
01:08:52peu importe, c'est que malheureusement,
01:08:54on est tous conscients
01:08:56que personne n'y peut rien.
01:08:58Soit les prédateurs sont morts,
01:09:00soit il y a la prescription.
01:09:02Donc, on est
01:09:04parfaitement conscients que pour nous,
01:09:06c'est fichu,
01:09:08entre guillemets.
01:09:10Ce qu'il faut, ce qui est inadmissible,
01:09:12c'est qu'à l'heure actuelle,
01:09:14les autorités ecclésiastiques
01:09:16ne prennent pas en compte
01:09:18notre
01:09:20malheureuse expérience
01:09:22pour agir maintenant.
01:09:24Qu'est-ce qui se passe actuellement ?
01:09:26Vous avez des évêques, des directeurs du OCC1.
01:09:28Je les en remercie.
01:09:30Bien entendu, première
01:09:32dans leur déclaration,
01:09:34ils compatissent quand même.
01:09:36Ils compatissent avec les victimes.
01:09:38Ils sont sympas, je les en remercie.
01:09:40Mais derrière ce discours,
01:09:42qu'est-ce qui se passe derrière ?
01:09:44Immédiatement derrière,
01:09:46ils attaquent la médiatisation
01:09:48qu'on en a faite,
01:09:50grâce à la presse et grâce à vous.
01:09:52Je vous en remercie.
01:09:54Ils attaquent cette médiatisation
01:09:56parce qu'ils considèrent
01:09:58que nous attaquons l'Église.
01:10:00Enfin, on n'a pas l'impression
01:10:02d'attaquer une institution.
01:10:04On attaque des prédateurs.
01:10:06Il se trouve que dans ces prédateurs,
01:10:08il y a des prêtres.
01:10:10Ce n'est pas notre faute.
01:10:12Nous, on n'y est pour rien.
01:10:14Nous, on est les victimes.
01:10:16Ce sont les prêtres
01:10:18qui font du mal à l'Église.
01:10:20Ce n'est pas nous.
01:10:22Là, il ne faut pas se tromper de combat.
01:10:24Alors que, à l'heure actuelle,
01:10:26je dis bien à l'heure actuelle,
01:10:28les autorités diocésaines,
01:10:30qui sont encore ecclésiastiques
01:10:32ou peu importe laïques,
01:10:34puisque le directeur diocésain,
01:10:36il y a beaucoup de laïcs et tout ça,
01:10:38que ces gens-là fassent le ménage
01:10:40chez eux.
01:10:42Ce sont les prêtres.
01:10:44On n'est pas certain que ça se passe.
01:10:46Ça ne continue pas actuellement.
01:10:48Et je vais plus loin.
01:10:50Il n'y a pas que les établissements privés non plus.
01:10:52Pour être très précis,
01:10:54vous avez les associations sportives,
01:10:56vous avez les associations culturelles.
01:10:58Vous savez, je ne sais pas si...
01:11:00Actuellement,
01:11:02il faudrait...
01:11:04Je parle avec beaucoup de prudence
01:11:06parce que sur l'Axe,
01:11:08il y a un bruit qui court.
01:11:10Alors, c'est à vérifier.
01:11:12Je ne sais pas comment il faut appeler ça.
01:11:14Un prof de dessin ou de musique
01:11:16d'une association,
01:11:18pas d'un collège, d'une association,
01:11:20a eu un problème
01:11:22sexuel avec des gamins
01:11:24ou une attitude déplacée.
01:11:26Mais que croyez-vous qu'on a fait ?
01:11:28Que croyez-vous qu'on a fait ?
01:11:30Ce monsieur, il n'est pas à l'Axe,
01:11:32on l'a déplacé dans un département à côté.
01:11:34Mais moi,
01:11:36à l'époque,
01:11:38le prêtre qui m'a agressé,
01:11:40il a été exfiltré
01:11:42de Cendrillon à l'époque.
01:11:44Il s'est retrouvé curé à Biscarosse
01:11:46et après curé de Biscarosse,
01:11:48il s'est retrouvé directeur à Tartas.
01:11:50Et est-ce que vous croyez,
01:11:52moi, par exemple,
01:11:54dans la récolte
01:11:58des témoignages,
01:12:00je n'ai aucune
01:12:02paroissienne de Biscarosse qui m'a parlé,
01:12:04ni aucun élève de Tartas.
