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Le 5 novembre 2024, Donald Trump est réélu triomphalement avec un score écrasant, achevant du même coup la carrière politique de Kamala Harris. Un retour inattendu pour un second mandat qui s'annonce tumultueux. Pour beaucoup d'Américains, Trump est celui qui a survécu à la mort, celui qui renaît de ses cendres après quatre ans de brouille, de tracas judiciaires, de mensonges et de combats contre ses ennemis pour reprendre le pouvoir par le haut. Les États-Unis n'ont pas inventé Hollywood pour rien : dans ce pays tout est possible, même le retour de celui que les démocrates européens aiment tant détester. Avec son ouvrage "Donald Trump : retour vers le futur", Sébastien Boussois, directeur de l'Institut géopolitique européen, revient sur le phénomène politique "Trump", les détails de sa victoire et ses combats tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des Etats-Unis.

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Transcription
00:00– Bonjour à tous, nous sommes avec Sébastien Boussois, bonjour Monsieur.
00:09– Bonjour.
00:10– Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques,
00:12enseignant en relations internationales,
00:14vous êtes également le directeur de l'Institut Géopolitique Européen.
00:18Vous publiez cet ouvrage, Donald Trump, retour vers le futur.
00:23Un Donald Trump qui a été investi le 20 janvier dernier, Sébastien Boussois.
00:29Pourquoi, dites-vous que c'est bien l'Europe qui sera le grand perdant
00:33du retour de Trump à la Maison-Blanche ?
00:36– Je pense que déjà l'Europe s'est voilée la face pendant des mois,
00:39voire des années.
00:40Beaucoup d'Européens, que ce soit l'opinion comme les instituts de sondage,
00:44comme les experts ou les consultants de plateau, comme on les appelle,
00:48ont imaginé ou ont pronostiqué que ça pourrait être Kamala Harris qui gagne
00:52parce qu'elle représentait une femme issue des minorités progressistes,
00:57Wauquisto et tout ce qui suit derrière.
00:59Déjà l'Europe a perdu beaucoup de temps en imaginant et en espérant.
01:03C'était du wishful thinking, l'idée que, au fond,
01:06ça pourrait être Kamala Harris qui puisse gagner.
01:08Déjà, on s'est pendant des mois voilée la face et on a perdu énormément de temps.
01:13Et c'est le cas des institutions européennes puisqu'on savait de toute façon,
01:16si Donald Trump était élu, qu'économiquement ça serait très compliqué
01:20puisque l'objectif, il le dit depuis le début,
01:22c'est de rééquilibrer la balance commerciale en sa faveur
01:25et que, du coup, sa fameuse arme économique des barrières douanières
01:29allait se mettre en place très rapidement dès l'instant qu'il serait élu.
01:32Non, les institutions, les Européens se sont dit que ça ne pouvait pas être possible
01:35qu'un homme comme ça, vulgaire, grossier, qui aurait fait une campagne extrême,
01:40qui avait des casseroles, comme on dit, des affaires de justice,
01:44ne puisse pas revenir à la Maison-Blanche.
01:46Et bim, bam, boum, il est revenu à la Maison-Blanche.
01:48Je pense que c'est à la fois une perte, un déni complet,
01:52une perte de temps et d'anticipation de l'idée potentielle que Donald Trump revienne.
01:57Et puis, au fond, Donald Trump n'aime pas l'Europe.
01:59D'ailleurs, le discours qu'il a tenu juste après son investiture,
02:03il n'a pas prononcé une seule fois le mot Europe.
02:05Il déteste l'Europe, il n'a pas une grande sympathie pour la France
02:09et toute cette régulation, ce trop d'États, ces barrières permanentes avec l'économie.
02:14– Il déteste la France ou l'Union Européenne ?
02:16– Non, il y a un ensemble, je pense que…
02:18– L'Europe ou l'Union Européenne ?
02:19– Mélanie aime beaucoup la France, elle avait des loups boutins,
02:21mais en tout cas, Donald Trump, lui…
02:23– D'origine slovéne ?
02:25– Oui, Donald Trump aussi, il a des origines européennes, allemandes.
02:29Et ce n'est pourtant pas son grand ami, c'est rien de le dire en ce moment.
02:33Je crois que pour lui, c'était un bloc monolithique,
02:35à peu près aussi incompréhensible que sont souvent les États-Unis pour nous.
02:39Et que ce qu'il voit avant tout, c'est les institutions européennes,
02:41c'est Bruxelles, c'est la régulation.
