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Style de vieTranscription
00:00sur la culpabilité avec vous Chantal, bonjour.
00:03Oui, bonjour, donc c'est Chantal, mais permettez-moi, si vous voulez bien,
00:09que suite au témoignage de Marlène qui m'a beaucoup touchée,
00:15je lui souhaite beaucoup de courage et beaucoup beaucoup de force,
00:18parce qu'elle en a, je pense, besoin.
00:20Mais on est tous d'accord avec vous Chantal, bien sûr, bien sûr, et merci pour elle.
00:25Merci. Donc moi, je vais parler de quelque chose qui est moins fort,
00:33moins lourd, mais aussi important en tout cas pour moi.
00:38Donc je prône pour la liberté en général, d'ailleurs j'ai décidé de vivre seule pour être soi-disant libre,
00:46et pourtant je suis enfermée dans une culpabilité, et aussi de la honte,
00:52mais une culpabilité qui dure depuis des années.
00:55Malheureusement, cette culpabilité, elle est très difficile à enlever, à partir de mon corps, de ma tête,
01:03puisque ce sont des choses que j'ai fait ou pas fait, à un moment donné,
01:08où j'ai voulu faire, mais je n'ai pas été jusqu'au bout,
01:12du coup je me suis posé la question pourquoi, aujourd'hui je n'ai pas la réponse du pourquoi,
01:20et je me demande bien ce que je peux faire pour m'en échapper, pour essayer de vivre.
01:27Alors je vous dis tout ça pourquoi ? Parce que j'en viens à me blâmer, à me juger,
01:33à m'empêcher de vivre, parfois même à me punir, jusqu'à m'auto-accuser.
01:40D'accord, mais alors vous allez nous dire ce que vous n'avez pas fait, ou ce que vous avez fait pour qu'on en parle ensemble ?
01:49Oui, alors c'est une culpabilité d'une personne que j'aimais beaucoup, d'un être cher, ma sœur, qui est décédée,
01:59il y a deux ans et demi, donc on a appris par sms, dans la famille on a appris qu'on lui a découvert un cancer du poumon,
02:12donc elle nous l'a annoncé parce qu'on devait tous se réunir pour l'anniversaire de ma mère,
02:17et elle nous disait à ce moment-là qu'elle ne pourrait pas être présente.
02:22Et une semaine après, je lui ai demandé de venir, bien sûr de venir auprès d'elle pour lui rendre visite,
02:31elle avait refusé parce qu'elle ne voulait pas qu'on la voit comme ça, se dépérir, mais avec mon insistance elle a accepté.
02:38Du coup j'ai pris la route, j'ai fait 100 km, je suis allée auprès d'elle, je suis arrivée vers 11h30,
02:45nous avons mangé, j'avais amené de quoi manger, et puis je ne sais pas pourquoi, alors qu'elle avait envie de parler,
02:56elle était contente que je sois là, elle avait envie de parler de son état, j'ai excusé, j'ai fait comme si je n'y croyais pas,
03:07je ne sais pas jusqu'à aujourd'hui ce qu'il s'est passé dans ma tête, peut-être que j'ai compris,
03:11il était tard quand j'ai vu qu'elle avait beaucoup maigri, et puis à 5h, j'ai prétexté qu'il fallait que je rentre et je suis partie.
03:19Elle m'a accompagnée à la porte, j'étais dans la voiture, je l'ai vue pleurer, je ne me suis pas arrêtée.
03:29Et vous avez fui Chantal, oui ?
03:31Je ne sais pas, je m'en veux. Jusqu'à présent ça fait deux ans et demi, tous les jours je me lève.
03:36Chantal, vous avez eu peur, vous avez été envahie par cette angoisse de mort, et vous avez fui parce que ce n'était pas supportable pour vous,
03:48et vous n'avez pas pu. Je pense que là, en l'occurrence, oui, vous allez pouvoir vous pardonner, il faudra peut-être vous faire aider,
03:56mais il faut que vous puissiez vous pardonner.
03:59Oui, je ne sais pas comment.
04:04Je pense qu'Anne de Montarlo, vous pouvez donner une piste peut-être à Chantal ?
04:09Non, mais vous avez raison, je pense que pour vous, Chantal, ce n'était pas supportable, concevable, de pouvoir concevoir,
04:18de pouvoir entendre qu'elle pouvait, qu'elle avait la menace de mort en elle.
04:23Et ce n'était peut-être pas possible, vous savez, parfois on ne peut pas faire face à des choses que l'on n'est pas prêt à entendre.