01:12:06Dans toutes les victimes,
01:12:08on est la face
01:12:10immergée.
01:12:12Il ne faut pas croire.
01:12:14Et ce qui est
01:12:16absolument impensable
01:12:18pour nous,
01:12:20c'est qu'on veuille
01:12:22défendre l'Église.
01:12:24Mais l'Église, très honnêtement,
01:12:26encore une fois,
01:12:28moi, je connais des victimes
01:12:30et ils vont toujours à la messe.
01:12:32Donc, voilà.
01:12:34Mesdames, Messieurs, au nom du groupe Ensemble pour la République,
01:12:36je veux vous remercier sincèrement
01:12:38pour vos témoignages et saluer votre courage
01:12:40qui force notre admiration.
01:12:42Les récits de souffrance et les traumatismes
01:12:44que vous avez relayés mettent en lumière
01:12:46un système de violence systémique insupportable
01:12:48qui ont laissé des traces dans vos vies
01:12:50à tous. La commission d'enquête
01:12:52que nous avons créée ici à l'Assemblée nationale,
01:12:54à l'initiative de notre collègue Paul Vannier,
01:12:56a fait l'objet d'une unanimité.
01:12:58J'espère qu'à travers elle
01:13:00et les auditions que nous aurons à mener,
01:13:02nous pourrons
01:13:04apaiser un peu
01:13:06de votre douleur et surtout
01:13:08faire en sorte que plus jamais aucun établissement
01:13:10comme ce cité ce matin n'existe
01:13:12et que plus aucune vie ne soit ainsi
01:13:14brisée. Député de la 5e
01:13:16circonscription du Finistère, où se trouvait
01:13:18le collège Saint-Pierre du Relègue Quérion,
01:13:20j'ai eu l'occasion d'échanger avec deux
01:13:22représentants du collectif des victimes
01:13:24la semaine dernière, dont le représentant,
01:13:26il n'était pas là,
01:13:28mais le collectif est représenté aujourd'hui
01:13:30par M. Vincent. Je tiens à dire
01:13:32ici que j'ai été profondément atteinte par
01:13:34la dureté des témoignages édifiants
01:13:36que j'ai reçus
01:13:38et que j'ai transmis à la commission.
01:13:40J'ai aussi été touchée par la force et la
01:13:42jutesse des mots du collectif
01:13:44et je souhaite avec vous comprendre
01:13:46pourquoi le collège Saint-Pierre a été vécu
01:13:48par certains comme un bagne et non
01:13:50comme un lieu d'épanouissement.
01:13:52Pour M. Bénédicte, que
01:13:54j'ai rencontré, il s'agissait, je le cite,
01:13:56d'une véritable institutionnalisation
01:13:58de la violence sur des enfants.
01:14:00À Saint-Pierre spécifiquement, j'ai été effarée
01:14:02de constater qu'il y avait eu autant de professeurs
01:14:04dans les années 70 et plus
01:14:06qui appliquaient
01:14:08des méthodes violentes d'enseignement.
01:14:10Même à l'époque, comment imaginer
01:14:12que le fait de frapper ou d'humilier des élèves
01:14:14pouvait être bénéfique à leur apprentissage ?
01:14:16Alors, selon vous,
01:14:18est-ce que c'est l'emprise du directeur qui a conduit
01:14:20à rendre les enseignants et les surveillants
01:14:22violents ou bien est-ce qu'il y a eu des failles
01:14:24dans le système de recrutement ?
01:14:26Et vous tous, membres des collectifs, avez-vous constaté
01:14:28des processus similaires ?
01:14:30Enfin, comme souvent dans les affaires
01:14:32de violence, et on en a parlé, on reste surpris
01:14:34du silence qui semble s'imposer
01:14:36aussi bien dans les établissements que dans les familles.
01:14:38Rétrospectivement, selon vous,
01:14:40quelles ont été les raisons ou les mécanismes
01:14:42qui ont pu conduire à une telle omerta ?
01:14:44Et au milieu de ce silence,
01:14:46aviez-vous seulement quelqu'un à qui vous confier ?