02:43Et c'est surtout ce côté donneur de leçons et distribuant les bons et les mauvais points
02:51dans le monde entier, s'engageant dans des conflits
02:55au nom de toutes ces questions qui aujourd'hui le dépassent.
02:59Puisque lui, son objectif, c'est de se replier pour protéger avant tout les Américains.
03:04– On entendait récemment Emmanuel Macron parler d'une internationale réactionnaire
03:09en parlant du projet de Donald Trump et d'Elon Musk.
03:13D'ailleurs, on voit l'émergence ou en tout cas l'arrivée au pouvoir
03:19de certains gouvernants populistes en Europe.
03:23On peut penser à Orban en Hongrie, à Madame Mélanie en Italie ou le Slovaque Fizzo.
03:31Est-ce que cette internationale populiste peut s'étendre encore plus à l'Europe ?
03:35– Déjà, je ne sais pas si c'est bien ou pas bien.
03:38Je pense qu'il faut mettre le mot populisme entre guillemets.
03:41C'est souvent, c'est comme le patriotisme d'ailleurs,
03:43c'est souvent perçu en Europe comme un gros mot.
03:47Aux États-Unis, ce n'est pas forcément la même perception.
03:50Être populiste aujourd'hui, c'est proposer des choses qui peuvent séduire le peuple
03:55et surtout tout faire et tout mettre en œuvre pour pouvoir répondre à leurs attentes.
03:59Si nos dirigeants faisaient la même chose, je pense que ce serait plutôt
04:02une bonne idée, ce n'est pas le cas.
04:04Il n'y a pas un plan, il n'y a pas un programme pré-orchestré de Donald Trump
04:09de diffuser cette forme d'internationale populiste,
04:12mais beaucoup d'individus se reconnaissent en lui.
04:15Ce n'est pas uniquement ce mélange de médias, de politique, spectacle,
04:18ça c'est très évidemment américain.
04:20On a pu le voir la veille de l'investiture avec ce dernier meeting de la Victoire
04:25où on a un Donald Trump qui danse avec les Village People
04:28et puis le lendemain, il est assis sur sa chaise pratiquement seul au monde,
04:32s'ennuyant terriblement d'écouter les autres et attendant que les projecteurs
04:35viennent sur lui pour briller tel qu'il sait le faire en général.
04:39Je pense que les individus que vous avez cités, que ce soit Fisco, Meloni ou Orban,
04:44seront probablement en partie des relais d'un message
04:49ou en tout cas d'un programme politique ou d'une tendance politique
04:56qui a tendance à se développer.
04:58Mais comme je le dis dans le livre, ça ne vient pas des États-Unis,
05:01cette galaxie pop, comme je l'ai appelée,
05:03vient évidemment plutôt au départ d'un personnage comme Silvio Berlusconi.
05:07Beaucoup d'Italiens en sont encore nostalgiques,
05:09quelles que soient toutes les choses qu'on a pu lui reprocher
05:12au-delà de sa politique, au-delà de certaines tendances
05:16que beaucoup considéreront comme extrêmes, au-delà de ses affaires.
05:19Il reste dans le cœur des Italiens pour ce qu'il a fait aussi de l'autre côté,
05:23pour ce qu'il a incarné, pour ce qui lui a permis de représenter l'Italie
05:27sur la scène européenne.
05:28Et je crois que beaucoup de nos dirigeants,
05:30qui ont tendance à porter souvent un jugement un peu péremptoire
05:33et condescendant à l'égard des États-Unis et d'un Donald Trump,
05:36qui, je le rappelle, a quand même été largement élu,
05:38si on avait des dirigeants qui étaient aussi bien élus
05:40et qui, s'ils dissolvaient par exemple l'Assemblée nationale,
05:44faisaient un raz-de-marée en leur faveur, on pourrait en discuter.
05:46Or, ce n'est évidemment pas du tout le cas.
05:48Je pense qu'il y a évidemment des personnages
05:52qui ont un intérêt au sein des institutions européennes
05:55à maintenir et à vouloir maintenir les relations,
05:58au-delà de l'amitié historique entre les États-Unis et l'Europe,
06:01de vouloir maintenir des relations fortes avec les États-Unis,
06:04que ce soit Orban.
06:06Alors Orban n'était pas là hier,
06:08mais il se dit de manière très, très insistante
06:12qu'il est en train d'organiser et d'orchestrer un voyage
06:15et la venue de Donald Trump en Hongrie au mois de février.