04:30On n'est pas des machines, et il faut avoir une certaine compassion envers soi-même pour après pouvoir se pardonner.
04:40Essayez de comprendre pourquoi vous avez agi comme ça, sans vous juger surtout, et d'accepter que vous avez une limite.
04:48Bah oui, que vous avez une limite, que ce n'était pas possible, et qu'il aurait fallu un peu plus de temps pour métaboliser le fait que votre soeur ait un cancer,
04:58et que vous puissiez mourir, c'est colossal, ça Chantal, donc ce n'est pas une petite nouvelle.
05:04Bah oui, donc ce n'était pas, c'était une défense, ce qui s'est passé en vous, c'est une défense.
05:15Votre corps et votre esprit s'est défendu pour gérer l'instant, c'est ça qui s'est passé.
05:23Chantal, je vais prendre un petit exemple tout simple, mais qui va vous permettre de comprendre.
05:29Vous savez, il y a beaucoup de personnes, quand il y a des images d'enfants qui sont en train de mourir de faim ou de guerre,
05:39qui zappent, qui ne veulent pas regarder, parce que c'est insupportable pour eux de regarder.
05:44Voyez, on est des êtres humains, et on a tous nos faiblesses, nos fragilités, et je pense que pour vous, ce n'était pas possible.
05:54C'est pour ça que je l'ai dit que vous avez fui, mais vous avez fui parce qu'il fallait vous protéger de vous-même.
06:01Oui, et c'est une position de survie justement, Chantal.
06:06Il faut comprendre que votre système nerveux autonome, c'est très important pour la culpabilité,
06:10c'est mis en marche pour vous protéger sur le moment.
06:14Donc, on a la fuite, on a le combat, et on a quand on se fuit.
06:21Ça, c'est des positions, si vous voulez, dans votre corps, qui sont inconscientes et qui se mettent en place pour nous protéger.
06:28Et on ne choisit pas d'ailleurs, par exemple, des gens qui vont voir une femme se faire violer dans un RER.
06:36On ne comprend pas qu'il y ait des personnes qui fuient, on ne comprend pas qu'il y ait des personnes qui soient hypnotisées,
06:41et on comprend, en revanche, évidemment, qu'il y ait des personnes qui vont défendre la pauvre femme.
06:46Mais personne ne choisit ce qu'il va faire. Vous comprenez, Chantal ?
06:50Oui, mais moi j'ai tendance à me dire, mais d'accord, peut-être, de mon côté, c'était peut-être la réalité,
06:58mais quand je me mets à la place de ma sœur, qui avait besoin d'un soutien et d'une présence,
07:03elle avait envie de parler de sa maladie et qu'elle allait...
07:07Il y a des thérapeutes pour ça, Chantal. Ce n'est pas votre rôle. Ce n'est pas votre rôle.
07:12Et puis je pense aussi qu'on est humain, comme vous dites, et on a la faiblesse de penser que la vie est longue.
07:17Et peut-être que vous, vous êtes partie, c'est un mécanisme de défense, et que vous pensiez qu'il y aurait une autre fois,
07:23que vous alliez la revoir. Enfin, vous voyez, on a cette faiblesse.
07:27Écoutez, Chantal, dans un premier temps, déjà, vous allez lui envoyer une lettre où vous lui demandez pardon.
07:33Comme ça, ça va déjà vous soulager un tout petit peu.
07:36Vous faites une petite lettre et puis vous la brûlez en pensant fort à elle,
07:41peut-être en regardant une photo d'elle, vous brûlez la lettre.
07:44Et puis ensuite, je crois que vous allez aller vous confesser, en quelque sorte, auprès d'un thérapeute
07:51qui vous dira exactement la même chose que ce que vous a dit Anne de Montarlo.
07:55Vous comprenez ? D'accord ? Promis ? Vous faites ça ?
07:59Oui, oui.
08:00Promis, promis, promis, juré ?
08:02Promis, juré.
08:03Bon, merci Chantal. Et merci de votre témoignage, parce que vous savez,
08:07il y a des personnes qui n'osent pas, qui ne peuvent pas aller à un enterrement de quelqu'un de très très proche,
08:13parce que c'est trop dur pour eux. Il y a tellement de gens qui se sont reconnus dans votre témoignage, Chantal.
08:18Vous n'êtes pas la seule, vous savez.
08:20Je m'en doute.
08:21Merci à vous. Allez, on fait une petite pause et on se retrouve.