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Le tribunal administratif de Melun a annulé l'obligation de quitter le territoire français d'un influenceur algérien, Doualemn, arrêté pour incitation à la violence. Libéré après une rétention illégale, il reçoit une indemnité de 1200 euros.

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00:00Bonjour, Maître Dylan Slama, vous êtes avocat pénaliste, merci d'être avec nous ce matin face à Maxime Brandstetter du service Police et Justice de BFM TV.
00:12Mathieu Croissando continue de nous accompagner alors que, surprise, hier soir le tribunal administratif de Melin a annulé l'obligation de quitter le territoire français qui visait cet influenceur algérien d'Ouallem.
00:24Procédure annulée, il est ressorti libre hier soir du centre de rétention administrative du Ménilamelou en Seine-et-Marne où il se trouvait, je crois même qu'on a les images de sa sortie de ce centre de rétention.
00:35Maxime, c'est pas inutile de rappeler quand même ce matin ce qui lui était reproché initialement quand il a été arrêté au mois de janvier ?
00:41Ce qui lui était reproché, c'était une vidéo qu'il avait faite sur son compte TikTok avec 168 000 abonnés, je crois.
00:47Une vidéo où, selon les qualifications juridiques, il appelait à la provocation à commettre un crime ou un délit.
00:55Grosso modo, dans cette vidéo, il disait en arabe, il appelait à attaquer, à commettre des actes de violence à l'encontre des opposants au régime algérien et en particulier un.
01:05Une vidéo qui a eu différentes transcriptions d'ailleurs.
01:09L'opposant algérien disait qu'il traduisait qu'il l'appelait à le tuer.
01:13Les avocats de Doualaim disent que non, il l'appelait à une sanction sévère.
01:17Dans tous les cas, c'était de la violence et il sera jugé pour ça le 24 février, c'est ça qu'on lui raconte.
01:20Donc, à partir de là, il est renvoyé vers l'Algérie avant d'être immédiatement ramené vers la France, c'est bien ça ?
01:26Oui.
01:26Et placé en centre de rétention administrative.
01:28C'est ça. L'Algérie, c'est la première étrangeté de l'histoire parce que, vous savez, d'habitude, en parlant du laissé-passé consulaire, pour renvoyer quelqu'un, il faut qu'il ait un laissé.
01:35Lui, il n'en avait pas besoin, il avait un passeport.
01:37Algérien.
01:38Vous êtes citoyen, passeport algérien, vous pouvez.
01:40Mais les autorités ont dit qu'il était interdit de territoire.
01:43Selon l'autorité française, ils n'ont pas remis de documents pour le justifier.
01:47Mais bon, il a été renvoyé ici, placé en centre de rétention administrative.
01:50Différentes décisions jusqu'à hier, où le tribunal administratif de Melun dit qu'il fallait le libérer.
01:54Alors justement, il faut reprendre peut-être les arguments du tribunal administratif pour comprendre ce qui s'est passé.
01:58Doutes sérieux sur la légalité de la procédure d'urgence absolue.
02:02Qu'est-ce que ça veut dire, maître ?
02:03Alors, pour être tout à fait honnête, j'ai cherché, je n'ai pas trouvé le texte exact, donc la motivation exacte.
02:08Mais parce qu'on n'a pas encore peut-être la motivation.
02:10Ça, c'est la première décision. Celle d'hier, on n'a pas encore les motivations.
02:13Donc, on n'a pas encore la motivation exacte.
02:15Ceci dit, il faut dire une chose, c'est que ça peut choquer, ça peut surprendre, mais il arrive régulièrement que des OQTF soient illégales.
02:21Les OQTF, en général, sont pris à la va-vite.
02:23On a des fonctionnaires qui tamponnent, ça veut dire qu'ils remplissent des cases et ils en prennent 10, 15, 20 par jour.
02:28Ils n'ont pas le temps de tout vérifier.
02:29Donc, très souvent, 50 % à peu près des OQTF font l'objet d'un recours.
02:32C'est énorme.
02:33Et 10 % environ des OQTF, je crois que ça a un peu baissé, mais c'est 10 % des OQTF qui sont annulés.
02:37Donc, ce n'est pas quelque chose d'extraordinaire, une OQTF.
02:40Et sûrement que ces OQTF-là ont été vraiment pris à la va-vite.
02:43Parce qu'en fait, si on le rappelle, il y a un premier jugement du tribunal administratif de Paris.
02:47Au départ, Bruno Retailleau avait dit « je prends un arrêté d'expulsion en urgence ».