06:18Georgia Melanie, on voit bien qu'elle navigue un peu.
06:21Elle a évolué dans ses prises de position
06:24et elle était effectivement un peu la star européenne,
06:27cette nouvelle figure émergente de la scène européenne
06:30qu'adore Donald Trump et manifestement aussi Elon Musk.
06:34– On entend certains médias nous parler du populisme
06:38comme étant, dites-vous, une manipulation des électeurs
06:40pour obtenir le pouvoir en prétendant les incarner.
06:44Mais on voit que, comme vous dites,
06:46c'est devenu cool pour une femme, un Afro-Américain, un Latino,
06:49de voter justement pour ce populisme.
06:51Comment Trump s'y est-il pris pour inverser la tendance ?
06:54– C'est ça qui est assez incroyable et qu'on l'aime ou qu'on n'aime pas,
06:57surprenant voire quasi miraculeux,
07:00qu'un homme qui est détesté de tant de personnes
07:04aussi évidemment à l'intérieur des États-Unis,
07:07qui aurait pu se contenter de juste rester milliardaire,
07:10qui aurait pu se contenter d'être un simple président des milliardaires,
07:14aujourd'hui incarne les classes moyennes,
07:16schéma classique des classes moyennes ou populaires
07:19qui ont été abandonnées par les partis traditionnellement de leur côté,
07:23en l'occurrence évidemment le Parti démocrate aux États-Unis.
07:26Donald Trump a de toute évidence, au-delà de la simplicité,
07:29ou en tout cas de l'apparente simplicité de son message,
07:32je pense, beaucoup de fond derrière
07:34et suffisamment pour parler à énormément de personnes.
07:37Il est vrai que…
07:38– On ne se rend pas trop compte du fond de ce qu'il a dans la tête.
07:41– On ne veut pas, mais on ne veut pas.
07:43Alors bon, des fois il a des discours un peu farfelus,
07:46au-delà du très bon discours d'investiture à la mode et à la sauce Trump,
07:51en tapant bien fort sur l'ancien couple présidentiel,
07:54en sortant des punchlines qui tiennent la route,
07:57c'est le retour de l'Amérique, toutes les nations nous environs,
08:01c'est l'âge d'or des États-Unis, ça, ça vend du rêve.
08:05Et dans nos démocraties, il faut quand même bien savoir
08:07qu'il n'y a pas beaucoup de dirigeants au sein de l'Europe
08:09qui nous vendent suffisamment de rêve pour qu'on y croie
08:11et pour qu'on adhère.
08:12Les taux d'abstention, évidemment, vous le savez, sont record.
08:14Il a eu cette capacité à attirer les républicains traditionnellement conservateurs
08:20et trumpistes depuis le début, plus de nouveaux électeurs.
08:28Il y a une grande différence entre les individus qu'on a vus au Capitole
08:31et puis les Américains moyens sans être péjoratifs
08:34qu'on a pu voir au meeting de Donald Trump.
08:36Il y a une forme de normalisation ou de dédiabolisation de l'électorat
08:41et des personnes qui se sont dit, bah tiens,
08:43on ne va pas voter uniquement Donald Trump par opposition,
08:46mais on va voter Donald Trump par adhésion.
08:48Et je crois que là, beaucoup de minorités aussi se sont reconnues.
08:51Kamala Harris s'est perdue dans son wokisme, dans ses minorités
08:55et dans cette tentative de séduire au-delà des côtes américaines
09:00et des grandes villes.
09:01D'ailleurs, tout le paradoxe, c'est que Donald Trump n'est pas
09:04un grand fan de Washington.
09:05Il y a quand même un gap énorme entre la Floride, Mar-a-Lago
09:08et cette ville capitale qui a voté à, je crois, 96% pour Kamala Harris
09:16et pourtant, évidemment, la Maison-Blanche est à Washington.
09:20Donc, il cultive tous les paradoxes et puis il y a également, enfin,
09:23une capacité à séduire les minorités, à aller chercher des minorités
09:27qui, a priori, ne sont pas au départ traditionnellement pour lui.
09:30Je pense évidemment aux Latinos.
09:32Il l'a rappelé d'ailleurs hier dans son discours.
09:34Il a remercié les électeurs latinos qui avaient voté pour lui
09:37alors que c'est sa bête noire en ce qui concerne l'immigration illégale
09:40et le renvoi de toutes ces personnes chez elle, ce qui était dans son programme.
09:45Il a même réussi à attirer énormément de jeunes.
