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La série « Frotter Frotter », inspirée de la grève des femmes de chambre de l’hôtel Ibis-Batignolles lancée en 2019, est diffusée ce mercredi 19 février sur France 2. Rachel Keke, ex-gouvernante et cheffe de file du mouvement, revient sur cette lutte historique.

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Transcription
00:00La forme de chambre que je vais trouver, elle m'appartient, je vais faire d'elle ce que je veux.
00:03Ça arrive dans les hôtels et c'est une réalité.
00:06À l'époque, j'étais femme de ménage et après femme de chambre.
00:11Au départ, j'ai commencé dans un hôtel quatre toits à Issy-les-Moulineaux.
00:16Et un mois après, on m'a mutée directement à l'hôtel Ibis-les-Batignolles
00:21qui est situé dans le 17e arrondissement.
00:23Nos conditions de travail étaient très pénibles.
00:26Si tu as cinq heures de travail, au lieu de te donner 14 chambres,
00:30ils vont te donner 30, 40, 50 chambres.
00:34Mais à la fin du mois, tu n'as pas cette somme dans ta poche.
00:37Tu peux te retrouver à 700 euros, 800 euros.
00:39Et souvent, les heures supplémentaires n'étaient pas payées.
00:41Les personnes qui étaient absentes, ils ne les remplaçaient pas.
00:43C'est pour ça qu'on se retrouvait avec tant de nombre de chambres.
00:46Imaginez-vous un peu 50 chambres ou 30 chambres, 40 chambres.
00:49Même si c'est un travail de trois personnes.
00:52Mais une seule personne fait ce métier-là.
00:54Ça bousille le corps.
00:55Dans ce métier-là, il y a beaucoup, beaucoup de choses qui ne vont pas.
00:59On a eu une collègue qui a été violée par l'ancien directeur de l'hôtel Ibis-les-Batignolles.
01:04Moi-même, j'ai été victime aussi d'attouchements.
01:07Il y a un client qui m'a touché les seins.
01:08On est quand même allé voir Estem,
01:11qui était la sous-traitance à l'époque,
01:14pour parler de nos conditions.
01:16Il faut dire que nos conditions sont tellement difficiles
01:18et qu'il faut qu'ils fassent quelque chose.
01:20Et qu'est-ce qu'ils nous répondent ?
01:21Il nous dit, si vous n'êtes pas d'accord avec ce que vous faites,
01:24allez-y en grève.
01:2513 femmes de chambre étaient vraiment malades.
01:28Le patron voyait que le nombre de chambres que faisaient ces malades
01:31ne lui convenait pas.
01:33Donc, il avait décidé d'amulter d'autres femmes
01:37sur d'autres sites pour aller travailler.
01:39Et là, on a dit, si les 13 personnes partent,
01:42à qui le tour en fait ?
01:44Donc, qu'est-ce qu'on doit faire ?
01:45C'est comme ça qu'on a entamé la grève.
01:47C'était le 19 juillet 2019.
01:50On a tous arrêté le travail,
01:51on a tout abandonné dans le hall
01:53et nous sommes descendus.
01:54On demandait qu'on change nos conditions de travail.
01:57On avait demandé déjà la baisse de cadence.
01:59On demandait une prime aussi,
02:00une prime de nourriture.
02:01Et on a demandé aussi des tenues,
02:03des tenues en coton, plus des chaussures de sécurité.
02:06Demandons aussi une augmentation du salaire.
02:09On a tenu quand même 22 mois.
02:10C'est très, très, très historique.
02:12Et puis, voilà, parce que nous-mêmes,
02:13sur le moment, on ne croyait plus.
02:16Franchement, on a eu du soutien partout.
02:18Et ça aussi, c'est bon dans une lutte.
02:20Le soutien, parce que ça permet de tenir.
02:22Où j'ai cru vraiment que notre grève était très importante,
02:26c'est quand on a gagné.
02:27Le groupe Accor nous a donné
02:30de 250 à 500 euros d'augmentation de salaire.
02:33Aujourd'hui, les femmes, elles sont payées
02:35de 1 800 à 2 000 euros de salaire.
02:38Tant les filles, elles ont des chaussures de sécurité,
02:40elles ont des vêtements en coton,
02:42elles ont des pauses,
02:43elles ont le temps maintenant de manger,
02:45il n'y a plus de speed,
02:46elles prennent le temps, elles travaillent bien.
02:48Franchement, c'est une belle victoire.
02:49Moi, mon souhait, c'est que,
02:50je veux qu'il n'y ait plus de sous-traitants.
02:52Je veux que les gens travaillent directement.
02:55Comme par exemple à l'hôtel, ils disent
02:56pourquoi ne pas travailler directement pour l'hôtel ?
02:59Ça peut être possible.
03:00S'ils ne veulent pas carrément supprimer la sous-traitance,
03:02il faut qu'il y ait un contrôle derrière.
03:05Aller de temps en temps voir comment traiter les salariés.
03:07Mais la sous-traitance, c'est un peu partout.
03:10Surtout les gens qui travaillent difficilement,
03:14c'est les gens qui se lèvent tôt.
03:16On les appelle les petites mains,
03:18les gens qu'on ne voit pas,
03:20en fait qui sont invisibles.
03:21Donc j'ai décidé de créer une association
03:24qu'on appelle d'invisibles à visibles.
03:27Voilà, pour porter la voix des sans-voix,
03:30comme je dis, la voix de ces invisibles
03:32pour les mettre dans la lumière.
03:33Parce que sans eux, je pense que ce pays
03:35ne peut pas tenir debout.

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