• il y a 19 heures
Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00Dans Maria de Pablo Larraín, c'est Angelina Jolie qui incarne la célèbre cantatrice grecque Maria Callas.
00:08Elle vit à Paris, elle a perdu sa voix et elle repense au passé, Simon.
00:13Elle repense au passé et tout le film va repenser au passé.
00:17On l'a beaucoup dit à l'approche de la sortie du film, ce serait le troisième film, la troisième biographie féminine de Pablo Larraín.
00:25Mais si on y regarde bien, il a fait bien d'autres biographies.
00:28Il s'est intéressé à bien d'autres personnages que juste des personnages féminins ou même des personnages réels.
00:33Il a aussi fait Neruda, mais il y avait également Emma qui était une autre tentative.
00:36Et si on commence à regarder un petit peu la plupart de ses films jusqu'à El Cloub, ce sont tous des tombeaux.
00:42Ce sont tous des visites.
00:44Ça donne envie, Simon.
00:45Écoutez, en même temps, c'est l'humeur du moment.
00:48On peut descendre tous ensemble.
00:51Mais je trouve ça authentiquement intéressant parce que c'est peut-être son film qui l'assume le plus.
00:56Et alors, il faut savoir, moi, je ne connaissais pas particulièrement ni la vie ni la carrière de la calas.
01:01Et j'ai aimé que le film ne cherche pas à m'en faire une notice biographique.
01:04Il me plonge dans une idée de la fin, dans une idée de la célébrité qui est en train de s'effilocher.
01:09Un rapport au corps de la performeuse, de l'artiste et au corps de l'humain, de l'humaine qui est très intéressant.
01:16Et on le voit dans un extrait qui montre à la fois tout ce pourquoi le film peut être un peu difficile à appréhender.
01:22Il peut être un peu une source de souffrance.
01:24Mais en quoi je trouve une étrange richesse.
01:26Regardez ce décor.
01:27C'est un décor qui est théâtral et assez bizarroïde.
01:31On a, vous voyez sur le côté, tous ces bustes, toutes ces statues qui laissent à penser à un atelier.
01:35Un atelier où on essaierait comme ça de façonner une image arrêtée, immortelle, peut-être même des masques mortuaires.
01:52Regardez le visage d'Angelina Jolie qui est partagé entre ce rougeoiement un peu terne et le vert déjà,
02:20qui annonce un tout autre devenir.
02:22Eh bien, tout le film est conçu comme ça.
02:24Il est à la fois plein de vie, plein d'évocations.
02:27Et il s'approche pourtant d'une espèce de zone qui est proche du fantastique, qui est proche d'une idée du pourrissement annoncé.
02:33Et moi, tout à coup, ça me raconte tout ce qu'il y a de terrible dans la vie de Callas,
02:37qui a vécu par sa voix et qui, parce que sa voix s'en est allée, disparaît ou doit disparaître.
02:42Et ça donne un film qui est étrangement paralysé parce qu'il raconte l'histoire d'un personnage qui ne peut plus ni avancer ni reculer,
02:48dont la mémoire la manipule elle-même un petit peu, qui se joue, se surjoue.
02:54Et donc, c'est un film qui est assez difficile, qui est assez âpre, qui ne va pas de soi, mais que je trouve étrangement fascinant.
03:00Est-ce que vous avez aimé descendre dans ce tombeau, Frédéric ?
03:03Le terme de tombeau et de mausolée, en tout cas, ressemble vraiment aux couleurs du film.
03:07Tu l'as parlé à la distance qui est prise avec Maria Callas.
03:11Maria Callas, dont on va vraiment explorer l'égarement, la dépression, le gouffre interne de cette chanteuse
03:17qui n'est plus celle qu'elle était.
03:20On lui dit « chante comme la Callas », mais je ne suis plus la Callas, elle ne peut pas.
03:23Ça donne d'ailleurs lieu à une scène que je trouve très réussie dans un film qui ne me plaît pas toujours,
03:27qui est la première scène quasiment du film, où elle est en train de répéter dans sa cuisine.
03:31Et pendant ce temps-là, il y a sa cuisinière, jouée par Rorvacher, qui est en train de faire des crêpes.
03:35Alors ça, c'est plutôt amusant, évidemment, de se dire que Callas, dans son intimité,
03:38essaye à ce moment-là, devant sa domestique, d'être à nouveau.
03:42C'est un film sur Angelina Jolie, c'est un film sur un portrait d'Angelina Jolie,
03:46mais je dirais que par rapport aux autres biographies de Pablo Larraine, j'ai été un petit peu déçu.
03:50Je trouve le film trop à distance, trop morbide, peut-être.
03:53Et il n'y a pas autant de grandes scènes que dans les autres films de Pablo Larraine.
03:57Comme si le film restait un peu sur une…
03:59Le système s'implique !
04:00C'est-à-dire que le tombeau, c'est la note du film, et on reste sur cette note un petit peu.
