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Elle avait trouvé sa vocation dans l'enseignement, mais la politique s'est invitée dans sa vie. Franco-sénégalaise, Dieynaba Diop est aujourd'hui porte-parole et députée du parti socialiste.

Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !

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Transcription
00:00Elle avait trouvé sa vocation dans l'enseignement,
00:03mais la politique a surgi dans sa vie franco-sénégalaise.
00:06Mon invité est aujourd'hui porte-parole
00:08et député du Parti socialiste.
00:10Musique intrigante
00:12...
00:21Bonjour, Diana Badiop.
00:23Je sais pas si vous vous souvenez de l'école des fans.
00:26C'était à la télévision, le dimanche après-midi.
00:28J'étais une assidue.
00:30Vraiment.
00:31Je regardais...
00:32En fait, on passait tous nos dimanches en famille
00:35à regarder Dimanche Martin.
00:37Ca a démarré à 10h, je crois, et mon petit frère...
00:40Je sais pas si vous allez vous déclencher cet enthousiasme.
00:43J'ai trouvé une petite archive
00:45qui ressemble à l'école des fans.
00:47D'accord.
00:48-"Lorsque les 21 élèves de la classe
00:50ont appris qu'ils étaient invités à l'Elysée,
00:52ils ont pensé que c'était une blague.
00:55Ils n'y ont cru que le jour où ils ont reçu une invitation."
00:58-"Nous sommes très heureux d'avoir été choisis
01:01pour participer à l'arbre de Noël du palais de l'Elysée."
01:05-"C'est comment, l'Elysée ?"
01:07-"Je ne sais pas."
01:08-"Et comment tu imagines ?"
01:10-"Je crois que c'est grand."
01:12-"Et puis ?"
01:13-"Et que c'est illuminé."
01:16-"La petite fille qui imagine l'Elysée
01:19à la fin de cette archive, c'est vous, Diana Badiop."
01:22Vous aviez 9 ans ?
01:23-"Huit ans et demi."
01:24-"Vous étiez dans votre école primaire au Mureau."
01:27-"Au Mureau."
01:28-"C'est assez incroyable, cette archive."
01:30-"C'est assez dingue."
01:32J'ai huit ans et demi, on est tirés au sort
01:34pour assister à l'arbre de Noël de l'Elysée
01:37et je rencontre le lendemain François Mitterrand.
01:40-"Quel souvenir vous gardez de ce Noël 1983 à l'Elysée ?"
01:44-"Un très bon souvenir,
01:46parce qu'en fait, c'était une des premières fois
01:49qu'on sortait de la ville,
01:51j'étais avec les copains..."
01:52-"On voit les images."
01:54-"Et puis on avait été un peu les stars,
01:56ils étaient venus faire le reportage,
01:59je revois des copains avec qui j'ai encore
02:01de très bons contacts, encore aujourd'hui,
02:04et puis c'était une belle fierté pour mes parents,
02:07qui avaient été très émus
02:09à l'élection de François Mitterrand,
02:12deux ans plus tôt.
02:13-"La politique était présente à la maison, chez vous ?"
02:17-"Oui, mes parents étaient très engagés,
02:19très militants, socialistes, depuis toujours.
02:22Mon père disait, quand Mitterrand avait été élu,
02:25que pour lui, c'était pour la première fois
02:27qu'il allait avoir un président qui allait s'occuper du peuple.
02:31-"Il aurait fallu l'inviter à l'Elysée, votre père ?"
02:34-"Tout à fait." -"Il n'était pas jaloux ?"
02:36-"Il était très fier, mon père, c'est quelqu'un qui est arrivé
02:40en 1966, qui était berger,
02:41qui a fait un petit peu de commerce en Côte d'Ivoire
02:44et qui vient rejoindre son grand frère en 1966
02:47pour travailler à Renan-Billancourt.
02:49Il n'a jamais été à l'école, il ne sait pas lire,
02:52et pour lui, c'est une immense fierté de se dire
02:55que sa fille, non seulement, à ce moment-là,
02:57va avoir le président de la République,
03:00mais ensuite, devient enseignante,
03:02puis une élue de la République,
03:04et puis, maintenant, députée de la nation.
03:07-"Sauf qu'il ne peut pas voter pour vous, votre père."
03:10-"Papa n'a pas la nationalité française."
