Cette semaine émission spéciale Ugo Coussaud. Nous sommes allés à la rencontre du Français, chez lui à Biarritz. Le joueur de 32 ans revient sur ses débuts à Angoulême au golf de L'Hirondelle et son long chemin jusqu'au DPWorld Tour. Son choix d'aller au Pays-Basque, ses galères avec Matthieu Pavon en amateur, son passage à l'université de Laval au Canada, Coussaud se livre sans détour.
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00:00Salut à tous, bienvenue dans Swing, l'émission de Journal du Golfe sur l'Equipe.fr est désormais sur vos écrans cette semaine.
00:07Émission spéciale, nous sommes partis à la rencontre d'Hugo Rousseau.
00:10Le Français vit sa première saison sur le DP World Tour et pour le moment 42ème de la race to Dubai avant les deux derniers tournois.
00:17Nous l'avons rencontré du côté d'Arkang, pas très loin de Biarritz, là où il s'entraîne.
00:30Hugo, Olivier Léglise nous a dit que tu étais un vrai joueur de club.
00:42Un vrai joueur de club et que ton club de Lirondelles, ça a été quelque chose qui comptait énormément pour toi.
00:52Est-ce que tu peux nous expliquer un peu pourquoi ?
00:54Bien sûr, j'ai fait toute ma carrière amateur dans le même club, à Angoulême.
00:59J'ai tapé mes premières balles à Angoulême, j'ai fait mes premières armes en équipe à Angoulême,
01:04on est monté en gonouillou à Angoulême, on a failli gagner une gonouillou la première année
01:08et puis j'ai fait quelques années encore dans ce club.
01:11Donc oui, je suis un joueur de club parce que j'ai toujours aimé l'ambiance,
01:17j'ai toujours aimé représenter ma ville et qu'on avait une super équipe,
01:22avec des gens qui étaient bien impliqués, dont mon père qui passait beaucoup de temps,
01:27qui s'occupait un peu des équipes, qui cherchait des sponsors,
01:29donc qui aussi nous a permis, m'a permis de rester dans le club pour pouvoir trouver des financements,
01:34faire ma saison, mais je ne me serais pas vu jouer ailleurs en fait.
01:38Parce que je trouvais que l'aventure était super intéressante.
01:43Ma première Div, je l'ai fait à 14 ans en quatrième, quatrième division,
01:47et puis petit à petit, on a monté tous les échelons avec des joueurs qui sont venus un peu à droite à gauche,
01:51mais avec une grosse base de joueurs qui ont été formés à Angoulême et ça, c'était trop cool.
01:55On se retrouvait les week-ends, on allait boire des bières,
01:57et après les entraînements, il y avait cette espèce d'ambiance qui était canon.
02:01C'est pour toi un golf qui te parlait, c'était quoi le plus important ?
02:06C'était le golf ou la camaraderie ou les deux ?
02:09Qu'est-ce qui était important à l'époque ?
02:11Les deux, parce qu'à cet âge-là, entre 14 et 18, 19,
02:15je n'étais pas du tout vraiment dans le délire de faire que du golf, d'en faire mon métier.
02:19Donc moi, j'adorais ça parce que je sentais qu'il y avait une marge de progression,
02:23je m'amusais, j'avais des potes, il y avait des mecs plus âgés,
02:26donc en plus d'expérience, aussi d'être avec des mecs plus vieux à cet âge-là,
02:30c'est super intéressant, c'est marrant.
02:32On est dans un monde un peu particulier.
02:35C'était juste aller jouer au golf, faire les entraînements, m'améliorer,
02:40tout en bossant avec mon coach à l'époque là-bas, Johan.
02:43Et après, on avait cette ambiance, il y avait un peu des deux,
02:47ça n'a toujours été que des bons moments.
02:49Toute la journée, tous les week-ends, j'attendais ça,
02:50c'était aller m'entraîner, faire les entraînements d'équipe
02:52et passer du temps avec tout le monde.
02:55Ces épopées en 2013, je crois que c'est la finale, et 2015, c'est l'écart.
03:02C'était fort, tu as encore des émotions, des souvenirs qui te donnent des frissons ?
03:07Énorme, je me souviens de 2012, la montée, quand on était à Crécy-la-Chapelle.
03:11Moi, là, je revenais du Canada.
03:13C'était monstrueux parce qu'on s'était battus juste pour arriver en première.
03:18De là, Lagounouillou à Saint-Cloud, on arrive, petite équipe.
03:21Je me souviens encore des interviews de la FED,
03:24tout le show qu'il y avait, qui était complètement différent pour nous.
03:29Et puis, on se rendait compte qu'on avait une bonne équipe,
03:31peut-être un peu courte en nombre, mais on avait quelques jeunes.
03:34Il y avait Léonard Bem, il y avait Alexandre Babaut,
03:37Stanislas Katturla qui nous avait rejoint, un bon pote.
03:40Tout le monde était en forme.
03:41Après, il y avait des mecs plus du cru, un goulem un peu plus âgé,
03:43mais des mecs qui bossaient à côté, un peu juste au niveau-niveau,
03:47mais qui adoraient ça et qui donnaient tout ce qu'ils avaient.
03:50J'ai des frissons.
03:53Je revois cette photo, j'ai une photo qui est toujours au club,
03:56en goulem, où il y a tous les joueurs, tous les accompagnateurs,
03:59parce qu'on était partis, on était une caravane, on était une vingtaine.
04:02Entre mon père, les cadets, le sponsor qui était aussi cadet de l'équipe.
04:07Ça a été une folie.
04:10C'était un peu comme les épopées, on voit en foot, en Coupe de France.
04:14Vous étiez finalement le petit poussé, c'est ça, le club ?
04:18C'était bien dans la peau de ce petit club, esprit famille finalement, on a l'impression.
04:25Oui, c'était très cool d'être dans la peau du petit club qui arrive
04:30et qui sait qu'il ne sera pas là toute sa vie parce qu'on n'a pas les moyens,
04:34on n'a pas le nombre de joueurs, le nombre de membres, l'école de golf.
04:38En tout cas, cette génération fait que nous, on a vécu des choses extras.
04:44C'est ça qui est important, je trouve, créer des souvenirs.
04:47Et là, on en a un paquet.
04:49Ces émotions que procure le golf par équipe, ça te manque un peu maintenant ?
04:54Oui, parce que j'ai toujours été un joueur de club, un joueur d'équipe.
04:59J'ai fait beaucoup de sport co-avant, j'ai joué au rugby, j'ai joué au rond de balle pendant 7-8 ans.
05:04J'ai toujours cette mentalité, peut-être que je suis en train de la perdre un peu
05:08parce que ça fait maintenant 8 ans que je fais du golf pour moi.
05:12Mais oui, on peut dire que ça me manque.
05:15Après, il y a la Ryder Cup, peut-être les JO, mais bon, ça s'arrête là.
05:20Maintenant, il y a très peu de compétitions par équipe.
05:22En même temps, ce n'est pas vraiment compliqué de faire du golf, un sport par équipe.
