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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:07Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Londres, le 15 mars 1912.
00:17Le président des Assises de Londres s'adresse à l'accusé.
00:23Frédéric Henry Seddon.
00:27Vous avez été reconnu coupable d'assassinat.
00:32Avez-vous une déclaration à faire qui soit susceptible de modifier les intentions de la Cour
00:39en ce qui concerne la peine qu'elle compte vous appliquer ?
00:45Il est rare, voyez-vous, que quelque chose d'inattendu arrive derrière cette question traditionnelle
00:51qui suit un verdict de mort.
00:53Il est rare aussi que l'accusé utilise le droit de parler une dernière fois devant ses juges
00:59avant qu'il ne prononce la peine.
01:03Le choc est si grand devant la réalité de cette décision de mort
01:08que l'on va peut-être signifier à un homme que l'homme ne trouve rien à ajouter.
01:16Sauf peut-être le traditionnel « Je suis innocent ».
01:23Mais Frédéric Henry Seddon est un homme inattendu.
01:29Il se lève, sort lentement de sa poche un carnet de notes
01:36et d'une voix posée d'un ton régulier, il entame un long exposé.
01:45L'effet n'est pas immédiate car le condamné, en levant haut la tête,
01:50commence par dire « J'affirme que je suis innocent
01:58et je nie ma responsabilité dans les faits qui me sont reprochés ».
02:05Il prend un temps, un silence, puis regarde le président du tribunal droit dans les yeux.
02:16« Monsieur le Président, vous êtes franc-maçon comme moi.
02:24Comme moi, vous savez que tous les membres de notre confrérie sont tenus
02:29par le serment de céder les uns les autres,
02:32surtout lorsque l'un d'eux est en danger.
02:38Monsieur le Président, devant le Grand Maître de l'Ordre,
02:46je déclare que je suis innocent du crime dont on m'accuse ».
02:53L'accusé vient de jouer sa dernière carte.
02:58Le président est franc-maçon, l'accusé aussi.
03:03Tous les deux le savent.
03:05Mais c'est la première fois dans les annales judiciaires anglaises
03:09qu'un accusé ose faire état de ce lien à haute voix et en public.
03:17Le silence s'installe dans la salle d'audience.
03:21Le président reste figé d'émotion.
03:25Pendant une bonne minute, on entendra dans la grande salle des assises
03:31que le tic-tac de l'horloge et ce suspense inattendu n'est pas, voyez-vous,
03:39ce qu'il y a de plus extraordinaire dans le cas de Frédéric Henry Seddon.
03:55La voix du président tremble d'émotion.
04:10Manifestement, cet appel lui a ôté tous ses moyens.
04:16Je considère le verdict de la cour juste et motivé.
04:28À l'étonnement du public silencieux, on s'aperçoit même que le président
04:32tente vainement de s'empêcher de pleurer.
04:38Nous sommes, vous et moi, membres de la même confrérie.
04:47C'est pourquoi il m'est d'autant plus difficile de vous dire
04:52ce que j'ai à vous dire maintenant.
04:57Henry Seddon, vous êtes condamné à être transféré dans une maison d'arrêt.
05:07De là, vous serez conduit au lieu d'exécution et pendu par le cou
05:20jusqu'à ce que mort s'ensuive.
05:25Votre corps sera enseveli dans l'enceinte de la prison.
05:33Que Dieu ait pitié de votre âme.
05:41On n'a jamais vu un président de tribunal pleurer en prononçant une sentence,
05:46même une sentence de mort.
05:48En fait, il est totalement inhabituel qu'un président de tribunal ait l'air,
05:51d'une manière ou d'une autre, de ne pas être d'accord avec une sentence.
05:59Quoi qu'il arrive, les jurés sont souverains et un magistrat doit s'incliner.
06:06Mais la franc-maçonnerie en Angleterre et ailleurs crée des liens exceptionnels
06:11entre ses membres.
06:13D'autre part, le président avait peut-être lui aussi une intime conviction
06:17sur l'affaire Henry Seddon, la célèbre affaire Seddon
06:21qui mobilisera l'opinion anglaise pendant des mois.
06:25Il y a trois personnages dans cette histoire, trois personnages qui méritent
06:29ce que nous appellerons humblement une étude de caractère.
06:33Faisons d'abord la connaissance de Miss Barrow, une bien drôle de femme.
06:41Disons tout de suite, une vieille fille de toute éternité.
06:45Il y a comme cela des femmes qui sont vieilles à 20 ans
06:48et ne font rien pour que ça change.
06:52Elisabeth Barrow, depuis qu'elle a 20 ans, se connaît mieux que n'importe qui.
