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Il y a un an, Missak Manouchian, accompagné de sa femme, Mélinée, ont été panthéonisés, soit 80 ans après l'éxécution du résistant. Qui étaient-ils ? Qu'ont-ils symbolisé au sein de la résistance française sous l'occupation ? Ceux qui étaient dépeints comme des térroristes par la propagande nazie sont devenus des héros. Mais alors, quelle est la place des étrangers dans la résistance armée française ?
Pour en discuter, Jean-Pierre Gratien est en compagnie des historiens, Denis Peschanski et Alya Aglan.

LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débat d'orgue.
00:00:1880 ans après son exécution au Mont-Valérien,
00:00:20voilà un an été panthéonisé,
00:00:22Missak Manouchian, accompagné de sa femme,
00:00:25Méliné. Qui était-il ?
00:00:27Qu'ont-ils symbolisé au sein de la Résistance française
00:00:30sous l'Occupation ?
00:00:32Vous allez le découvrir ou le redécouvrir
00:00:34avec le documentaire qui va suivre,
00:00:36Les résistants de l'affiche rouge,
00:00:38réalisé par Elisabeth Zill-Langoudt.
00:00:41Je vous laisse vous replonger dans cette page d'histoire
00:00:44et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,
00:00:47en compagnie des historiens Denis Péchanski et Alia Aglan.
00:00:51Avec eux, nous nous interrogerons sur la place des étrangers
00:00:55dans la Résistance armée française
00:00:57face à l'occupant nazi.
00:00:59Bon d'ac.
00:01:00Musique sombre
00:01:03...
00:01:05-"Devant le mémorial de la France combattante
00:01:08et aux pieds de la clairière sanglante
00:01:12qui vit l'exécution de tant de résistants,
00:01:16presque tous étrangers,
00:01:20souvent nés en Europe de l'Est
00:01:23et juifs pour beaucoup d'entre eux,
00:01:26l'histoire et la République les avaient oubliés,
00:01:31le président de la République a décidé,
00:01:36quatre-vingts ans après son exécution
00:01:39et celle de ses compagnons,
00:01:43l'entrée au Panthéon de Missac-Manouchion."
00:01:49...
00:01:56...
00:02:03...
00:02:11...
00:02:18...
00:02:25...
00:02:32...
00:02:39...
00:02:46...
00:02:51...
00:02:57...
00:03:02Les visages et les noms qui figurent sur l'affiche rouge
00:03:05sont un témoignage du courage des résistants étrangers
00:03:08et immigrés qui ont combattu les armes à la main
00:03:11durant l'occupation.
00:03:13Contrairement aux visées propagandistes
00:03:15de cette affiche,
00:03:17ces visages et ces noms vont incarner,
00:03:19à l'orée de la libération,
00:03:21l'idée même de la lutte contre l'envahisseur.
00:03:24...
00:03:29Cette affiche rouge, c'est un chef-d'oeuvre de propagande,
00:03:32c'est une des images iconiques de la Seconde Guerre mondiale
00:03:36parce qu'elle symbolise à tous égards la propagande nazie.
00:03:40Il y a la fameuse affiche rouge sur les célibérateurs,
00:03:43qui représentait des étrangers comme des terroristes,
00:03:46en appuyant sur la logique du complot judéo-bolchévique,
00:03:50de l'étranger, etc.
00:03:51Tout le monde s'imagine que c'est une affiche en l'honneur
00:03:55de ces combattants, mais pas du tout.
00:03:57C'était une affiche, évidemment,
00:03:59placardée par les Allemands,
00:04:00sauf qu'ils s'aperçoivent très vite que c'est retourné.
00:04:04Ils ont voulu en faire des terroristes, des héros.
00:04:06L'affiche rouge, avec ces 10 visages qui sont dessus, etc.,
00:04:11a évidemment été l'acte de naissance
00:04:14de la légende de l'affiche rouge.
00:04:16Il y a eu le poème d'Aragon, la chanson de Léo Ferré.
00:04:19C'est comme ça, petit à petit, qu'on s'est rentré dans la légende,
00:04:23qui sûrement n'aurait pas eu lieu à ce niveau-là
00:04:25s'il n'y avait pas eu l'affiche.
00:04:28Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
00:04:36Noirs de barbe et de nuit,
00:04:38Irsut menaçant
00:04:42L'affiche qui semblait une tâche de sang
00:04:47Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
00:04:53Tous les étrangers n'étaient pas dans la résistance,
00:04:56mais ils étaient surreprésentés
00:05:00par rapport, par exemple, à la population française.
00:05:04Ils étaient surreprésentés parce qu'ils venaient avec leur histoire,
00:05:07avec leur engagement politique ancien,
00:05:10avec la répression, la persécution qu'ils avaient vécue avant la guerre,
00:05:15avec la persécution et la répression qu'ils vivaient pendant la guerre.
00:05:21Celui qui est présenté dans l'affiche rouge comme le chef de bande,
00:05:25Misak Manouchian, est né en septembre 1906 à Adiyaman,
00:05:30une ville du sud de l'actuelle Turquie,
00:05:32alors rattachée à l'Empire ottoman.
00:05:35Misak Manouchian est un rescapé du génocide des Arméniens de 1915,
00:05:39perpétré par le gouvernement jeune turc.
00:05:44C'est un gars qui était un poète avant,
00:05:46mais avant d'être poète, il était menuisier,
00:05:49où il était les deux à la fois.
00:05:51Bon, et puis il a perdu ses parents dans le génocide arménien.
00:05:57Ça laisse des traces, ce genre d'expérience.
00:06:00Et ensuite, il a atterri dans un orphelinat entre Syrie et Liban,
00:06:05donc sous protectorat français.
00:06:07C'est comme ça qu'il va venir en France, en 1924.
00:06:11Donc il est très marqué aussi par la violence,
00:06:14par le génocide, par la mort,
00:06:16et d'une certaine façon, par la vengeance nécessaire.
00:06:22Misak Manouchian débarque à Marseille le 16 septembre 1924.
00:06:28Il travaille quelques mois aux forges et chantiers de la Méditerranée.
00:06:31Puis il rejoint Paris, où il obtient une carte d'identité d'étranger,
00:06:35en décembre 1925.
00:06:38Misak travaille comme ouvrier tourneur dans les usines citroënnes,
00:06:42tout en fréquentant le milieu artistique de Montparnasse,
00:06:45en posant parfois comme modèle.
00:06:47Après la dépression de 1930, Misak perd son emploi
00:06:51et doit gagner sa vie avec des petits travaux.
00:06:53Il se rapproche du syndicat ouvrier CGT
00:06:56et de l'organisation MOI, Main d'œuvre Immigré,
00:06:59une structure d'accueil et d'aide pour les travailleurs étrangers,
00:07:03créée sous l'égide du Parti communiste.
00:07:05C'est dans la section arménienne de la MOI
00:07:07que Misak rencontre le président de la Méditerranée,
00:07:10le président de l'Assemblée nationale,
00:07:12le président de l'Assemblée nationale,
00:07:14le président de l'Assemblée nationale,
00:07:16et un jeune militant de Belleville,
00:07:18Méliné Assadourian, qui va devenir l'amour de sa vie.
00:07:22Mouchan était un homme très, très calme.
00:07:26Il parlait très peu.
00:07:28Il n'était pas brutal, même en donnant les ordres.
00:07:31Il aimait beaucoup tous ses camarades
00:07:35et tous ses camarades le respectaient.
00:07:40Avec un ami arménien,
00:07:42Misak suit en auditeur libre des cours de littérature à la Sorbonne.
00:07:46Ensemble, ils font d'une revue, Tchank, qui signifie l'effort en arménien, où ils
00:07:54traduisent des poètes français, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud.
00:07:59La particularité de Manoukian, c'est que c'était un poète en fait, et que ce qui
00:08:03l'intéressait c'était la poésie, c'était d'écrire des poèmes, c'était toute sa
00:08:08vie avec sa femme Mélinée, mais malgré tout ça, ou à cause de tout ça, il s'est
00:08:14lancé dans la lutte armée, il intègre le FTP Moët Parisien, et c'est donc en août
00:08:21qu'il devient le chef militaire de ce groupe.
00:08:25C'est un personnage évidemment extrêmement attachant, d'un immense courage, c'est tout
00:08:33à fait typique de ces immigrés morts pour la France.
00:08:39Pour beaucoup d'immigrés venus en France après la Première Guerre mondiale, le parti
00:08:44communiste français apparaît dès les années 1920 comme un puissant vecteur d'intégration.
00:08:49Une intégration qui respecte l'identité culturelle de chaque communauté, organisée
00:08:54en sections, réunissant ses travailleurs en groupes de langues.
00:08:57La France pour se reconstruire, au lendemain de la Première Guerre mondiale, a fait appel
00:09:05à une main d'œuvre immigrée importante, de ce fait que le parti communiste, pour étendre
00:09:10son audience dans le monde ouvrier, s'intéresse aussi aux étrangers.
00:09:14Alors, j'évoque les Italiens, mais ça peut être les Polonais, et puis bien sûr à partir
00:09:18des années 1930, et du fait aussi des pogroms, des réfugiés qui arrivent d'Europe centrale
00:09:26et puis d'Allemagne nazie, qui sont organisés au sein du parti communiste.
00:09:30Et ça, cette MOI qui devient MOI en 1932, c'est à ce moment-là qu'elle prend le nom
00:09:36de MOI, a un rôle aussi important dans la guerre civile espagnole, puisqu'ils vont
00:09:40envoyer des interbrigadistes combattre aux côtés des républicains et aux côtés des
00:09:46autres brigadistes venus du monde entier.
00:09:51Ce sont ces militants partis en Espagne, qui rejoignent le parti communiste français et
00:09:55la main d'œuvre immigrée, qui vont bientôt être à la pointe de l'action résistante.
00:10:00Comme Joseph Boksov, qui va organiser les premiers sabotages de voies ferrées dans
00:10:08la région parisienne, ou Joseph Epstein, qui va jouer un grand rôle dans l'organisation
00:10:14des front-tireurs et partisans.
00:10:15Le 23 août 1939, Hitler et Staline signent le pacte germano-soviétique de non-agression.
00:10:31Cette volte-face déstabilise les militants.
00:10:34Avec l'entrée en guerre de la France contre l'Allemagne, le 3 septembre 1939, la première
00:10:40conséquence de ce pacte est l'interdiction du parti communiste français, suivie d'un
00:10:44regain de répression à l'encontre des étrangers.
00:10:46Le pacte germano-soviétique, c'est un choc pour la population adhérente au parti communiste,
00:10:54qui dans sa grande majorité ne comprend pas ce choix.
00:10:58Il va être placé devant un espèce de dilemme qui est soit d'obéir à la ligne du parti
00:11:04et donc d'accepter cette espèce de neutralité vis-à-vis de l'ennemi nazi, soit d'entrer
00:11:11dans une forme de clandestinité par rapport à son propre parti et continuer à considérer
00:11:17le nazi comme un ennemi.
00:11:19De nombreux militants immigrés se portent volontaires en s'engageant dans les rangs
00:11:26de l'armée française, comme Missak Manouchian, le 17 octobre 1939.
00:11:41Le 22 juin 1941, Hitler lance contre l'URSS des forces armées considérables, rassemblées
00:11:53pour l'opération Barbarossa.
00:11:54Au lendemain de l'invasion de l'Union soviétique par l'armée du Troisième Reich,
00:12:00Staline opère un revirement stratégique complet.
