Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, était l’invité du Face à Face de ce vendredi 14 mars pour évoquer les négociations autour d'une trêve en Ukraine.
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00:00Et bonjour Hubert Védrine, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions, vous êtes l'ancien ministre des affaires étrangères bien sûr,
00:06et vous continuez à écrire, à analyser ce qu'il se passe dans le monde, votre dernier livre s'appelle le nouveau dictionnaire amoureux de la géopolitique.
00:15On va revenir évidemment sur ce qu'il se joue en ce moment même, États-Unis, Europe, Russie, Chine, Russie évidemment avec ce cessez-le-feu
00:24auquel Vladimir Poutine répond en quelque sorte oui mais, nous sommes d'accord avec les propositions visant à mettre fin aux hostilités a-t-il déclaré hier soir,
00:33mais nous partons du principe que cette trêve doit conduire à une paix durable pour s'attaquer aux causes profondes de cette crise. Ça veut dire quoi ?
00:44Ça veut dire qu'on entre dans le dur là. D'abord c'est pas le jeu Europe, États-Unis, Chine, etc. C'est États-Unis, Russie.
00:53C'est tout ?
00:54Non, pour le moment, c'est tout. On sait que Trump il l'a annoncé à l'avance. Il veut mettre fin à cette guerre. Il est concentré d'abord sur son égo et ses projets personnels, financiers,
01:05et d'autre part, América numéro 1, et d'autre part se débarrasser du conflit en Ukraine. Il ne peut pas le faire dans les pires conditions.
01:13Il est obligé de gérer l'image que ça va donner pour lui aux États-Unis et sous le regard de la Chine. Et c'est lui qui joue en fait.
01:19Il a annoncé, il voulait arrêter. Donc vous avez vu comment il menace, et puis il recule, et puis il remenace. Donc il a amené Zelensky, qui est courageux et honorable,
01:28mais souvent plus réaliste que ses soutiens, en en ramenant un. Zelensky, il est obligé, il est à côté, d'accepter la trêve dans des conditions qu'il juge mauvaises.
01:36Mais enfin, il n'y a pas choix. Et après, on tombe sur le début de la vraie négociation. Si on peut l'appeler négociation, en fait, elle commence maintenant.
01:44Et alors que va dire Poutine ? On ne sait pas en fait. Même Trump ne sait pas. Est-ce que Poutine va se contenter de dire qu'il a gagné parce qu'il garderait le Donbass et la Crimée ?
01:53Il y a plus de trois petits trucs. Ou est-ce qu'il faudra plus ? On ne sait pas en fait, on ne sait pas. Mais Trump ne peut pas laisser non plus, disons, Poutine empêcher n'importe quoi.
02:03Donc c'est là, on est exactement dans le début du moment meilleur des rebondissements. On ne va pas conclure à la minute, ni aujourd'hui.
02:09Mais c'est évidemment du temps gagné aussi pour Vladimir Poutine, parce que pendant ce temps-là, sur le terrain, à Courses, notamment, il y a à nouveau des victoires russes.
02:17Il a plus intérêt à attendre quelques jours. Est-ce qu'il joue la montre ?
02:20On verra. Non, il joue la montre depuis le début. Il attend les États-Unis depuis le début. Il y a le débat historique, mais pas historique, mais pas politique aujourd'hui,
02:28sur est-ce qu'il ne fallait pas traiter autrement la question russo-ukrainienne. Mais pas maintenant, dans les 10 à 15 années après la fin de l'URSS au début de la Russie.
02:35C'était la vie ancienne de Kissinger, Brzezinski et compagnie, mais là, on est dans un autre monde.
02:39Donc, personne ne va empêcher Trump d'arrêter le conflit. Il va arrêter le soutien à l'Ukraine.
02:45Personne ne va l'empêcher d'imposer, je n'ose même pas appeler ça cesser le feu, faut que je sois d'accord, un arrêt des combats.
02:51Est-ce que ça veut dire...
02:52C'est quoi la différence, pardon, entre arrêt des combats et cesser le feu, Hubert Védrine ?
02:55Cesser le feu, ça supposerait un accord de part et d'autre. Un vrai accord mutuel. On arrête les combats.
03:00Après, il y a la négociation d'un accord de paix. C'est encore autre chose. Et donc, on ne sait pas jusqu'où va aller Poutine.