04:03En fait, moi j'ai l'impression qu'il a trouvé une formule qui nous ressort à peu près à chaque biopic,
04:07c'est-à-dire qu'il fait le portrait de femmes qui sont consumées par leur célébrité,
04:12maigres à crever, malheureuses en amour.
04:15Et il enrobe tout ça dans du velours, en faisant tournoyer sa caméra comme ça autour de ces femmes.
04:21Est-ce qu'il a véritablement de l'empathie pour celle qu'il filme ?
04:26Est-ce que la détresse de ces femmes le touche ?
04:28Et moi j'ai l'impression au contraire qu'il les vampirise lui aussi à sa manière.
04:32Et ça me met terriblement mal à l'aise.
04:34Il y a une scène, la scène dont tu parlais, où effectivement elle…
04:37Donc c'est Castadiva, je crois, et il y a eu…
04:40Il y a une sorte de montage parallèle entre elle au temps de sa splendeur,
04:43qui a vraiment vampé les foules du monde entier, et les mélomanes,
04:48et puis elle dans sa cuisine, devant sa cuisinière, Alba Rohrbacher,
04:51qui fait cuire son escalope, là.
04:53Et là où je me dis tout à coup, je m'interroge sur la position du film,
04:58c'est le plan sur les chiens, parce que les chiens,
05:00qui ont l'oreille musicale visiblement,
05:02qui ont vécu avec la calasse suffisamment longtemps pour savoir ce que c'est qu'une belle voix,
05:05et bien ils couinent parce qu'elles chantent mal.
05:08Les chiens nous disent, dans un plan sur eux,
05:11« Ah ah, petite note de comédie, vous avez vu comme elle n'a plus de voix. »
05:14Et là, tout à coup, je me dis, qu'est-ce que c'est que ce contre-champ sur les chiens ?
05:18Le film perd très vite, en fait.
05:20– Ça ne peut pas être juste une petite note humoristique.
05:22– Autant au bout, il n'y a pas tellement de notes humoristiques.
05:25Moi, j'aime bien la formule de Simon, un film paralysé.
05:27C'est un peu ce que j'ai vécu pendant le film.
05:29C'est-à-dire que moi, autant, au départ, j'aime l'idée
05:32qu'on ne nous fasse pas la fiche Wikipédia de Maria Callas,
05:35parce que c'est autre chose.
05:36– Mais elle y est un peu quand même.
05:37– Mais ça ne suffit pas.
05:39– Il y a des archives avec des images.
05:41– Oui, il y a tout. Il y a même des changements.
05:43Il faut parler d'Ed Lackmann, le chef-opérateur,
05:46qui était le chef-op' de Todd Haynes.
05:49Et voilà, de la couleur au noir et blanc, du 35 mm, du 16 mm, du super 8.
05:55Donc il y a cette espèce de truc, là, on va saupoudrer,
05:58on joue de tout et on fait venir des tas d'acteurs.
06:00On a vu Pierre-François Flavineau, tu as parlé d'Albert Horvacher.
06:03– Vincent Macken.
06:04– Il y a Vincent Macken dans le rôle du médecin.
06:06Mais voilà, je vois Vincent Macken au début,
06:08et j'aime beaucoup Vincent Macken, mais je me dis,
06:10mais qu'est-ce qu'il fout là, à diagnostiquer la mort de la Callas ?
06:14– Ce qui est intéressant, c'est que Jackie, qui déjà partait du principe
06:18que c'était une femme qui se racontait à un interviewer,
06:21et on va retrouver ça dans ce film-là.
06:23Moi, j'aime bien, par exemple, qu'il ne soit pas du tout réaliste.
06:25Ce n'est pas du tout un cinéaste réaliste, donc tout est ouvert.
06:27Là, en l'occurrence, à la drogue, à la dépression.
06:30Jackie, c'était dans la construction d'un mythe,
06:32comment une femme, et ça la rendait absolument passionnante,
06:34et à chaque fois, chacun de ces trois films,
06:37de cette collection de destins tragiques de femmes,
06:40Jackie…
06:41– Diana Spencer.
06:42– Spencer, et celui-ci, chacun a son esthétique propre,
06:46les couleurs passées, hivernales de Spencer,
06:49qui était quand même un film un peu barbant, par ailleurs.
06:52Et c'est vrai que Jackie, il y avait…
06:54– Jackie était formidable.
06:55– Jackie était formidable.
06:56– Parce que c'est la construction de la mythologie.
06:58– Visuellement, l'esthétique pop, les couleurs,
07:00le sang sur ce tailleur, etc.
07:02Il y avait quelque chose de très frappant.
07:04Là, c'est très, très beau, mais effectivement,
07:06c'est une espèce de petit théâtre luxueux.
07:08– De petit opéra, de petit opéra.
07:10C'est l'agonie comme à l'opéra.