00:12:02Il accepte l'alliance avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, ce que Staline avait déclaré
00:12:08être une guerre impérialiste et requalifiée par lui, pour l'URSS comme pour tous les
00:12:12partis communistes d'Europe, de guerre antifasciste et patriotique de libération.
00:12:17La direction du PCF clandestin, avec Jacques Duclos à sa tête, reçoit l'ordre de Moscou
00:12:24d'organiser la lutte armée.
00:12:25C'est vers la MOI, qui rassemble des militants motivés, que se tournent les dirigeants du
00:12:30parti.
00:12:31Très vite, les communistes vont s'engager dans la lutte armée.
00:12:36La lutte armée, ça voulait dire, sur place, de lutter contre les forces d'occupation.
00:12:42Mais encore fallait-il des volontaires, fallait-il des armes, des moyens.
00:12:46Et puis en plus, avec une expérience que certains avaient grâce à la guerre d'Espagne,
00:12:53puisqu'ils avaient été volontaires dans les brigades internationales entre fin 36
00:12:57et 38-39, mais la plupart, c'était des gamins ou des gamines qui arrivaient et qui
00:13:03n'avaient aucune expérience de la lutte armée, mais qui voulaient s'engager dans
00:13:06la lutte armée.
00:13:07Les premiers attentats contre des militaires allemands dans Paris sont le fait de groupes
00:13:15armés dépendant directement du parti.
00:13:17Fin 1941 et début 1942, une première vague d'arrestations brise l'élan de ces groupes.
00:13:29En avril 1942, les Allemands organisent trois procès, dont celui de la Maison de la Chimie,
00:13:35suivi de l'exécution de la plupart des jeunes militants impliqués dans ces attentats.
00:13:38En riposte aux exécutions massives d'otages et pour faire bouger l'opinion, l'international
00:13:56communiste ordonne le renforcement de la lutte armée.
00:13:59Le Parti communiste français décide au printemps 1942 la mise en place d'une organisation
00:14:04mieux structurée et élargie, les Francs-tireurs et partisans.
00:14:08Au niveau national, c'était les Francs-tireurs et partisans qui ont regroupé toutes les
00:14:14forces combattantes communistes qui étaient dans des petits groupes divers.
00:14:17C'est devenu les FTP sous commandement de Charles Tillon, un vétéran de la lutte communiste.
00:14:23Les immigrés, qui étaient regroupés dans la main-d'œuvre immigrée MOI, ont créé
00:14:28leur propre structure, FTP-MOI, structure de combat.
00:14:32Et sur Paris, l'homme qui a créé le groupe, c'était Boris Solban.
00:14:38Il a mis en place la structure militaire de quelques dizaines de combattants, il a créé
00:14:46un service de renseignement qui était dirigé par Christina Boyko et surtout, il a formé
00:14:51les combattants et il a mis au point une stratégie militaire qui était ce qu'il
00:14:57appelait lui-même l'attaque foudroyante.
00:14:59C'est-à-dire, la tactique consistait à l'utilisation d'un nombre, le plus moindre
00:15:11nombre de combattants pour ne pas les exposer.
00:15:14C'est-à-dire, maximum trois.
00:15:17Un qui attaque, l'autre qui achève, ce que le premier n'a pas fait, et le troisième
00:15:26qui défend.
00:15:27La retraite immédiate.
00:15:29Éviter toute accroche avec les services de l'ordre, soit français, soit allemand.
00:15:36Si les femmes n'intègrent pas les groupes de combat, elles participent aux actions en
00:15:42prenant des risques.
00:15:44Elles agissent comme agents de liaison lors de rendez-vous clandestins où sont précisés
00:15:47les objectifs des missions et où sont délivrés les armes, des grenades, des pistolets qu'elles
00:15:53récupèrent après un attentat.
00:15:55C'est le cas de Myliné Manoukian qui, dans son sac à dos, un jour avait des armes lorsqu'elle
00:16:00a été arrêtée par un policier à Paris qui lui a demandé qu'est-ce que vous avez
00:16:03dans votre sac ? Et elle a répondu, j'ai des pistolets.
00:16:06Il a cru qu'elle blaguait, il l'a laissé partir.
00:16:09Mais du coup, cette invraisemblance permet aux femmes de passer entre les mailles et
00:16:15de faire tout un tas d'actions qui seraient beaucoup plus compliquées pour des hommes.
00:16:19Et ce faisant, elles sont à leur façon de véritables héroïnes.
00:16:24Olga Bencik est l'une d'elles, agent de liaison responsable de l'armement.
00:16:30Et Christina Boyko, qui dirige l'équipe chargée du renseignement.
00:16:34Christina Boyko se baladait dans Paris, repérait une cible, un hôtel où il y avait des
00:16:39Allemands, un café, une terrasse, une patrouille qui passait toujours à la même heure.
00:16:44Olga Bencik venait repérer les lieux, il préparait l'action et l'action avait lieu.
00:16:49On notait la possibilité de l'attaque, c'est-à-dire avec quelles armes on pouvait
00:16:55effectuer l'attaque.
00:16:56On notait également l'heure la meilleure, la plus propice pour l'attaque et en même
00:17:03temps les conditions du repli, cela était très important parce que l'attaque se passait
00:17:08vite.
00:17:12Boris Olban met en place de nouvelles unités de combat, structurées en quatre détachements,
00:17:17reflétant l'organisation de la MOI par groupe de langues.
00:17:20Le premier détachement, c'est là où se trouvaient les Arméniens, les Bulgares, les
00:17:25Roumains, etc.
00:17:26En fait, les Arméniens et tous les Juifs qui n'étaient pas yiddishophones, qui parlaient
00:17:31pas le yiddish, qui n'étaient pas de Pologne.
00:17:33Le deuxième détachement, c'était le groupe juif polonais.
00:17:38Le troisième détachement, c'était le groupe italien et il y avait un quatrième
00:17:44détachement qui a été dirigé par Botshof et puis il a été mis en place une équipe
00:17:49spéciale.
00:17:50Une équipe spéciale de cinq, six personnes qui vont se rajouter pour mener les actions
00:17:56les plus spectaculaires.
00:17:57Dans l'équipe spéciale se trouve Marcel Rehman, dont les parents polonais et juifs
00:18:05se sont installés rue des Immeubles Industrielles, dans le 11e arrondissement.
00:18:10Ils sont venus chez nous, ils ont demandé à mon père de s'habiller, de partir avec
00:18:18eux.
00:18:19Et mon frère s'est proposé pour qu'on l'emmène, lui, à la place de mon père et il n'y a rien
00:18:26eu à faire.
00:18:27Et cette rave, je crois, a été le détonateur pour mon frère, parce qu'il n'y avait pas
00:18:34Et cette rave, je crois, a été le détonateur pour mon frère, parce qu'il n'y avait pas
00:18:41où il a pris une haine contre les Allemands.
00:18:46Pour beaucoup d'entre eux, ils étaient juifs et en fait, ils jouaient leur peau dans cette
00:19:04histoire parce qu'ils avaient vu leur père, leur mère arrêtés et qu'ils savaient que
00:19:09tout ce qu'ils pouvaient faire, finalement, c'était de choisir leur mort et ils ont choisi
00:19:13de mourir en combattant, de mourir sur le pavé, un flingue à la main, plutôt que d'être
00:19:20déportés à Auschwitz.
00:19:24À partir de l'été 1942, les FTP-MOI multiplient les attentats.
00:19:30Grenadage de détachement de la Wehrmacht, pose de bombes à retardement dans des lieux
00:19:35fréquentés par les Allemands ou encore de nombreux déraillements de convois ferrés
00:19:39militaires.
00:19:41Ça a une importance d'abord politique avant d'avoir une importance militaire.
00:19:45Ils vont tuer peu de monde, mais pour les Allemands, c'était insupportable qu'ils ne puissent
00:19:52pas circuler librement à Paris, c'était insupportable et surtout, l'enjeu, c'était de montrer
00:20:01à la société dans son ensemble que le combat continuait et dans sa forme extrême qui était
00:20:08le combat armé.
00:20:11Face aux attentats qui se multiplient à Paris et dans la région parisienne, la police de
00:20:17Vichy, à la demande des autorités allemandes, met rapidement en place une brigade spéciale
00:20:23qui était chargée dès mars 1940 de la répression anticommuniste.
00:20:26Cette brigade spéciale est réactivée avec la nomination de Fernand David en août 1941
00:20:34et dédoublée en janvier 1942 avec la BS2, dirigée par Jean Hénocque.
00:20:39Sa mission, intercepter ceux qui sont qualifiés de terroristes.
00:20:43La SS, dans sa politique répressive en France, a tous les pouvoirs, mais néanmoins, pour
00:20:51la mise en œuvre de cette politique, elle a besoin de gens qui vont l'aider dans cette
00:20:55tâche.
00:20:56Et ces gens-là, ce sont les policiers français qui ont cette expérience depuis des années.
00:21:01Et n'oublions pas qu'en plus, c'est la police de Vichy et les intérêts conjoints de Vichy
00:21:07et des Allemands se rejoignent sur un certain nombre de points, par exemple, la répression
00:21:12contre les communistes, qui sont également les ennemis du régime de Vichy, ou la répression
00:21:17contre les juifs.
00:21:21La collaboration de la police de Vichy avec la police allemande prend un tour nouveau,
00:21:26le 2 juillet 1942.
00:21:29René Bousquet, le secrétaire général à la police pour les territoires occupés, conclut
00:21:34un accord avec le commandant supérieur des SS de la police allemande, Karl Auberg.
00:21:39Les accords Bousquet-Auberg, qu'on pourrait traduire par, on laisse la police française
00:21:46s'occuper de la répression, en gros, ils font le boulot, ils savent faire le boulot,
00:21:51on vous fait confiance, on vous laisse faire.
00:21:54Mais les briades spéciales, c'était spécial, c'était très spécial, ils étaient là
00:22:00pour casser du juif, casser du communiste, casser du terroriste, souvent les trois ensembles
00:22:06d'ailleurs, et voilà, et d'avoir des résultats.
00:22:09Et leurs chefs, d'ailleurs, ont été exécutés à la Libération, et c'était quand même
00:22:16David, c'était quand même un boucher, c'était, voilà, bon, c'était pas des enfants de cœur.
00:22:22La surveillance mise en place sur le terrain par la BS2 se révèle très vite d'une redoutable
00:22:27efficacité.
00:22:28Les inspecteurs rédigent des rapports journaliers et téléphonent quotidiennement à leurs
00:22:33chefs de groupe pour rendre compte des filatures.
00:22:35Un des objectifs prioritaires est de repérer les planques des suspects.
00:22:40Le résistant savait qu'il était filé, mais en particulier ceux qui n'avaient pas
00:22:45l'expérience de la clandestinité, il y a une sorte de mythe du cocon.
00:22:52Le cocon, c'est la planque, alors qu'à partir du moment où les policiers repèrent
00:22:58la planque, c'est fini ! Même si on le perd parce qu'il a repéré, qu'on le suivait,
00:23:05et bien le lendemain matin, on va le récupérer chez lui.
00:23:07À partir des portraits des personnes suivies, les chefs d'équipe reconstituent dans un
00:23:16organigramme un schéma des contacts qui permet d'orienter la surveillance et d'étendre
00:23:21le champ de la filature.
00:23:22Les gens qui étaient filés, comme c'était par exemple avec les Raimans, on les perdait
00:23:31de vue, à la moindre manifestation d'imprudence, au moindre retournement de tête en arrière,
00:23:41la police disparaissait, mais elle les retrouvait parce qu'ils fréquentaient les mêmes endroits.