03:05Est-ce qu'il va se dire, j'empoche ce que je peux prendre maintenant, ou bien je demande plus, parce que Trump est tellement pressé d'en finir, que j'ai une marge de manoeuvre.
03:14On ne sait pas. Personne ne sait.
03:16Vous avez dit, on est dans un nouveau monde.
03:17Peut-être que ceux qui parlent dans le monde entier sur Poutine ne savent, par rapport à ça.
03:19On est dans un nouveau monde. Comment vous le définiriez, ce nouveau monde, Hubert Védrine ?
03:23Le nouveau monde, je définis comme étant l'oubli à l'Amérique du XXe siècle. Toute l'Amérique qui va de Roosevelt à Biden.
03:30Elle est finie ?
03:31Oui. On est revenu à l'Amérique du XIXe. Alors, c'est très déstabilisant pour, disons, la planète mondialisation heureuse, la planète multilatéraliste, diplomatique,
03:42et par ailleurs, la planète progressiste, parce que c'est les États-Unis qui ont inventé le politiquement correct, qui ont dégénéré en wokies,
03:48qui prennent la tête de l'eradication. Mais ce n'est pas le sujet principal.
03:51Le politiquement correct a donné le wokisme, et aujourd'hui, c'est un retour effectivement de boomerang.
03:58Oui. Et l'Amérique a pris la tête de l'eradication. Vous voyez ce qu'ils disent à ce sujet. Ce n'est pas notre sujet stratégique principal, mais c'est dans le tableau quand même.
04:05Donc les Européens qui ont le plus cru à tout ça, communauté internationale, négociation multilatérale, valeur universelle et compagnie,
04:13ce sont les plus déstabilisés avec le Canada par rapport à ça. Il n'empêche que l'assidération est stérile, qu'il faut dépasser l'assidération, comme je dis, l'indignation, les lamentations.
04:24Ça ne sert à rien de se lamenter. Désormais, il faut faire.
04:26Qu'est-ce qu'on peut faire en vrai ? Et là, on n'a pas les éléments dans la négociation Trump-Poutine. Si Poutine dit « ça ne me suffit pas, je sais ci, cela »,
04:36la réaction essentielle, ce n'est pas la nôtre. On va s'indigner, mais la réaction essentielle, c'est Trump. Il ne peut pas laisser faire n'importe quoi, en réalité.
04:44Trump, il estime, lui, que dans les mots de Vladimir Poutine, il faut y voir quelque chose de progressif. Il considère même que c'est plutôt positif. Il a envie d'y croire ?
04:54Oui, mais il a envie d'avancer, il a envie de conclure. Tant qu'il ne va pas dire « Poutine a tout rejeté », qu'est-ce qu'il ferait dans ce cas-là ?
05:02Il sera obligé de changer de position. Si c'est ça, si Poutine ne joue pas le jeu, moi, je me réengage à fond et je menace la Russie.
05:09Il va venir dans les jours prochains, à peut-être aussi le thon, et en même temps, il y a la carotte. C'est un bâton et la carotte.
05:16C'est quoi le bâton et c'est quoi la carotte ?
05:18Le bâton, ce serait des menaces de réengagement américain direct, qui contrediraient tout ce qu'il dit depuis qu'il a même son mandat numéro un, et contre Biden,
05:28en allant au-delà, en disant « si tu ne joues pas le jeu du cessez-le-feu, je te menace à tel ou tel endroit ».
05:33Et je soutiens activement les Ukrainiens ?
05:36Activement ou ailleurs, ou menacer la flotte russe ou d'autres éléments ailleurs, mais ce n'est pas du tout sa ligne.
05:42Donc je le dis pour être, disons, exhaustif, mais je ne crois pas. En revanche, il peut faire miroiter la levée des sanctions américaines,
05:49ce qui poserait un problème énorme, d'ailleurs, aux Européens, qui diraient « c'est horrible, on ne peut pas lâcher, il faut continuer ».
05:55Mais ils se retrouveraient seuls à sanctionner, dans ces cas-là, et de manière inefficace, l'économie russe.
06:01Toutes les choses sont compliquées pour les Européens. Est-ce qu'on envoie des troupes pour garantir ce que la Russie refuse ?
06:07Ils vont dire « c'est un cas juste bailli, on peut les mettre en arrière ». Lesquels ? Comment ?