06:58Elle a le teint brouillé, une mauvaise vue et des boutons sur le nez.
07:01C'est irrémédiable.
07:03Depuis sa plus tendre enfance, elle a toujours rechigné sur la nourriture.
07:07On dirait maintenant qu'elle est anorexique, mais le pensionnat
07:11et les cornettes des religieuses en 1880 à Londres se moquaient bien de l'anorexie.
07:16On mangeait la soupe, matin et soir, ou on ne la mangeait pas, c'était tout.
07:24Miss Barrow, qui a 48 ans en 1910, est donc maigre, désespérément maigre.
07:31Cela aussi est irrémédiable.
07:34Tout ceci pour nous faire comprendre son caractère et lui attribuer quelques excuses.
07:40Elle est curieuse à propos de tout et de rien.
07:43Un oeuf plus petit qu'un autre chez la crémière suffit pour entamer une discussion interminable.
07:49D'autant plus que Miss Barrow est près de ses sous, très très très près.
07:54Et mieux vaut le dire tout de suite, car c'est important pour la compréhension des faits.
07:59Elle est avare.
08:02Excentrique aussi, de l'avis des voisins.
08:05En fait, cela n'a rien de tellement excentrique d'adopter un petit orphelin.
08:09Le besoin de tendresse et l'instinct de maternité peuvent aller de pair avec l'état de vieille fille, justement.
08:15Mais ce que l'on pardonne le moins à Miss Barrow, c'est d'être désordonnée et sale.
08:24En juin 1910, ayant lu une annonce dans le journal, elle se présente au domicile d'Henri Cédonne,
08:30le propriétaire d'un petit appartement à l'eau.
08:33Elle s'y installe et rapidement le transforme en véritable cabane à lapins.
08:40Il y a là son petit protégé, Ernest, qui a dix ans, quelques chats et un couple vaguement cousin du petit Ernest.
08:49Cela fait trop de monde dans l'appartement et Henri Cédonne se fâche en expulsant vigoureusement les cousins.
08:56A partir de ce jour, Miss Barrow et son propriétaire auront des relations un peu mystérieuses et connues d'eux seules.
09:05Mais ce qui est sûr, c'est qu'on y parle beaucoup d'argent, car Miss Barrow, qui vit misérablement, a de l'argent.
09:154000 livres d'économie, des actions, des pièces d'or et des billets de banque.
09:22Elle garde tout ça chez elle, jalousement. Elle a peur des banquiers.
09:27Mais rien n'est plus angoissant pour un avare que de dormir sur sa fortune tous les soirs.
09:32Henri Cédonne, son propriétaire, s'en est rendu compte.
09:37Henri Cédonne, que nous avons vu tout à l'heure devant les assises de Londres, est un homme intelligent, un homme d'affaires intelligent.
09:45Il a 40 ans. Depuis 20 ans, il travaille dans une compagnie d'assurance où il a réussi fort brillamment.
09:52Bien que le mot n'existe pas en 1910, disons qu'il est cadre supérieur.
09:57Il a sous ses ordres une armée de représentants et d'encaisseurs qui ne l'aiment pas beaucoup, mais ses patrons l'apprécient pour lui, c'est l'essentiel.
10:07Lui aussi est près de ses sous. Il les a amassés, patiemment, régulièrement, les a placés et les défend avec apreté.
10:16Sa femme et ses cinq enfants le craignent un peu, mais tout compte fait, pour son entourage, cet homme est irréprochable et l'on peut avoir en lui une confiance totale.
10:26Cette confiance, Miss Barrow va l'avoir aussi.
10:32Et pourtant, Dieu sait qu'elle n'a confiance en personne, pas même dans sa plus proche famille, qu'elle accuse facilement de vouloir la dépouiller.
10:39Bref, un an après s'être installée au dernier étage de l'immeuble d'Henri Cédonne, elle lui confie toutes ses économies.
10:47Cédonne se charge de les placer et de lui servir une rente or de trois livres par semaine.
10:55La transaction est d'ailleurs fort honnête, Cédonne est aussi avare que Miss Barrow et finalement, il est logique que deux avares se fassent confiance.
11:15Le troisième personnage de cette histoire, bien qu'un peu fallot en comparaison des deux autres, c'est Madame Cédonne.
11:20Il faut bien en parler puisque l'histoire la concerne et que c'est elle qui la finira, vous verrez comment.
11:26Madame Cédonne, à 34 ans, elle n'est ni belle ni laide, un peu vieillie par cinq enfants, impressionnée par la réussite sociale de son mari, elle lui obéit en tout.
