Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a accordé un entretien exclusif à l'Opinion. Tensions diplomatiques avec la France, affaire Boualem Sansal, normalisation avec Israël... Le décryptage de notre journaliste Pascal Airault, de retour d'Alger.
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00:00Le président algérien avait à cœur de s'exprimer.
00:08Le président algérien a utilisé une métaphore
00:10pour qualifier l'état de cette relation.
00:12Il a dit « je maintiens le cheveu de la Mouaïya ».
00:18Mouaïya, c'est le nom du fondateur du puissant empire des Omeyades
00:22et son premier calife.
00:24Il avait ajouté « il ne faut pas laisser les gamins couper ce cheveu ».
00:27Ce qu'il veut dire par là, c'est que ce calife, à l'époque,
00:31avait toujours, même par rapport à ses adversaires ou ses compétiteurs,
00:34maintenu le fil de la discussion.
00:35Lui, il a aussi envie de maintenir le fil de la discussion.
00:38Et quand il dit « il ne faut pas laisser les gamins le couper »,
00:41c'est une certaine partie de la classe politique française
00:44qui, avec ses déclarations assez véhémentes
00:47à l'égard du pouvoir algérien,
00:49pourrait compromettre l'état de ses relations.
00:51Alors, il ne faut pas cacher qu'il y a aussi une déception
00:52par rapport à Emmanuel Macron.
00:54Les deux hommes avaient établi une feuille de route très ambitieuse,
00:58notamment à l'issue du voyage d'Emmanuel Macron en août 2022 en Algérie,
01:03avec tout un tas de chantiers de coopération sur les questions mémorielles,
01:08de dépollution des sites nucléaires,
01:10de réflexion sur ce que les deux pays peuvent faire ensemble
01:13au niveau économique, de coopération aussi géopolitique
01:17sur le dossier qui touche à cœur les deux pays,
01:19que ce soit au niveau du Moyen-Orient,
01:21mais aussi au niveau de l'Afrique.
01:23Coopération culturelle, etc.
01:25Donc, quand il dit qu'il veut maintenir,
01:27qu'il ne faut pas couper le cheveu,
01:28il aimerait qu'on reprenne un dialogue.
01:30Ce qu'il attend, c'est très simple,
01:32il aimerait que cesse un peu les campagnes tapageuses en France
01:34et certainement que le chef de l'État français ait des paroles assez fortes
01:37pour dire qu'il ne s'inscrit pas lui-même dans cette démarche.
01:40Le président algérien avait à cœur de s'exprimer.
01:44Pourquoi l'opinion ?
01:45Simplement parce que ça fait depuis la première campagne présidentielle,
01:49j'avais déjà obtenu une interview,
01:51on en a fait deux par la suite lors de son premier mandat.
01:54Je crois que c'est simplement une question de confiance,
01:56il ne faut pas aller chercher plus loin.
02:01Le président algérien qualifie l'affaire Sansal
02:04de l'affaire scabreuse,
02:06qui, selon lui, a tort ou a raison,
02:08mais n'a pas livré tous ses secrets.
02:09Il pense qu'il y a des manipulations,
02:11une orchestration derrière des propos initiaux de Boualem Sansal
02:15sur la remise en cause des frontières algériennes.
02:17Lorsque je me faisais remarquer qu'il était français,
02:19qu'il avait droit à une visite consulaire,
02:20il me dit qu'avant d'être français, il est algérien.
02:23D'après ce que je comprends, il sera jugé par la justice algérienne,
02:26comme il dit, dans le temps imparti.
02:28Il n'a pas voulu se prononcer sur une éventuelle mesure de grâce
02:32à l'issue du procès qui aura lieu.
02:34Tout ce dont il m'a assuré,
02:36c'est que Sansal avait reçu des soins médicaux,
02:38il avait fait un check-up complet à l'hôpital,
02:42il continuait à être suivi en prison par des médecins
02:45et il avait accès à sa famille
02:47avec laquelle il pouvait s'entretenir assez régulièrement.
02:51Il y a beaucoup de réactions nationales et internationales.
02:55Tout est pesé au trébuchet.
02:56Il y a eu par exemple ces propos dans lesquels il dit en fin d'interview
02:59« je vais respecter la Constitution, je ne ferai que deux mandats ».
03:03C'est une annonce importante qui a été largement commentée en Algérie.
03:06Il y a aussi la question de la normalisation avec Israël
03:09où il a eu des propos très forts.
03:10Il a dit « le jour où il y aura un État palestinien,
03:13bien sûr que l'Algérie normalisera ses relations ».
03:16En prenant l'exemple de ses prédécesseurs,
03:18qui eux aussi sur ces questions-là s'étaient montrés plutôt ouverts
03:22à conditions et à la seule et unique condition
03:25que le processus de paix puisse avancer,
03:27qu'il y ait la création de cet État palestinien
03:29et bien sûr que Jérusalem puisse être aussi
03:32la capitale du futur État palestinien.