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00:00Et nous sommes avec nos amis, nos chroniqueurs de la deuxième heure, Philippe Guibert, bonsoir Philippe.
00:06Bonsoir Stéphanie.
00:07Jean-Michel Salvatore, chroniqueur politique et communiquant, bonsoir Jean-Michel.
00:11Bonsoir Stéphanie.
00:12Alors on va parler agriculture, messieurs, à deux jours de l'ouverture du salon de l'agriculture,
00:17et puis je vous montre pour ceux qui suivent Europe 1 en caméra, voilà le pèlerin,
00:22partenariat avec Europe 1 à l'occasion de ce salon.
00:27Nous sommes avec Rémi Barbé, journaliste-reporteur pour ce magazine Pèlerin, bonsoir Rémi Barbé.
00:32Bonsoir.
00:33On est ravis de vous accueillir ce soir, puisque dans ces petites pages vous avez fait un reportage
00:38intitulé « Policiers et paysans duels dans les champs », j'ai trouvé que ce titre était assez imagé,
00:44assez percutant, c'est vrai que ça ressemble vraiment à une course-poursuite parfois dans les champs
00:49et c'est un petit peu cocasse ce que vous nous racontez, vous pouvez nous résumer cet article dans quelques mots.
00:54C'est un titre qui est imagé en effet et qui représente vraiment ce que j'ai pu voir sur le terrain,
00:59c'est-à-dire des agriculteurs, des paysans et des policiers de l'environnement qui sont dos à dos,
01:04qui ne se parlent plus vraiment, il y a eu beaucoup de polémiques ces derniers mois,
01:07et depuis un an notamment avec la colère agricole qui est montée en épingle politiquement de tous bords,
01:12syndicalement également, et en fait ils se côtoient dans les champs,
01:15mais les policiers de l'environnement n'osent pas vraiment aller voir les agriculteurs de peur d'une réaction un petit peu véhémente.
01:21Ils s'observent à la jumelle.
01:22C'est ça, en 4x4 avec des jumelles, ils constatent si les agriculteurs respectent le code de l'environnement ou non,
01:28et de l'autre côté on a des agriculteurs qui déplorent des techniques de cow-boys je cite,
01:34un manque de prévention, un manque de discussion,
01:36donc on a vraiment des gens qui sont en race campagne, qui travaillent sur le même environnement,
01:41mais qui ne se parlent plus parce que c'est devenu inflammable à chaque instant,
01:44alors qu'environnement et agriculture devraient plutôt converger en ce moment.
01:47Et Rémi Barbet, vous racontez ce procès où une famille de céréaliers est accusée d'avoir porté atteinte, je cite, au milieu aquatique,
01:56sur son exploitation, en gros ils avaient fait un petit pont, je crois, sur une rivière, expliquez-nous.
02:03Ils ont busé un fossé, ce qui consiste à faire un petit pont en terre et du coup à mettre une canalisation,
02:08pour que l'eau continue de s'écouler.
02:10C'est interdit sur un cours d'eau, c'est autorisé sur un fossé,
02:14eux ont estimé que c'était un fossé parce qu'ils n'avaient pas vu d'eau depuis longtemps,
02:18les agents de l'OFB ont estimé que c'était un ruisseau,
02:20ça a fini au tribunal judiciaire d'Agin, condamné à 15 000 euros avec sursis,
02:26avec la remise en état, alors du coup ça c'était...
02:30Parce que nul n'est censé ignorer la loi, c'est ça ?
02:32Nul n'est censé ignorer la loi, mais on voit ce que mettent en avant à la fois les syndicats agricoles et ces agriculteurs en question.
02:37Ce qui était cocasse, c'était des agriculteurs en agriculture biologique,
02:41donc ce qu'ils mettaient en avant, c'est qu'on ne peut pas nous reprocher de ne pas respecter l'environnement,
02:45et la personne expliquait que si on a busé le fossé, si on a fait ce petit pont,
02:48c'est justement pour ne pas mettre de pesticides, pour pouvoir passer.
02:51Donc du coup il y a un peu ce côté du serpent qui se mord la queue,
02:53et ce qu'ils mettent en avant, c'est que nul n'est censé ignorer la loi, c'est certain,
02:57mais quand les directives européennes s'accumulent, que le code de l'environnement aussi,
03:01que les lois sur l'eau, les lois sur les produits,
03:03ils ne maîtrisent pas tout, il peut y avoir des mauvaises fois parfois,
03:06mais la plupart du temps il y a quand même une pression normative qui est très conséquente sur ces familles.
03:10Philippe Guybert, oui.