01:14:48Tout d'abord, je tiens
01:14:50avec mes collègues à m'associer
01:14:52à...
01:14:54Je veux également saluer votre courage.
01:14:56Mais surtout, je veux vous remercier.
01:14:58Je pense que vous l'avez dit, monsieur Isker,
01:15:00vous n'êtes pas juste là pour éclairer
01:15:02ce qui s'est passé il y a 30,
01:15:0440, 50 ans.
01:15:06Vous êtes là pour que ça n'advienne plus
01:15:08jamais. Vous êtes là pour éclairer
01:15:10le présent et surtout éclairer
01:15:12l'avenir. Moi, j'aimerais
01:15:14vous donner mon point de vue
01:15:16avant de poser la question sur pourquoi ça a été
01:15:18possible, pourquoi
01:15:20ce silence et pourquoi cette omerta
01:15:22est possible. Et je dis
01:15:24qu'il est possible au présent.
01:15:26Il y a une idéologie, encore très forte
01:15:28dans la société, selon laquelle
01:15:30un enfant nait par définition
01:15:32mauvais, par essence mauvais, et qu'il faut
01:15:34le remettre sur le droit chemin.
01:15:36C'est le rôle de l'éducation.
01:15:38Tout problème est un problème d'autorité.
01:15:40Et ce discours-là, il est encore très
01:15:42présent dans notre société.
01:15:44Toute crise de la société est une crise d'autorité.
01:15:46Et on entend encore des responsables politiques
01:15:48au plus haut niveau analyser le problème
01:15:50sous cet angle-là. La crise
01:15:52de l'école, ce n'est pas un problème de moyens,
01:15:54c'est un problème d'autorité du maître dans sa classe.
01:15:56On a même des responsables politiques
01:15:58qui en viennent à espérer le retour
01:16:00à l'école d'avant. Donc ce que vous faites là,
01:16:02c'est une œuvre d'utilité publique
01:16:04pour le présent. Vous êtes là
01:16:06et j'espère qu'après vous,
01:16:08il y aura enfin, ce que moi j'appelle de mes vœux,
01:16:10un mitout des violences faites
01:16:12aux enfants. Ce n'est pas uniquement
01:16:14dans les institutions publiques privées,
01:16:16ce n'est pas uniquement dans les institutions
01:16:18publiques scolaires,
01:16:20c'est également dans tous les lieux
01:16:22où il y a des enfants. Madame Lebris, vous l'avez dit,
01:16:24les foyers de la protection de l'enfance
01:16:26et même les familles d'accueil ne sont pas
01:16:28exorbes de ces violences. Vous avez soulevé
01:16:30la question des contrôles. Il manque
01:16:32des instances de contrôle
01:16:34beaucoup plus fermes, beaucoup plus
01:16:36actives sur tous ces lieux-là.
01:16:38Et tant qu'on ne mettra pas ça en place,
01:16:40moi je suis convaincue que ça se reproduira.
01:16:42Ma question,
01:16:44elle est celle-ci.
01:16:46Je sais, parce que j'ai étudié
01:16:48le sujet, que vous avez
01:16:50également, vous portez des stigmates physiques
01:16:52de ces violences-là.
01:16:54La science l'a prouvé, quand on subit des violences
01:16:56à ce niveau-là, on en porte des stigmates
01:16:58physiques. Vous avez développé sans doute
01:17:00tous des problèmes de santé
01:17:02assez lourds. Est-ce que vous
01:17:04envisagez, dans les recours
01:17:06que vous faites et dans les plaintes que vous déposez,
01:17:08que ces souffrances physiques-là soient
01:17:10également reconnues ? Et si vous ne le faites pas, je ne peux
01:17:12que vous encourager à le faire.
01:17:14Il y a une dimension de réparation
01:17:16qui vaut encore le coup
01:17:18d'être reconnu. Monsieur Laffitte,
01:17:20oui, tout ça
01:17:22est passé, mais tant qu'on ne reconnaîtra pas
01:17:24et qu'on ne s'excusera pas
01:17:26au nom de l'État des violences
01:17:28qui vous ont été faites, cela pourra
01:17:30se reproduire. Il faut qu'il y ait des excuses
01:17:32publiques qui vous soient faites au nom de la puissance
01:17:34publique. Et ces excuses,
01:17:36je pense qu'elles peuvent venir parce que vous portez
01:17:38encore les stigmates des violences qui vous ont été faites.