00:23:48Et puis il y avait aussi un facteur, un facteur de nature psychologique, parce que cette tension,
00:23:59cette inquiétude, cette perte du jour du demain, a fait un peu aussi baisser la vigilance.
00:24:11C'est très dur la clandestinité, c'est très difficile.
00:24:17Ils ont 20 ans, 21 ans, 22 ans, ils vivent en basse-clos pendant des mois, il n'y a pas
00:24:21de contact, c'est la solitude.
00:24:23Bon, ils essayent de respecter au maximum les consignes, mais en même temps, ils veulent
00:24:27continuer à vivre.
00:24:29Marcel Raiman était très sportif, donc il nageait beaucoup, il continuait à fréquenter
00:24:34la piscine des Tourelles.
00:24:35Et donc les policiers français ont commencé à roder dans ces endroits.
00:24:44Moi aussi je vivais dans une situation de clandestinité, mais j'étais quand même
00:24:49une femme, c'était plus facile, ça attirait moins l'attention.
00:24:55L'attention, je parlais relativement bien le français, et puis quelqu'un devait le
00:25:04faire.
00:25:14À partir de la fin de 1942, la guerre bascule.
00:25:19La victoire soviétique à Stalingrad, le 2 février 1943, donne un nouvel élan à la
00:25:24résistance.
00:25:27En France, le gouvernement Laval devient très impopulaire, avec l'instauration, le
00:25:3221 février 1943, du Service du Travail Obligatoire, le STO, contraignant tous les jeunes de 18
00:25:39à 21 ans à travailler en Allemagne.
00:25:43Parmi les jeunes que les réquisitions poussent dans la clandestinité, un espoir du football
00:25:48d'origine italienne, Rino Dell'Anegra, s'engage à son tour dans la lutte armée.
00:25:55Il y avait peut-être une insouciance de la jeunesse qui leur permettait, en tout cas
00:25:58pour Rino, de jouer au football.
00:26:00C'était quelqu'un qui était l'étoile montante véritablement du Red Star, et puis
00:26:05qui de l'autre côté, eh bien, participait aux attentats, avait cette double vie.
00:26:11Et puis pour Rino aussi, il est réfractaire au Service du Travail Obligatoire, donc il
00:26:15refuse de partir travailler en Allemagne, et puis il devient, je dirais, un partisan
00:26:22de choc.
00:26:23Il participe entre le printemps 1943 et l'automne 1943, il a arrêté, à plus de 15 attaques
00:26:30ou commandos qui participent à harceler les nazis, les allemands, mais aussi le parti
00:26:38fasciste italien, mais aussi des collaborationnistes sur Paris.
00:26:45Dans ce contexte où la résistance est à l'offensive, seule l'organisation militaire
00:26:50immigrée des FTP-MOI mène le combat dans Paris.
00:26:53Les troupes d'occupation évoluent désormais dans un climat de tension permanente.
00:26:58Les patrouilles allemandes sont encadrées, des cordons de sécurité sont déployés
00:27:03à la sortie des cinémas et des théâtres, dans un rayon de 50 mètres.
00:27:07Pour contrer cette montée en puissance des attentats, les brigades spéciales lancent
00:27:12une série de filatures d'envergure.
00:27:15A la mi-1943, le parti communiste a intégré la France combattante, a rallié De Gaulle,
00:27:21et dans cette stratégie qui est la sienne de préparer l'insurrection nationale pour
00:27:29montrer que c'est le peuple français qui se lève et qui libère le pays avant les
00:27:34alliés ou sans les alliés, il est évident que la lutte armée, et montrer qu'il est
00:27:39le meilleur dans la lutte armée, est très important.
00:27:44Boris Holban reçoit l'ordre d'Henri Roltangui, responsable militaire des francs-tireurs
00:27:49et partisans de la région parisienne, d'intensifier la lutte armée.
00:27:53Il faut élargir les objectifs, et avec des unités combattantes plus nombreuses.
00:27:58Et Holban a totalement refusé parce que, justement, soucieux de la vie de ses combattants,
00:28:06il pensait que c'était prendre des risques, que plus on augmentait évidemment le nombre
00:28:10de combattants sur une action, plus il y avait de risques que, dans la fuite, dans
00:28:14le repli, etc., il y ait des pertes.
00:28:17Donc il a été remplacé par Missak Manouchian en août 1943.
00:28:22Manouchian, militant MOI de base, puis il rentre dans les FTP-MOI, il devient, au bout
00:28:32de quelque temps, chef du premier détachement, arrive, juillet 1943, il rentre dans le triangle
00:28:38de direction des FTP-MOI de la région parisienne, et Holban étant mis sur la touche, renvoyé
00:28:46dans le nord, il est remplacé, Holban, par Manouchian comme commissaire militaire.
00:28:51En août 1943, Missak Manouchian prend la direction militaire des FTP-MOI.
00:29:02Les actions sont alors menées à un rythme accru, mais avec des effectifs réduits.
00:29:07Manouchian m'a annoncé qu'il fallait combattre avec les armes.
00:29:12Alors lorsque je lui ai posé la question avec « mais quelles armes ? », on n'a rien,
00:29:16à part les couteaux.
00:29:17Et puis justement, c'est avec les couteaux de cuisine, on doit attendre dans un coin
00:29:22de rue, attaquer un soldat allemand ou un officier, lui prendre le revolver, sa baïonnette,
00:29:28et avec ça, recommencer pour essayer de récupérer les armes.
00:29:31Avant son départ, Boris Holban a eu le temps de préparer, avec Christina Boyko, un attentat
00:29:38à haut risque, que Missak Manouchian va superviser.
00:29:41Le 28 septembre 1943, il y a eu un attentat contre Julius Ritter, ce fameux Julius Ritter
00:29:51qui était le ministre de la Main de l'étrangère, pour envoyer les travailleurs français vers
00:29:59l'Allemagne.
00:30:00Christina Boyko, qui a repéré ce haut fonctionnaire allemand depuis des mois, commence à le suivre
00:30:06et localise sa résidence, aux 18 rues Petrarch.
00:30:10Il se rendait d'habitude au trocadéro.
00:30:14Ce n'était pas possible pour une action, parce que c'était trop militarisé.
00:30:21On a décidé que l'endroit le plus correspondant, c'était son domicile.
00:30:30Marcel Raimann était au coin de la rue, en regardant le moment où il sortait.
00:30:38Alfonso était derrière, et c'est au moment où il sortait qu'il se dirigeait vers lui.
00:30:45Une fois exécuté, il continuait sa route, sans tourner la tête, sans s'intéresser
00:30:53au résultat de son action.
00:30:55C'était la première défense qui achevait ce qu'il n'a pas pu faire, et c'est la troisième
00:31:06qui le suivait et était prête à intervenir contre toute réaction de l'extérieur.
00:31:12L'action s'est déroulée exactement comme ça avait été préparée, comme au cinéma,
00:31:23c'était très, très spectaculaire.
00:31:25Ils ne savaient pas du tout qui avait descendu, ils savaient que c'était un officier important,
00:31:31et le lendemain, ils ont vu dans la presse que Julius Ritter avait été descendu,
00:31:39et ils étaient assez contents d'eux quand même.
00:31:47On venait de faire un grand coup au cœur des proches d'Hitler, puisque Hitler a décrété
00:31:53un jour de deuil national pour Julius Ritter, et on se sentait maître de Paris à un moment
00:31:58donné, voyez-vous.
00:31:59Et les Allemands, eux, le contraire, au début ils se croyaient le maître, et au fur et
00:32:03à mesure ils se camouflaient, ils mettaient des grillages à leur autocar, ils regardaient
00:32:06quand les colons passaient, il y avait des mitraillettes de chaque côté, ils regardaient
00:32:09dans les coins de rue, voyez-vous, ils tremblaient vraiment, ils tremblaient.
00:32:13Malgré plusieurs actions retentissantes, l'intensification de la lutte armée voulue par la direction
00:32:22du parti va se heurter aux filatures menées méthodiquement par les inspecteurs de la
00:32:26BS2.
00:32:27C'est en suivant Léon Goldberg, l'un des dérailleurs, que les policiers vont remonter
00:32:37tout le réseau.
00:32:38On va avoir trois filatures successives, ces trois filatures qui vont casser et la MOI
00:32:46et les FTP-MOI de la région parisienne.
00:32:49J'ai trouvé le dossier de Davidovich, et là j'ai dans l'EBS l'affaire Epstein avec
00:33:06les filatures de la porte Emmerich-Glaz de Léon Goldberg, alias Legris, viens voir.
00:33:17Donc tu vois, on a les rapports de filature là, c'est-à-dire que si on suit son PV-T,
00:33:25Legris et Léon Goldberg qui est pris en filature le 8 septembre 1943, qui mène à Emmerich-Glaz,
00:33:32la porte, qui mène lui-même, toujours les agents des brigades spéciales, à Ivry,
00:33:38qui n'est autre que Joseph Boxor, et qui mènera à Bourg, c'est-à-dire Missac-Manoution.
00:33:44Et c'est le même Ivry, on le voit sur le schéma, qui mène à Dupont, puis à, je
00:33:51le trouve pas, Dupont-Qui-est-Davidovich, donc on a le dossier en face.
00:33:54Et comment ils arrivent ?
00:33:56Tu vois, en fait, ils les suivent, ça c'est les dates des filatures, les heures des filatures.
00:34:01Ils notent les endroits où les gens suivis les mènent, ils les interrogent évidemment,
00:34:05et ils essaient de mettre sur des surnoms des noms.
00:34:12Qu'est-ce que c'est Bourg ?
00:34:14C'est simplement parce qu'en septembre 1943, deux mois avant d'être arrêté,
00:34:20Missac-Manoution est repéré à un rendez-vous avec un certain Ivry, ou ça, à la gare de Bourg-la-Reine.
00:34:29Alors, comme on n'a pas encore son nom, on va mettre une fiche, on va l'appeler Bourg.
00:34:33Et comme on n'a pas encore le nom de Botsoff, on l'avait repéré juste avant à la mairie d'Ivry,
00:34:40et ben on va l'appeler Ivry.
00:34:42Donc on a Bourg, un peu plus loin Ivry, et ainsi de suite.
00:34:47Ça c'est toute la stratégie policière, de mener des filatures au long cours,
00:34:53et en plus, de repérer très vite la planque, et enfin, de se dire, attention,
00:35:01il ne faut pas griller nos filatures.
00:35:04Ça veut dire qu'on va assister à des actions, et qu'on va les laisser faire.
00:35:16Les policiers de la BS2 finissent par repérer le responsable politique des FTP-MOI,
00:35:21Joseph Davidovich, qui est arrêté le 26 octobre.
00:35:26Interrogé, Davidovich parle, et donne des noms.
00:35:31Cet homme, qui était un communiste dur, qui avait fait la guerre d'Espagne,
00:35:35a été repéré par les policiers, et ils ont arrêté sa femme,
00:35:40ils ont menacé de torturer sa femme devant lui.
00:35:44Il a craqué, il n'a même pas été torturé, il a craqué, il a accepté,
00:35:48et du coup, son rôle, ça a été quoi ?
00:35:52C'était tout cet organigramme mis au point par les policiers.
00:35:56Lui, ça a permis qu'il complète l'organigramme, qu'il mette qui est responsable de quoi,
00:36:02comment il s'appelle, qui il voit, etc.
00:36:04Et donc, ça a été évidemment une aide très importante pour les policiers français.
00:36:10À partir du moment où Davidovich a été arrêté,
00:36:13la psychologie de Manouchian avait changé.
00:36:16J'avais le sentiment qu'il était vraiment inquiet,
00:36:22j'avais le sentiment qu'il vivait une grande inquiétude.