11:37Elle ne comptera guère dans l'histoire avant sa conclusion et nous passerons rapidement sur ce personnage pour en arriver à quelque chose de plus intéressant, la mort de Miss Barrow.
11:50Miss Barrow tombe malade le 1er septembre 1911.
11:55A Londres, c'est la canicule, c'est la fin d'un été si chaud que la météo anglaise en parle encore.
12:02Le médecin de la famille Cédonne, appelé en consultation, est catégorique, fièvre typhoïde, dit-il. Ce n'est pas étonnant avec cette chalet.
12:11Ce que n'ose pas dire le médecin sur le moment, nous le dirons pour lui.
12:17L'incroyable désordre et la saleté repoussante qui règne dans le logis de Miss Barrow ne font rien pour arranger les choses.
12:26Quelques bonnes centaines de mouches s'y promènent en toute quiétude.
12:30C'est une véritable invasion.
12:32Mais l'on a beau raisonner Miss Barrow, tout ce que l'on obtient d'elle, c'est la permission d'installer du papier tumouche un peu partout dans l'appartement.
12:43De plus, elle refuse les médicaments, c'est cher, et ne veut pas entendre parler de l'hôpital.
12:49Elle veut garder auprès d'elle son petit protégé.
12:53Pour la dernière fois, le 13 septembre, Miss Barrow reçoit la visite du médecin.
12:58Elle est au plus mal et dicte à Henri Cédonne ses dernières volontés.
13:04Tous ses biens personnels à Ernest, l'orphelin, et à sa propre soeur.
13:10Cédonne étant nommée exécuteur testamentaire.
13:14À minuit, elle agonise.
13:17Mme Cédonne s'installe auprès d'elle pour la veiller, tandis que son mari lit le journal et fume sa pipe dans son bureau.
13:24Il n'appelle pas le médecin.
13:27Il n'ira le voir qu'à l'aube pour lui demander un constat de décès et un permis d'inhumer.
13:35Voici maintenant, dans l'ordre chronologique, tout ce qui va paraître bizarre dans la mort de Miss Barrow.
13:41Tout ce qui va faire que Henri Cédonne et sa femme vont se retrouver accusés de meurtre par la famille de Miss Barrow.
13:49Cette famille qu'elle ne voulait plus voir de peur qu'elle lui prenne ses économies.
13:55Le premier épisode se passe au commissariat de police au cours d'une confrontation entre la soeur de Miss Barrow et Henri Cédonne.
14:02C'est la soeur qui parle.
14:04Elle est agressive.
14:07Son adversaire est calme.
14:10Mais il ne nous a pas prévenu.
14:13Ni de la mort, ni de l'enterrement.
14:16J'ai envoyé une lettre.
14:18J'en ai un double à votre disposition.
14:21Il a envoyé le petit Ernest au bord de la mer avec ses autres enfants.
14:25Il ne voulait pas qu'il parle.
14:27Cet enfant avait besoin d'air.
14:30N'importe qui le comprendrait facilement.
14:33Il dit qu'il n'a pas trouvé d'argent chez ma soeur.
14:36Neuf livres et vingt shillings, c'est tout.
14:39Elle m'avait fait placer le reste et je lui versais une rente.
14:43Il n'a donné que quatre livres pour l'enterrement et encore, encore il a touché une commission de douze shillings des pompes funèbres.
14:50C'est normal.
14:52C'est moi qui les avais prévenus.
14:55Quelqu'un l'a vu compter de l'or le jour de la mort de ma pauvre soeur.
14:59Madame, je fais ça toute la journée.
15:02C'est mon métier.
15:04Bref.
15:06De détails sordides en détails sordides, vrais ou faux.
15:09La famille entière de Miss Barreau d'une seule voix accuse.
15:12Il l'a empoisonnée.
15:15« Bon, dit le commissaire.
15:19Nous allons voir ça.
15:21C'est vite vu par un expert chimiste.
15:25Le corps de Miss Barreau contenait encore deux grains d'arsenic, c'est-à-dire largement la dose mortelle.
15:31Étant donné que le poison a été rapidement absorbé, on peut en déduire que la victime a ingéré au total cinq grains d'arsenic.
15:39Il s'agit d'un empoisonnement criminel.
15:44Voilà.
15:46Cela se passait le 4 décembre 1911 et Henry Seddon fut arrêté le jour même.
15:51Quelques temps plus tard, en 1912, sa femme était également arrêtée sur présomption de complicité.
15:57En effet, l'enquête avait établi qu'à diverses reprises, elle avait changé en or de l'argent ayant appartenu à Miss Barreau et sous un faux nom.