05:26En tout cas, au niveau actuel, je ne suis pas sûr que le livre, ce soit vraiment des équipes,
05:30les mecs se mettraient dans un mur pour les joueurs de l'équipe, ça m'étonnerait.
05:34C'est d'autres motivations.
05:35D'autres motivations.
05:36Mais oui, ça me manque, c'est sûr.
05:42Vous n'allez pas me regretter.
05:44Ça prend de ton sac, tes barres, tes souliers.
05:48Sans oublier un petit drink pour s'hydrater.
05:51Ça prend un peu, en fait, beaucoup de pratique, mais un coup que t'as commencé.
05:55Je suis avec le champion individuel du côté de l'Université Laval, Hugo Cusseau.
05:59Félicitations, Hugo.
06:00Merci.
06:01Tu étais en université.
06:02Raconte-nous un peu cette expérience.
06:04Déjà, pourquoi tu avais choisi Laval ?
06:06Ça, c'est une histoire.
06:08J'ai choisi Laval parce que j'ai eu mon bac.
06:10Comme tous les adolescents de cet âge-là, je ne savais pas ce que j'allais faire après.
06:13J'hésitais entre partir en médecine, mais c'était un choix un peu.
06:17Partir en médecine parce qu'essayer de faire docteur, ça aurait été un échec total.
06:21Même là, tu n'as pas l'air convaincu.
06:22Je le sais.
06:23Je me serais idioté dans un trou.
06:25Là, je n'aurais rien fait, j'aurais raté ma première année, j'aurais perdu un an.
06:28Deux même si je m'étais estimé.
06:30Ou trois.
06:31Ou trois peut-être.
06:32Non, Laval parce qu'en fait, j'ai un super pote, c'est toujours Stan.
06:35Stan Katsura, oui.
06:37Qui est parti à Laval.
06:38Lui, il voulait partir aux Etats-Unis, mais il s'est dirigé vers Laval.
06:44Je ne sais pas pourquoi, ses raisons particulièrement.
06:46Mais il m'a dit « Ecoute, franchement, c'est canon.
06:48Il y a d'autres Français.
06:49Alexi Angarde, Clément Hervieux qui étaient partis en avance que j'ai rencontrés, qui
06:52m'ont un peu vendu le projet.
06:54Et en fait, il y avait un super diplôme et puis une bonne équipe de golf.
06:58Et moi, je partais vraiment plus pour les études.
07:00Et je me suis dit, c'est une bonne expérience, changer de continent.
07:03Tu ne savais pas que tu allais devenir golfeur pro à ce moment-là ?
07:05Pas du tout.
07:06Je n'étais pas du tout dans cet état d'esprit.
07:07J'étais parti parce qu'il y a un bon diplôme en business, toujours business parce que c'est
07:11assez global sans savoir faire quoi m'orienter.
07:13Et donc, je suis parti.
07:15J'ai raté la session d'automne parce que j'ai merdé dans les papiers.
07:19Et je suis parti au mois de janvier.
07:21Et ça a fait une super expérience de trois ans et demi au Canada où j'ai rencontré
07:26des personnes super intéressantes, un nouveau coach qui m'a vraiment fait progresser,
07:30qui m'a fait comprendre que la dimension mentale était super importante et m'a fait
07:34beaucoup évoluer là-dessus.
07:36Mathieu Paradis.
07:37Mathieu Paradis.
07:38Et puis, des super potes, des super joueurs.
07:42Toujours cet esprit équipe.
07:44Enorme.
07:45Moi, j'ai rencontré des Québécois.
07:48On n'aurait jamais été amenés à se rencontrer autrement.
07:51Et on est devenus super proches.
07:53On a passé des super semaines de tournois, d'entraînement, de stage.
07:57On a gagné le championnat canadien universitaire.
08:01J'ai vraiment retrouvé cette équipe et c'était extra.
08:17Tu aimes t'entraîner ou ça fait partie du boulot ?
08:20Non, j'aime bien l'entraînement, moi.
08:22J'aime bien l'entraînement parce que ça permet de mettre des choses, en tout cas
08:29d'essayer, de mettre des choses en…
08:31Ouais, c'est ça, d'avancer, en fait.
08:34Ça fait partie du truc.
08:35Après, c'est sûr que je ne m'entraîne plus trop sous la pluie.
08:39Je ne m'entraîne plus trop.
08:41Il faut vraiment que les conditions soient bonnes et tout.
08:43Il faut qu'il fasse beau, 30 degrés.
08:45Normal, le Pays Basque.
08:48J'attends du Pays Basque.
08:50Non, mais avec Robin, il me met des exos, en fait.
08:53On a une petite application sur mon téléphone.
08:56Je mets des exos en lien avec ce que j'ai à améliorer, ce que j'ai à développer.
08:59Du coup, je sais que si je ne fais pas du travail dans le ventre, quand j'arrive une journée,
09:02je sais exactement ce que j'ai à faire, en fait.
09:04Du coup, c'est canon parce que je n'ai pas l'impression de passer 4 heures à perdre mon temps.
09:09Je viens, je fais mes exos.
09:11Une fois que je suis content de ce que j'ai fait, je rentre chez moi.
09:14Du coup, ça donne du sens.
09:16Je les marque sur l'application.
09:18Je marque les résultats.
09:19Il a accès en direct.
09:21Moi, tu avais déclaré au Journal du Québec que je n'étais ni très bon au golf, ni très bon à l'école.
09:26Oui, exactement.
09:27Moi, j'avais suivi mon cursus.
09:29J'ai fait un bac S à l'époque scientifique.
09:31J'ai eu mon bac avec 10, 43 de moyenne.
09:34Je ne sais pas ça.
09:36Rien d'extraordinaire.
09:38Mais bon, ça n'a jamais été quelque chose qui m'a passionné non plus.
09:41Donc, c'est compliqué d'aller…
09:43Tu étais un peu perdu finalement à ce moment-là dans ta vie.
09:47Pas perdu parce qu'à 18 ans, tu n'es pas perdu.
09:50Comme beaucoup de jeunes.
09:52Oui.
09:53C'est sûr que je ne m'étais pas dit que je vais faire tel boulot.
09:55Je vais être golfeur pro ou je vais…
09:57Golfeur pro ou charpentier ou je vais faire informaticien ou j'ai vraiment un métier de passion.
10:02Je ne sais pas trop.
10:03Je partais un peu en disant que je vais me laisser, je vais voguer vers le Canada.
10:09On va voir ce qui va se passer.
10:10C'était un peu partir à l'aventure, partir là-bas aussi.
10:12Oui.
10:13C'était aussi grandir parce que quitter le cocon familial, repartir même si le soutien est toujours là.
10:18Mais ça reste à 18 ans, tu as ton appart, il faut se faire à manger, il faut vivre dans un pays qui n'est pas le sien.
10:24Francophone quand même.
10:25Francophone, heureusement.
10:26C'est le mieux parce que sinon, je n'étais ni bon à l'école ni bon en anglais.
10:29Mais non, du coup, tout ça, ça fait progresser.
10:32Ça demande d'être un peu plus mature rapidement, je pense.
10:44Les bijoux, l'horreur.