00:36:27C'est pour ça d'ailleurs que je lui ai proposé à un moment donné une planque,
00:36:32je ne lui ai pas dit où, mais je lui ai proposé de la mettre dans un bureau,
00:36:36Je lui ai proposé à un moment donné une planque, je ne lui ai pas dit où,
00:36:40mais je lui ai proposé de la mettre dans un bureau,
00:36:44où tu serais en grande et parfaite sécurité.
00:36:47Il m'a dit non, il n'en a pas besoin.
00:36:53Les documents retrouvés dans la planque de Davidovich et ses déclarations
00:36:57permettent d'identifier les combattants.
00:37:00Ils donnent des indications sur un agenda de rendez-vous et d'actions prévues.
00:37:05La BS2 accentue sa surveillance sur Manouchian.
00:37:09Par Davidovich, les inspecteurs des BS2 savent qu'ils rencontrent tous les mardis
00:37:13son supérieur direct, Joseph Epstein.
00:37:18La menace plane sur tout le groupe.
00:37:21Les renseignements donnés par Davidovich
00:37:23précipitent la chute du groupe conduit par Missak Manouchian.
00:37:27Manouchian est arrêté en même temps que Joseph Epstein, le 16 novembre 1943.
00:37:32J'ai fait téléphoner à une personne qui était en contact avec moi.
00:37:38Je lui ai téléphoné et j'ai dit il faut venir tout de suite.
00:37:40Il est venu et j'ai dit avertissez à tout le monde Manouchian et les autres sont arrêtés.
00:37:46Sur les 35 partisans repérés pendant la filature,
00:37:50seuls 5 échappent aux arrestations.
00:37:52Au total, 68 personnes sont arrêtées.
00:37:55C'est l'ensemble du réseau FTP-MOI de la région parisienne qui est démantelé.
00:38:00Tous les membres des FTP-MOI interpellés entre la fin octobre et la mi-novembre 1943
00:38:06sont interrogés dans les locaux des brigades spéciales de la préfecture.
00:38:13Aux brigades spéciales, j'étais dans la même pièce que Manouchian,
00:38:18j'étais dans la même pièce que Origabenzi,
00:38:22j'étais dans la même pièce qu'Alfonso.
00:38:25C'est là que j'ai appris que Davidovich avait tout donné.
00:38:29C'est Alfonso qui, un jour revenant d'un interrogatoire, m'a dit
00:38:37« Tu sais, toi j'ai confiance, tu es le frère de Marcel.
00:38:44Maintenant pour moi c'est fini, pour moi c'est terminé, je ne peux plus m'en sortir.
00:38:50On a un de nos chefs qui vient de mettre un nom sur tous les numéros de matricule
00:38:58qu'il avait sur les listes des actions qui ont été faites par les francs-tireurs MOI.
00:39:05Et les gars, ils n'ont plus qu'à lire « Numéro 1 tel, dont toi tu as fait ça, ça, ça, ça, ça. »
00:39:16D'arriver aux brigades spéciales, en passant dans le couloir,
00:39:20j'ai vu mon frère sur un tabouret, les menottes aux mains, les chaînes aux pieds,
00:39:28dans une pièce où il était tout seul, c'étaient les coups de poing, les coups de pieds,
00:39:32les coups de poing dans le vent, et surtout les séances de merde bleue.
00:39:38Ils se sont mis à 5 sur moi, et je suppose que mon frère,
00:39:41ils ne lui ont pas fait de cadeau parce qu'après je ne l'ai pas revu.
00:39:44Manouchian, il aurait pu faire arrêter tous les Arméniens de toute la France, tous ceux de la Résistance,
00:39:59il aurait pu faire arrêter tous les dirigeants communistes arméniens de Paris,
00:40:04ils connaissaient leurs adresses, leurs noms et tout,
00:40:07ils connaissaient toute la direction de la MOI, ils connaissaient pas mal d'adresses.
00:40:12Eh bien, sous la torture, ils n'ont pas parlé, et moi, si je suis vivant,
00:40:18je le dois à Arpentavitian, à Manouchian, et surtout à Rayman.
00:40:25Ils sont arrêtés en novembre 1943, donc ils se retrouvent à la prison de Frennes.
00:40:45Eh bien, entre novembre et février, ils attendent leur procès.
00:40:49Le procès des 23 résistants des FTP-MOI se déroule du 15 au 19 février 1944,
00:40:59dans les murs de l'hôtel Continental, devant une cour martiale allemande.
00:41:05Durant ce simulacre de procès, Missak Manouchian assume son engagement au combat, sans plaider la contrainte.
00:41:12Marcel Rayman, Celestino Alfonso, Spartaco Fontano, Joseph Boksov, Olga Bansik
00:41:20et leurs camarades font preuve d'un même courage devant leurs accusateurs.
00:41:25La délibération a lieu le 19 février, à l'issue de laquelle la cour martiale procède à 23 condamnations à mort.
00:41:33Alors, il y a un épisode absolument extraordinaire dans cette histoire des FTP-MOI,
00:41:39où il faut arrêter le jugement.
00:41:43Donc, ils ont été des résistants étrangers qui combattent pour la libération du territoire national français
00:41:50et qui sont arrêtés par la police française qui combat au service de l'occupant allemand.
00:41:56Ils étaient arrêtés par la police française, ils sont donnés aux Allemands
00:42:00qui vont orchestrer une grande campagne de propagande antisémite, anticommuniste.
00:42:09Pour montrer qu'en fait, ceux qu'on appelait la résistance, ce que Londres appelait la résistance,
00:42:14c'était en fait des étrangers, des Juifs, des Roumains, des Rois, des Tchèques et tout ça,
00:42:20qui venaient semer la pagaille.
00:42:39Dans l'un des rapports faits par les Allemands, sont rajoutés à la main un cas devant lui,
00:42:45donc communiste, en tout cas, il était perçu comme tel par les Allemands.
00:42:48Pour d'autres, on rajoute le « J », c'est-à-dire « Juden », « Juif ».
00:42:52Et dans ce procès, on voit bien ce qui marque véritablement les enjeux de la répression,
00:42:58c'est le complot judéo-brésilien.
00:43:01Dans ce procès, on voit bien ce qui marque véritablement les enjeux de la répression,
00:43:06c'est le complot judéo-bolchévique qui est…
00:43:10On dénonce bien sûr l'étranger, on dénonce ceux qui travaillent pour l'Union soviétique,
00:43:15ceux qui travaillent pour la Grande-Bretagne.
00:43:17On est vraiment au cœur de cette propagande de 1943.
00:43:21Sur les 23 condamnés, 22 sont fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien.
00:43:29Seul Olga Bansik sera exécutée plus tard.
00:43:34Le matin même de leur exécution, plusieurs d'entre eux ont écrit une dernière lettre à leurs proches.
00:43:51Ce que disait Guy Crivopisco sur ces dernières lettres, c'est la vie à en mourir,
00:43:57c'est-à-dire des lettres qui montrent tous les enjeux du sacrifice total de cette jeunesse.
00:44:03« Petit frère, je veux t'envoyer un dernier petit mot pour que tu réconfortes de ton mieux maman et papa.
00:44:09Tu peux me faire plaisir en te sachant toujours auprès d'eux et de toujours les aider de ton mieux.
00:44:14Je finis en t'embrassant bien fort et courage, ton grand frère qui t'aime toujours, Rino. »
00:44:21Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée.
00:44:24Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde.
00:44:27On va être fusillés cet après-midi à 15h.
00:44:30Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas,
00:44:34mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
00:44:37Cela m'arrive comme un accident dans ma vie, je n'y crois pas,
00:44:40mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais.
00:44:45Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté
00:44:48seront honorés notre mémoire dignement.
00:45:02Depuis la prison de Fresnes, le 21 février 1944,
00:45:05les membres du groupe Manouchion vont être emmenés au Mont-Valérien par camion
00:45:10et les camions cellulaires vont s'arrêter à peu près à cet endroit.
00:45:18Mais quatre d'entre eux vont emprunter ce chemin qu'on appelle aujourd'hui le parcours des fusillés,
00:45:23qui est un chemin de quelques mètres qui mène un tout petit peu plus loin au lieu d'exécution.
00:45:29Ils sont encadrés par des soldats de l'armée allemande,
00:45:32ils ont les mains menottées et ils peuvent avoir, pour certains, une fois au poteau, les yeux bandés.
00:45:38Après quelques mètres parcourus sur ce chemin,
00:45:41ils descendent quelques mètres plus bas dans ce lieu d'exécution
00:45:45que l'on appelle aujourd'hui la clairière des fusillés,
00:45:48puisque c'est une clairière qui est enclavée, encaissée et qui ne laisse pas passer le bruit.
00:45:54C'est un lieu discret, parfait pour des exécutions.
00:46:03Lorsqu'ils arrivent dans la clairière, ils vont être attachés aux poteaux d'exécution qui se trouvent de ce côté-ci,
00:46:08qui sont espacés d'environ un mètre cinquante.
00:46:13Et en face d'eux se trouve le peloton d'exécution,
00:46:16donc la dizaine de soldats, mais dans le cas du groupe Manouchan, ils étaient une quarantaine.
00:46:21L'officiellement va lire la sentence, là en l'occurrence pour le groupe Manouchan,
00:46:25il va lire leur condamnation à mort, puis ce sera la mise à feu.
00:46:28Le médecin militaire va constater le décès et si la mort n'est pas effective, c'est le coup de grâce.
00:46:59En mars 1944, les francs-tireurs partisans et les rares survivants des FTP-MOI
00:47:05fusionnent à Paris avec les troupes de l'armée secrète, commandées par le général König.
00:47:10Le 1er juin 1944, Henri Roll-Tanguy, à la tête des FFI de la région parisienne,
00:47:16prépare l'insurrection de la capitale, qui débute avec la mort des soldats.
00:47:21Henri Roll-Tanguy, à la tête des FFI de la région parisienne, prépare l'insurrection de la capitale,
00:47:27qui débute avec la prise de la préfecture, le 19 août.
00:47:3319 août 1944, les voitures allemandes s'agitent.
00:47:38Les allemands partent.
00:47:40Sur ces avenues vides, Paris sent que quelque chose se prépare,
00:47:44et soudain claquent les premiers coups de feu.
00:47:48Paris a compris que la libération est proche et que c'est lui-même qui doit la conquérir.
00:47:53Tout le monde pense à ce qui se passe à la libération,
00:47:56et se dit effectivement qu'à la libération, il y avait ce souvenir de ces combattants
00:48:01qui avaient les armes à la main, dans des conditions autrement plus dangereuses,
00:48:06puisque les troupes allemandes n'étaient pas en train de... en déroute, en quelque sorte,
00:48:14mais même si c'était un combat qui a été un combat héroïque,
00:48:19et ça a dû servir d'exemple à la libération pour toute une série de jeunes
00:48:26qui ont dit, ben, ils l'ont fait, pourquoi pas nous ?
00:48:34Après la victoire alliée sur l'Allemagne nazie,
00:48:36la population se range presque unanimement derrière la figure du général de Gaulle,
00:48:42celui grâce à qui la France, à l'issue de la guerre, fait partie du camp des vainqueurs.
00:48:48Alors que les proches de Misak Manouchian et de ses camarades
00:48:51leur rendent hommage au cimetière d'Ivry en février 1945,
00:48:54et dans les années suivantes,
00:48:56le rôle des étrangers dans la résistance armée n'est pas mis en avant.
00:49:01Mais voilà, arrive Aragon.
00:49:04Aragon écrit un poème, reprenant la dernière lettre,
00:49:08écrite par Manouchian à Mélinet.