02:50Le tribunal administratif de Paris dit « non, non, il n'y a pas d'urgence là, mais par contre, vous avez raison, vous pouvez essayer de l'expulser ».
02:55Et donc, dans la foulée, pour qu'il reste en centre de rétention administrative, à 23h50, je crois,
03:00le ministre de l'Intérieur a repris une OQTF, rédigée rapidement,
03:03parce que sinon, il allait sortir du centre de rétention administrative.
03:06Ça, c'était précédent et c'est pour ça qu'elles ont été rédigées assez rapidement.
03:08Donc, ce qu'on comprend, c'est qu'il n'y avait pas de caractère, enfin, pour la justice administrative, il n'y avait pas de caractère d'urgence.
03:13Voilà.
03:15Quand y a-t-il caractère d'urgence ?
03:17Là, ils ont estimé, à l'inverse, qu'il n'y en avait pas, parce que ça faisait 15 ans environ qu'il était sur le directeur français
03:21et qu'il avait, notamment, femme et enfant et une famille en France.
03:24Quand c'est comme ça, on dit quelqu'un qui est là depuis 15 ans, on ne peut pas dire du jour au lendemain que l'expulsion devient urgente.
03:29C'est ce qu'a établi la première décision.
03:31Et la deuxième, donc, a établi qu'il y avait une illégalité.
03:34Alors, sans avoir les motivations exactes, j'ai lu, c'est à confirmer,
03:37mais j'ai lu que c'est parce que la commission d'expulsion des étrangers n'avait pas été régulièrement saisie.
03:41Or, c'est une procédure obligatoire.
03:42Il faut saisir cette commission pour que l'OQTF soit valable.
03:45Si elle n'a pas été saisie, l'OQTF ne l'est plus.
03:48Encore une fois, c'est à confirmer.
03:49Alors, il a donc pu quitter le centre de rétention administrative libre hier soir
03:53avec une autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée par le tribunal
03:58et une indemnité de 1 200 euros.
04:01Mais pourquoi ?
04:02On estime qu'il a subi un préjudice, puisqu'en vérité, sa rétention était illégale.
04:06Et donc, depuis le 29 janvier, date à laquelle il est sous rétention administrative,
04:09eh bien, il était de manière illégale.
04:12De la même manière, aujourd'hui, quelqu'un qui fait de la prison pour rien pendant six mois
04:14et qui se retrouve relaxé, il a indemnisé sa détention provisoire illégale.
04:17Mais cette indemnité-là, je crois que c'était sous l'article L761-1 du Code de justice administrative,
04:22c'était pour les frais de justice, pour rembourser ses frais d'avocat.
04:25Mais ça, c'est une somme forfaitaire ou c'est une somme qui est évaluée au titre du préjudice subi ?
04:29Le maître le dira, mais je pense que non.
04:30En fait, il a eu des frais d'avocat liés à cette procédure.
04:34La justice demande à l'État de lui rembourser les frais d'avocat.
04:36Je ne pense pas qu'il ait gagné d'argent avec cette procédure.
04:38C'est juste pour payer ses avocats.
04:39Je vais poser une question, peut-être, mais est-ce que la justice administrative
04:43peut prendre un arrêt, une décision politique ?
04:47Non, les juges s'expriment en droit.
04:49Il y a un décalage entre le temps politique et le temps judiciaire
04:53et puis il y a un décalage entre la motivation politique et la motivation judiciaire.
04:56Bruno Retailleau a pris cette décision.
04:58Il peut considérer que, il l'avait dit d'ailleurs, que l'État de droit,
05:01ce n'est pas intangible ni sacré, qu'on peut remettre en cause des principes
05:05en discutant dans le cadre du débat démocratique.
05:07Mais en attendant, les règles de droit...
05:08C'est quand même un sacré camouflet pour le ministre de l'Intérieur.
05:10C'est un sacré camouflet, oui, parce que surtout qu'il s'était affiché
05:13avec un profil de fermeté, une volonté de ramener l'ordre.
05:16Il l'avait répété trois fois.
05:17Et puis ce débat sur les OQTF, il pourrit le débat public
05:20depuis maintenant trois, quatre, cinq, dix ans.
05:22Donc oui, il avait promis de se faire respecter.
05:25C'est un premier geste politique qu'il fait et il se prend une peau de banane.
05:28Bruno Retailleau va faire appel, mais je renouvelle ma question.
05:30Maître, que faut-il pour qu'il y ait un caractère d'urgence à une expulsion ?