16:07Petite histoire d'empoisonnement, direz-vous.
16:10La cupidité et l'avarice ont mené jusqu'au meurtre.
16:14C'est possible, mais comment ?
16:16Comment Miss Barreau a-t-elle avalé de l'arsenic ?
16:19Car elle en a avalé une dose mortelle, c'est certain.
16:23Il ne s'agit pas ici de l'éternelle discussion à propos de l'arsenic, dose naturelle ou pas.
16:28On a bel et bien empoisonné Miss Barreau.
16:31Bien entendu, comme dans tout procès d'empoisonnement à l'arsenic, on se met bientôt à couper les cheveux en quatre.
16:37Et ce n'est pas une image.
16:39L'accusation affirme que le poison a été donné en 24 heures.
16:43La Défense prétend que c'est un empoisonnement lent et accidentel.
16:49Mais d'où vient le poison ?
16:53C'est là que vous voyez que ce dossier est bizarre.
16:56Souvenez-vous, je vous l'ai dit à propos de Miss Barreau en vous la décrivant.
17:00Elle est extrêmement désordonnée, son appartement est sale.
17:04Si sale, surtout pendant sa maladie, que des centaines de mouches y ébattent à leur aise.
17:09Le médecin lui-même en a été horrifié et il le rapportera au procès.
17:13Alors que faisait-on contre les mouches en 1910 ?
17:17Beaucoup d'entre vous s'en souviennent.
17:19Ce n'était ni joli, ni pratique, ni très hygiénique, mais on n'avait que ça.
17:24Le papier tumouche.
17:28Ces rouleaux de papier enduit de colle et de poison sur lesquels venaient se prendre les pattes des mouches.
17:34Et l'on disait bien aux enfants de ne pas y toucher, à cause du poison, à cause de l'arsenic.
17:40Ce papier tumouche.
17:42Madame Cédonne était soupçonnée d'en avoir acheté chez le droguiste voisin.
17:45Et l'on supposait qu'Henri Cédonne l'avait administré en tisane à Miss Barreau,
17:50ce qui avait provoqué sa maladie et sa mort rapide.
17:54Le médecin qui avait tenté de la soigner et lui avait rendu visite onze fois à son domicile,
17:59continuait d'affirmer quant à lui que sa malade avait bien souffert d'une typhoïde épidémique.
18:05En réalité, nous le savons maintenant, les experts qui examinèrent les cheveux de Miss Barreau à l'époque du procès,
18:11se trompaient lourdement dans leur conclusion.
18:15Et pourtant, ils avaient fait une expérience concluante à leur avis.
18:20Les cheveux de la victime étaient imprégnés d'arsenic jusqu'à la pointe.
18:25Pour prouver qu'il fallait une dose mortelle,
18:28on avait fait l'expérience sur d'autres cheveux coupés qu'on avait trempés dans un bas d'arsenic
18:32et qui s'étaient imprégnés jusqu'à la pointe.
18:35Ceci par un phénomène bien connu maintenant, la capillarité.
18:39Or, normalement, lorsqu'un sujet meurt empoisonné,
18:44la progression de l'arsenic s'arrête en même temps que sa vie.
18:49Suivez-moi bien, c'est un peu compliqué.
18:52Si les cheveux de Miss Barreau étaient imprégnés jusqu'à la pointe,
18:57c'est qu'ils avaient trempé dans un liquide empli d'arsenic après sa mort,
19:04entre son entièrement et l'exhumation.
19:09Autrement dit, l'expérience accablante pour Henry Seddon au moment du procès
19:15ne voulait rien dire.
19:17Alors, on pouvait penser tout bêtement à l'accident.
19:20En effet, Miss Barreau avait l'habitude de déposer le papier tumouche dans des assiettes
19:24qui lui servaient également à se nourrir.
19:27Compte tenu de sa propreté plus que douteuse,
19:31n'avait-elle pas absorbé lentement de l'arsenic en mangeant dans des assiettes mal lavées
19:35ou pas lavées du tout ?
19:38Les deux accusés, Henry Seddon et sa femme, avaient d'ailleurs reconnu
19:41qu'ils avaient acheté eux-mêmes de ce fameux papier tumouche
19:44pour en mettre chez la malade.
19:46Et Henry Seddon d'ajouter « Mais c'était si sale, si répugnant, si plein de mouches
19:50que n'importe qui à notre place aurait fait la même chose.
19:54Nous en avons même mis dans une soupière.
19:57Si on avait pu, on en aurait mis partout. »
20:01Miss Barreau faisait-elle la vaisselle ?
20:04On peut penser que non.
20:06Alors, elle s'est empoisonnée toute seule.