00:49:11Et puis en 59, Léo Ferré va prendre le poème et va le mettre en musique.
00:49:16Ça va être un succès monumental,
00:49:19alors qu'on est dans une période où six jours après l'arrivée de Misak Manouchian,
00:49:25je devrais vous dire, non seulement on a oublié la résistance,
00:49:28mais en particulier les résistants étrangers.
00:49:31Ça colle pas pour Manouchian.
00:49:56C'était tous des personnages absolument extraordinaires,
00:49:59des personnes extraordinaires,
00:50:01et donc ils méritent tous d'entrer au Panthéon.
00:50:03Et j'espère, je pense qu'avec Manouchian,
00:50:06on va pouvoir l'acquérir,
00:50:08et on va pouvoir le faire.
00:50:10C'est un peu comme ça qu'on est en France.
00:50:12On a une vie d'étranger,
00:50:14on a une vie d'étranger,
00:50:16on a une vie d'étranger,
00:50:18on a une vie d'étranger,
00:50:20et on a une vie d'étranger,
00:50:22et j'espère, je pense qu'avec Manouchian,
00:50:24il y a tout le cortège de ces combattants,
00:50:27les Moïe FTP,
00:50:29qui vont rentrer au Panthéon.
00:50:37Avec l'entrée au Panthéon de Misak Manouchian,
00:50:39accompagné de sa femme Mélinée,
00:50:41résistants étrangers et communistes,
00:50:44c'est l'esprit universaliste de la résistance qui est célébré.
00:50:48Ce sont aussi les noms des combattants de l'affiche rouge,
00:50:51et ceux de l'ensemble des résistants des FTP et Moïe,
00:50:54qui s'inscrivent dans la grande histoire des combats pour la liberté.
00:50:59Leur amour pour la France,
00:51:01leur engagement,
00:51:03leur lutte et leur sacrifice,
00:51:05resteront dans la mémoire de la résistance.
00:51:4780 ans après son exil,
00:52:1580 ans après son exécution au Mont-Valérien,
00:52:18aux côtés de 21 de ses camarades,
00:52:20voilà un an était donc panthéonisé Misak Manouchian,
00:52:24accompagné de sa femme Mélinée.
00:52:26Vous venez de le voir avec ce documentaire,
00:52:29réalisé par Gilles Langoute,
00:52:31avec l'affiche rouge,
00:52:33la propagande nazie voulait en faire des terroristes,
00:52:36ils en auront fait des héros.
00:52:38Nous allons y revenir maintenant,
00:52:40avec nos invités présents aujourd'hui sur ce plateau de Débat Doc.
00:52:43Denis Péchanski, d'abord avec nous.
00:52:45Bienvenue à vous, Denis Péchanski.
00:52:47On vous a vu, entendu, dans ce documentaire.
00:52:49Vous êtes historien, directeur de recherche et mérite au CNRS.
00:52:53Vous avez longtemps milité au sein du Parti communiste français,
00:52:56et ce jusqu'en 1981.
00:52:59On vous doit, entre autres, Manouchian,
00:53:01Misak et Mélinée Manouchian,
00:53:03deux orphelins du génocide arménien,
00:53:05engagés dans la résistance française.
00:53:08C'est un ouvrage publié aux éditions textuelles.
00:53:11Et puis, en face de vous, Alia Haglan,
00:53:13bienvenue à vous.
00:53:14Vous êtes professeure d'histoire contemporaine
00:53:16à l'université parisienne, Panthéon-Sorbonne.
00:53:18Vous êtes une spécialiste de l'histoire du XXe siècle,
00:53:21et plus particulièrement de la Seconde Guerre mondiale
00:53:23et de la résistance.
00:53:25Vous avez publié, entre autres,
00:53:27chez Gallimard, La France à l'envers,
00:53:29La guerre de Vichy 1940-1945.
00:53:32Il a été réédité, d'ailleurs, en poche,
00:53:35chez Folio.
00:53:37On va commencer par le commencement,
00:53:39ce documentaire très complet,
00:53:41qui nous résume ce qu'a été le parcours
00:53:43de Misak Manouchian,
00:53:46de ceux de l'affiche rouge.
00:53:48Mais, au tout début,
00:53:51il faut parler de la MOI,
00:53:53cette organisation main-d'oeuvre immigrée,
00:53:56structure d'accueil et d'aide
00:53:58pour les travailleurs étrangers,
00:54:00créée sous l'égide du Parti communiste français.
00:54:03Pour bien comprendre,
00:54:05est-ce qu'on trouve là, dans cette organisation,
00:54:08la MOI, un bon nombre de personnalités,
00:54:11d'hommes et de femmes,
00:54:13qu'on retrouvera au moment de la résistance ?
00:54:15Bien sûr, pour la génération de,
00:54:18je dirais, ce qu'on appelle les vieux,
00:54:21dans les groupes armés,
00:54:23ils ont 35 ans,
00:54:25les gamins,
00:54:27qui ont entre 18 et 23,
00:54:29et il y en a eu beaucoup,
00:54:31eux, ce sont les enfants d'eux,
00:54:34de ceux qui ont fui les persécutions,
00:54:37qui ont fui la répression,
00:54:39parce que...
00:54:41Bien entendu, ça va servir, là,
00:54:43ces réfugiés, au sens strict du terme,
00:54:46réfugiés politiques,
00:54:48qui vont être, évidemment,
00:54:51une base très importante.
00:54:53Mais il faut bien comprendre ce qui se passe
00:54:55dans l'entre-deux-guerres.
00:54:57Il y a presque deux périodes.
00:54:59Les années 20, on sort de la Première Guerre mondiale.
00:55:02Il y a des millions d'immigrés qui vont venir.
00:55:05On va les chercher, parce qu'on a besoin de main-d'oeuvre.
00:55:08C'est le besoin de main-d'oeuvre qui justifie
00:55:10l'accueil de ces immigrés dans les années 20.
00:55:12On les accueille, mais on va les chercher.
00:55:14Le gouvernement signe des accords, par exemple,
00:55:16avec la Pologne dès 1919.
00:55:18Vous avez le patronat,
00:55:20qui fonde une structure pour aller chercher
00:55:22de la main-d'oeuvre à l'étranger.
00:55:24D'ailleurs, Mystak Manouchian va être contacté
00:55:26par une structure.
00:55:28Oui, parce qu'il arrive en France en 1924.
00:55:30En revanche, dans les années 30...
00:55:32Ah oui, ça bascule.
00:55:35Dans les années 20,
00:55:37on a beaucoup d'immigrés économiques
00:55:39et peu de réfugiés politiques,
00:55:41mais malgré tout, il y a déjà le fascisme italien,
00:55:44la marche sur Rome,
00:55:46et donc Manouchian,
00:55:48après le génocide des Arméniens,
00:55:50et cette arrivée massive
00:55:52d'Arméniens en France,
00:55:54et puis les années 30,
00:55:56évidemment, c'est la crise économique,
00:55:58donc c'est fini.
00:56:00On expulse même par centaines de milliers
00:56:02des travailleurs.
00:56:04Et là, vous avez, en revanche,
00:56:06ceux qu'on accueille,
00:56:08ce sont les réfugiés politiques
00:56:10qui fuient l'Allemagne nazie,
00:56:12l'Autriche,
00:56:14les gouvernements autoritaires
00:56:16et antisémites d'Europe centrale
00:56:18et orientale.
00:56:20C'est sûr que là,
00:56:22avec en plus
00:56:24l'expérience que certains vont gagner
00:56:26dans la guerre d'Espagne
00:56:28face à Franco,
00:56:30face aux guerres internationales
00:56:32entre 36 et 39,
00:56:34là, on va avoir, évidemment,
00:56:36de quoi nourrir
00:56:38cette main-d'oeuvre immigrée.
00:56:40Alors, main-d'oeuvre immigrée,
00:56:42il faut rappeler que, d'ailleurs,
00:56:44le premier nom, c'était main-d'oeuvre étrangère.
00:56:46Justement, dans les années 20,
00:56:48c'était le PC et la CGT,
00:56:50la CGT unifiée, qui étaient reliées au PC,
00:56:52qui montaient une structure
00:56:54pour encadrer ces étrangers
00:56:56qui arrivaient,
00:56:58parce que c'était des structures internationalistes,
00:57:00mais aussi parce qu'il s'agissait
00:57:02de protéger la main-d'oeuvre française
00:57:04de concurrence salariale.
00:57:06Et ils vont créer
00:57:08des structures,
00:57:10mais par groupe de langue.
00:57:12On dirait par nationalité.
00:57:14Il y a un groupe polonais,
00:57:16un groupe juif polonais,
00:57:18un groupe hongrois, un groupe italien,
00:57:20etc., et toutes les structures
00:57:22ont des clubs sportifs,
00:57:24des clubs culturels,
00:57:26et ça, c'est très important,
00:57:28parce que le Parti communiste
00:57:30va servir à la fois de vecteur
00:57:32d'intégration dans la société française
00:57:34et, en même temps,
00:57:36laisser se développer des structures spécifiques
00:57:38pour encadrer chacune
00:57:40de ces nationalités d'immigrés
00:57:42et de réfugiés.
00:57:44Autrement dit,
00:57:46un certain nombre de ces personnalités
00:57:48ont réalisé leurs premiers faits d'armes
00:57:50avant la Seconde Guerre mondiale,
00:57:52avant l'occupation nazie,
00:57:54en France,
00:57:56notamment en Espagne.
00:57:58Si on le dit vite, oui,
00:58:00mais je pense que l'Espagne,
00:58:02ça a été une expérience
00:58:04qui est plutôt minoritaire
00:58:06dans le recrutement des étrangers
00:58:08dans la Résistance,
00:58:10mais, par contre, ça a été
00:58:12une référence très importante
00:58:14pour tous les combattants de la Résistance
00:58:16et surtout, évidemment,
00:58:18les Espagnols républicains
00:58:20qui se sont réfugiés en France
00:58:22les Maquis, notamment,
00:58:24et le combat de l'inclandescinité.
00:58:26Mais je voulais compléter ce que disait
00:58:28Denis sur cet encadrement
00:58:30communiste parce que
00:58:32il y a quelque chose que
00:58:34seule la Résistance communiste
00:58:36fait, c'est-à-dire
00:58:38une sorte de structuration
00:58:40du terrain social
00:58:42dans la lutte
00:58:44contre l'occupant,
00:58:46c'est-à-dire qu'on a une organisation
00:58:48pour les femmes, pour les étudiants,
00:58:50pour les étrangers,
00:58:52selon les langues,
00:58:54et ce sont les seuls, en fait,
00:58:56qui quadrillent comme ça
00:58:58le terrain social,
00:59:00ce qui fait que la lutte
00:59:02contre l'occupant, elle est faite
00:59:04de manifestations, de grèves
00:59:06et d'actions de sabotage
00:59:08et de lutte armée.
00:59:10Et donc, dans le panorama,
00:59:12ce sont eux qui, le plus systématiquement,
00:59:14mobilisent par,
00:59:16je dirais, catégories.
00:59:18La catégorie des étrangers
00:59:20étant l'une de ces catégories,
00:59:22alors,
00:59:24elle n'est pas anodine parce qu'ils ont été,
00:59:26mais ça, je pense qu'on le redira tout à l'heure,
00:59:28ciblés
00:59:30et par les occupants et par l'Etat français.
00:59:32Les groupements
00:59:34de travailleurs étrangers,
00:59:36les dénaturalisations,
00:59:38les condamnations,
00:59:40la traque des étrangers,
00:59:42la xénophobie
00:59:44est quand même, fait partie
00:59:46de la politique générale
00:59:48de la Révolution nationale.