06:11D'ailleurs, la plupart des pays européens qui envisagent, ce ne sont pas nombreux, quatre, cinq, des troupes vont demander une garantie américaine, en plus.
06:20Lorsque la Russie répond à cela, que l'envoi de troupes, y compris de troupes de maintien de la paix sur le sol ukrainien, serait considéré par la Russie comme une déclaration de guerre,
06:31comme un acte de guerre, est-ce qu'il faut s'en inquiéter ? Est-ce qu'il faut prendre au sérieux cette déclaration ?
06:36Oui, on ne peut pas faire autrement. On peut dire « on s'en fiche, on est prêts à affronter la guerre », mais quels dirigeants en Europe vont dire ça ?
06:42Est-ce que les opinions vont suivre ? Vous avez dit accord de paix. Est-ce qu'il n'y a pas accord de paix ? Il y a un commencement à peine de négociation américano-russe.
06:52On n'en est pas à l'accord. S'il y a un accord, il faudra avoir l'accord. D'ailleurs, le président Macron, qui a plusieurs fois dit « disposer, envisager cet envoi », a parlé de l'accord de paix.
07:01Donc s'il y a un accord de paix, il y a des clauses autour. On n'en est pas là, on verra. Mais je pense que même si, dans le cas d'accord de paix, comme je le disais il y a un instant,
07:11on ne parle pas de l'Union européenne, qui n'a pas de compétences vraies en matière militaire.
07:15Ce sont des pays dans l'Union européenne, mais pas avec les outils de l'Union européenne.
07:19Ce sont des pays de l'Alliance, les pays européens de l'Alliance qui ont des armées, 4-5, 5-6, on va dire. Donc si c'est le cas, ils vont demander une garantie américaine.
07:29Après, il y aura l'autre question, plus large, d'un pilier européen de la défense. Il y a la question que vous mentionniez il y a deux minutes, qui est de savoir qu'est-ce qu'on fait si Trump, qui galope, lève les sanctions américaines.
07:41Vous voyez, pour les Européens, c'est vraiment un moment sans précédent, les semaines qui viennent.
07:46– Et un moment décisif, je voudrais qu'on parle justement de l'Union européenne dans un instant, mais je reviens quand même sur l'expression utilisée par Vladimir Poutine.
07:52Il utilise l'expression de « paix durable ». Pourquoi il dit ça et qu'est-ce que ça veut dire ?
07:58– C'est ce qu'il a dit tout le temps, mais ça veut dire satisfaire entièrement les demandes russes.
08:03Donc même Trump ne peut pas accepter complètement par rapport à ça.
08:07Je prends un exemple, l'Ukraine pourrait se résigner à la mort dans l'âme en disant qu'on n'a pas les moyens de reconquérir le Donbass, et encore moins l'acclimer.
08:15Mais on ne va pas le dire, on ne va pas le signer. Trump va dire vous devez signer, vous devez renoncer, formellement.
08:20Et l'Ukraine, même le couteau sur la gorge, dira on ne peut pas, ce n'est pas possible.
08:24Un exemple, comment ça va se dénouer ? On est au début d'une négociation très très compliquée, historique, dans laquelle on n'a pas les cartes en fait.
08:32Donc les Européens vont accompagner, si possible.
08:35– On est dépossédés, en fait nous Européens on est dépossédés aujourd'hui.
08:38– On n'est pas dépossédés parce qu'on n'a jamais été une puissance à aucun moment.
08:41Il n'y a pas un seul exemple dans l'histoire du monde.
08:43– Quand on parle récemment d'une forme de réveil de la fin des dividendes de la paix, d'une forme de naïveté peut-être européenne,
08:52est-ce que vous vous dites oui, enfin les Européens se réveillent ?
08:56– Oui, ils ont cessé d'être des bijoux-nours, je suis d'accord par rapport à ça.
09:00Mais est-ce que ça veut dire que l'Europe va retrouver une place de pouvoir ?
09:03Non, elle n'a jamais été une puissance en tant que telle.
09:06Il y avait la puissance allemande ou française ou anglaise, etc.
09:09Et après la deuxième guerre mondiale, ce sont les Européens qui ont demandé aux Américains de les protéger.
09:14Donc l'Europe en tant que telle n'a jamais été une entité de puissance.
09:17Sinon les Européens, ils auraient été gaullistes.
09:19Au lieu d'embêter le général de Gaulle toute la journée, ils auraient été gaullistes.