09:47Il y a ce côté très tendance de Donald Trump,
09:49cette capacité qu'il a de maîtriser…
09:51Son fils l'a incité, par exemple, à répondre à des interviews
09:54sur des chaînes animées par des jeunes influenceurs américains.
09:57Oui, oui.
09:58Alors, il n'a pas l'air tellement plus rigolo que Melania Trump.
10:03Il n'a pas tout à fait le caractère, évidemment, de son père.
10:06On l'a revu au moment de l'investiture.
10:08Mais oui, il a poussé.
10:10C'est d'ailleurs l'importance de la famille pour Donald Trump.
10:12S'il y en a bien quelques-uns qui l'écoutent, c'est une partie de sa famille.
10:15Bon, Melania, il n'a écouté qu'une fois, apparemment,
10:17selon la biographie officielle de sa femme.
10:20Mais en tout cas, il a même réussi à attirer une grande partie
10:24des électeurs arabes américains et même des afros
10:29qui ont été déçus par les démocrates
10:32ou qui en ont marre, effectivement,
10:34de cette sorte d'omnubilation et de concentration du Parti démocrate
10:38sur des phénomènes picolins ou considérés comme mineurs
10:42pour la majorité des Américains.
10:44Cette peur du déclin, vous l'expliquez,
10:47c'est bien ce qui a conduit les Américains en majorité
10:50à voter pour Donald Trump.
10:52Ça s'illustre comment on nous parle d'un chômage très bas,
10:55d'une croissance relativement stable et assez haute.
10:58Le déclin, il est où aux États-Unis ?
11:00Le déclin, il commence à partir du moment où il y a une inquiétude
11:03sur le risque de perdre sa première puissance mondiale.
11:06Ce n'est pas uniquement de la théorie décliniste
11:08ou du fantasme autour du déclin.
11:10Il y a véritablement dans un contexte mondial
11:14assez oppressant et hostile aux États-Unis.
11:17Les États-Unis incarnent ce monde libre, impérialiste, capitaliste
11:22qui voulait répandre la bonne parole
11:24et essayer sur d'autres terrains géopolitiques
11:27d'imposer des démocraties qui n'ont pas véritablement bien fonctionné.
11:31À partir du moment où le modèle est remis en cause,
11:33à partir du moment où vous avez l'émergence des suds globaux,
11:35vous avez ces BRICS++ qui attirent de plus en plus de monde,
11:39y compris des alliés, entre guillemets, traditionnels des États-Unis.
11:44À partir du moment où vous avez, on en parle depuis maintenant 2-3 ans,
11:47cette désoccidentalisation du monde accélérée à vitesse grand V,
11:51Donald Trump réussit ce que je considère comme un coup de génie.
11:56C'est-à-dire, je fais partie de ceux qui constatent,
12:00évidemment qu'on ne peut pas faire grand-chose
12:01contre ce déclin des valeurs occidentales ou de l'Occident.
12:04Donald Trump, lui, il y croit et il dit globalement
12:06que si les États-Unis se défendent face à ce déclin
12:10de leurs valeurs et de l'appréciation
12:13ou tout simplement de l'adhésion à ces valeurs,
12:18parce que de moins en moins de pays ont envie d'adhérer aux valeurs occidentales,
12:22on le constate justement avec ces suds globaux,
12:24eh bien il y aura sûrement un mouvement de foule
12:27ou par ruissellement, comme dirait l'autre,
12:30d'autres pays qui seront de nouveau séduits par l'Occident.
12:34Je pense qu'en réalité, ce que l'on considère ou craint
12:38comme un déclin américain, en tout cas les Américains,
12:40c'est globalement un déclin de l'Occident.
12:42– Donald Trump, dès son investiture, a signé une centaine de décrets
12:47quelques minutes après avoir prêté serment.
12:50Il annonce un certain nombre de choses,
12:53mais qu'est-ce qu'il va pouvoir faire pendant ces 4 ans,
12:56voire même pendant que les deux prochaines années,
12:58en sachant qu'il y a les élections de mi-terme
13:00qui pourront lui mettre des bâtons dans les roues,
13:02qu'est-ce qu'il va pouvoir faire pour, comme le dit-il, nettoyer le marais ?
13:07– Ce qui est intéressant, c'est qu'il lance le mouvement.
13:09Déjà quand vous avez un candidat qui est élu
13:12avec un nombre de propositions assez importantes, voire énormes,
13:19le fait de lancer le mouvement et de mobiliser les foules
13:22derrière un projet qui, comment dire, c'est un arbre,
13:26c'est arborescent ce programme.