10:50Biarritz, en fait, je venais ici en vacances, gamin.
10:52Je venais faire les tournois amateurs et j'ai toujours aimé ça, cet endroit.
10:55Et je m'étais dit que ce serait quand même un bel endroit pour vivre.
10:57Et du coup, ça tombait bien qu'Olivier soit basque et qu'il n'ait pas bougé.
11:02Tu es un peu basque toi ou pas du tout maintenant ? Basque d'adoption ?
11:05C'est compliqué.
11:06Ce n'est pas moi qui peux le dire.
11:07C'est les basques qui t'adoptent ou pas.
11:08Tu ne peux pas t'adopter tout seul.
11:09En tout cas, c'est reposant, c'est ressourçant de voir la mer, de l'entendre.
11:12Oui.
11:13Moi, je n'ai pas ma vie d'origine en Goulême.
11:15On ne l'a pas du tout.
11:16Et c'est vrai que depuis que j'habite ici, c'est quelque chose qui me manquerait, je pense, maintenant.
11:20De ne plus l'avoir.
11:22Ce petit côté poète, qu'est-ce que vous ne me faites pas dire ?
11:25Putain, des questions.
11:26Ça vient tout seul.
11:27Oui, c'est ça.
11:30Après, direction le Pays basque.
11:31Pour Olivier Léglise, pour ce coach-là.
11:33Pour Olivier Léglise, oui.
11:34Et sa rigueur.
11:35Exactement, sa rigueur, il m'a choqué.
11:37Il m'a bien chopé quand c'est arrivé.
11:39Sa rigueur, puis tout le travail certainement nécessaire quand on est jeune, quand on n'a pas d'énergie de basse.
11:47Encore une fois, quand on n'est pas forcément dans les meilleurs jeunes, qu'on a quelques lacunes et qu'il faut progresser sur un paquet de sujets,
11:55c'était top d'avoir Olivier ici qui m'a certainement appris la rigueur et le travail comme il doit se faire en étant pro.
12:05D'avoir un cadre, c'est important pour toi d'avoir un cadre, pour suivre un cadre ?
12:13Oui, le cadre, c'est obligatoire.
12:15On le voit de plus en plus.
12:16Après, chacun a un cadre différent, mais il n'y a pas de cadre parfait pour tous les joueurs.
12:23Mais c'est important de trouver le sien.
12:24Et c'est sûr qu'avec Olivier ici, ça me permet d'apprendre et de trouver le mien, de trouver une ville dans laquelle je me sens super bien.
12:32Je suis content d'habiter ici.
12:33J'ai plein de potes.
12:34C'est vraiment un lieu, quand je rentre de tournoi, où je me sens… Je décompresse, c'est top.
12:40Oui, il m'a fait bosser.
12:44Tu as des souvenirs où tu te dis « qu'est-ce que je fous là ? »
12:48J'ai des souvenirs où je me souviens.
12:50J'arrive au mois de septembre, après Championnat du monde.
12:54Je fais mon Championnat du monde, je finis 9e, je suis sur mon petit…
12:57Quelle année ?
12:58En 2016.
13:00Je suis bien, je me sens bien, comme un des meilleurs joueurs français, peut-être le deuxième français ou pas loin à cette époque-là.
13:05Je suis plein de confiance.
13:07Le mec est serein dans ses capacités.
13:09J'arrive, je fais le Championnat du monde, je vais au quart, je passe les PQ1, j'échoue au PQ2.
13:14Je me souviens, il me ramène, on va faire du wedging.
13:17Il m'avait toujours dit, avant jusque-là, il m'avait eu 2-3 mois, il m'avait dit « ce que tu fais, c'est super, continue, c'est parfait. »
13:23Il m'a gardé en confiance.
13:24J'arrive au wedging, il me fait « bon, allez, on va commencer maintenant. »
13:28Et là, il me pète le grip d'entrée.
13:30J'avais une main gauche un peu faible, j'avais les mains qui bougeaient, j'en voyais un peu à droite, à gauche.
13:34Il y avait du bon, mais pas au vu de ce qu'Olivier voulait, moi, en tant que joueur pro.
13:39Il m'avait dit « si tu jouais d'un joueur pro, tu vas voyager 25 semaines dans l'année, dans des conditions compliquées, il faut que ton swing soit solide. »
13:47Et il pétait le grip, donc là, j'ai mis un bon 6 mois.
13:51J'ai été au Maroc faire un stage, j'en voyais des balles à gauche, des balles à gauche, dans le dur.
13:56Mais ça m'a appris un peu le grind.
13:59Je pense que cette base, pour moi, le grip, c'est un peu son classique, grip, posture, alignement.
14:05Ça fait que je suis très régulier au niveau du grand jeu actuellement aussi.
14:08C'est des super bases.
14:10Des fois, quand on est comme ça avec un coach un peu rude, c'est dur à encaisser.
14:15Il y a des moments difficiles.
14:17Le soir, on se dit « bon… »
14:19Le soir, on a mal au bras, on a mal aux mains, mais il n'est pas rude.
14:22C'est un homme plein de bonté, Olivier.
14:24Il est rude dans le travail, mais il sait remettre en confiance.
14:27C'est un mec qui est top.
14:29Alors, il est très exigeant.
14:31Mais je pense que l'exigence, c'est le numéro un avec la consistance dans le travail pour être professionnel.
14:38On n'a jamais vu un pro, même s'il ne tape que 20 minutes de balles,
14:41taper des balles sans s'attendre à quelque chose, en étant partout, en disant « ok, tout va bien. »
14:46Non, il va taper 20 balles, mais il va faire le boulot comme il faut.
14:48Et Olivier m'a appris ça vraiment, à mettre de l'intensité.
14:54Il est rude, mais juste.
15:06La zone de petits jeux.
15:08Tu passes beaucoup de temps ici ?
15:09À la maison.
15:11Je passe tout mon temps ici.
15:12Entre ici, le parcours, taper des balles.
15:14Mais ici, beaucoup.
15:15Putting, chipping, wedging.
15:17Olivier m'a chopé beaucoup, beaucoup ici.
15:20Les petits concours, les pétanques, tout ce qu'il y a à faire.
15:29On a la cabane magique d'Olivier Léglise, sur sa zone de petits jeux.
15:33Et là, il t'a concocté une petite chose « homemade ».
15:38En fait, il me chante constamment sur le fait que je suis tout le temps en train de nettoyer mes stries,
15:42quand je fais un concours de chip.
15:44Et du coup, il m'en a fait avec un clou et un bouchon, vu que j'aime bien le pinard aussi.
15:49Donc, c'est un bouchon d'un bon vin ?
15:50Non.
15:51Henri Léglise, il n'a pas beaucoup de bons vins.
15:54Ce qu'il vend tout le temps, c'est son Château Olivier, parce que c'est son nom.
15:58Je ne peux pas rêver celui-là.
16:00Mais bon, on va y remédier.
16:02Ton vin préféré, c'est quoi ?
16:05On le rappelle, t'es amateur.
16:06T'es amateur de vin, t'aimes bien, tu fais de l'onologie, tout ça ?