09:22En faisant le pilier européen de l'Alliance.
09:24Donc c'est tout à fait nouveau.
09:26Il faut être indulgent dans la période qui vient parce que c'est très compliqué quand même.
09:30Et chaque pays participant devra peut-être faire des sacrifices politiques ou sur le mode de la décision, etc.
09:37– Quand vous dites des sacrifices politiques, avant d'en venir justement à la question de l'Union Européenne,
09:41à la question éventuelle d'ailleurs de l'adhésion ou de l'ouverture de l'Union Européenne à l'entrée de l'Ukraine.
09:46Quand vous dites qu'il faudra faire des sacrifices, il y a presque cette ambivalence.
09:51D'un côté on dit il faut réarmer, de l'autre on dit ça voudra dire qu'il faudra faire des concessions, des sacrifices.
09:57C'est un discours aussi en quelque sorte monde ou protection sociale contre protection au sens sécurité, au sens armée.
10:05Est-ce qu'il faut opposer les deux ou est-ce qu'on peut se permettre les deux ?
10:09– Dans un monde idéal, imaginaire, on peut faire les deux en même temps.
10:12Mais réarmer, c'est la décision des pays.
10:14Les annonces de Mme von der Leyen, c'est une sorte d'addition des engagements possibles des États membres.
10:20Ce n'est pas la Commission qui a qu'à la main, en fait, pas un point à ça.
10:23Donc on peut annoncer, ça donne 800 milliards, l'addition des pommes et des poires.
10:26– Mais c'est un chiffre un peu virtuel si je vous écoute.
10:29– Un peu virtuel, après ça dépend des décisions en France, en Allemagne, en Suède, en Pologne, etc.
10:34Après, à quoi ça conduit ? Comment on organise ça ?
10:37C'est là où les États européens de l'éventuel futur pilier européen de la Lanche Atlantique
10:43ont des décisions à prendre, c'est comment on organise tout ça.
10:46Même au-delà de l'affaire de l'Ukraine, comment on l'organise ?
10:49Est-ce qu'on craint l'État-major ? Dirigé par qui ?
10:51Et qui donne les ordres à l'État-major, vous voyez ?
10:53C'est des questions…
10:54– Au fond, ce dont vous nous parlez, c'est de l'OTAN.
10:56– Je ne dis pas que c'est insoluble.
10:57– Pendant longtemps, cette question-là aurait dû se poser sur l'OTAN.
11:01Est-ce que l'OTAN, aujourd'hui, est encore une entité de solidarité réelle ?
11:06Est-ce que les pays sont vraiment autour des États-Unis ?
11:10Quand Donald Trump dit, si il nous arrivait quelque chose à nous,
11:14je doute que les Français viendraient vraiment à notre secours.
11:17Est-ce qu'il a tort ?
11:18– Pour Trump, s'il n'y a pas d'alliés, ça ne veut rien dire pour lui.
11:21Il n'y a que des pays concurrents et il combat les pays qui ont un excédent commercial sur les États-Unis.
11:25Alliés ou pas, il s'en fiche.
11:27Pour lui, il y a un pays protecteur, les États-Unis, un pays protégé.
11:31On n'était pas des alliés, on était protecteurs, protégés.
11:34Et maintenant, il y a un doute, à cause de Trump.
11:36Donc les États-Unis sont obligés de traiter un sujet qu'ils ont repoussé avec horreur pendant des décennies,
11:41d'avoir à s'organiser par eux-mêmes.
11:43On va voir ce que ça donne.
11:44Donc je n'ai pas répondu à vos questions.
11:46On va voir dans les semaines, dans les prochaines semaines, dans les prochains mois.
11:49– Il y a une question quand même fondamentale qui est celle de la dissuasion nucléaire.
11:52– C'est une autre chose.
11:53– Au fond, c'est hors de la question de l'OTAN,
11:56c'est d'ailleurs hors de la question de l'Union européenne pour l'instant.
11:59C'est vraiment l'individualité de la France qui a, depuis le général de Gaulle,
12:03produit cette indépendance et cette autonomie avec l'arme atomique.
12:08D'ailleurs, les Anglais l'ont aussi, mais je précise systématiquement
12:11que ce n'est pas tout à fait la même chose,
12:12parce que pour activer leur arme atomique, les Anglais sont dépendants des Américains.
12:17Nous sommes les seuls à avoir cette autonomie totale.