00:59:50C'est l'anti-France.
00:59:52Donc, de toute façon, ils sont d'autant plus,
00:59:54comment dirais-je, actifs
00:59:56dans la clandestinité
00:59:58qu'ils sont traqués
01:00:00par
01:00:02pléthore de police.
01:00:04Donc, ce sont des cibles très particulières.
01:00:06Et donc, dans l'activisme,
01:00:08il y a cet activisme-là
01:00:10qui est très spécifique
01:00:12et des modes d'action,
01:00:14qui sont, elles aussi, très spécifiques.
01:00:16Alors, il y a une date charnière.
01:00:18C'est ce pacte germano-soviétique
01:00:20d'août 1939.
01:00:22Il est dit dans ce documentaire
01:00:24que, finalement, ça offre le choix
01:00:26soit de la clandestinité,
01:00:28soit d'accepter le principe de ce pacte
01:00:30quand on est communiste.
01:00:32Misak Manouchian, lui, il s'engage dans l'armée française.
01:00:34C'est dit très rapidement dans ce film,
01:00:36mais on n'en dit pas beaucoup plus.
01:00:38Il restera longtemps dans cette armée française
01:00:40où il s'engage en 1939
01:00:42avant de gagner la clandestinité
01:00:44et la résistance intérieure.
01:00:46Alors, c'est une belle illustration
01:00:48de la singularité
01:00:50des réactions des étrangers
01:00:52qui se trouvent en France
01:00:54et qui sont dans le Parti communiste
01:00:56ou proche du Parti communiste.
01:00:58Ils ont une fibre anti-nazi,
01:01:00anti-fasciste,
01:01:02un attachement
01:01:04à la France,
01:01:06à la France des droits de l'homme,
01:01:08la France de la Révolution française.
01:01:10Ce qu'il faut avoir en tête,
01:01:12ce sont des étrangers très attachés
01:01:14à la France et à cette France
01:01:16de la Révolution française
01:01:18au point que Manouchian
01:01:20va demander deux fois sa naturalisation.
01:01:22Ca, c'est des documents
01:01:24trouvés par hasard
01:01:26au moment de la panthéonisation.
01:01:28Il a fallu refaire des docs,
01:01:30des livres, des expos.
01:01:32Là, on tombe sur deux demandes de naturalisation,
01:01:34dont celle de 40,
01:01:36de janvier 40,
01:01:38et celle de 33, comme celle de 40,
01:01:40qui dit qu'il veut sa naturalisation
01:01:42parce qu'il veut rentrer dans l'armée française
01:01:44et servir son pays d'accueil.
01:01:46C'est très fort.
01:01:48On n'a aucun indice
01:01:50pour Manouchian, autre que celui-là,
01:01:52d'une réticence quelconque
01:01:54vis-à-vis du pacte germano-soviétique,
01:01:56mais dans les faits,
01:01:58janvier 40, demandait la nationalité française
01:02:00alors que le Parti communiste,
01:02:02dans la suite de l'Union soviétique,
01:02:04un PC qui est interdit
01:02:06depuis septembre 39,
01:02:08le Parti communiste
01:02:10dit que ça n'est pas une guerre
01:02:12à laquelle on doit participer.
01:02:14C'est une guerre impérialiste.
01:02:16Les ouvriers n'ont rien à faire
01:02:18dans cette guerre.
01:02:20Il n'a peut-être rien à faire, Manouchian,
01:02:22mais lui, il est déjà
01:02:24à l'armée
01:02:26dans l'ouest, en Bretagne,
01:02:28et en plus, il demande sa naturalisation.
01:02:30Il est démobilisé après l'armistice ?
01:02:32Il va être démobilisé,
01:02:34envoyé dans des usines
01:02:36par Gnaume et Rhone
01:02:38et autres, et puis après,
01:02:40il va être ciblé,
01:02:42on pourrait y revenir,
01:02:44par les Allemands, par Vichy,
01:02:46parce que c'est un responsable important
01:02:48de la communauté arménienne,
01:02:50du mouvement communiste arménien
01:02:52avant la guerre.
01:02:54On a des dossiers, des fiches,
01:02:56et la police française, elle travaille
01:02:58au nom de la collaboration,
01:03:00et donc il va être ciblé,
01:03:02il va être arrêté à l'été 1941,
01:03:04juste au moment de la rupture
01:03:06du pacte de l'Allemagne soviétique,
01:03:08il va rester 2-3 mois à Compiègne,
01:03:10et il rentre dans la...
01:03:12Il était déjà en contact, mais il rentre vraiment
01:03:14dans la MOI, et il va être
01:03:16le responsable politique
01:03:18du groupe arménien
01:03:20de la MOI.
01:03:22On va voir un premier extrait du documentaire.
01:03:24C'était un ancien camarade de Manouchian
01:03:26qui s'y exprime, et il nous explique
01:03:28la manière dont il faisait mener
01:03:30cette lutte armée au sein des francs-tireurs
01:03:32et partisans MOI
01:03:34qui l'intèvrent en 1943. Regardez.
01:03:36En août 1943,
01:03:38Missak Manouchian
01:03:40prend la direction militaire des FTP MOI.
01:03:42Les actions sont alors
01:03:44menées à un rythme accru,
01:03:46mais avec des effectifs réduits.
01:03:48Manouchian m'a annoncé
01:03:50qu'il fallait combattre avec les armes.
01:03:52Alors lorsque je lui ai posé la question
01:03:54avec, mais quelles armes ? On n'a rien,
01:03:56à part les couteaux. Et puis justement,
01:03:58avec les couteaux de cuisine,
01:04:00on doit attendre
01:04:02dans un coin de rue, attaquer
01:04:04un soldat allemand ou un officier, lui prendre
01:04:06le revolver, sa baïonnette, et avec ça
01:04:08recommencer pour essayer
01:04:10de récupérer les armes. On ne combattait
01:04:12avec rien, avec des couteaux de cuisine.
01:04:14Ça illustre assez bien
01:04:16le peu de moyens dont bénéficiaient
01:04:18ces résistants.
01:04:20C'est avec les moyens du bord, évidemment,
01:04:22comme toute la résistance.
01:04:24Mais ce qui est intéressant, c'est qu'il faut distinguer
01:04:26entre le discours,
01:04:28il faut effectivement aller récupérer
01:04:30des armes, mais la vérité,
01:04:32c'est que d'abord, il y a des parachutages,
01:04:34mais il faut atteindre 42,
01:04:36et récupérer des armes, ça veut dire
01:04:38faire des actions directes pour
01:04:40attaquer des dépôts d'armes,
01:04:42attaquer des Allemands pour récupérer
01:04:44des armes. Donc ça, c'est vraiment
01:04:46un mode opératoire qui est
01:04:48général. Il est vrai
01:04:50que les communistes l'ont porté
01:04:52un peu plus, je dirais,
01:04:54par le verbe,
01:04:56c'est-à-dire que l'affaire
01:04:58des armes blanches,
01:05:00en réalité, les historiens ont vu
01:05:02qu'il y avait eu très peu d'attaques
01:05:04à l'arme blanche, et d'autre part,
01:05:06ce qu'il faut dire, c'est qu'il
01:05:08n'était pas si évident
01:05:10de dire à des jeunes gens
01:05:12d'aller tuer un homme, parce que justement,
01:05:14c'est communiste
01:05:16qui s'était engagé ou qui était proche
01:05:18du Parti communiste. En 1934,
01:05:20la doctrine, c'est
01:05:22front uni contre le fascisme.
01:05:24Le pacte germano-soviétique
01:05:26va en désemparer plus d'un,
01:05:28puisqu'on doit
01:05:30finalement pactiser avec nos ennemis.
01:05:32Donc certains, évidemment,
01:05:34entrent tout de suite dans
01:05:36l'organisation spéciale,
01:05:38et plus tard dans les bataillons de la jeunesse,
01:05:40et veulent en découdre réellement.
01:05:42Mais il n'est pas du tout évident, quand on regarde
01:05:44les archives, justement,
01:05:46que les recrues ne savent
01:05:48pas manier des armes, que ce soit
01:05:50des couteaux de cuisine ou autre chose,
01:05:52qu'ils ne sont pas suffisamment instruits.
01:05:54Donc le Parti organise
01:05:56sous couvert de
01:05:58camping des camps d'instruction,
01:06:00mais bon, tout ça est quand même
01:06:02pas suffisant.
01:06:04Et d'autre part, certains
01:06:06ont des vrais dilemmes en se disant
01:06:08mais je vais aller tuer
01:06:10un soldat allemand qui peut-être est
01:06:12à le même âge que moi,
01:06:14est ouvrier ou paysan,
01:06:16et peut-être aussi,
01:06:18en tous les cas,
01:06:20militant pour...
01:06:22Il n'est pas forcément
01:06:24nazifié ou, en tous les cas,
01:06:26pas biberonné au nazisme.
01:06:28Donc il y a des cas de conscience,
01:06:30et le Parti communiste les entraîne,
01:06:32les aguerrit,
01:06:34les pousse, et je pense que ce qui est
01:06:36le plus important, c'est l'effet d'entraînement
01:06:38que ça a eu sur les autres groupes
01:06:40activistes, qui n'ont pas pratiqué
01:06:42l'attentat individuel,
01:06:44mais par contre, qui ont beaucoup pratiqué
01:06:46le sabotage. Et donc
01:06:48la réputation des communistes dans l'ensemble
01:06:50de la Résistance, c'était d'être
01:06:52mieux organisés, plus
01:06:54offensifs, plus agressifs,
01:06:56et évidemment, en pointe
01:06:58dans la lutte armée. Mais voilà,
01:07:00il faut distinguer les niveaux de discours,
01:07:02à chacun son boche,
01:07:04et la pratique, qui a été évidemment
01:07:06beaucoup moins importante, parce que c'était
01:07:08pas évident.
01:07:10– Le plus grand fait d'armes à mettre sur le
01:07:12compte de
01:07:14le FTP-MOI,
01:07:16c'est évidemment l'assassinat de
01:07:18Julius Ritter, qui est évidemment évoqué
01:07:20dans ce documentaire, colonel SS,
01:07:22qui était à l'époque,
01:07:24en septembre 1943, jour
01:07:26de son assassinat
01:07:28par le groupe Manoukian,
01:07:30qui était responsable de l'organisation
01:07:32du travail obligatoire sur le
01:07:34territoire français. On envoyait des Français
01:07:36aller travailler en Allemagne.
01:07:38Et là, il fallait justement
01:07:40avoir cette force de frappe que
01:07:42présentait le FTP-MOI pour faire ce type
01:07:44d'attentat. C'était une force
01:07:46de frappe spécifique au sein des
01:07:48FTP ? – Oui, mais
01:07:50je préfère parler de l'exécution
01:07:52plutôt que de l'assassinat.
01:07:54Et l'exécution de Julius Ritter
01:07:56est un exemple, mais
01:07:58que moi-même,
01:08:00aussi, je prends tout le temps.
01:08:02Donc voilà, un colonel
01:08:04SS qui se fait exécuter
01:08:06le 28 septembre 1943,
01:08:08par l'équipe spéciale des FTP-MOI.
01:08:10C'est une action
01:08:12qui avait pris des mois,
01:08:14parce qu'il faut d'abord... Ils avaient repéré
01:08:16par ce qu'on appelle le service de
01:08:18renseignement, c'est pas les agents
01:08:20secrets, c'est un service de renseignement qui est chargé
01:08:22de repérer les cibles et qui est dirigé
01:08:24par Cristina Boico.