16:09Faire de l'onologie, c'est un grand mot.
16:11Mais oui, j'aime bien.
16:12J'essaie de m'améliorer dans ce que je ressens, dans les vins et dans tout ça.
16:16Mon vin préféré, en général, c'est un Cotrotti.
16:20Cotrotti chez Jamais en particulier.
16:23Ça, c'est bien, ça.
16:24Avec modération, bien sûr.
16:25Avec modération.
16:27Modération, voilà.
16:29Toujours.
16:30Est-ce que le vin, ça t'aide dans ton jeu de golf ?
16:34Est-ce que le vin, ça m'aide ?
16:35Oui, ça m'aide, parce que ça me permet de sortir un peu du golf.
16:40En fonction d'où je vais.
16:43J'essaie d'aller visiter s'ils font du vin pas loin du golf ou s'il y a une écave à vin.
16:49Où est-ce qu'on était ?
16:50On était à Johannesburg, avec Antoine Rosner, qui aime bien le vin aussi.
16:54On était dans un bar à vin le soir.
16:55Il y a des super références.
16:56On n'en boit pas beaucoup, mais on boit un verre ou deux un mardi.
16:59Pour goûter, quoi.
17:00Pour goûter et pour s'échapper un peu du golf.
17:05Ça, c'est kiffant.
17:06Moi, j'aime bien.
17:07Ça coupe complet.
17:09Tu parlais de « je n'étais pas forcément le joueur qui avait le plus de talent » ou quoi que ce soit.
17:14Quand tu voyais les autres joueurs de ta génération, comme Antoine Rosner, comme Robin Roussel,
17:20comme Romain Langas, peut-être un peu avant.
17:22Est-ce que tu te disais « on ne fait pas le même sport » ou non ?
17:28Non, parce qu'on a tous des chemins différents.
17:32Vraiment, ma génération, c'est plus Perez, Pavon, Brun, Barjon.
17:37Donc, il y avait des mecs qui étaient forcément très bons jeunes, mais qui sont un peu perdus.
17:41Un mec comme Antoine Rosner est pareil.
17:43Il a été jouer aux Etats-Unis, mais je ne pense pas que dans sa tête, il allait gagner trois fois sur le tour.
17:47Ça s'est un peu débloqué un peu plus tard.
17:51Robin, c'était pareil.
17:54Chacun son chemin.
17:55Romain Langas, bon, lui, clairement, on sent qu'il a la main.
18:00Depuis le gamin, il a joué au golf, il tapait déjà dans une balle alors qu'il ne savait à peine marcher.
18:05Moi, j'ai commencé le golf à 11 ans.
18:07J'ai fait plein de choses avant.
18:09Ce n'est pas le même profil.
18:11Donc, j'ai toujours vu que j'avais un potentiel au niveau de la frappe de balle.
18:16J'étais capable de faire plein de choses.
18:18Mais plus la tête qui était peut-être un peu en retard en me disant…
18:23Pas à fond dans le projet en fait.
18:25Non, pas dans le projet, mais pas non plus à y croire foncièrement.
18:27En me disant, regardez les mecs à la télé, ça me paraît un peu intouchable.
18:32Et ça, ça a pris du temps à déconstruire et à remettre les choses dans le bon sens.
18:36Tu as la même génération, tu dis l'exemple de Mathieu Pavon.
18:39Quand on voit son ascension, comment tu le vois ?
18:44Moi, j'adore parce qu'avec Math, on a des histoires.
18:49Avec Mathieu, on s'entend très bien.
18:51On est très bons potes depuis longtemps.
18:52On est à peu près de la même région.
18:53On jouait des grands prix ensemble.
18:54On a fait des tournois, des internationaux ensemble.
18:58Mathieu, il a toujours eu comme moi un gros potentiel.
19:01Gaillard, taper fort la balle, mais jamais percé amateur.
19:04Le système était en faisant.
19:06On ne l'a jamais donné non plus.
19:09On n'a jamais vraiment cru en lui.
19:10En tout cas, la FED a jamais vraiment cru en lui.
19:12Et ça ne l'a pas empêché de poursuivre dans le privé, à créer son staff, à avancer,
19:16à avoir accès à Benoît et à bosser comme ça.
19:19Il s'est bien entouré.
19:20Il a continué à bosser.
19:21Et puis maintenant, on voit sa réussite.
19:24C'est ça que j'aime dans le golf, c'est qu'il n'y a pas une seule trajectoire.
19:28Et même si je ne serais jamais top 50 mondial, Mathieu, maintenant, il est 20 et quelques
19:34et il continue de progresser.
19:36En fait, il n'y a pas de règle.
19:37Peut-être qu'à Genouard mondial, non.
19:40Numéro 10 mondial, c'est compliqué.
19:42Mais en fait, il y a de la place pour d'autres places.
19:44Et il y a plein d'objectifs à atteindre.
19:47Et chacun a son rythme, j'ai envie de dire.
19:49Tu as quoi comme souvenirs de tournois avec lui ?
19:50Tu disais, j'ai plein de souvenirs.
19:53J'en ai un, j'en ai reparlé avec lui à Singapour.
19:55On s'est dit, tu as fait du chemin.
19:57Depuis, on était parti faire le Saint-André aux Instrophies.
20:01Moi, j'avais ma 206.
20:03Je me souviens, j'avais la 206.
20:04J'étais parti d'Angoulême.
20:05Je l'avais récupéré à l'aéroport à Paris.
20:06Lui revenait, je ne sais pas où, peut-être des Etats-Unis.
20:08Il a été voir Thomas.
20:09C'était un amateur.
20:10Amateur, tout ça.
20:11Saint-André aux Instrophies, amateur.
20:12Il avait perdu son portefeuille.
20:14Moi, j'arrive.
20:15Donc là, je paye tous les frais.
20:16Tous les frais avec une carte de 20 valets.
20:18Limité.
20:19On prend le ferry.
20:21On monte.
20:22Saint-André, c'est quand même le nord.
20:23C'est l'Ecosse.
20:25Avant Saint-André, ma carte bloquée.
20:27Donc là, je prends ma carte de débit canadien.
20:29Il me restait quelques dollars de la fac.
20:31Je retire encore quelques pains.
20:33Et là, on arrive à Saint-André.
20:35Il nous reste 15 pains en poche.
20:38On prend un Subway ou deux Subways.
20:40On partage ça.
20:41On attend un autre pote qui arrive.
20:42Et je lui avais dit, prends du liquide.
20:43Je n'ai plus un rond.
20:44Je suis sur la paille pour la semaine.
20:45Donc, l'histoire, elle est sympa.
20:47Parce que je me souviens, je suis garé sur une plage.
20:49Je n'avais pas fait gaffe.
20:50J'ai pris une prune.
20:51Enfin, voilà.
20:52Tu sais, les trucs, quand tu arrives,
20:53rouler de l'autre côté.
20:55Enfin bref, tout ça, c'était…
20:57Et on avait partagé un appart qui faisait la taille d'une pièce à 4
21:00avec Mervin, Rocky, Léo et Arbem.
21:02C'était un peu le grind, tu vois.