03:12-"Ca doit être une frustration."
03:14-"Oui, et c'est un de mes plus gros regrets du quinquennat Hollande,
03:18c'est qu'on n'ait même pas essayé pour ce vote des étrangers
03:21tant promis au moment de la campagne de 2012."
03:24-"On a parlé de votre père.
03:25Votre mère, elle, était à la tête
03:27de l'association des parents de votre quartier,
03:30au Mureau. Est-ce que son engagement associatif
03:33peut expliquer votre propre engagement politique
03:36quelques années plus tard ?
03:37-"C'est d'elle que j'ai..." -"Ca vient de là ?"
03:40-"Ca vient de là. Maman était la présidente
03:42de l'association des parents de la Ville-Blanche,
03:45le quartier où j'ai grandi, et elle était une des rares mamans
03:48à avoir fait un peu d'études,
03:50elle parlait couramment français,
03:52elle voulait faire le lien entre les mamans
03:54qui ne comprenaient pas tout et les institutions.
03:57Moi, j'étais un peu la petite main,
03:59je préparais les papiers, les sorties, etc.,
04:01et c'est parce que, justement, j'étais la fille de Mme Diop
04:05que le secrétaire de section du Parti socialiste de l'époque,
04:08Papa Wally d'Anfaca, vient me chercher
04:11au moment des élections municipales, en 2007,
04:13et il me dit, avec François Garay, le maire des Mureaux,
04:16on aimerait que tu rejoignes notre équipe."
04:19Avant de reconstituer un peu le fil de votre engagement,
04:22j'aimerais continuer à parler un peu de vous,
04:25de vos origines.
04:27Dans un portrait que Libération vous a consacré,
04:30vous vous présentez en ces termes.
04:32Je suis une femme noire, binationale,
04:34musulmane pratiquante, issue d'un milieu modeste.
04:37Est-ce que, de tous ces éléments qui vous définissent,
04:40il y en a un qui est plus important que les autres ?
04:43Je crois que celui qui me définit peut-être le plus,
04:48c'est que je viens d'un milieu modeste.
04:50C'est ça qui compte le plus dans votre identité d'aujourd'hui.
04:53C'est que, en fait, il faut jamais oublier d'où on vient.
04:57J'ai des copains qui disent de la VB à l'Assemblée,
04:59parce qu'en fait, on a grandi...
05:01La VB, c'est la Ville Blanche.
05:03C'est le quartier où j'ai grandi,
05:05et c'est surtout un endroit extraordinaire
05:07où on a grandi les uns avec les autres,
05:10un vrai meeting pot, il y avait plusieurs nationalités,
05:13on s'est jamais posé la question de la confession de l'autre.
05:16On était des copains,
05:18presque même des frères et sœurs d'une autre mère,
05:21et j'ai cette chance immense
05:23d'avoir gardé la plupart de mes copains d'enfance.
05:26Et je crois que c'est la chose dont je suis le plus fière,
05:30c'est de ne pas être quelqu'un qui a fait ni l'ENA, ni Sciences Po.
05:33Moi, j'étais prof en lycée professionnel
05:37à Jean Rostand, à Montelagelli, pendant plus de 23 ans,
05:40et je crois que c'est ce qui a forgé aussi mon caractère,
05:44c'est ce qui a forgé celle que je suis aujourd'hui,
05:46et c'est ce qui fonde aussi mes combats politiques.
05:49Est-ce que c'est compliqué, aujourd'hui, en France,
05:53d'être une femme députée, noire et musulmane ?
05:55Oui, c'est pas simple.
05:57Déjà, quand vous êtes une femme, en politique, c'est compliqué.
06:01Donc j'ai beaucoup de...
06:03d'attaques racistes,
06:06xénophobes, misogynes.
06:08La fachosphère, ce...
06:12Comment dirais-je ?
06:14Je suis la cible privilégiée de beaucoup de gens
06:19issus de ces idéologies,
06:21et en même temps, c'est aussi une fierté,
06:24parce que quand j'ai été élue, j'ai reçu tellement de mots,
06:27de messages, de petites filles, de jeunes femmes,
06:30d'origines diverses, qui me disent
06:32que ça fait tellement de bien d'avoir quelqu'un
06:35qui nous ressemble à l'Assemblée.
06:37C'est une fierté.