01:17:40Grâce à cette commission
01:17:42et vos interventions,
01:17:44votre courage, il n'y a
01:17:46aucun de nos concitoyens, aucune
01:17:48de nos concitoyennes, quel que soit l'âge
01:17:50aujourd'hui, qui n'ait pas
01:17:52révolté sur
01:17:54ce que tout le monde savait,
01:17:56que nous savions tous, et sur lequel
01:17:58la société française fermait
01:18:00les yeux parce qu'elle ne voulait pas affronter ce que vous
01:18:02dites aujourd'hui.
01:18:04J'ai été président
01:18:06de la première fédération de parents d'élèves pendant quelques
01:18:08années. Ce que vous dénoncez,
01:18:10j'ai essayé de le faire aussi avec les parents d'élèves
01:18:12bénévoles. Et l'OMERTA
01:18:14dont vous avez fait état
01:18:16pour l'enseignement privé,
01:18:18était aussi une réalité dans l'enseignement public.
01:18:20Et il est vrai que
01:18:22l'inconcevable,
01:18:24on le met sous le tapis.
01:18:26On essaye de ne pas l'affronter
01:18:28parce qu'après tout, c'est plus commode
01:18:30d'arriver à l'âge adulte,
01:18:32d'oublier ces souvenirs
01:18:34d'enfants
01:18:36que nous avons, quelque part,
01:18:38mis dans notre inconscient, mais qui,
01:18:40d'une certaine façon, revient
01:18:42inévitablement.
01:18:44Encore une fois, vous remerciez pour ce que vous faites.
01:18:46Paul Vanny disait tout à l'heure
01:18:48le tsunami
01:18:50qui va faire tomber
01:18:52tous les murs, tous les silences, finalement,
01:18:54me paraît inévitable.
01:18:56Nous avons, en tant que députés, un droit,
01:18:58qui est le droit de
01:19:00visiter tous les espaces de
01:19:02privation de liberté. Et à vous entendre,
01:19:04Madame Delaporte, quand vous décrivez
01:19:06le système carcéral dans lequel vous étiez,
01:19:08avec le MITAR, dont vous avez fait courageusement état,
01:19:10je vous remercie. Il me semble
01:19:12qu'il peut être
01:19:14envisageable que, finalement, les députés
01:19:16aient cette liberté aussi, ce droit,
01:19:18parce qu'il est inconcevable qu'une école
01:19:20soit un lieu libre de privation de liberté.
01:19:22Il est inconcevable que, comme l'écrit
01:19:24d'ailleurs M. Salondon dans son livre
01:19:26l'Enragé, qui fait état d'un bagne
01:19:28pour enfants, cela puisse
01:19:30continuer, tout simplement.
01:19:32Ça serait peut-être une question transitoire,
01:19:34mais il me semble qu'elle est nécessaire.
01:19:36Nous avons porté, avec cette fédération
01:19:38de parents dans le cheveux d'État tout à l'heure, le fait
01:19:40qu'aucun enfant ne devait ne pas
01:19:42voir un médecin ou
01:19:44une infirmière scolaire
01:19:46à chaque cycle de sa scolarité, parce que
01:19:48la maturité de l'enfant aussi compte.
01:19:50Il s'avère que, dans les écoles publiques, ce n'est pas un cas.
01:19:52Ce n'est pas une réalité.
01:19:54Dans les propositions que vous avez faites,
01:19:56est-ce que cette solution
01:19:58vous paraît aussi une idée
01:20:00acceptable ? Nous savons, les uns et les autres,
01:20:02l'état de la prévention médicale en milieu
01:20:04pour que aucun enfant, qu'ils soient dans le système public ou privé,
01:20:07ne puisse être entendu par quelqu'un d'extérieur.
01:20:11Quelqu'un non pas de neutre, parce qu'il n'y a pas de neutralité à écouter un enfant,
01:20:14mais de faire en sorte que les enfants soient écoutés
01:20:16et qu'enfin les adultes cessent de faire subir aux enfants ce qu'eux-mêmes n'accepteraient pas pour eux.
01:20:20Je vous remercie encore une fois de votre courage, de votre présence ici, parce qu'il en faut.