21:04Et c'est cool de voir où on est Mathieu maintenant,
21:06où moi, j'en suis.
21:07Et voilà, on continue d'avancer.
21:09Et c'est des super souvenirs.
21:11Qui avait gagné à ce moment-là ?
21:12Ce n'est pas un de vous ?
21:13Tu rigoles ?
21:14On avait fait 4 fois miscut.
21:15On avait été boire des pommes de Guinness.
21:17Et voilà, c'était le tournoi.
21:19On était redescendus.
21:20Qui avait gagné ?
21:21Je pense…
21:22Non, ça devait être un Dan Huizing.
21:23Quelqu'un comme ça, à l'époque, je crois.
21:24D'accord.
21:27C'est en jour 2019.
21:28Tu rates la montée.
21:30Et tu vois tes potes,
21:32Rosner ou Sel,
21:34qui décrochent le ticket.
21:36Toi, ça te fait mal, cette année-là ?
21:392019, je rate la montée.
21:41Mais je suis loin, en fait.
21:42Parce que je rentre juste 45e.
21:45Donc, ce n'est pas l'année qui m'a fait le plus mal.
21:47Forcément, j'ai vu des super potes partir, monter.
21:50Et moi, je me sais surtout l'année suivante.
21:52Non, parce qu'après, il y a eu le Covid.
21:54Donc là, ça a été long.
21:56Parce que l'année suivante,
21:57on n'a pas pu jouer pour une vraie montée.
22:00L'année qui m'a fait vraiment du mal,
22:02c'est 2021,
22:04où je finis 26e.
22:07Là, dans le dur.
22:08Parce que je fais une super année.
22:10Je suis en tête à Pont-Royal.
22:12Et je finis très mal mon tournoi.
22:14Je finis par 6-6.
22:16Et je savais que ce sont des points qui allaient me manquer
22:18pour être vraiment bien placés.
22:20Et là, je me suis dit,
22:22ça fait maintenant 3-4 ans que je suis sur le challenge.
22:26Tu vois les mecs sur le tour.
22:29Et là, c'est dur.
22:30Parce que je sens que je joue mieux.
22:31Mais bon, je ne suis toujours pas.
22:33C'est un tour où il ne faut pas rester trop longtemps.
22:36C'est un tour qui fait tout pour qu'il reste longtemps.
22:39Parce que c'est comme un European Tour.
22:40Tu fais pratiquement autant de tournois.
22:41Sauf que les gains sont divisés par 6 ou 7.
22:44Ça coûte moins cher, mais ça coûte quand même.
22:48Et la perspective, c'est le tour.
22:51On en rêve tous.
22:52Mais bon, le niveau de jeu est sacrément élevé.
22:54Donc là, je me souviens, à Mallorca,
22:57on pleure à la fin.
22:59Mais bon, ça fait partie du truc.
23:00C'est de ces moments-là,
23:03on construit et on essaye d'avancer.
23:05Mais c'est vrai que ça a été dur.
23:09T'envisages arrêter le golf à un moment ?
23:21Arrêter en tout cas le...
23:22Ouais, je me dis...
23:23C'est sur le moment.
23:24C'est avec les émotions qui montent.
23:25Je me dis, putain, j'en ai marre.
23:26J'en ai marre parce que ça...
23:28Et la résignation ?
23:29Dire, je n'y arriverai pas.
23:30Je n'y arriverai pas à monter, à atteindre ce...
23:32Ce qui est dur, c'est que je sens que...
23:33Moi, j'ai l'impression que mon niveau avance.
23:34C'est ma meilleure saison à ce moment-là.
23:35Je suis une 26e.
23:36On ne sait pas assez pour monter.
23:38Mais ça reste ma meilleure saison.
23:39Donc, je trouve ça dur.
23:41D'un côté, j'ai mon côté rationnel qui est là et qui dit...
23:45Putain, t'avances, tu vois.
23:46Tu n'as jamais été aussi bon.
23:47Mais de l'autre côté, j'ai le côté vraiment...
23:49Est-ce que tu vas y arriver ?
23:51Est-ce que tu en es capable ?
23:53Et là, c'est dur.
23:55Mais après, je m'appuie sur un paquet de personnes derrière moi,
23:58un paquet de personnes qui m'aiment et qui croient en moi
24:00et qui me disent, continue, t'avances.
24:02Mon staff, ma famille, des gens auxquels je suis très proche
24:06qui me poussent aussi à calmer, à me dire, continue à bosser.
24:12Ça va finir par tourner.
24:13Tu es quelqu'un de nature « lâche-pas » quand même,
24:16qui ne va pas laisser tomber rapidement.
24:18Ça peut te caractériser, ça ?
24:19Oui, je pense.
24:21En tout cas, j'ai la chance d'avoir des soutiens à ce niveau-là,
24:27pas mal de soutiens moraux.
24:28Et je suis patient, en fait.
24:32J'arrive à être patient.
24:33Je sens que j'avance et ça me plaît.
24:34Ce n'est pas comme si c'était le bain.
24:38Ça me plaît et surtout, je sens que je progresse.
24:41Tu as le souvenir de mots, justement, d'une personne en précise
24:45qui t'ont fait tilt, genre « là, il ne faut pas que je lâche ».
24:47T'aurais raison ou non, c'est une globalité.
24:49Je n'ai pas la phrase, mais je me souviens d'un coup de téléphone
24:51avec un ami, Angoulême Lionel, qui est un ami très proche
24:54et qui me soutient depuis des années.
24:56J'ai appelé au téléphone, il n'était pas là.
24:58Il m'avait laissé, il n'y avait personne.
25:00J'étais juste avec mes coachs, pas de famille,
25:03parce qu'il fallait le laisser dans son truc,
25:05faire une bonne finale montée.
25:06Je l'appelle et il me remonte le moral.
25:10Il me dit ce qu'il faut que j'entende à ce moment-là.
25:13Il compatit et en même temps, il est lucide
25:16sur ce que j'ai produit cette année,
25:18le fait que je ne suis pas loin
25:19et le fait que je n'ai jamais aussi bien joué.
25:21Ça me fait du bien d'entendre ça.
25:23Ça doit être dur, ces moments où on a parlé tout à l'heure
25:26de ces moments de joie par équipe
25:28ou même de douleur par équipe.
25:29Là, tu te retrouves seul dans ta chambre d'hôtel.
25:31Ça doit quand même gamberger.
25:34Ce sont des moments qui doivent être durs
25:36dans la vie d'un golfeur.
25:37Ça fait partie.
25:38Pour moi, c'est un des sports les plus durs.
25:40Tu es tout seul dans tes réussites à la fin,
25:42même si tu as toute une équipe avec toi
25:44et dans tes défaites.
25:45Tu peux t'en vouloir qu'à toi-même.
25:48Si je fais 6-6 à Pont-Royal
25:52parce que je ne suis pas clair sur mon coup au 17,
25:55c'est de ma faute.
25:57Je ne peux pas me cacher derrière un coéquipier
26:00ou un mec qui a fait un tac de travers
26:02ou quand je ne suis pas en forme,
26:03je vais me mettre derrière lui.