06:38C'est une pression, d'être à la hauteur
06:40de toutes ces attentes ?
06:41Bien sûr.
06:43C'est beaucoup de pression,
06:44donc j'essaie d'être à la hauteur de tout cet espoir
06:47et de toutes celles et ceux qui se sont mobilisés
06:50pour que je sois élue.
06:51C'était pas du tout écrit dans le marbre
06:54que je finirais députée, surtout dans cette circonscription.
06:57Et d'y être arrivée, ça brise un peu un plafond de verre
07:00et ça ouvre un champ des possibles,
07:02auquel je crois depuis toujours.
07:04C'est beaucoup de responsabilité.
07:06Vous évoquiez votre autre engagement,
07:08qui a marqué votre vie, celui dans l'enseignement.
07:12J'ai lu prof de lettres, d'histoire et aussi de géographie ?
07:15C'est ça.
07:16En lycée professionnel,
07:18je suis ce qu'on appelle une PLP lettres-histoires,
07:21et donc, du coup, j'enseigne la littérature,
07:23mais aussi l'histoire-géographie et l'EMC en lycée pro.
07:27Et alors, j'ai retrouvé...
07:29Enfin, j'ai découvert un peu un point en commun.
07:32Quand vous parlez de l'enseignement et de la politique,
07:35vous dites que vous vous sentez utile.
07:37C'est ça, le moteur ?
07:39Pour moi, pour faire de la politique,
07:40c'est comme quand vous êtes enseignante,
07:43vous êtes là pour être utile aux autres.
07:45Moi, c'est le sens de mon engagement.
07:47Moi, j'ai choisi d'être en lycée professionnel,
07:50j'ai un bac plus sept, je suis linguiste de formation,
07:53mais en lycée pro, je me disais,
07:55c'est des élèves où, souvent, la littérature,
07:58l'histoire-géographie, c'est pas trop ce qui les attire le plus.
08:02Et en politique, le fait d'avoir été d'abord adjointe,
08:06d'être une engagée, une élue locale, de proximité,
08:10c'est ce qui a façonné ma façon de faire les choses.
08:13Vous définissez comme une élue de terrain.
08:15C'est important chez vous. Vous avez expliqué
08:18comment vous avez été élue sur la liste
08:20au municipal des Mureaux en 2008, vous êtes adjointe au maire,
08:24sauf qu'il a fallu 5 ans pour que vous preniez votre carte
08:27au Parti socialiste. Pourquoi ?
08:29Tout simplement parce que pour moi, j'étais déjà socialiste
08:32et je n'ai découvert l'appareil, le parti politique socialiste
08:36qu'en 2013. En fait, j'ai toujours été socialiste,
08:39j'ai toujours voté socialiste.
08:41Et en fait, c'est toujours cet adjoint,
08:43qui était aussi secrétaire de section,
08:45qui m'a dit qu'il fallait qu'on m'encarte,
08:48car on va arriver sur les élections municipales.
08:50Je me suis dit que je n'étais pas déjà socialiste.
08:53Il m'a dit qu'il fallait que je prenne ma carte,
08:56que je cotise, et en fait, depuis 2013.
08:58Vous avez pris votre carte et vous êtes devenue
09:01en 2018 porte-parole du PS.
09:02Vous avez dû aller sur tous les plateaux,
09:05pour défendre les positions du Parti socialiste.
09:07Vous avez décidé, j'ai lu, de ne plus aller sur CNews.
09:10Oui, j'avais décidé de ne plus y aller,
09:12parce que c'était devenu compliqué,
09:15parce que je trouvais que les biais
09:17éditorialistes étaient vraiment très compliqués
09:22et que ça allait à l'encontre de ce que moi, je défends
09:25et de ce que moi, je porte.
09:27Ca va pas à l'encontre de ce que vous avez pu déclarer
09:30sur le site Mediapart ? Vous avez expliqué
09:33que vous cherchiez à déconstruire toutes les forteresses
09:36que CNews ont construites et vous ajoutiez
09:38que vous n'alliez jamais mener la bataille culturelle
09:41contre le racisme. Est-ce que boycotter CNews,
09:44c'est pas mener la bataille culturelle ?
09:46C'est pour ça que je me pose la question d'y retourner.
09:49Je me dis qu'en fait, la politique de la chaise vide,
09:52c'est pas forcément la meilleure.