12:20Est-ce qu'il faut la partager ?
12:23– Aucune puissance nucléaire.
12:25Pas que la France, ce n'est pas que français, c'est nucléaire en fait.
12:28Non, il s'agit de partager la décision de dissuader.
12:32Dans tous les pays, il y a un dissuadeur.
12:34Ce n'est pas un comité, un dissuadeur.
12:36Ça, c'est le premier sujet, tout le monde est clair.
12:38– Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que c'est le président de la République ?
12:40– Chez nous, c'est le président, mais ce n'est pas un truc français.
12:43Ça découle de l'arme nucléaire, la nature de l'arme.
12:46Il faut un dissuadeur.
12:48Aux États-Unis, c'est Trump.
12:50Ce n'est pas un comité, ce n'est pas le Sénat.
12:53– Ce n'est pas le Sénat qui décidera si on utilise ou non ?
12:55– Ça, c'est l'incarnation.
12:56Utiliser, normalement, c'est la menace.
12:58Pour ne pas l'utiliser, puisque c'est ça qui a garanti la paix pendant la guerre française.
13:02Après, il y a la question de qui on protège.
13:04C'est autre chose.
13:05Alors, depuis l'origine, en France, comme d'ailleurs dans les autres pays,
13:08on dit que c'est le sanctuaire national et les intérêts vitaux.
13:11Est-ce qu'il faut préciser les intérêts vitaux,
13:14qui n'ont jamais été précisés, exprès ?
13:16Jamais.
13:17Parce que dès que vous les précisez, vous dites que ça, ce n'est pas vital.
13:20Et après, qu'est-ce que vous allez englober ?
13:22Est-ce que c'est crédible ?
13:23Il ne faut pas savoir à qui on essaie de faire plaisir.
13:26Est-ce que ça dissuade l'agresseur potentiel ?
13:29Bon, je ne peux pas aller au-delà, parce que le débat commence à peine.
13:31Il n'a jamais eu lieu, en fait.
13:33Parce que le chancelier allemand a changé de position.
13:35Il est demandeur, en tout cas, de la discussion.
13:37Il est demandeur, et c'est lui qui ouvre, en quelque sorte, les discussions.
13:39Hubert Védrine, l'ONU dans cette histoire.
13:42Vous avez été ministre des Affaires étrangères,
13:44à une époque où l'ONU était un lieu central pour l'Union européenne.
13:49Non, pas l'ONU, le Conseil de sécurité.
13:50Le Conseil de sécurité.
13:51Mais ce n'est pas pareil.
13:52Il n'est même pas organisé, il n'y a même pas de rencontre,
13:55le Conseil de sécurité, complètement hors-jeu.
13:57Depuis, d'abord, dans l'ONU, le « eu » est de trop.
14:00Les nations ne sont pas unies.
14:02Mais c'est très bien qu'il y ait un rendez-vous annuel de tout le monde.
14:04Pour vous, c'est juste l'organisation des nations.
14:06Mais elles ne sont pas unies, ce serait un fantasme.
14:08C'est un rendez-vous annuel qui est très utile.
14:10D'autre part, les organisations spécialisées, UNESCO, OMS, etc., c'est très très bien.
14:14Ils font un boulot magnifique.
14:16Le secrétaire général fait ce qu'il peut, il est très bien, Guterres.
14:19Mais il ne peut agir que s'il est cinq membres permanents du Conseil de sécurité,
14:23dont la France, depuis 1945, sont d'accord.
14:26Il y a eu le veto soviétique pendant des décennies, puis américain pendant des décennies.
14:30Au fond, on en revient presque à ce moment-là.
14:32Ce n'est pas très nouveau.
14:33On en revient presque à ce moment-là, à un moment où, en effet,
14:35le Conseil de sécurité lui-même était figé par les veto des très grandes puissances.
14:42Ne soyez pas nostalgique de ça, parce que ce n'est jamais l'ONU qui a réglé tout ça.
14:45Je ne suis nostalgique de rien du tout.
14:47J'essaie de comprendre où est-ce que ça se joue aujourd'hui
14:49et quels sont les outils dont on dispose.
14:52Que va répondre Poutine ? On ne sait pas.
14:54On va dire oui, mais la discussion commence.
14:56La vraie discussion commence.
14:58Comment va réagir Trump au fait que Poutine n'est pas assez positif ?