13:28Il y a un message, c'est MAGA,
13:29Made America Great Again, c'est America First.
13:32Et puis ça se décline sous tout un tas de domaines,
13:35dans tout un tas de secteurs.
13:37Donc je dirais que pratiquement tout concours à œuvrer
13:40en faveur de MAGA et d'America First sera pour lui, en soi,
13:44une réussite en ce qui concerne l'immigration,
13:46en ce qui concerne le commerce et le déficit commercial,
13:49ou la dette américaine, ou l'emprise progressive
13:54de plus en plus de pays, notamment de la Chine,
13:56sur des aires géostratégiques qui se rapprochent des États-Unis,
13:59je pense évidemment au Groenland.
14:01Ça je trouve que c'est déjà extrêmement important.
14:05Et puis il est à bonne école de ses dirigeants du moment
14:09qui sont plutôt de tendance dite autoritaire,
14:12du côté des pays que j'ai évoqués précédemment.
14:15Et finalement le programme qu'il propose aux Américains,
14:18c'est un programme pour 20 ans.
14:19C'est ça d'ailleurs qui est intéressant,
14:21dans ce que nos détracteurs de l'Occident,
14:24ou considérés comme tels, mettent à chaque fois en avant.
14:27C'est cette idée qu'eux, que ce soit le président chinois
14:30ou le président russe, ils savent qu'ils sont là
14:32pour 10, 15, 20 ans.
14:33Donc si ça ne va pas bien avec un,
14:34ils peuvent attendre que ça se passe
14:35et attendre le prochain président,
14:38que ce soit au sein de l'Europe
14:40ou que ce soit au sein des États-Unis.
14:42Je pense que ça questionne aussi évidemment nos démocraties,
14:47le fait que c'est chaque...
14:49Aujourd'hui dans des démocraties défaillantes,
14:51avec des dirigeants qui incarnent
14:52ou qui sont de moins en moins populaires,
14:55il y a une difficulté à mettre en place
14:57un programme pour 3, 4 ans.
14:58Et là, ne parlons même pas évidemment de la France
15:01avec des premiers ministres qui changent
15:03tous les 6 mois dans le meilleur ou dans le pire des cas.
15:06C'est très difficile évidemment d'avoir une continuité.
15:08Ce que propose Donald Trump,
15:09c'est un changement civilisationnel,
15:11ce retour des États-Unis,
15:13cette purge au sein de ce qu'il appelle
15:15le Deep State, l'État profond,
15:17ce grand ménage de printemps
15:19sur la question de l'immigration illégale
15:21que l'Europe a de toute évidence du mal
15:23à prendre à bras le corps.
15:25Et donc, vous lancez un mouvement
15:27et puis après ça peut suivre.
15:29Évidemment, tout peut être arrêté
15:31d'ici 2 ans et dans 4 ans,
15:34si c'est un président démocrate qui revient,
15:36il fera la même chose que ce qu'a fait Trump hier,
15:39il fera des décrets pour abolir
15:41et annuler l'ensemble des mesures
15:43qui auront été prises le jour de l'investiture
15:45de Trump, le 20 janvier dernier.
15:47– On a Elon Musk qui rentre
15:49dans l'administration Trump
15:51en tant que conseiller chargé
15:53de l'efficacité gouvernementale.
15:55On se souvient aussi qu'Elon Musk
15:57c'est l'écologiste des voitures électriques Tesla,
16:00c'est le transhumaniste de Neuralink.
16:03Comment cet homme a-t-il point
16:06retourné sa veste pour épouser
16:08les thèses trumpiennes ?
16:10– Alors ça c'est intéressant à plus d'un titre.
16:12Il y a des raisons globales,
16:14c'est que la tech,
16:16toute cette Silicon Valley,
16:18que ce soit Peter Thiel,
16:20le co-fondateur de Paypal,
16:22que ce soit Elon Musk
16:24ou Zuckerberg, ont été plutôt
16:26traditionnellement démocrates.
16:28Vous l'avez rappelé tout à l'heure,
16:29Elon Musk a voté démocrate la dernière fois.
16:31Ce n'est pas juste de l'opportunisme
16:33ou selon le vent.
16:35Il y a un courant global qui vire
16:37plutôt du côté des nouvelles technologies
16:39et de toutes ces entreprises
16:41vers une forme de conservatisme.
16:43Ça c'est un deuxièmement.