26:04Là, c'est moi qui ne fais pas le taf
26:05et c'est moi qui me ruine mes chances de monter.
26:08C'est dur, mais en même temps, ça fait grandir.
26:13Je trouve que ça demande d'être responsable.
26:15Tu es responsable de ton projet,
26:16tu es responsable de tes échecs,
26:17tu es responsable de tes réussites.
26:19C'est aussi quelque chose qui est super gratifiant.
26:22Même s'il y a forcément une équipe derrière
26:24avec qui on bosse et qui me fait beaucoup de bien,
26:27ça demande un gros travail sur soi.
26:29C'est un discours qui est nouveau chez toi
26:31avec les expériences que tu as eues ?
26:34Oui, ce n'est pas nouveau de cette année,
26:36mais je dirais que ça fait 2-3 ans, 4 ans maintenant
26:39que je l'avais compris.
26:42Là, je le vis, je l'intègre
26:45et c'est quelque chose qui ressort
26:47dans ma personnalité de plus en plus.
26:50C'est plus facile à accepter
26:54tous les échecs et toutes les réussites
26:56sur un parcours.
26:59C'est ça.
27:18Quand tu es arrivé ici,
27:20tu as été bluffé par ce centre de petits jeux ?
27:24Pour moi, c'est le mieux.
27:26Il y a celui qui est au Natio maintenant,
27:28mais avant ça, c'était clairement
27:30le meilleur en France.
27:32Ici, il n'y a personne.
27:34Il n'y a que les joueurs d'Olivier qui ont accès
27:36et moi.
27:39Du coup, c'est canon.
27:41En plus, étant donné que j'habite ici,
27:43la plupart des mecs qui sont là
27:45ne s'entraînent pas ici.
27:47Ils ne viennent que pour voir Olivier.
27:49Quand je viens, je suis tout seul.
27:51En général, tu t'entraînes combien de temps
27:53par une journée type du gokuso ?
27:55Si je ne joue pas,
27:57je vais faire une heure et demie de practice
27:59ou deux heures,
28:01mais je taffe des balaïs par rythme pas mal.
28:03Et après, je vais faire ici
28:05deux heures et demie,
28:07plus une séance de muscu.
28:09Ce ne sont pas des grosses journées.
28:11Après, quand je vais faire une partie,
28:13je vais faire 18 roues ici ou dans les Landes.
28:15Et après, je refais une séance de muscu.
28:17Ça ressemble à ça.
28:21Tu le disais, c'est important
28:23d'avoir dans une carrière pro
28:25une carrière claire.
28:27Finalement, ce projet,
28:29en discutant avec Olivier hier,
28:31il nous a dit que ce n'était pas
28:33si ancien.
28:35Quand est-ce qu'il a vraiment émergé
28:37ce projet de dire « je veux aller dans cette direction ? »
28:39Quand j'ai commencé à travailler avec Mathieu David,
28:41ça fait un bout de temps déjà
28:43avec Mathieu, ça va faire 4 ans maintenant.
28:45Pendant le Covid, un peu juste avant le Covid,
28:47on a remis les choses…
28:49Après cet échec de 2021 ou avant ?
28:51C'était avant.
28:53Je pense que c'est 2020.
28:55Je ne me souviens pas exactement.
28:57Fin 2019, je crois.
28:59On se rencontre avec Mathieu
29:01à l'aéroport entre deux vols à Paris
29:03et on discute vraiment
29:05de mon golf
29:07mais aussi de moi en dehors du golf.
29:09À quoi sert mon golf ?
29:11Est-ce que je suis juste un joueur de golf
29:13et c'est comme un projet golf ?
29:15Ou est-ce qu'il y a aussi quelque chose
29:17qui me permet de me motiver aussi
29:19de ne pas jouer que pour les trophées ou l'argent ?
29:21Non, clairement, ce n'est pas forcément
29:23la première motivation.
29:25En tout cas, moi,
29:27c'est plus facilité à m'entraîner,
29:29à faire tout ça si je sais pourquoi
29:31je le fais en dehors.
29:33Il bouscule un peu ?
29:35Il bouscule grave parce qu'il remet
29:37un paquet de choses en perspective.
29:39Tu n'es pas juste un joueur de golf.
29:41On va lui dire
29:43« Hugo au golf, ok, mais Hugo en dehors,
29:45il fait quoi ? Il raconte quoi ?
29:47Il ne parle pas que du PGA, que des trucs qu'il connaît.
29:49» Il peut aussi s'intéresser à d'autres choses.
29:51Et ça, ça me fait du bien parce que ça me permet
29:53de prendre un peu d'air et un peu de recul
29:55sur être tout le temps la tête dans le guidon,
29:57golf, golf, golf.
29:59Et ça, ça m'a fait du bien.
30:01Et ça me fait encore plus de bien maintenant
30:03parce que ça a du sens quand on fait
30:0525-28 tournois par an, plus les semaines d'entraînement,
30:07d'arriver à couper, ne pas penser au golf
30:09et faire autre chose à côté.
30:11Ça a été forcément une clé,
30:13tes préparateurs mentaux dans ta réussite,
30:15dans ta remontée ?
30:17On fait de la préparation mentale golf,
30:19mais avant d'en arriver là,
30:21on a fait, je ne sais pas moi,
30:23deux ans de projet
30:25hors golf,
30:27vision moyen terme,
30:29revoir les objectifs, ne pas perdre
30:31ce objectif de score. On sait tous
30:33qu'un tournoi de golf, on veut le gagner toutes les semaines.
30:35Ça ne sert à rien de se dire je veux gagner mon tournoi,
30:37comment tu vas faire pour y arriver, en tout cas pour faire
30:39le mieux possible.
30:41Et ça, ça permet
30:43de prendre du recul,
30:45d'être plus accepté,
30:47d'être plus détente aussi,
30:49de ne pas avoir cette espèce de boule au ventre
30:51avant chaque départ du 1,
30:53d'être vraiment tendu la veille pour mal dormir.
30:55Tu l'as eu cette sensation ?
30:57Je l'ai eu tellement fort,
30:59au point où tu te dis je ne prends aucun plaisir
31:01à aller faire un tournoi parce que la veille,
31:03je suis en train de me projeter sur toutes les conneries
31:05que je vais pouvoir faire. Le matin,
31:07je vais avoir mal au bide avant d'aller jouer.
31:09Quand est-ce que je vais merder ?
31:11Tout ce truc. Et là, tu te dis ce n'est pas possible
31:13C'est là où j'en avais
31:15marre, où c'était fatiguant mentalement.
31:17Maintenant, c'est
31:19tranquille. J'accepte
31:21le résultat, j'accepte les bons
31:23coups, les mauvais coups. Après,
31:25ça ne veut pas dire que j'accepte tout.
31:27Je sais que j'ai des fondamentaux sur lesquels
31:29il faut que je sois super concentré pour
31:31réussir. Et moi, je me
31:33concentre là-dessus. Et après, la question, c'est est-ce que j'ai
31:35réussi à le tenir à 18 trous, à 36,
31:3754, 72 ou pas ?