15:02Là, il dit qu'il est assez positif.
15:03On va discuter.
15:04Qu'est-ce qu'il va dire dans huit jours ? On ne sait pas.
15:06Donc, les Européens accompagnent, s'inquiètent,
15:08sont prêts peut-être à être obligés d'offrir des garanties
15:11si la Russie ne les menace pas trop.
15:13Décidons après d'accompagnement.
15:15Mais le jeu entre ce monde, c'est Trump, Poutine.
15:17Deux questions très précises, Hubert Védrine.
15:21Je ne sais pas si vous pourrez répondre de manière précise,
15:23mais des questions sur le mot utilisé par Emmanuel Macron.
15:26À propos de la Russie, il parle d'une menace existentielle,
15:30y compris pour la France.
15:31Est-ce que ce sont des mots qui vous semblent justes ?
15:36Ce n'est pas inexact, à condition qu'on se rappelle
15:38que c'était le cas pendant toute la guerre froide.
15:41Les missiles soviétiques étaient pointés sur la France, entre autres.
15:45Donc, la menace russe, elle est exacte,
15:47mais elle concerne l'ensemble des pays occidentaux,
15:50en termes nucléaires, les missiles.
15:52Est-ce que c'est une menace au sens existentiel ?
15:54C'est-à-dire, est-ce qu'il faut entendre derrière l'existentiel
15:57l'idée d'une forme de destruction possible ?
15:59Oui, mais pendant la guerre froide, on a vécu là-dedans
16:01pendant des décennies, depuis toujours.
16:03Depuis que j'existais, vous avez vécu avec ça.
16:06Effectivement, on a grandi avec l'idée de cette menace.
16:09On l'avait peut-être un peu oubliée.
16:11Est-ce qu'aujourd'hui, on est dans une forme à nouveau de guerre froide ?
16:14On redécouvre, oui, bien sûr.
16:16On redécouvre ça, mais ça n'a jamais été complètement différent.
16:19Alors, il y a un moment, après la fin de l'URSS,
16:21il y a une sorte d'illusion, en Occident,
16:23du côté américain, on a gagné, c'est la fin de l'histoire,
16:26et du côté européen, bisounours, c'était la communauté internationale,
16:29mais c'est déjà fictif.
16:30Et comme les Occidentaux ont complètement raté
16:32la gestion de l'après-guerre froide et la question russe,
16:35on est revenu assez vite, à partir de, pas Poutine au début,
16:38mais Poutine, mandat 3, on va dire,
16:40à cette situation que vous décrivez.
16:42C'est une nouvelle guerre froide.
16:43Mais la menace existentielle, oui, c'est vrai,
16:45c'était vrai avant, déjà.
16:46Mais on est sortis gagnants de la guerre froide.
16:48Il ne faut pas le prendre au sens totalement tragique,
16:51ni de désespérance.
16:52Ça veut dire qu'il faut réorganiser l'Europe de demain
16:55comme une sorte de gros porc-épic militaire
16:58que personne n'aura envie d'aller tester.
17:00L'Europe de demain comme une sorte de gros porc-épic militaire.
17:03Justement, Hubert Verhul.
17:04Je ne parle pas d'issuasion spécialement,
17:06mais c'est ce qui est en train de se produire.
17:08Simplement, il faut aller plus vite,
17:09et ça revient aux questions de tout à l'heure,
17:11qui va commander le truc ?
17:12Qui va commander le truc, et avec quel genre d'armement ?
17:14Hubert Védrine, une déclaration de soutien à l'Ukraine
17:18a été adoptée, y compris par les députés français.
17:22Certains se sont abstenus, voire n'étaient pas d'accord
17:26avec un point, qui est la question de l'entrée de l'Ukraine
17:30dans l'Union Européenne.
17:32C'est notamment le cas du RN ou de l'FI,
17:34qui s'opposent à l'idée que l'Ukraine puisse devenir
17:37état membre de l'Union Européenne.
17:40Est-ce qu'il faut donner cette perspective à l'Ukraine ?
17:43Est-ce que l'Union Européenne en changerait de nature ?
17:46Ça peut faire partie de l'accompagnement d'un accord de paix
17:49s'il existait entre Trump et Poutine,
17:51ce qui n'est pas encore le cas, on verra,
17:53en se disant que peuvent faire les Européens en plus
17:55pour l'avenir de l'Ukraine.