16:45Le paradoxe évidemment,
16:47c'est qu'Elon Musk,
16:49bon les colos,
16:51on peut évidemment en débattre
16:53au-delà du nombre de satellites
16:55qui ont été envoyés dans l'espace
16:57par Starlink en quelques mois.
16:59Je crois que son empreinte carbone
17:01ne sera pas compensée évidemment
17:03par Tesla.
17:05Mais en tout cas,
17:07il y a chez ces individus
17:09une forme de raidissement idéologique.
17:11Si je puis dire,
17:13ce transhumanisme,
17:15l'invasion globale
17:17de l'intelligence artificielle
17:19qui n'était pas le cas il y a 4 ans.
17:21Tout va évidemment très vite.
17:23Et puis il y a cet événement personnel
17:25qui lui permet
17:27d'expliquer pourquoi
17:29il n'en pouvait plus
17:31des démocrates, des walkistes
17:33et de tout ça.
17:35C'est son fameux fils
17:37qui a fait cette transition
17:39et dont il considère fondamentalement
17:41qu'à cause de ce courant global
17:43en faveur
17:45des transgenres, des cisgenres
17:47ou de toutes les théories du genre
17:49dans tous les sens du terme,
17:51quelque part ce sont elles qui lui ont fait
17:53perdre son fils. Alors il en a plein d'autres.
17:55Il l'a vécu dans sa chair.
17:57Il l'a vécu personnellement.
17:59Il y a une vision globale
18:01et puis il y a une vision,
18:03une atteinte personnelle.
18:05Est-ce que si Donald Trump
18:07avait été à la Maison Blanche
18:09en 2022,
18:11peut-être Vladimir Poutine
18:13n'aurait pas envahi l'Ukraine ?
18:15Peut-être le Hamas
18:17n'aurait pas lancé son opération
18:19en Israël le 7 octobre
18:21et Israël ne se serait pas non plus
18:23enlisé à Gaza ?
18:25Qu'est-ce qui vous fait croire tout cela ?
18:27Je suis totalement convaincu
18:29que dans ce monde
18:31qui évolue,
18:33cet affaiblissement
18:35du multilatéralisme des Nations Unies,
18:37on revient vers une sorte
18:39d'ordre naturel
18:41où on arrivera peut-être à nouveau
18:43vers une forme de jungle des relations
18:45internationales où il faudra discuter
18:47d'homme à homme avec autorité,
18:49avec charisme, avec caractère
18:51et on ne peut pas dire que pendant les quatre années
18:53de l'administration démocrate
18:55ce soit ça qui est dominé
18:57dans la personnalité de Joe Biden
18:59et celle de Kamala Harris.
19:01C'est la nature à horreur du vide.
19:03La Russie a pu intervenir et sauver
19:05Bachar el-Assad en 2013-2014
19:07parce que Barack Obama n'était pas intervenu
19:09en Syrie à l'issue
19:11de cette histoire des armes chimiques.
19:13Il y a à chaque fois
19:15évidemment, s'il y a du vide
19:17on prend de la place. Et je pense que pour être
19:19respecté, il faut être craint.
19:21Et j'aime beaucoup la domination
19:23charismatique de Max Weber et cette idée que
19:25finalement l'autorité
19:27ce n'est pas si mal que ça, c'est de plus en plus
19:29perçu comme un gros mot dans nos sociétés
19:31et dans nos pays, mais quelqu'un comme Donald Trump
19:33inquiète et fait peur, donc
19:35certains dirigeants se tiennent à carreau.
19:37Ils savent, que ce soit le président chinois
19:39ou que ce soit
19:41Poutine, que le retour
19:43de flammes peut être terrible, y compris d'un point de vue
19:45et surtout d'ailleurs
19:47économique. Je pense que
19:49effectivement, Donald Trump aurait
19:51pu probablement anticiper.
19:53Je rappelle l'invasion quand même de la
19:55Crimée en 2014, c'est aussi
19:57Barack Obama. Donc Donald Trump,
19:59Vladimir Poutine s'est dit, c'est un blancin
20:01Vladimir Poutine s'est dit, ben finalement je vais pouvoir
20:03le faire, c'est une administration démocrate
20:05avec tout ce paradoxe d'un côté
20:07d'accuser, enfin
20:09d'être confronté à des administrations démocrates
20:11qui sont droit de l'homiste,
20:13belliciste et
20:15et vattent en guerre et qui ne
20:17résolvent rien évidemment des conflits
20:19et ne les préviennent même pas. Et un Donald Trump
20:21qui veut se retirer de tout
20:23de tous ces conflits
20:25et de toutes ces ingérences
20:27ou influences diverses et variées,
20:29je ne suis pas sûr que Vladimir
20:31Poutine aurait réagi
20:33de la même façon. En tout cas,
20:35la relation qu'il a avec
20:37Trump est une relation
20:39d'homme à homme. D'ailleurs,
20:41Vladimir Poutine avait dit à l'époque, Trump avait dit
20:43son admiration pour Vladimir Poutine
20:45parce qu'à mon avis, il n'a de
20:47considération et de respect que pour les personnes qui lui
20:49résistent et qui ont du caractère en face.