01:08:26Et le chef
01:08:28qui était avant Manoukian
01:08:30et qui a un rôle très, très important
01:08:32dans la constitution des FTP-MOI,
01:08:34c'est Boris Solban,
01:08:36qui était à la manoeuvre. Et là,
01:08:38l'information vient, et 50 mètres
01:08:40par 50 mètres, on le suit jusqu'au moment
01:08:42où on repère là où il habite.
01:08:44Arrive
01:08:46l'information,
01:08:48on donne les dates,
01:08:50les heures où il sort,
01:08:52et puis la décision est prise.
01:08:54Et vous avez l'équipe spéciale
01:08:56avec Raimann,
01:08:58un juif polonais,
01:09:00vous avez Celestino
01:09:02Alfonso, un espagnol,
01:09:04franco-espagnol, et
01:09:06Léo Kneller, qui est un allemand,
01:09:08qui est à l'action. Ils vont exécuter
01:09:10une personnalité allemande
01:09:12qu'ils n'imaginaient pas
01:09:14être, Julius Ritter.
01:09:16Et c'est le lendemain...
01:09:18Mais là,
01:09:20c'est extraordinaire, mais c'est là où on voit
01:09:22que la dimension
01:09:24d'une action militaire
01:09:26se mesure à l'aune du politique,
01:09:28d'abord.
01:09:30Parce que la répercussion
01:09:32de l'exécution de Ritter,
01:09:34elle n'est pas d'abord militaire,
01:09:36on va le remplacer.
01:09:38Mais, en revanche,
01:09:40imaginez,
01:09:42les familles françaises
01:09:44sont complètement traumatisées
01:09:46par le service du travail obligatoire.
01:09:48Depuis février 1943,
01:09:50les jeunes, leurs enfants,
01:09:52partent,
01:09:54donc les générations 1920,
01:09:561921, 1922, 1923,
01:09:58en Allemagne pour remplacer des Allemands
01:10:00qui vont sur le front russe.
01:10:02Donc, il y a un traumatisme
01:10:04dans les familles françaises terribles,
01:10:06et tout d'un coup,
01:10:08ils apprennent qu'on exécute
01:10:10celui qui est responsable
01:10:12de ce qu'on appelait la déportation,
01:10:14puisque le mot était utilisé.
01:10:16Donc, symboliquement, l'objectif est réalisé.
01:10:18Donc, imaginez,
01:10:20ça a dû être champagne,
01:10:22même s'il n'y avait pas de champagne,
01:10:24et les familles ont dit,
01:10:26ah oui, la résistance.
01:10:28Donc, en fait, ils gagnent la population
01:10:30par une action armée,
01:10:32et c'est ça qui est tout à fait exceptionnel.
01:10:34Mais il y a aussi une dimension...
01:10:36Champagne, dites-vous,
01:10:38malgré tout, après le champagne,
01:10:40il arrivera, évidemment,
01:10:42la terrible répression et la réponse
01:10:44de l'occupant.
01:10:46Misak Manouchian sera arrêté en novembre.
01:10:481943.
01:10:50Autrement dit,
01:10:52trois mois après cet attentat.
01:10:54C'est le bureau spécial
01:10:56de Vichy
01:10:58qui va mener cette enquête,
01:11:00cette filature, vous avez retrouvé des traces
01:11:02auprès de la préfecture de police
01:11:04de ce qu'a été cette longue filature,
01:11:06pour remonter cette filière
01:11:08avec l'un des membres du groupe
01:11:10qui finira par lâcher ses camarades
01:11:12à l'occasion d'un interrogatoire
01:11:14sous la torture, c'est ce qu'il nous a expliqué
01:11:16dans ce film.
01:11:18Ce bureau spécial de Vichy,
01:11:20il faut nous en dire un mot,
01:11:22parce que c'est eux qui ont fait la traque.
01:11:24C'est pas ce que je voulais dire.
01:11:26La traque de Denis sur le Champagne,
01:11:28c'est pas évident.
01:11:30Il y a un débat interne à la clandestinité
01:11:32qui est, est-ce qu'il faut tuer
01:11:34des soldats allemands sur le territoire ?
01:11:36Et de Gaulle dit,
01:11:38il ne faut pas tuer,
01:11:40il faut saboter,
01:11:42il ne faut pas tuer de soldats allemands
01:11:44sur le territoire parce que
01:11:46la politique des otages,
01:11:48on exécute des otages jusqu'en 1943,
01:11:50les Allemands prennent des otages,
01:11:52évidemment dans ceux
01:11:54qui sont ciblés,
01:11:56qui sont déjà arrêtés
01:11:58et qui sont juifs et communistes,
01:12:00évidemment, ça va être les premiers
01:12:02dans les choix des otages,
01:12:04mais il y a un vrai débat
01:12:06sur la nécessité
01:12:08de faire ces attentats.
01:12:10Et de Gaulle dit, il ajoute,
01:12:12que les Allemands soient tués
01:12:14sur le territoire,
01:12:16ça ne doit pas étonner personne,
01:12:18il n'avait qu'à être,
01:12:20il n'avait qu'à rester chez eux
01:12:22et ne pas venir nous faire la guerre.
01:12:24Mais donc, ce débat interne,
01:12:26côté communiste, dans les mémoires de Tillon,
01:12:28il est dit, oui, mais voilà,
01:12:30nous, on ne veut pas faire la guerre
01:12:32avec la peau des Russes,
01:12:34donc on doit faire que le soldat allemand
01:12:36ne se trouve pas en villégiature
01:12:38en France
01:12:40et on doit montrer
01:12:42qu'il y a un front
01:12:44qui n'est pas seulement le front russe,
01:12:46qu'il y a un front qui est,
01:12:48les résistants français.
01:12:50La différence, Alia, c'est que
01:12:52la déclaration de De Gaulle,
01:12:54c'est au moment des exécutions
01:12:56de Chateaubriand en 41,
01:12:58donc juste après le début
01:13:00de la lutte armée,
01:13:02et qu'en 43,
01:13:04la question ne se pose plus
01:13:06pour gaullistes communistes,
01:13:08simplement après les modalités,
01:13:10l'organisation, c'est autre chose.
01:13:12Mais le fait de tuer Julius Ritter
01:13:14n'a été absolument pas critiqué à Londres.
01:13:16Je ne parle pas de ce cas précis.
01:13:18Effectivement, le problème était
01:13:20qu'est-ce qu'on fait avec la politique
01:13:22des otages, sauf que les Allemands
01:13:24étaient quand même coincés,
01:13:26parce que s'ils exécutaient des otages,
01:13:28ça amplifiait le fossé
01:13:30avec l'opinion.
01:13:32Mais vous parliez de ce qui se passait à Vichy.
01:13:34Il y a une structure...
01:13:36Bien sûr, en deux minutes,
01:13:38la structure qui a été mise en place,
01:13:40il faut bien comprendre, c'est pas les Allemands
01:13:42qui ont fait les filatures, c'est les brigades spéciales
01:13:44des renseignements généraux
01:13:46de la préfecture de police de Paris,
01:13:48au nom de la collaboration voulue par Vichy.
01:13:50Et c'est eux, les professionnels.
01:13:52C'est la BS2,
01:13:54la deuxième brigade spéciale,
01:13:56et on ne comprend rien à l'arrestation
01:13:58de M. Manouchan et de son groupe
01:14:00si on n'a pas en tête
01:14:02qu'il y a eu trois filatures successives
01:14:04de janvier 1943
01:14:06jusqu'à novembre 1943.
01:14:08Et même celui qui a beaucoup parlé,
01:14:10Davidovitch,
01:14:12qui avait été exécuté, d'ailleurs,
01:14:14mais qui a été arrêté
01:14:16fin octobre,
01:14:18alors que Manouchan lui-même
01:14:20était déjà repéré
01:14:22comme tous ses camarades.
01:14:24Deuxième extrait du documentaire,
01:14:26si vous le voulez bien,
01:14:28le fameux procès des 23,
01:14:30le procès du groupe Manouchan.
01:14:32Le procès des 23
01:14:34résistants des FTP-MOI
01:14:36se déroule du 15 au 19 février
01:14:381944
01:14:40dans les murs de l'hôtel Continental,
01:14:42devant une cour martiale allemande.
01:14:46Durant ce simulacre de procès,
01:14:48M. Manouchan assume son engagement
01:14:50au combat, sans plaider la contrainte.
01:14:52Marcel Rehman,
01:14:54Celestino Alfonso,
01:14:56Spartaco Fontano,
01:14:58Joseph Boksov, Olga Bansig
01:15:00et leurs camarades
01:15:02font preuve d'un même courage
01:15:04devant leurs accusateurs.
01:15:06La délibération a lieu le 19 février,
01:15:08à l'issue de laquelle
01:15:10la cour martiale procède à 23
01:15:12condamnations à mort.
01:15:14Ce procès va durer du 15 au
01:15:1618 février 1944.
01:15:18Il se tient
01:15:20à l'hôtel Continental à Paris.
01:15:22Ce n'est pas le premier grand procès
01:15:24qu'essaient de mettre en musique
01:15:26les nazis. Il y en a eu d'autres en 1942.
01:15:28Évidemment, la Maison de la Chimie.
01:15:30Il y en a même eu un ici, au Palais Bourbon.
01:15:32Simplement, les Allemands
01:15:34ont voulu en faire une opération
01:15:36de propagande et c'est la fameuse affiche rouge.
01:15:38L'affiche rouge, c'est une opération
01:15:40de propagande nazie qui veut faire
01:15:42de ce groupe manoukian des terroristes.
01:15:44Et qui veut assimiler l'ensemble
01:15:46de la résistance à des actions terroristes.
01:15:48Mais, en fait, il faut rappeler deux choses.
01:15:50Dans la répression allemande,
01:15:52il y a quand même deux grandes phases
01:15:54qu'on oublie de... Je pense qu'il faut la rappeler.
01:15:56Au départ, ce sont les militaires
01:15:58qui s'occupent de réprimer
01:16:00les faits de résistance. Ils prennent ça très au sérieux.
01:16:02Simplement,
01:16:04Hitler trouve qu'ils ne sont pas assez sévères
01:16:06et, à partir de juin 1942,
01:16:08c'est la SS
01:16:10qui va se charger de ça.
01:16:12Et donc, on a deux phases
01:16:14où, dans les premiers procès,
01:16:16notamment
01:16:18pour les membres
01:16:20du Musée de l'Homme, c'est à huis clos.
01:16:22Ça se passe, on va dire,
01:16:24dans une forme, en tous les cas,
01:16:26de respect par rapport
01:16:28à l'action patriotique des résistants.
01:16:30Et ensuite, on bascule
01:16:32dans une répression beaucoup plus violente,
01:16:34beaucoup plus sauvage,
01:16:36qui est, évidemment,
01:16:38dans une étroite collaboration
01:16:40avec les polices françaises.
01:16:42Et ce procès
01:16:44de l'affiche rouge,
01:16:46effectivement, les Allemands
01:16:48entendent lui donner la plus grande publicité possible
01:16:50pour assimiler
01:16:52l'ensemble de la résistance
01:16:54à des actions, je dirais,
01:16:56de droit commun.
01:16:58En fait, ce sont des étrangers,
01:17:00des juifs, des communistes,
01:17:02même les ennemis.
01:17:04Il se trouve que ce sont les mêmes ennemis de l'intérieur
01:17:06pour Vichy.
01:17:08Et cette collaboration des polices,
01:17:10je trouve qu'on ne dit pas assez,
01:17:12elle dépasse très largement les accords
01:17:14Robert-Bousquet, elle commence dès l'été 40.