31:39Et après, comment on fait pour y arriver ?
31:41On avance tranquillement là-dessus.
31:43Tu relativises plus ta vie finalement ?
31:45Bien sûr.
31:47C'est quelque chose qui ne parle pas
31:49forcément à tous les amateurs
31:51qui regardent la télé, qui nous suivent toutes les
31:53semaines, mais ça reste un boulot
31:55pour nous. Il y a le côté
31:57passion parce qu'on l'a.
31:59Moi, pour en arriver là, je suis un passionné de golf.
32:01Mais si je vis que de mon côté passion,
32:03je mets trop d'émotions sur le parcours,
32:05je mets trop d'émotions sur un bon tournoi,
32:07un mauvais tournoi, une semaine d'entraînement,
32:09j'ai trop. Et en fait, je me brûle.
32:11Je me brûle mentalement, je me brûle
32:13physiquement.
32:15Et moi, j'essaye de mettre
32:17un peu plus de
32:19froideur, un petit peu, mais
32:21d'essayer d'avoir pas moins d'émotions parce qu'il en faut,
32:23mais en tout cas d'être plus calme,
32:25d'accepter plus ce qui se passe, de
32:27voir ça sur du moyen terme, sur un processus que
32:29je mets en place et
32:31une analyse un peu plus
32:33binaire,
32:35mettre moins d'émotions dans le truc.
32:37Quand t'es deuxième au Qatar et que
32:39tu joues la gagne, ça doit être compliqué
32:41d'enlever cette part d'émotion
32:43et de se dire que c'est juste
32:45un boulot. Dans cette position-là,
32:47c'est un boulot ou c'est une passion ?
32:49C'est les deux ? Qu'est-ce qui ressort en premier ?
32:51Ou c'est un rêve ?
32:53Il y a un peu de tout ça, mais sur le parcours,
32:55si je me laisse guider par
32:57la passion, le rêve,
32:59le gamin, le petit
33:01Hugo qui adore et qui regarde ça,
33:03je me perds en fait parce que
33:05je me laissais haper par la taille de l'événement.
33:07Je me dis que t'es sur un open tour,
33:09t'es en tête de temps en temps, t'as failli gagner le truc,
33:11t'arrives au 18, t'as un coup pour aller chercher,
33:13le gamin, il te dirait
33:15« Vas-y, tape le voie 3 ! »
33:17Et moi, je suis là, et avec Seb
33:19et avec mon cadet, on a le côté
33:21rationnel, logique, où je me dis
33:23« Ok, attends, pose Hugo, t'es là,
33:25il y a deux coups d'avance, le coup que t'as
33:27à taper, tu peux pas vraiment y aller
33:29au drapeau, si tu tires le
33:31meilleur coup possible, tu vas être là, tu vas pas forcément
33:33faire birdie, encore moins les gueules, mais en même temps
33:35t'es monté sur le tour, t'as une saison
33:37à tenir, t'as une carte à garder,
33:39tu peux aussi faire birdie et faire le golf,
33:41il s'en passe les choses, c'est pas comme si c'était écrit
33:43« On arrive avec deux coups d'avance, on est les gagnés »
33:45Il y en a combien de mecs qui ont perdu un tournoi avec deux coups d'avance ?
33:47Et là, le côté rationnel, il me fait dire
33:49« Ok, on est bien,
33:51on assure, donne-toi une chance de faire birdie,
33:53tu peux être bien, tu watches bien »
33:55Et là, je fais le taf,
33:57ça va pas tourner, je perds d'un coup,
33:59mais bon, je gagne une seconde place tout seul.
34:01Il se laisse 1m20, 1m40,
34:03il prend le bord du trou, il rentre,
34:05il fait la virgule et on repart sur un playoff.
34:07Il y aura d'autres chances.
34:09Il n'y a pas un moment où tu te dis,
34:11ou après coup, si j'avais tenté le coup ?
34:13Ouais, bien sûr.
34:15Je me dis si j'avais, si,
34:17le coup, mais sur le moment,
34:19je suis assez lucide pour m'écouter et dire
34:21« Ok, aujourd'hui, j'ai pas si bien tapé la balle
34:23que ça, j'ai pas pris une balle dans le centre,
34:25là j'ai un coup compliqué qui ne parle pas du tout
34:27aujourd'hui, il faut que je tire un draw,
34:29je prends en compte de la gauche, de l'eau à gauche,
34:31un plein coup de bois 3,
34:33j'ai pas un like qui me permet de faire forcément ce coup-là. »
34:35Je me dis, bon,
34:37ce coup, il est vraiment dur.
34:39Et pour le coup, le risk-reward, ok, je peux gagner un tournoi,
34:41ça peut arriver, mais c'est quoi les chances
34:43de faire 3 et que le mec ne fasse pas birdie,
34:45on n'en sait rien. Et par contre, la balle dans l'eau,
34:47elle me coûte lourd.
34:49Et je pense que ce côté rationnel
34:51un peu moins passionnel,
34:53il fait que ça fait un bon tournoi de golf.
34:55Alors,
34:57le côté passion, il faut l'avoir.
34:59C'est ça qui nous fait élever les matins aussi.
35:01Mais dans ce métier, c'est comme tout.
35:03À un moment donné, il faut savoir
35:05rentrer une vitesse quand on n'est pas bien,
35:07il ne faut pas se mentir.
35:09Et ça, ça fait partie du boulot en étant pro.
35:11C'est pour ça que les mecs sont bons et plus réguliers aussi.
35:13Le côté passionnel,
35:15tu te mens un peu. Tu te dis que tu es trop dans l'optimisme.
35:17« Ça va passer, je vais y arriver. »
35:19Et oui, mais de temps en temps, ça ne passe pas.
35:21C'est plus quand on est amateur qu'on a ce côté passionnel ?
35:23Complètement. Les gros écarts de score,
35:25les mecs qui tentent des coups qu'ils ne savent pas vraiment faire.
35:27Je veux dire, un bon joueur, un bon pro,
35:29il y a un paquet de coups qu'on ne sait pas forcément faire.
35:31Il y a des jours où on les a tous, il y a des jours où on ne les a pas tous.
35:33Alors quand tu ne les as pas, tu ne les fais pas.
35:35C'est moins joli à regarder.
35:37Même pour nous, c'est moins sympa à jouer.
35:39Tu ne tires pas les vagues au tendreau, le drive
35:41à 120% de ton potentiel.
35:43Non, tu vas faire un petit ballon fade.
35:45Tu prends un fairway, tu prends un milieu green, tu prends ton deux potes.
35:47Ok, tu n'as pas fait moins 7, mais tu as fait moins 1, moins 2.
35:49Et tu es encore là.
35:51C'est quelque chose qu'on doit apprendre sur le tour.
35:53Enfin, sur tous les tours en étant pro.
35:55Parce que sinon, tu te fais vite décrocher.
35:57Et quand tu as une journée moyenne, tu perds des trucs.
35:59Tu prends un bouillon.
36:01Ça, c'est la prépa mentale qui t'a aussi aidé à faire ?
36:03C'est la prépa mentale.