20:51Et ça, ça force le respect des deux. Je pense qu'on avance
20:53aussi comme ça dans des relations internationales
20:55et des négociations.
20:57Le fameux art de la négociation
20:59à la Trump. – Justement, cette admiration
21:01que Trump n'a jamais cachée envers
21:03son homologue russe, malgré
21:05des relations contrariées
21:07entre 2016 et
21:092020,
21:11qu'est-ce qui peut rapprocher ces deux
21:13hommes au-delà de leur charisme ?
21:15– Mais ça, c'est aussi un élément intéressant,
21:17c'est comme Netanyahou. On est
21:19persuadé depuis l'Europe que
21:21Donald Trump est comme cul et chemise
21:23avec Poutine comme avec Netanyahou.
21:25Il l'est dans une certaine mesure
21:27et jusqu'à un certain point, jusqu'au point
21:29qui arrange Donald Trump et les États-Unis.
21:31Je rappelle quand même que
21:33en amont du 20 janvier, il y a eu des équipes
21:35de transition démocrate et républicaine
21:37pour essayer de résoudre la question à Gaza
21:39et essayer de résoudre ce fameux conflit que Donald Trump
21:41nous avait promis en 24 heures.
21:43Alors, on lui est tombé dessus
21:45en disant oui, mais il ne l'a pas
21:47résolu. D'ailleurs, il a répondu
21:49avec grande habileté hier qu'il n'était
21:51président que depuis une demi-journée.
21:53Il lui est resté une autre demi-journée.
21:55Plus sérieusement, je pense
21:57que Trump
21:59a cette relation privilégiée
22:01avec Poutine
22:03comme il l'a avec Netanyahou,
22:05cette forme d'amitié,
22:07d'attraction
22:09ou de haine ou quoi au casse, mais pour autant,
22:11il ne laisse rien passer. C'est-à-dire qu'il a
22:13fait pression, il a été le seul à pouvoir faire pression
22:15sur Netanyahou, il est le seul à pouvoir
22:17faire pression sur Poutine. Ça ne se passe
22:19pas très bien autour d'un élément en particulier
22:21sur la résolution et les négociations entre les Russes
22:23et les Ukrainiens. C'est cette fameuse force
22:25d'interposition européenne sur le sol
22:27ukrainien. Trump
22:29est furieux à l'égard
22:31de Vladimir Poutine,
22:33mais je pense qu'ils arriveront à trouver un accord
22:35à partir du moment où on cède
22:37le Donbass et les territoires russophones
22:39conquis en 2022
22:41à Poutine et à partir du moment où Zelensky
22:43a garanti qu'il continuera à avoir
22:45des armes pour se défendre
22:47et non pas dans une logique de riposte
22:49ou d'entraînement,
22:51d'enchaînement d'attaques
22:53et reprises avec les Russes.
22:55Trump n'avait pas non plus caché son respect
22:57pour le président chinois Xi Jinping
22:59au-delà de la guerre commerciale
23:01qui se sont livrées, qu'il risque encore
23:03de se livrer. Est-ce que la Chine reste
23:05un ennemi définitif pour les États-Unis ?
23:07Je crois qu'il n'y a rien de définitif
23:09pour Donald Trump.
23:11C'est un négociateur.
23:13C'est un agent immobilier.
23:15Au départ, c'est quelqu'un qui sait
23:17très bien que pour mettre en place
23:19tout un programme immobilier, il faut
23:21commencer à négocier pour le terrain,
23:23puis ensuite il faut commencer à négocier
23:25pour les ressources humaines,
23:27puis ensuite pour les matériaux.
23:29On retrouve certains éléments.
23:31Stephen Witkoff, l'envoyé spécial
23:33de Donald Trump au Moyen-Orient,
23:35n'a strictement rien à voir avec la choucroute.
23:37Il n'a rien à voir avec le Moyen-Orient.