09:53En 2024, vous avez battu le candidat
09:55du Rassemblement national au second tour.
09:58Vous êtes donc passé des bancs du lycée
10:00aux bancs de l'Assemblée.
10:02Vous vous définissez comme une élue de terrain.
10:04Comment on garde le contact avec le terrain
10:06quand on est député et qu'on passe une partie de son temps
10:09au Palais-Bourbon, dans l'hémicycle, en commission ?
10:12On va sur le terrain tout le reste du temps.
10:15On est à sa permanence parlementaire,
10:17mais surtout, on va voir les associations,
10:19je vais voir les maires.
10:21J'ai fait beaucoup de rendez-vous avec les différents élus.
10:24J'ai 87 élus sur ma circonscription,
10:26donc déjà, ça prend du temps d'aller les rencontrer.
10:29J'ai aussi des sollicitations qui viennent des associations,
10:32des particuliers, donc c'est aussi ça,
10:35garder le sens, le contact avec le terrain.
10:40Au lycée François Villon, de ma circonscription,
10:43de ma ville, il y a eu des soucis, donc je suis allée les voir.
10:46Vous arrivez à gérer les deux.
10:48Vous gardez le contact avec la réalité du terrain.
10:51Et puis, c'est important.
10:52Vous évoquiez votre besoin de vous sentir utile.
10:55Est-ce que vous vous sentez utile en tant que députée d'opposition ?
10:58Oui, je me sens utile parce qu'il y a du débat en commission.
11:02C'est aussi tout cet aspect-là que les gens ne voient pas.
11:05Il y a du débat.
11:06Est-ce qu'il y a des résultats concrets ?
11:08Oui, on fait des amendements à la commission des affaires étrangères.
11:12En commission, on avait voté le maintien du budget
11:18qui a alloué la lettre publique au développement,
11:20parce qu'il y avait un consensus assez transpartisan.
11:23Il faut aussi être en capacité de discuter.
11:26Et puis, ce qui est intéressant dans cette mandature,
11:29c'est que comme il n'y a pas de majorité
11:31absolue, il faut aller construire
11:34des concessions, des majorités, texte par texte.
11:37Du coup, je pense que, plus que jamais,
11:39même quand on est dans l'opposition,
11:41s'il y a bien un mandat où on est utile, c'est celui-ci.
11:44On va conclure l'émission par notre petit quiz.
11:47Vous allez devoir compléter des phrases que je vais vous proposer.
11:51Pour se faire entendre à l'Assemblée,
11:53c'est comme en classe, il faut...
11:55Ah, il faut faire preuve...
11:57Il faut faire preuve de...
12:02De discipline, mais aussi de fermeté.
12:05Parce qu'il faut aussi prendre sa place,
12:08et c'est ce que j'essaie de faire.
12:10Pour l'instant, on ne m'a pas beaucoup entendue,
12:13mais ça va venir.
12:14Après, mon passage dans Hit Machine,
12:16j'ai bien cru.
12:18J'ai cherché les images, je ne les ai pas trouvées,
12:20mais vous êtes passée dans Hit Machine.
12:23Oui, c'était l'époque où je chantais.
12:25J'ai bien cru que mon ordre de gloire était arrivé.
12:29Le chant a tenu une place importante.
12:31Une très grande place.
12:33C'est ce qui m'a guéri de ma timidité,
12:35et c'est ce qui m'a permis aussi d'être très à l'aise à l'oral.
12:39J'ai chanté pendant très longtemps,
12:41et ça a été ma botte secrète.
12:42Cette petite fille, qui était très timide, très effacée,
12:47a réussi à prendre un peu d'envergure
12:49grâce à la musique et au chant.
12:51Entre une séance de nuit à l'Assemblée
12:53et un film avec Shah Rukh Khan,
12:55je choisis...
12:56Un film avec Shah Rukh Khan.
12:57Il n'y a pas fauteux.
12:59Il est un des grands acteurs de Bollywood.
13:01Je suis une fan inconditionnelle de Bollywood.
13:04Vous séchez la séance de nuit pour voir le film de Shah Rukh Khan ?
13:07Je sèche.
13:08Bon, on le répétera pas.
13:10Merci beaucoup, Diana Badiob.
13:12Merci à vous.

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