36:05C'est l'expérience.
36:07C'est jouer avec des joueurs
36:09qui sont des meilleurs joueurs
36:11de plus en plus souvent.
36:13C'est observer, c'est écouter.
36:15C'est l'expérience.
36:17C'est un sport qui demande
36:19l'expérience.
36:273, 2, 1.
36:33Quand je drive bien,
36:35tout de suite,
36:37je joue plutôt bas parce que j'ai plein d'opportunités
36:39de faire des birdies.
36:41Tu es dans la moyenne haute du tour.
36:43C'est quoi tes distances
36:45avec le drive ?
36:47Avec le drive,
36:49je suis autour, dans les bonnes conditions,
36:51à 270-272 mètres de carré.
36:55Après, ça peut rouler un peu plus.
36:57On fait vite
36:59290-300.
37:01Tu as toujours eu cette
37:03facilité ?
37:05Ça a toujours été un point fort ?
37:07Je suis toujours tapé relativement fort.
37:11Depuis un an ou deux ans,
37:13c'est encore plus et encore mieux.
37:15Je suis peut-être
37:17moins vif
37:19parce que je prends un peu d'âge,
37:21mais je ne suis plus juste
37:23au niveau technique.
37:25Je gagne en vitesse.
37:29Est-ce que tu travailles tout le temps
37:31au driving ?
37:33Je travaille au driving pour être à l'aise.
37:37Déjà, de la taper droite.
37:39Si on tape fort mais qu'on ne prend pas trop de fairway,
37:41qu'on est vite dans les buissons, ça ne va pas non plus.
37:43Je me concentre là-dessus
37:45et je mets toujours un peu
37:47d'exercice de vitesse pour essayer
37:49d'aller gratter quelques mailles.
37:51Ta trajectoire naturelle ?
37:53C'est le draw.
37:55C'est quelque chose que je recherche.
37:57Parfait pour Augusta ?
37:59Oui, je suis prêt.
38:05Tu avais des idoles quand tu étais plus jeune ?
38:07Je n'ai jamais été vraiment
38:09idole. Je kiffe forcément Tiger Woods,
38:11je me souviens.
38:13Mais encore une fois,
38:15je ne sais pas si c'est mon côté trop rationnel
38:17qui fait que les idoles,
38:19c'est intouchable.
38:21Je n'ai jamais utilisé un mec qui me disait
38:23« je vais faire comme lui aussi »,
38:25parce que pour moi, c'était des mecs à la télé,
38:27c'est quelque chose qui n'arrive qu'aux autres.
38:29Direlle ?
38:31Oui.
38:33C'était un rêve un peu,
38:35mais pas vraiment touchable.
38:37Je me trouvais pas très bon
38:39dans les classements nationaux.
38:41En fait,
38:43il faut juste bien bosser.
38:45Il y a de la place dans ce sport.
38:47Donc, des idoles,
38:49pas vraiment.
38:51Des mecs avec qui tu aurais bien voulu jouer ?
38:53Tiger.
38:55Tiger, il y a quelques années quand même.
38:57Maintenant, il est très cool,
38:59mais Tiger, à l'époque, il était monstrueux.
39:01Tiger des années 2000, 2006.
39:05Demain, on te dit que tu joues avec Tiger,
39:07tu refuses ?
39:09Non, j'y vais, et j'aurais bien aimé.
39:11Moi, ce qui m'intéresse, c'est voir les champions d'avant.
39:13Les Palmer, les Nicklaus,
39:15tout ce qu'ils arrivaient à faire
39:17avec leurs matos.
39:19Je serais curieux de voir ce qu'ils peuvent faire
39:21comme on joue maintenant.
39:23Pour toi, c'était plus dur avant ?
39:25Non, c'était beaucoup moins dur avant, pour moi.
39:27Ça va pas plaire à Paton,
39:29mais c'était beaucoup moins dur avant.
39:31Le changeur était beaucoup plus petit,
39:33le niveau moyen était vraiment moins bon.
39:35De toute façon, tu le vois dans les scores.
39:37Même si le matos cède, les scores étaient...
39:39Il y avait moins de rivalité, peut-être.
39:41Oui, et puis les mecs jouaient juste moins bien.
39:43Et puis parce que c'était beaucoup plus aléatoire.
39:45Les grains étaient plus hauts, ils ne roulaient à rien,
39:47ils sautaient dans tous les sens.
39:49Les règles étaient compliquées, on ne les plaçait jamais.
39:51Ils jouaient avec des petites balles.
39:53Ça n'a rien à voir.
39:55Maintenant, tout est fait pour que ce soit de la performance.
39:57Par contre, les joueurs font tout pour qu'ils soient performants aussi.
39:59C'est comme tout.
40:01Ça avance.
40:03Quand tu montais sur le tour,
40:05tu la vis comme une revanche,
40:07un ouf de soulagement ?
40:09C'est quoi le côté dire
40:11« Enfin, j'y suis ! »
40:13Oui, enfin, c'est sûr.
40:15Mais je la vis comme un passage,
40:17comme ça fait partie du process.
40:19C'est quelque chose que j'attendais depuis longtemps.
40:21Mais bon, ça reste du sport.
40:23C'est quelque chose qui peut ne jamais arriver.
40:25Tu as un paquet de mecs qui bossent comme des cons.
40:27À qui c'est arrivé ?
40:29Les mecs qui sont montés une année et qui sont redescendus.
40:31Le boulot ne s'arrête pas là.
40:33Une fois que tu es monté, il faut garder sa carte.
40:35Il faut continuer à construire, être de plus en plus solide.
40:37Tu vois les progressions,
40:39les mecs qui descendent dans les rankings.
40:41Il y a toujours ça en tête.
40:43C'est un sport. On sait d'aider.
40:45À part quand tu as gagné un majeur,
40:47tu as fait une Ryder Cup.
40:49Quand on est là, tu peux te dire « Ok, je peux me défendre un peu. »
40:51Mais quand tu es un joueur lambda
40:53comme moi du tour européen,
40:55maintenant, il faut continuer à grinder.
40:57Il faut continuer à aller jouer toutes les semaines,
40:59gagner des points,
41:01jusqu'à taper une victoire,
41:03peut-être monter sur le PGA,
41:05passer l'étape supérieure du joueur de golf
41:07quand tu as un peu plus de sécurité.
41:09Mais moi, pour l'instant,
41:11j'ai gagné encore un CD l'an prochain.
41:13C'est sûr que j'ai du golf.
41:15J'ai ma KT Tour pour l'an prochain.
41:17Après, on verra.
41:19Mais je ne peux pas te dire dans 4 ans où je serai.
41:21Je pense, j'espère
41:23que ce que j'ai construit me permettra de rester là
41:25et de continuer à avancer.
41:27Il ne faut pas se relever.
41:29Sinon, il y en a d'autres qui vont prendre ta place.
41:49Merci beaucoup à Hugo Cousseau pour cet entretien.
41:51C'est déjà la fin de cette émission.
41:53Merci beaucoup de l'avoir suivi.
41:55Je vous dis à la semaine prochaine. Salut !