23:39C'est au départ un homme d'affaires
23:41et on peut attribuer clairement
23:43à Witkoff, sous la main
23:45de Donald Trump ou l'inverse,
23:47le résultat de la libération
23:49des premiers otages israéliens
23:51il y a maintenant 3 jours.
23:53Donc rien n'est définitif
23:55avec les Palestiniens.
23:57Rien n'est définitif avec les Israéliens
23:59comme rien n'est définitif avec la Chine.
24:01S'ils trouvent un terrain d'entente
24:03sur les barrières commerciales,
24:05sur les fameuses voitures électriques
24:07chinoises et sur les subventions
24:09versées par le gouvernement chinois
24:11pour permettre d'exporter
24:13à grand renfort
24:15les véhicules chinois
24:17à l'international et que
24:19Tesla n'est pas trop handicapé,
24:21en l'occurrence Elon Musk, et que Musk peut continuer
24:23à inonder le marché chinois. Parce que je rappelle quand même
24:25que Tesla va en plus à l'étranger
24:27qu'aux Etats-Unis et particulièrement
24:29en Chine, même s'il y a des très bonnes marques de véhicules électriques chinois.
24:31Il en sera
24:33le premier content.
24:35Je pense que les petits acharnements
24:37économiques permettent d'éviter le pire
24:39en réalité. Et c'est la même chose
24:41sur Taïwan. Si à un moment
24:43Donald Trump considère que Taïwan est un
24:45problème dans la relation
24:47avec la Chine,
24:49j'ai ou lui dire par des sources
24:51assez élevées et quand même plutôt
24:53bien informées que
24:55il trouverait un arrangement avec
24:57les Chinois, y compris pour Taïwan.
24:59Rapidement Sébastien Boussois pour
25:01terminer notre entretien. On sait
25:03que le président Trump a pu compter sur
25:05un électorat évangéliste,
25:07un électorat
25:09qui avait été en plus galvanisé
25:11un peu après l'attentat en
25:13juillet 2024.
25:15Est-ce qu'il est vraiment vu comme un
25:17messie, comme vous l'écrivez dans votre
25:19ouvrage, ce Trump ?
25:21Oui, et pas que par les évangéliques.
25:23Un scénario
25:25de Netflix ou d'Hollywood n'aurait pas
25:27mieux imaginé, évidemment,
25:29cette tentative d'assassinat.
25:31Il y a eu les deux autres. Il y a eu le plan iranien
25:33dont on ne sait pas grand-chose, et puis l'histoire du golfe
25:35à Mar-a-Lago. Mais en tout cas,
25:37ce qui est arrivé à Butler,
25:39cette image
25:41de l'homme
25:43que l'on veut abattre, ensanglanté,
25:45c'était juste l'oreille,
25:47heureusement,
25:49a joué évidemment
25:51un rôle fondamental dans le basculement
25:53de la campagne en plein été
25:55où ce n'était pas forcément évident pour lui
25:57parce que Kamala Harris
25:59avait de plus en plus la cote
26:01et que les médias se concentraient
26:03sur Kamala Harris. Le fait qu'il ait
26:05réchappé à cette tentative
26:07d'assassinat lui donne quelque chose de
26:09limite divin,
26:11messianique et christique.
26:13C'est vraiment pratiquement le Corcovado
26:15à Rio.
26:17Il a une image d'homme
26:19invincible, et lui qui n'a pas une
26:21grande passion pour la religion
26:23aussi bien dans son quotidien
26:25que dans la vie qu'il a pu
26:27mener,
26:29a clairement considéré
26:31que sa survie était due
26:33à Dieu, et comme c'est Dieu qui a confié
26:35aux Etats-Unis de toute façon la gestion
26:37globale du monde, ce rôle de
26:39gendarme et également ce rôle de
26:41phare de la liberté, Donald Trump
26:43quelque part n'est qu'un envoyé de Dieu
26:45comme celui d'avant pour incarner
26:47un message, mais pour évidemment continuer
26:49à libérer l'ensemble du monde.
26:51Je pense que les religieux sont
26:53aujourd'hui, au-delà de leur vision géopolitique
26:55et de leur vision
26:57religieuse, totalement
26:59dans la logique civilisatrice
27:01ou culturelle,
27:03pour ne pas dire aux choses de Donald Trump.
27:05– Donald Trump, retour vers le futur,
27:07c'est votre ouvrage excellent à retrouver
27:09sur la boutique de TVL.
27:11Merci à vous monsieur. – Merci.

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