20:11Seulement à l'époque, l'expérience soi-disant concluante des experts
20:17impressionna les jurés.
20:19De plus, le comportement d'Henry Seddon, froid, avare, sûr de lui,
20:24ayant réponse à tout, ne fit rien pour l'aider.
20:29Personne, non personne, n'admit qu'il ait gagné 12 shillings de commission
20:34sur le contrat d'enterrement de Miss Barreau.
20:38Cela n'avait pourtant rien d'étrange, venant d'un avare comme lui.
20:44Pourtant, cet avare déclarait lui-même, car c'était aussi un homme d'affaires.
20:50On ne devient pas assassin pour récupérer une rente de 3 livres par semaine.
20:56On utilise le capital d'un rentier vivant.
20:59C'est tellement plus intéressant.
21:04Mais Henry Seddon ne plaisait pas aux jurés.
21:07Et bien qu'il eût joué sa dernière carte de franc-maçon,
21:11bien qu'il eût fait appel en cours de cassation,
21:14bien que 300 000 signatures aient demandé son acquittement,
21:18bien que ses défenseurs aient supplié le ministre de l'Intérieur
21:21d'accorder sa grâce, il fut pendu.
21:25Le 18 avril 1912, à la prison de Pentonville.
21:31Le jour de son exécution, plus de 7 000 personnes
21:35qui doutaient de sa culpabilité entouraient la prison.
21:40L'exécution d'Henry Seddon ne mit pas fin à cette histoire extraordinaire.
21:44En effet, quelques mois après, sa femme,
21:47dont nous n'avons pas beaucoup parlé jusque-là,
21:50devint à son tour le point de mire de l'opinion et de la presse anglaise.
21:54Il faut bien dire qu'elle s'était remariée un peu rapidement.
21:59Et son acquittement avait paru bizarre,
22:02si l'on veut bien se rappeler que c'était elle qui avait acheté,
22:05chez le droguiste du quartier, le fameux papier Tumouch.
22:09L'accusation avait un peu trop oublié ce personnage fallot
22:13pour se consacrer à Henry Seddon, dont le caractère
22:16était beaucoup plus intéressant.
22:19Eh oui, l'ex-madame Seddon fit publier,
22:23moyennant une forte somme, une confession bien étrange
22:27dans l'un des plus grands hebdomadaires londoniens.
22:30Elle affirmait dans cette confession avoir vu son mari
22:34recueillir l'arsenic qui se trouvait sur le papier Tumouch
22:37et le verser dans le thé destiné à Miss Barrow.
22:41Bien entendu, si elle n'avait pas parlé à l'audience,
22:44c'est que son mari l'avait menacée de la tuer si elle ouvrait la bouche.
22:48Elle ajoutait qu'Henry Seddon l'avait rendue extrêmement malheureuse
22:53et réduite à l'esclavage.
22:55Et pour conclure, elle demandait à l'opinion publique
22:57de cesser de la considérer comme une criminelle.
23:01Eh bien, l'opinion publique la considéra comme une criminelle,
23:04car ce n'est pas tout.
23:06Deux semaines après cette confession,
23:09elle en publiait une autre dans un autre hebdomadaire
23:12disant que ses aveux avaient été inventés,
23:15qu'elle n'avait rien vu, rien dit,
23:18mais qu'elle considérait comme normal le verdict de la cour d'assises.
23:23Très peu de temps après,
23:25elle s'embarquait avec son nouveau mari pour oublier tout ça,
23:29en Australie.
23:31Henry Seddon, avant sa mort, s'était contenté, lui, de déclarer
23:36« Personne n'a eu pitié de moi.
23:39Je suis la victime d'une injustice
23:43et ma mort sera un meurtre judiciaire.
23:47Si on enlève à un accusé le bénéfice du doute auquel il a droit,
23:51la justice n'a plus aucune excuse si elle se trompe
23:55et exécute un innocent.
23:58Mais je préfère la mort à un emprisonnement à perpétuité. »
24:06Que l'on soit persuadé ou non de la culpabilité d'Henry Seddon,
24:10il faut bien reconnaître une chose,
24:12c'est que cet homme intelligent
24:15avait mis le doigt sur le point faible de son procès,
24:19le bénéfice du doute.
24:22Lorsque les jurés anglais condamnent,
24:25ils doivent le faire sans aucun doute possible.
24:31Ce qui est extrêmement gênant,
24:34c'est que le bourreau, lui aussi,
24:37exécute sans aucun doute possible.
25:19Remerciements à Roselyne Belmar.
25:22Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
25:26Écoutez aussi le prochain épisode
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