01:20:26Je sais que Sarah Legrain, qui est à mes côtés, porte aussi ces combats-là au-delà des enfants,
01:20:30notamment sur les questions des violences sexuelles sur femmes.
01:20:32Donc c'est une question sociétale. On dit souvent qu'il faut 20 ans pour qu'une mentalité évolue.
01:20:37La loi d'interdiction de frapper un enfant existe depuis 1991, c'est la fameuse loi sur la gifle, elle s'est interdite.
01:20:44Mais pour autant, manifestement, il nous a fallu 20-30 ans pour que, d'un point de vue de mentalité,
01:20:49on arrive à cette commission qui nous donne l'espoir que nous allons pouvoir avancer.
01:20:55Merci mesdames et messieurs.
01:20:58Tout d'abord, vous dire à quel point vos témoignages m'ont bouleversée, vraiment.
01:21:03Je tiens à vous remercier et surtout saluer votre courage, comme nous tous ici,
01:21:08saluer votre courage pour ces témoignages très très forts,
01:21:12cette prise de parole qui me paraît essentielle pour pouvoir justement avoir des réponses,
01:21:18des réponses et surtout avancer sur le sujet.
01:21:22Ce que vous avez dit dans vos témoignages sont d'une violence rare, insupportable,
01:21:29difficile à entendre, mais aussi à comprendre.
01:21:33Et ça laisse des traces.
01:21:36Vous avez certainement des vies complètement dévastées par toutes ces humiliations.
01:21:40Ces mots sont trop forts pour raconter ces violences que vous avez subies,
01:21:44enfants, adolescents, c'est des violences physiques, sexuelles, psychologiques.
01:21:52C'est incompréhensible.
01:21:56Alors que les institutions étaient là normalement pour protéger.
01:22:00Vous l'avez dit, ça se passe dans les écoles privées, mais pas simplement dans les écoles privées.
01:22:04Par votre témoignage, on a vu aussi que ça pouvait exister dans l'école publique.
01:22:09Moi, je n'ai pas beaucoup de questions.
01:22:11Simplement, je m'interroge, comme beaucoup d'entre nous,
01:22:15c'est sur cette omerta, qui est difficile à comprendre,
01:22:19et elle l'est encore plus en tant que parent.
01:22:23Moi, je suis maman, je suis très à l'écoute de mes enfants.
01:22:27C'est quelque chose qu'on peut comprendre il y a 50, 60 ans,
01:22:31parce que c'était une autre époque.
01:22:33Mais vous avez quand même cité des faits qui se sont passés récemment,
01:22:37et j'ai du mal à comprendre qu'encore maintenant, ça puisse encore exister.
01:22:42Je m'interroge, comme nous tous,
01:22:45sur comment vous analysez l'absence de ces réactions de la part des parents
01:22:52qui auraient pu alerter la justice.
01:22:54Je voulais vous remercier à tous pour vos questions,
01:22:57toutes très pertinentes, et particulièrement celle de Mme Melchior,
01:23:02qui me permet de répondre à toutes les autres questions
01:23:07et de revenir sur le système qui s'est mis en place.
01:23:12Je ne pense pas que ce soit elle qui l'ait conçu,
01:23:15mais par le père L, qui a été le directeur de ce collège.
01:23:19Le père L était né à Mayence en 1922,
01:23:23donc il a connu la montée du nazisme.
01:23:25S'en est-il inspiré, je ne sais pas,
01:23:27pour accoucher de sa nouvelle méthode pédagogique
01:23:31qui n'avait rien de révolutionnaire,
01:23:33qui s'appelait la pédoplégie, l'éducation par les coups.
01:23:37Il était secondé par un aumônier
01:23:39qui, lui, était un militant du Front de Libération de la Bretagne
01:23:47et, en cours de catéchisme,
01:23:49nous parlait de la grande du Troisième Reich
01:23:53et de sa nostalgie pour la grande Allemagne nazie.
01:23:57Donc ça situe déjà un peu le débat.
01:23:59Et je pense que...
01:24:01a-t-il vendu ce concept ?
01:24:03Je ne pense pas, quand même, ce serait gros aux diocèses.
01:24:06Mais, en tout cas, il l'a mis en place.