03:11Comment on a pu en arriver, d'après vous, à des situations aussi aberrantes,
03:16où vous avez une administration et des professionnels qui se regardent,
03:20comme vous le décrivez, en chiens de faïence à deux doigts de l'affrontement,
03:25tout ça avec une absurdité de normes qui s'accumulent.
03:30Comment on en arrive là, et comment on en arrive à une situation
03:34où il n'est plus possible de dialoguer ?
03:37Peut-être que pour répondre à ça, c'est justement les agriculteurs, encore une fois,
03:43qui parlent le vrai, qui parlent sur le terrain,
03:46mais grosso modo, ce qu'ils me mettaient en avant sur le terrain, c'est
03:50nous on veut bien respecter le code de l'environnement et être très virtueux,
03:53mais d'abord il faut qu'on arrive à finir le mois.
03:55Concrètement, respecter plein de normes et assurer une transition écologique,
03:59je suis parfaitement partant, moi aussi j'aime la nature, je travaille avec tous les jours,
04:02mais si je n'arrive pas à remplir le frigo, c'est compliqué.
04:04Et après, c'est où est-ce qu'on met le curseur entre des normes
04:08qui peuvent être établies à Bruxelles ou dans des bureaux à Paris,
04:11et ce qui se passe réellement sur le terrain.
04:13Ce qu'ils reprochent à l'UFB, c'est le manque de concertation,
04:17on ne fait plus conscience au bon sens paysan.
04:19Oui, le manque de compréhension.
04:21C'est une profession pour qui c'est violent, parce que le paysan,
04:24historiquement, même quand on reprend la sémantique du mot,
04:27le paysan c'est celui qui façonne le pays,
04:29c'est celui qui taille les haies, qui aménage les tahus,
04:33qui aménage le paysage français qu'on aime tant,
04:35les bocages en Normandie.
04:37Donc le paysan c'est lui qui avait ce rôle premier de travailleur avec la nature,
04:40et aujourd'hui il s'en sent un petit peu dépossédé,
04:42et avec ces normes environnementales qui arrivent,
04:45on leur explique comment travailler avec la nature.
04:47C'est très violent pour cette profession,
04:49on a un pays rural, on est la première puissance agricole européenne,
04:52il y a un sentiment de dépossession,
04:55donc du coup ça coince, il y a un manque de dialogue.
04:57Jean-Michel Savator.
04:59Je voudrais vous interroger sur l'état d'esprit de ces agents
05:03de l'Office français de la biodiversité.
05:05Dans quel état d'esprit sont-ils ?
05:07Est-ce que ce sont des ayatollahs de la réglementation,
05:10ou est-ce qu'ils ont une attitude un peu gênée
05:13par rapport à ce qu'on leur demande de faire ?
05:15On imagine que si c'était des gendarmes, ça se passerait sans doute mieux.
05:19Je pense que la réalité est entre les deux.
05:22Est-ce qu'il y a des personnes qui puissent être
05:26dans une idéologie très verte, un peu dogmatique sur la chose,
05:29c'est probablement vrai,
05:30et qu'il y a des personnes qui puissent trouver que l'administration
05:33en fait un peu de zèle, c'est probablement vrai aussi.
05:35Mais en fait, c'est Jean-Gaz, cette institution a été créée en 2020,
05:38l'Office français de la biodiversité,
05:39et en fait elle réunit les anciens gardes de chasse,
05:41les anciens gardes de pêche,
05:43les agents de la police de l'eau,
05:45de l'inspection de la biodiversité,
05:47donc en fait c'est des agents de terrain.
05:49Qu'est-ce qui est terrible, c'est que ça s'appelle police environnement,
05:51parce que du coup ils sont dotés d'un pouvoir administratif et judiciaire,
05:54parce qu'en fait ils sont là pour faire respecter le code de l'environnement,
05:56et c'était tout le projet d'Emmanuel Macron
05:58que de créer cette police en 2020 pour vraiment les doter,
06:00mettre l'environnement au premier plan.
06:02Mais le souci c'est qu'on est, c'est un peu,
06:04il y a la question de police de proximité,
06:06est-ce qu'on connaît les gens en fait ?
06:07Quand on connaît le policier du coin
06:09et qu'il passe sur une exploitation pour nous dire
06:11il faudrait peut-être pas faire comme ça,
06:13et bien là ce qu'ils disent c'est qu'en fait ils se connaissent de moins en moins,
06:15ou qu'ils se parlent de moins en moins.
06:17Mais c'est aussi parce que depuis un an,
06:22les syndicats étaient en pleine période d'élections agricoles,
06:24donc il fallait faire du bruit,
06:26faire des actions coup de poing,
06:28et l'Office français de la biodiversité était vraiment ce totem
06:30représentatif d'une bureaucratie,
06:32mais ces agents-là, ils se sentent bouc émissaires en fait.
