L’accord de Paris sur le climat célèbre cette année son dixième anniversaire. Le 12 décembre 2015, la quasi-totalité des pays du monde s’accordait, pour la première fois, sur un double objectif chiffré pour lutter contre le réchauffement planétaire. Le premier consistait à mobiliser des financements – 100 milliards/an à partir de 2020 – à destination des pays les moins développés, pour accélérer leur transition et renforcer leurs efforts d’adaptation. Le second, plus célèbre, visait à limiter l’augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2°C, idéalement à 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriel.
Avec cet accord, la communauté internationale entrait dans une ère de coopération inédite. Auparavant, toutes les parties étaient engagées dans le protocole de Kyoto, adopté en 1997, qui n’imposait des réductions d'émissions qu’aux pays historiquement responsables du réchauffement. Depuis 2015, tous les pays sont appelés à contribuer en fonction de leurs responsabilités, en soumettant des engagements volontaires qui sont ensuite évalués et, si nécessaire, renforcés tous les cinq ans.
Nous y voilà. La COP30, qui aura lieu du 10 au 21 novembre 2025 à Belém (Brésil), ouvre la troisième période quinquennale de l’accord de Paris. Et tous les pays signataires doivent d’ores et déjà remettre leur feuille de route climatique.
Mais le compte n’y est pas. Les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais cessé d’augmenter. L’annonce de Donald Trump de sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris, rendant obsolètes les engagements pris par son prédécesseur, casse quelque peu l’ambiance sur le front de la lutte contre le changement climatique. Et le record de température mondiale battu en 2024, avec une moyenne de réchauffement qui atteint 1,55°C (Organisation météorologique mondiale), ne risque pas de remotiver les troupes.
Faut-il alors considérer comme caduc l’objectif de température de l’accord de Paris ? Quel pourrait être l’impact psychologique et diplomatique de son dépassement ? Existe-t-il des motifs d’espoir pour encourager et intensifier les politiques climatiques ? Nous avons interrogé Patrice Geoffron, professeur à l’Université Paris Dauphine et directeur du Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières (CGEMP).
Avec cet accord, la communauté internationale entrait dans une ère de coopération inédite. Auparavant, toutes les parties étaient engagées dans le protocole de Kyoto, adopté en 1997, qui n’imposait des réductions d'émissions qu’aux pays historiquement responsables du réchauffement. Depuis 2015, tous les pays sont appelés à contribuer en fonction de leurs responsabilités, en soumettant des engagements volontaires qui sont ensuite évalués et, si nécessaire, renforcés tous les cinq ans.
Nous y voilà. La COP30, qui aura lieu du 10 au 21 novembre 2025 à Belém (Brésil), ouvre la troisième période quinquennale de l’accord de Paris. Et tous les pays signataires doivent d’ores et déjà remettre leur feuille de route climatique.
Mais le compte n’y est pas. Les émissions de gaz à effet de serre n’ont jamais cessé d’augmenter. L’annonce de Donald Trump de sortir les Etats-Unis de l’accord de Paris, rendant obsolètes les engagements pris par son prédécesseur, casse quelque peu l’ambiance sur le front de la lutte contre le changement climatique. Et le record de température mondiale battu en 2024, avec une moyenne de réchauffement qui atteint 1,55°C (Organisation météorologique mondiale), ne risque pas de remotiver les troupes.
Faut-il alors considérer comme caduc l’objectif de température de l’accord de Paris ? Quel pourrait être l’impact psychologique et diplomatique de son dépassement ? Existe-t-il des motifs d’espoir pour encourager et intensifier les politiques climatiques ? Nous avons interrogé Patrice Geoffron, professeur à l’Université Paris Dauphine et directeur du Centre de Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières (CGEMP).
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00:00Je regarde la salle, je vois que la réaction est positive,
00:04je n'entends pas d'objection.
00:05L'accord de Paris pour le climat est accepté.
00:11Un moment historique qui fêtera ses 10 ans cette année.
00:15Pour la première fois, presque tous les pays du monde
00:18s'accordaient sur un objectif chiffré pour lutter contre le changement climatique.
00:23Mais ce qu'on ignorait encore, c'est que loin de baisser,
00:26les émissions de gaz à effet de serre allaient continuer d'augmenter.
00:30L'année dernière a été l'année la plus chaude jamais enregistrée
00:34au niveau mondial depuis 1850,
00:40dépassant l'objectif emblématique d'1,5 degré de l'accord de Paris.