01:24:08Et attiré par l'argent, je pense,
01:24:11parce que ce collège a eu du succès très vite,
01:24:15parce qu'on y mettait des gens
01:24:17qui n'arrivaient pas à travailler ailleurs.
01:24:19Et à l'époque, moi, j'étais en 77-78 jusqu'en 79,
01:24:24il fallait avoir le brevet.
01:24:26C'était le BEPC.
01:24:28Certains, c'était mon cas, venaient de la bourgeoisie,
01:24:31et moi, j'étais sur un truc un peu difficile.
01:24:34Mon père voulait absolument que j'aie mon bac,
01:24:36donc il fallait me redresser.
01:24:38D'autres, il fallait avoir le concours de l'Arsenal,
01:24:40parce que c'était la voie rêvée pour Brest,
01:24:42pour les gens qui voulaient être un peu ouvriers.
01:24:45Mais il fallait avoir le brevet.
01:24:47Donc il a pris les gens qui sortaient du bac,
01:24:53éventuellement un ou deux ans d'université,
01:24:56qui ont adhéré à ces méthodes.
01:24:59Et, voilà, conscienceusement, méticuleusement,
01:25:03ils ont massacré toute une population d'innocents.
01:25:08Et on n'était pas des primo-délinquants,
01:25:10parce qu'aujourd'hui, tout remonte sur le fil.
01:25:13Et on s'aperçoit, en échange, sur nos vies,
01:25:15sur nos familles, sur l'après,
01:25:16qui, effectivement, a été extrêmement dur.
01:25:18Moi, pas tout de suite,
01:25:20mais quand j'ai enfin eu mon bac,
01:25:23et que tout ça s'est arrêté,
01:25:25j'ai perdu 16 kg.
01:25:27J'ai fait une anorexie mentale.
01:25:29J'ai toujours pas...
01:25:30Bon, j'ai un peu engrossi, mais pas beaucoup.
01:25:33J'ai eu des problèmes sentimentaux.
01:25:36J'ai eu des problèmes de confiance en moi,
01:25:39de mes estimes.
01:25:40Ça n'en finit pas.
01:25:43Et je pensais avoir réglé le problème
01:25:46de la violence dans mon père,
01:25:47parce que moi, j'étais cumulaire,
01:25:48je me prenais des coups là-bas,
01:25:49et le soir, mon père me faisait travailler
01:25:51et je m'en reprenais.
01:25:52Et des grosses.
01:25:53Mon père n'a jamais voulu s'excuser.
01:25:55Il n'a jamais voulu le justifier non plus.
01:25:57C'était l'époque.
01:25:58Et je pense qu'il avait peur.
01:26:00Il avait peur que son fils de grand-bourgeois
01:26:03n'arrive pas à faire comme lui,
01:26:05comme il avait fait Sciences Po, MBA à Boston, etc.
01:26:09Mais j'étais pas guéri.
01:26:12Et depuis la création de ce collectif,
01:26:16je sens que tout est en train de se vider.
01:26:20Il me restait ça pour être sec.
01:26:23Maintenant, peut-être, à 61 ans,
01:26:25je vais pouvoir réussir à vivre ma vie convenablement
01:26:29et en levant la tête.
01:26:31Voilà pour ces témoignages bouleversants
01:26:33de victimes de Bétharame
01:26:34qui se sont exprimés devant les députés.
01:26:37Précisons que les co-rapporteurs
01:26:39de cette commission d'enquête,
01:26:40Paul Vanier et Violette Spielboot,
01:26:42ont déjà exercé leur pouvoir d'investigation
01:26:45en se rendant au ministère de l'Éducation nationale,
01:26:48puis dans l'établissement Béharnay de Bétharame,
01:26:51où ils ont saisi de nombreux documents.
01:26:53Les travaux de la commission d'enquête
01:26:55devraient durer quatre mois.
01:26:56Les députés vont notamment interroger
01:26:59les responsables des administrations de l'État,
01:27:02des institutions religieuses,
01:27:04et puis des responsables politiques,
01:27:06ministres actuels et passés,
01:27:08dont François Bayrou en personne.
01:27:10Ce sera bien sûr à suivre sur LCP.
01:27:12A bientôt, très bonne suite de programme.

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