06:35Et Rémi Barbella,
06:37le Salon de l'agriculture ouvre dans deux jours,
06:40je crois qu'il y a Christophe Jensen
06:42qui prépare ce texte pour la PAC 2027,
06:46avec justement la question des clauses miroirs,
06:48parce qu'il craignent aussi ces agriculteurs,
06:50c'est finalement qu'on leur empêche de faire des choses,
06:52et qu'on voit par exemple ces pesticides interdits
06:55revenir par le Brésil,
06:57ou je ne sais où.
06:59Et c'est même parfois le cas juste à l'échelle de l'Union Européenne,
07:01vraiment, même dans des pays voisins,
07:02donc ça c'est compliqué.
07:04Avec l'Ukraine notamment, la question des poulets.
07:06Justement, on en est où ?
07:09Est-ce qu'il y a des lois qui se préparent,
07:11qui seront efficaces ?
07:13Aujourd'hui même, le Parlement a adopté
07:15le projet de loi d'orientation agricole,
07:17qui est un serpent de mer qui date
07:19de plusieurs années maintenant.
07:21Il a été voulu par Marc Fesneau,
07:23président ministre de l'Agriculture.
07:25Ça a été arrêté avec la dissolution en juin dernier.
07:27Ça vient enfin d'être adopté.
07:29C'est une victoire pour Annie Gennevard,
07:31la ministre de l'Agriculture.
07:33Elle voulait absolument que ce soit adopté juste avant le salon,
07:35pour envoyer un message aux agriculteurs.
07:37Les thématiques premières, c'est vraiment
07:39l'aspect foncier, le renouvellement
07:41des générations de paysans.
07:43Il y a aussi la création d'un espèce de guichet unique
07:45pour reprendre une exploitation,
07:47ou la transmettre.
07:49Il y a aussi un aspect sur des simplifications
07:51environnementales, un peu une dépénalisation
07:53en termes de tout ce qui
07:55relève des infractions environnementales,
07:57avec des armements de forfaitaires.
07:59Ils vont plutôt dans le sens
08:01d'un assouplissement des normes, mais c'est aussi
08:03pour donner quitus à ces agriculteurs
08:05qui vivent depuis un an et à qui on n'avait pas vraiment donné de réponse.
08:07Est-ce que
08:09la coordination rurale,
08:11qui a fortement progressé,
08:13qui a fait une vraie poussée aux élections
08:15aux chambres d'agriculture,
08:17qui va gérer
08:19je crois une quinzaine ou une quatorze
08:21de chambres d'agriculture.
08:23Est-ce que vous les avez vues à l'œuvre,
08:25et comment se comportent-ils sur le terrain
08:27dans votre enquête ?
08:29Le procès auquel j'ai assisté, c'était justement
08:31avec des agriculteurs de la coordination rurale.
08:33Encore une fois, c'était très imagé,
08:359h du matin devant le tribunal d'Agen,
08:37il y a 7 camions de CRS qui attendent dans la pluie,
08:39et de l'autre côté, il y a une trentaine d'agriculteurs
08:41avec leurs bonnets jaunes très caractéristiques
08:43qui se font face.
08:45Alors, ils n'avaient pas prévu de tracteur,
08:47ils n'avaient pas prévu d'action coup de poing ce jour-là,
08:49donc ils se sont déplacés pour rien,
08:51mais oui, ils s'est assumés,
08:53ils ont une stratégie médiatique qui est bien rodée,
08:55des actions coup de poing,
08:57l'office français de la biodiversité à Toulouse avait été enfariné
08:59quand les agriculteurs avaient été comparés à des dealers,
09:01il y a eu des dégradations,
09:03des versements de grisés sur la préfecture d'Agen,
09:05il y a eu plein d'actions
09:07depuis un an, c'est eux qui étaient montés à Paris
09:09pour bloquer Rungis notamment,
09:11ils surfent et ils vivent sur ce discours,
09:13il y a quelque chose d'un peu Poujadiste
09:15chez ce syndicat, leur slogan premier
09:17c'est laisser nous travailler, on sait ce qu'on fait.
09:19Un rapport très identitaire
09:21avec l'agriculture, très terroir,
09:23très identité des territoires, mais aussi
09:25une volonté de laisser faire, de sortir de ces normes.
09:27Mais vous, Rémi, vous qui les avez
09:29rencontrés, ces agriculteurs,
09:31ils veulent vraiment bien faire, non ?