00:44Ça ne signifie pas pour autant que l'accord est caduque
00:47et que tous les efforts doivent cesser.
00:48Chaque dixième de degré aura un impact sur certaines zones du monde, par exemple.
00:53Pour créer de l'instabilité, en créant des migrations, en créant peut-être des conflits.
00:56Et même si la trajectoire est mauvaise,
00:58mathématiquement, le 1,5 degré reste toujours atteignable.
01:03La somme des technologies qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre
01:07dans le transport, dans l'énergie, dans le bâtiment, dans l'industrie, dans l'agriculture,
01:11si on devait déployer ces technologies, eh bien, on peut encore rejoindre le 1,5 degré.
01:17Avant l'accord de Paris, l'économie de l'Atlantique
01:20Avant l'accord de Paris, toutes les parties étaient engagées dans le protocole de Kyoto,
01:23qui ne demandait qu'aux États qui étaient historiquement responsables du changement climatique
01:28de réduire leurs émissions.
01:29À partir de l'accord de Paris, tout le monde est appelé à contribuer.
01:33On est dans une logique qui doit conduire à plus de coopération.
01:36Donc, on n'a plus d'obligation, on a des engagements volontaires.
01:39Ces engagements volontaires, on les évalue par période de cinq ans
01:42et on est censé les remettre à jour et les améliorer à ce moment-là.
01:45Les plus gros pays de l'Atlantique sont les Etats-Unis.
01:49Les plus gros émetteurs historiques, comme les Etats-Unis ou l'Europe,
01:52sont aussi censés financer la transition dans les pays du Sud.
01:55Ces financements étaient censés atteindre 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.
02:01On a été en retard et c'est un niveau qu'on a atteint plutôt en 2022-2023
02:05et monté ensuite significativement à partir de 2025.
02:09Et c'est tout l'enjeu de la COP 29 et de la COP 30 qui est à venir,
02:12de définir le nouveau cadre de financement et les nouvelles ambitions.
02:16Mais surtout, l'accord de Paris introduit une cible claire en termes climatiques,
02:20maintenir l'élévation de température bien en dessous de 2 degrés
02:24et si possible sous 1,5 degré.
02:27Ça apparaît en particulier sous la pression d'un groupement de pays.
02:30Ce sont des pays plutôt fragiles et notamment des pays liens.
02:32Ceux qui ont vocation malheureusement à disparaître
02:35et qui sont au milieu du Pacifique notamment ne sont pas les seuls.
02:38Et cette fragilité fait que pour eux, pour nous tous,
02:41mais pour eux tout particulièrement, chaque dixième de degré va compter.
02:44Il y a une différence béante entre 1,5 et 2 degrés.
02:47Et donc c'est ce point essentiel de l'accord de Paris
02:50qui fait que dans le débat, on a installé cette nouvelle référence à 1,5 degré
02:54et nous flirtons désormais avec ce 1,5 degré.
02:57Ce qui conduit à ouvrir un débat plus encore sur l'efficacité de l'accord de Paris
03:02et la possibilité d'atteindre ou de ne pas trop s'éloigner de ses objectifs.
03:07Le réchauffement planétaire est aujourd'hui mesuré avec des outils robustes
03:10combinant observation et modélisation.
03:13On a beaucoup plus de moyens aujourd'hui, notamment de moyens satellitaires
03:17pour avoir d'une part une observation assez précise des émissions
03:20et puis par ailleurs une observation bien plus précise que ça n'était le cas auparavant
03:24concernant la dérive de la température.
03:28En 2024, la température mondiale a pour la première fois dépassé 1,5 degré de réchauffement.
03:34Mais ça ne suffit pas pour autant à invalider l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris.
03:38Les scientifiques dans ce domaine, et je n'en suis pas parce que je suis économiste,
03:42ont établi que pour se garantir que nous avons franchi un seuil,
03:47on ne peut pas le faire uniquement sur la base d'une année.
03:50Il faut plusieurs années d'observation, notamment parce que pour une année donnée,
03:55on peut avoir des perturbations, notamment liées à l'activité volcanique,
03:59qui peut avoir une incidence sur la variation de la température.
04:02Il est donc important de rester prudent face à la grande variabilité du climat.
04:07Même s'il y a bien longtemps que la tendance, elle ne souffre plus d'aucune ambiguïté.