01:17:16La préfecture de police de Paris,
01:17:18il y a déjà des Allemands.
01:17:20Donc cette convergence d'intérêts
01:17:22de ces ennemis
01:17:24de l'intérieur, les juifs et les communistes,
01:17:26le Code des otages
01:17:28de septembre 41
01:17:30dit, de toute façon,
01:17:32toute action
01:17:34contre les troupes de l'occupation
01:17:36est d'inspiration
01:17:38juive et communiste.
01:17:40Donc de toute façon, ils sont déjà coupables
01:17:42avant même
01:17:44d'avoir vraiment
01:17:46agi.
01:17:48C'est l'armée du crime, voilà l'appellation
01:17:50donnée par les nazis au groupe Manoukian.
01:17:52Cette affiche rouge, elle a une histoire
01:17:54parce qu'elle est devenue mythique.
01:17:56Mais encore une fois,
01:17:58il ne faut pas se tromper, c'est un objet de propagande
01:18:00nazie qui a été utilisé à l'époque.
01:18:02Mais vous pointez à quelque chose
01:18:04de très important, c'est que pendant
01:18:06des années, et même jusqu'à
01:18:08la
01:18:10panthéonisation, puisque
01:18:12la mairie de Paris avait mis des affiches
01:18:14rouges un peu partout, ce qui a quand même surpris
01:18:16certains, c'est que
01:18:18l'affiche rouge, dans la tête des gens,
01:18:20oui, c'est une affiche des résistants,
01:18:22alors qu'en fait, c'est une mise en scène
01:18:24voulue par les Allemands,
01:18:26avec un relais de collaborationnistes,
01:18:28avec
01:18:30toute une série d'outils, l'affiche,
01:18:32une brochure, un
01:18:34documentaire qui passait avant
01:18:36les grands films dans les
01:18:38salles de cinéma, des actualités...
01:18:40Et pour montrer quoi ?
01:18:42Pour montrer que c'était des assassins ?
01:18:44Dans l'affiche rouge, il est...
01:18:46Manoukian est nommé
01:18:48chef de bande pour montrer qu'ils étaient
01:18:50juifs, communistes, étrangers.
01:18:52La résistance,
01:18:54elle est là. C'est ça, le message
01:18:56des Allemands, quand ils
01:18:58montent cette opération, qui est la plus
01:19:00grande opération, qu'on
01:19:02dirait aujourd'hui, de désinformation,
01:19:04organisée contre la résistance
01:19:06pendant toute la guerre.
01:19:08Et ça explique aussi pourquoi
01:19:10ça a eu, après-guerre, cet
01:19:12impact jusqu'à aujourd'hui,
01:19:14cette symbolique.
01:19:16Mais les assimiler à des terroristes, c'est aussi
01:19:18s'autoriser à les liquider,
01:19:20parce que quand même, bon, là, il y a jugement,
01:19:22de toute façon, c'est un simulacre de jugement.
01:19:24Et pour tous ceux qui ont été
01:19:26fusillés après condamnation, je dirais
01:19:28de manière officielle, combien
01:19:30ont disparu, liquidés
01:19:32dans des endroits secrets,
01:19:34comme le stand de tir de Ballard ou
01:19:36d'autres endroits ? C'est-à-dire qu'on ne leur
01:19:38reconnaît pas la qualité de combattant.
01:19:40La résistance avait été
01:19:42reconnue à travers la panthéonisation
01:19:44d'un certain nombre de personnalités.
01:19:46Alors Jean Boulin, évidemment, au début
01:19:48des années 60, mais surtout
01:19:50sous la présidence de François Hollande.
01:19:52Quatre d'entre eux, Pierre Brossolette,
01:19:54Antonius de Gaulle,
01:19:56Germaine Tillon,
01:19:58Jean Zay, avaient été panthéonisés
01:20:00sous la présidence de
01:20:02François Hollande, et à l'époque, on avait regretté
01:20:04qu'il n'y ait pas un représentant
01:20:06des résistants étrangers.
01:20:08Ça a été fait avec Manoutti en quelques années plus tard.
01:20:10Là, qu'est-ce qu'on tente de nous
01:20:12démontrer, là ? L'universalisme
01:20:14de la résistance française
01:20:16à travers cette panthéonisation ?
01:20:18Il a eu un oubli du temps de Hollande ?
01:20:20Il a été réparé du temps d'Emmanuel Macron ?
01:20:22Un double oubli.
01:20:24Manouchian, c'est non seulement le premier
01:20:26résistant étranger à rentrer aux panthéons,
01:20:28mais aussi le premier résistant communiste.
01:20:30Quand on sait l'importance
01:20:32des étrangers
01:20:34et l'importance des communistes
01:20:36dans la résistance française,
01:20:38il y a quand même
01:20:40un petit problème, et effectivement,
01:20:42Emmanuel Macron a décidé
01:20:44de...
01:20:46Il le dit très joliment
01:20:48dans son discours
01:20:50lors de la panthéonisation
01:20:52aux panthéons,
01:20:54ces termes de...
01:20:56de chlore,
01:20:58en quelque sorte,
01:21:00ce grand espace des résistants,
01:21:02en rajoutant ceux qui avaient été
01:21:04oubliés.
01:21:06Et avec Missak Manouchian,
01:21:08il ne faut pas oublier, certes,
01:21:10il est accompagné par Milinet, mais il y a aussi
01:21:12les noms de ses camarades
01:21:14qui ont été exécutés avec lui.
01:21:16Et qui décondent à la mort
01:21:18sur une plaque,
01:21:20à côté du caveau 13,
01:21:22où se trouvent
01:21:24les deux
01:21:26cercueils des Manouchians.
01:21:28Et il y a aussi Epstein,
01:21:30qui était le chef de Manouchian.
01:21:32Et qui a été arrêté le même jour que lui, d'ailleurs.
01:21:34Il est arrêté avec lui.
01:21:36Vous savez pourquoi il n'était pas dans le procès
01:21:38de Manouchian ?
01:21:40Une seconde.
01:21:42Il a été arrêté,
01:21:44il a une identité embêtante,
01:21:46il s'appelle Estin Neobuska,
01:21:48à côté de Bordeaux.
01:21:50Vous voulez faire un procès
01:21:52avec, comme chef, un bon Français,
01:21:54à rien, comme on disait dans les rapports de police,
01:21:56blond...
01:21:58C'est pas possible.
01:22:00Bien sûr, c'était un juif polonais.
01:22:02S'ils avaient connu l'identité, il aurait été dedans.
01:22:04Pas possible.
01:22:06Les étrangers étaient surreprésentés
01:22:08dans la résistance à comparer à la population française.
01:22:10C'est ce que vous nous dites dans ce documentaire.
01:22:12Je voulais avoir votre avis là-dessus.
01:22:14C'est la réalité ?
01:22:16Proportionnellement.
01:22:18Ça ne veut pas dire qu'en nombre...
01:22:20Ils étaient surreprésentés.
01:22:22Oui, comme les juifs,
01:22:24notamment.
01:22:26On a un des comptes très précis,
01:22:28notamment avec les travaux
01:22:30de Jean-François Murasiol, sur la France libre.
01:22:32Dans la France libre,
01:22:34ceux qui partent rejoindre De Gaulle,
01:22:36avec tous les dangers que ça représente,
01:22:38on trouve
01:22:4060 nationalités différentes.
01:22:42L'un des plus connus, c'est Romain Garry.
01:22:44Mais dans les maquis,
01:22:46on a même
01:22:48des Italiens, des Allemands
01:22:50et des Autrichiens antifascistes.
01:22:52Les femmes autrichiennes sont
01:22:54très engagées dans ce travail anti-allemand,
01:22:56organisé aussi par le Parti communiste,
01:22:58parce qu'elles peuvent,
01:23:00parce qu'elles parlent la langue,
01:23:02s'approcher de soldats allemands
01:23:04et leur donner de la littérature
01:23:06défaitiste, selon
01:23:08les critères nazis, pour les amener
01:23:10éventuellement
01:23:12à déserter.
01:23:14Mais comme le Parti communiste,
01:23:16je disais, dans la résistance,
01:23:18a cette organisation très
01:23:20systématique,
01:23:22effectivement,
01:23:24les étrangers apparaissent plus
01:23:26comme une composante de la résistance communiste
01:23:28que le reste
01:23:30de la résistance
01:23:32où on trouve aussi des étrangers,
01:23:34y compris des Anglais,
01:23:36y compris toute nationalité.
01:23:38Mais ça nous dit quelque chose
01:23:40sur la résistance qui est très intéressant
01:23:42et ce que disait Denis tout à l'heure,
01:23:44c'est, comme dirait De Gaulle, une certaine idée
01:23:46de la France.
01:23:48Ça universalise la France
01:23:50et ce combat universalise
01:23:52la lutte contre le fascisme.
01:23:54Mais cette reconnaissance, ce combat a été long.
01:23:56C'est le moins qu'on puisse dire.
01:23:58Oui, mon problème, ce n'est pas pourquoi
01:24:00Manouchian a été panthéonisé,
01:24:02c'est pourquoi il a été citard
01:24:04et pourquoi, à travers lui,
01:24:06on a si tardivement rendu
01:24:08hommage aux étrangers
01:24:10dans la résistance. Mais attention
01:24:12à ne pas...
01:24:14à ne pas se tromper,
01:24:16à ne pas construire des mythes autour
01:24:18de l'évolution de la mémoire. Parce que Manouchian,
01:24:20il est rentré dans la mémoire collective
01:24:22des Français à la fin
01:24:24des années 50. C'est la rencontre
01:24:26entre un poète et deux poètes.
01:24:28Entre lui, parce que c'était un poète
01:24:30qui aurait voulu rester.
01:24:32Pas seulement, il était menuisier, mais il était poète.
01:24:34Et c'est la rencontre
01:24:36avec Aragon, bien sûr,
01:24:3855,
01:24:40posthmortème de Missak, bien entendu,
01:24:42et le poème
01:24:44qui va être mis en chanson
01:24:46par Léo Ferré.
01:24:48Et ça va être un succès
01:24:50exceptionnel, repris
01:24:52par toute une série
01:24:54d'artistes,
01:24:56jusqu'à Foch-la-Tertonne, au Panthéon,
01:24:58qui a été un moment extraordinaire.
01:25:00Et là, on voit bien qu'il est rentré
01:25:02dans la mémoire collective avant
01:25:04d'être reconnu officiellement
01:25:06et même avant
01:25:08d'être reconnu mort pour la France.
01:25:10Il a été reconnu mort pour la France en 71.
01:25:12Vous vous rendez compte ?
01:25:14Le patron des FTP et MOI de la région parisienne.
01:25:16Extrêmement tardif.
01:25:18Merci vraiment à tous les deux d'avoir participé
01:25:20à cette émission des Badocs aujourd'hui.
01:25:22Pour reparler de Missak-Manouchian,
01:25:24panthéonisé maintenant un an,
01:25:26mais c'était 80 ans après son exécution
01:25:28avec 21 de ses camarades
01:25:30au Mont-Valérien.
01:25:32Vos réactions, ça sera sur hashtag
01:25:34des Badocs, bien entendu. Merci à Félicité Gavalda,
01:25:36Victoria Bellé, qui, comme à l'accoutumée,
01:25:38m'ont aidée à préparer cette émission.
01:25:40Et je vous donne rendez-vous pour un prochain
01:25:42des Badocs, ça sera bien entendu,
01:25:44avec son documentaire et son débat.
01:25:46A très bientôt.

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