09:33Alors, il y a un sondage qui dit oui, 86%
09:35sont inquiets des conséquences du dérèglement
09:37climatique, ils sont prêts à s'engager,
09:39à accélérer la transition environnementale
09:41de leur exploitation, vous qui les connaissez
09:43bien, vous l'avez constaté ça
09:45sur le terrain ? Oui, ce qui est
09:47d'ailleurs assez surprenant, c'est un milieu
09:49qu'on a tendance à prendre comme un bloc un peu
09:51monolithique, alors qu'en fait il est très hétérogène.
09:53Typiquement, ces agriculteurs de la coordination rural
09:55qui étaient face à la justice,
09:57ils sont en agriculteur biologique.
09:59Le vice-président de la coordination rural de
10:01la vice-présidente a une
10:03petite ferme en agriculture biologique.
10:05C'est pas un bloc monolithique,
10:07ils sont pas opposés
10:09idéologiquement à
10:11la préservation de l'environnement, c'est pas
10:13des pollueurs en puissance, c'est juste qu'ils se
10:15sentent oppressés, encore une fois, quand on finit
10:17pas le mois et qu'on reçoit un courrier
10:19pour être mis en justice parce qu'on a abusé
10:21un cours d'eau,
10:23évidemment que l'environnement est essentiel,
10:25que cette transition est nécessaire, mais c'est pas
10:27entendable pour certaines personnes.
10:29Et encore une fois, c'était une période d'élection
10:31agricole, c'était la surenchère constante,
10:33il fallait prendre des chambres à la FNSEA, ce qu'ils ont
10:35fait, ils n'ont jamais eu autant,
10:37ils en avaient 3 maintenant, ils en ont 14.
10:39Au-delà de cette question, c'est vrai que c'est une vraie
10:41souffrance Jean-Michel Savard.
10:43Comment va se dérouler le salon d'agriculture
10:45cette année ?
10:47L'année dernière, ça avait été quand même très
10:49chahuté. Emmanuel Macron,
10:51il va samedi d'ailleurs. Il avait eu beaucoup de mal,
10:53il avait été obligé de
10:55s'isoler parce qu'évidemment, il y avait des manifestations
10:57qui étaient assez
10:59véhémentes avec des oeufs, etc.
11:01À votre avis, comment ça va se passer ?
11:03Est-ce que la tension est un peu remontée ?
11:05On voit bien que de toute façon,
11:07avec la dissolution,
11:09tous les engagements qui avaient été pris
11:11tardent à entrer
11:13en vigueur.
11:15Comment vous voyez les choses ?
11:17Je pense qu'avec la loi qui vient d'être adoptée aujourd'hui au Parlement,
11:19le gouvernement, tout du moins, va pouvoir
11:21arriver avec
11:23un gage.
11:25On a fait des choses d'un point de vue
11:27législatif, ça va bouger dans les mois à venir.
11:29Ça devrait être plus apaisé
11:31vis-à-vis du pouvoir, directement.
11:33Après, ça va être comme chaque année,
11:35où tous les partis politiques,
11:37de Manon Aubry, qui va au premier jour aussi,
11:39jusqu'à Jordan Bardella, vont défier sur les stands
11:41et vont être les meilleurs amis
11:43et les meilleurs défenseurs des agriculteurs,
11:45parce que c'est symboliquement important.
11:47Il ne faut pas oublier qu'encore en novembre dernier,
11:49il y avait une immense majorité des Français qui soutenaient la colère agricole,
11:51près de huit mois après le démarrage.
11:53Donc, il y a
11:55une affection des Français pour les électeurs,
11:57et c'est important de bien paraître politiquement à leur côté.
11:59Après,
12:01il y a des problématiques qui sont
12:03franco-françaises, mais l'agriculture
12:05aujourd'hui est un
12:07enjeu européen, et
12:09il y a un éléphant dans la pièce,
12:11qui ne dépend pas que d'Emmanuel Macron,
12:13même s'il s'y est opposé. C'est cet accord
12:15avec le Mercosur et l'Union Européenne,
12:17que Ursula von der Leyen
12:19a acté, la présidente de la Commission Européenne,
12:21auquel Emmanuel Macron s'est
12:23opposé en l'État.
12:25Mais il y a aussi un certain aveu d'impuissance.
12:27Après,
12:29il ne fait pas du tort à tout le monde,
12:31à toutes les filières. On ne le dit jamais.
12:33Je ne sais pas pourquoi, mais on ne le dit jamais.
12:35Encore une fois, ce n'est pas un bloc monolithique.
12:37Il y aura des gagnants et des perdants.
12:39La filière vinicole peut être gagnante.
12:41Absolument. Ce n'est pas les seuls.
12:43Merci beaucoup Rémi Barbet d'avoir été avec nous.
12:45Je recite
12:47ce pèlerin qui sort aujourd'hui
12:49en partenariat avec Europe 1.
12:51Je le montre un peu mal.