04:11Il est certain que la température monte.
04:13Qu'elle monte tout particulièrement et très fortement depuis la fin du siècle dernier,
04:17depuis 1990, qui d'ailleurs correspond aussi à la chute du mur de Berlin,
04:21au déploiement de la globalisation.
04:23Donc il y a également une corrélation avec cette accélération des activités humaines.
04:27Et donc tous ces éléments font qu'aujourd'hui, finalement,
04:31il n'y a pas de doute qu'on n'est pas très loin d'un degré et demi.
04:34Mais il n'y a pas de doute cependant, et c'est un point qui est absolument essentiel,
04:37que même si nous devions dépasser, ce qui est assez plausible, ce degré et demi,
04:41il faudrait continuer à se battre.
04:43Enfin, je ne sais pas comment le dire, mais avec les dents.
04:45Il ne faudrait pas que nous soyons impressionnés par cette perspective
04:49d'être désormais à proximité d'un degré et demi
04:52et que nous concluions à partir de là que l'action climatique est un échec
04:56et que l'accord de Paris est un échec.
04:59Le budget carbone restant pour limiter le réchauffement à 1,5 degré
05:03est d'environ 200 gigatonnes de CO2,
05:06soit 4 ans d'émission au rythme actuel.
05:09Et même si tous les pays respectaient leurs engagements,
05:12les projections prévoient un réchauffement bien supérieur d'ici la fin du siècle.
05:16Ça nous conduirait vers une dérive du climat qui pourrait tendre vers 3 degrés.
05:21Donc très, très au-delà de l'accord de Paris.
05:23Donc un monde évidemment tout différent du monde actuel.
05:26Il faut quand même noter que l'accord de Paris a permis d'éviter le pire.
05:30Mais les efforts restent largement insuffisants
05:33et les impacts du réchauffement,
05:34qui étaient initialement attendus pour la seconde moitié du siècle,
05:37sont déjà bien visibles aujourd'hui.
05:39Ce que disent les recherches scientifiques à l'heure actuelle,
05:41c'est que l'horizon s'est rapproché
05:42et que des phénomènes qu'on imaginait devoir rencontrer
05:46dans la deuxième partie du siècle,
05:48eh bien on va devoir s'y confronter.
05:49On s'y confronte pour certains d'ores et déjà,
05:52qu'ont fait les feux en Californie, par exemple,
05:54qui ont été précédés il y a assez peu de temps,
05:56deux, trois ans, par des feux massifs au Canada.
05:59De plus, ces prévisions ne tiennent pas compte des bouleversements politiques,
06:03comme par exemple le retour d'un climato-sceptique à la Maison-Blanche.
06:06Évidemment, c'est très problématique en termes de signal,
06:09et ça l'est notamment parce qu'on a la garantie
06:11que l'État fédéral ne contribuera pas
06:14aux financements qui vont être au cœur
06:16de la prochaine phase de mise en œuvre de l'Accord de Paris.
06:19Il faut augmenter sensiblement les financements
06:21schématiquement du nord au sud,
06:22et donc il n'y aura pas un dollar de l'État fédéral.
06:25En revanche, ça ne sera pas nécessairement le cas des États locaux,
06:29et notamment des États démocrates,
06:31qui auront la possibilité de contribuer à ces financements,
06:34ou de certaines grandes collectivités,
06:35notamment des grandes villes aux États-Unis ou des entreprises.
06:39Il paraît donc peu probable que le monde parvienne à stabiliser
06:42le réchauffement au niveau de l'année 2024.
06:46Néanmoins, ces dix dernières années,
06:47beaucoup de progrès ont été accomplis dans des domaines
06:50comme l'énergie ou les transports pour accélérer la décarbonation.
06:54Et leur adoption dans nos vies quotidiennes dépend désormais
06:57tout autant de logiques économiques que d'une volonté politique.
07:00Évidemment, le ton tout à fait martial et la détermination,
07:04le cynisme d'ailleurs, dont font preuve Donald Trump,
07:06en tout cas les gens qui l'entourent,
07:07à l'encontre du climat, est assez nauséabond, disons-le.
07:10Mais de fait, l'état des technologies décarbonées,
07:14qui sont très directement en concurrence avec les énergies fossiles,
07:17n'est plus du tout ce qu'il était au moment de sa première élection.
07:21Et c'est un point d'attention qui me paraît tout à fait important
07:24et un point d'espoir.
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