05:35Qu'est-ce qui justifie l'urgence ?
05:37L'urgence, c'est si jamais il y a un risque...
05:39Trouble à l'ordre public ?
05:40Non, c'est un risque manifeste et immédiat.
05:42Ça veut dire que le risque doit être manifeste et immédiat.
05:44Donc là, ce sont des critères d'évaluation qui sont établis par les magistrats.
05:47Et en l'occurrence, quelqu'un qui, depuis 15 ans, est sur le territoire,
05:50on ne peut pas dire que d'un coup, ça devient urgent de remédier
05:53à cette situation qui, pourtant, perdure depuis 15 ans.
05:56Donc la situation va être réexaminée d'ici trois mois.
06:00Est-ce qu'il a de bonnes chances, doit l'AIM, de rester en France ou pas ?
06:04Là, j'ai cru comprendre que cette fameuse commission d'expulsion des étrangers
06:08avait déjà été saisie, je crois pour le 19 février, si j'ai bien lu.
06:11Donc en vérité, je pense que cette fois, ils vont essayer de faire les choses dans le bon ordre.
06:14Mais il faut comprendre que le contentieux des étrangers est quelque chose de très complexe.
06:17Il y a des juges judiciaires, il y a des juges administratifs,
06:19il y a des recours très différents qui sont possibles.
06:21Nicolas Sarkozy, je me rappelle, en 2012, avait proposé un référendum
06:24pour essayer de simplifier le contentieux d'expulsion des étrangers.
06:28Non seulement, il n'a pas été élu, mais il y a eu beaucoup de réactions très vives
06:31en disant que c'est une remise en question de l'état de droit, etc.
06:34Donc ce n'est pas la situation d'un individu qui est mis en cause,
06:36c'est le système global qui est extrêmement difficile à mettre en place
06:39parce qu'encore une fois, il y a beaucoup de difficultés à faire exécuter ces décisions.
06:44Mathieu, est-ce que cette décision, cette annulation, n'est pas la preuve, une nouvelle fois,
06:47de la fragilité des OQTF quand on voit que, finalement, très peu sont exécutés ?
06:52Oui, parce qu'on en prononce trop, Maître le disait.
06:55Certaines sont mal rédigées, mal argumentées.
06:5920 000, c'est ça ?
07:01Oui, et puis ça dépend des régions.
07:03C'est-à-dire qu'il y a des coins où les OQTF sont beaucoup plus annulés qu'ailleurs.
07:07Et puis, du coup, il y en a qui sont faites automatiquement.
07:10Ça pourrit le débat public parce qu'une mesure prononcée et non exécutée,
07:15ça donne aux Français le sentiment que la loi n'est pas appliquée.
07:19Donc, il faut sans doute en prononcer moins.
07:21Bruno Retailleux, je le disais, fait appel et il a répété hier, d'hier,
07:25que c'était la preuve, cette décision, qu'il fallait changer la loi. Le faut-il ?
07:29Il faut en tout cas changer les conditions d'exécution de ces OQTF
07:32puisque chaque ministre de l'Intérieur dit avec moi,
07:34vous allez voir ce que vous allez voir, je vais faire respecter les OQTF
07:36et on est, en gros, à 10 % des OQTF qui sont appliqués.
07:39Donc, il faut changer la façon, sans doute, dont les préfectures
07:43et dont certains tribunaux les prononcent.
07:47Ensuite, on rappelle, on ne peut pas mettre un policier derrière chaque OQTF.
07:52Il faudrait que les policiers ne fassent que ça.
07:55En attendant, il est libre. Il a déjà commencé à poster des messages
07:58sur son compte, sur les réseaux sociaux. Il peut le faire, d'ailleurs ?
08:03Oui, il en a le droit. A priori, il n'y a aucune interdiction pénale
08:06qui l'interdit d'utiliser les réseaux sociaux.
08:08Donc, oui, il reprend sa vie. Il a un titre de séjour provisoire
08:10et il faut réexaminer ses situations dans les trois mois.
08:12Mais en attendant, il a le droit de faire ce qu'il veut.
08:14Il est libre. Il peut de nouveau s'exprimer sur son réseau social.
08:18Oui, alors, dans les limites de la loi, on lui reproche d'avoir appelé
08:21à commettre un crime ou un délit. S'il recommence, je suppose
08:24que les autorités font quelque chose.
08:26134 000 OQTF prononcés en 2022. J'ai retrouvé le chiffre.
08:30Et 7 % seulement qui sont réellement exécutés.
08:33Merci beaucoup à tous les trois.

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