17:57Mais est-ce que c'est de la rhétorique ?
17:58Non, pas du tout.
17:59Ou est-ce qu'on a vraiment l'ambition d'accueillir l'Ukraine ?
18:02L'ambition, c'est une possibilité.
18:04En tout cas, je note bien que votre question,
18:05c'est sur l'Union Européenne,
18:06parce que la question de l'OTAN est écartée par Trump,
18:09comme elle était par Biden,
18:11et par les Allemands.
18:12Donc la question ne se pose pas.
18:14Pour le coup, c'est le cas juste d'Élysée, avec la Russie.
18:16En revanche, l'Union Européenne, à mon avis,
18:19c'est envisageable, mais il faut qu'il y ait un accord de paix,
18:21Trump-Poutine, donc l'Ukraine.
18:23Et après, on pourrait dire, d'accord, on accepte que l'Ukraine...
18:26Mais il faudrait reprendre le plan de Jean-Louis Bourlange,
18:29qui est très bon, qui est une adhésion par étapes,
18:31enfin l'adhésion à l'arrivée,
18:33et l'Ukraine entrerait peu à peu dans différents programmes
18:35dont elle bénéficierait.
18:36Il y a un travail énorme à faire pour déminer, reconstruire, etc.
18:39Donc moi, je pense que ce n'est pas une option à écarter.
18:42Ce n'est pas invraisemblable, ce n'est pas irréaliste.
18:45Ce n'est ni invraisemblable, ni irréaliste.
18:48Hubert Védrine, à court terme,
18:50il y a aussi une sorte de guerre commerciale
18:52que se livrent les Européens et les Américains,
18:54les Européens qui sont obligés de répondre
18:56aux hausses des droits de douane,
18:58et la dernière déclaration de Donald Trump
19:00qui hier menace les spiritueux,
19:02le champagne, le vin qu'on exporte aux États-Unis,
19:04d'une hausse de 200% des taxes.
19:08Oui, c'est dément.
19:09Mais il va menacer chaque pays avec ses points faibles.
19:11Nous, ça va être ça, en Allemagne, la voiture, etc.
19:14Bon, est-ce qu'il peut aller jusqu'au bout de ces annonces ?
19:16Non.
19:17On voit bien que c'est comme avec Zelensky.
19:19Je vais t'écrabouiller complètement,
19:20demain on va signer l'accord sur les terres rares,
19:22je te réécrabouille, bon, ça c'est Trump.
19:24Il ne peut pas aller très loin
19:25parce que ça va relancer l'inflation aux États-Unis.
19:28Et dans ce que dit Trump,
19:29il y a énormément de contradictions
19:31sur, par exemple, le nettoyage ethnique à Gaza
19:34et avoir besoin de l'Arabie.
19:36C'est incohérent.
19:37La guerre commerciale, on l'a fait,
19:39et puis l'inflation aux États-Unis.
19:41La question migratoire,
19:42évidemment, il y a beaucoup, beaucoup trop
19:43de submersion migratoire illégale,
19:45mais en même temps,
19:46on a besoin d'énormément de gens.
19:48Donc il dit un peu tout et son contraire,
19:50il souffle le chaud et le froid.
19:51Pour le moment.
19:52Donc, à mon avis, c'est une mode
19:54pour déstabiliser un peu tout le monde
19:56et il va être amené assez vite,
19:57plus vite qu'il doit le penser,
19:59dans les semaines qui viennent.
20:00Arbitrer.
20:01Et il ne peut pas aller jusqu'à ce qu'il raconte
20:03sur la guerre commerciale.
20:04Regardez ce que font les Mexicains
20:06et les Canadiens assez habilement.
20:07Ils annoncent des mesures spécifiques
20:09pour cibler des produits fabriqués
20:11dans des États américains républicains.
20:13Donc, il y a une sorte de guerre qui s'engage.
20:15Mais le dénouement, ça ne va pas être
20:17200% de taxes et l'arrêt global de l'économie mondiale.
20:19Merci, Hubert Védry.
20:20Il faut garder son sang-froid
20:21parce que ça va rebondir.
20:22Il faut garder son sang-froid.
20:23Vous reviendrez, Hubert Védry,
20:24ancien ministre des Affaires étrangères.
20:26Votre dernier livre,
20:27le nouveau dictionnaire amoureux de la géopolitique.
20:29Il est 8h53 sur RMC-BFM TV.