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Dans son documentaire "Une histoire à soi", Amandine Gay donne la parole à des enfants adoptés à l'étranger.

L'adoption vue par les adoptés, ça donne ça.

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Transcription
00:00Moi, sur mon acte de naissance, c'est écrit
00:02« Amandine Gueye, née de Marie-Claude et René Gueye ».
00:04Or, moi, je suis Amandine Gueye, née sous X,
00:07fille de Marie-Claude et René Gueye.
00:09Et je n'ai pas besoin que mon acte de naissance
00:11soit un vrai faux certificat de naissance
00:13qui dit que je suis née de mes parents.
00:14C'est d'autant plus absurde que mes parents sont blancs
00:16et que moi, je suis noire.
00:17Donc, tout le monde peut le voir que je ne suis pas née de mes parents.
00:19Moi, ça m'est arrivé que devant moi,
00:21des gens qu'on ne connaissait pas disent à mes parents
00:23« Oh là là, c'est bien ce que vous avez fait,
00:26alors, elle est à vous cette petite, etc. »
00:30Ou quand on disait ça devant moi,
00:32et même quand on ne disait ça pas devant moi,
00:33ma mère répondait toujours
00:34« Non, c'est nous qui avons eu de la chance,
00:36parce que si on n'avait pas pu adopter,
00:37on n'aurait pas pu avoir de famille. »
00:38Il y a des chances qu'en tant que personne adoptée,
00:40vous vous dites « Ah oui, mais alors, effectivement,
00:42peut-être que j'ai de la chance,
00:43peut-être que je devrais ressentir une gratitude particulière. »
00:46Et donc, moi, ce qui m'intéresse
00:48dans le fait de parler de l'adoption aujourd'hui
00:50dans l'espace public, etc.,
00:51c'est de rappeler que la plupart des personnes qui adoptent,
00:54adoptent parce qu'elles sont infertiles.
00:55Et donc, là, on n'est pas du tout
00:57dans le fait d'aller sauver des enfants
00:59dans une démarche humanitaire et altruiste.
01:01On est d'abord dans une démarche
01:02de régler son propre désir d'enfant
01:04qui n'a pas pu être comblé biologiquement.
01:14Les personnes me faisaient des remarques,
01:16« Chintoc », etc., « Rentre chez toi »,
01:18bon, voilà, des trucs racistes, voilà.
01:21Donc, quand j'en parlais à la maison,
01:25les seuls propos que j'avais en retour, c'était,
01:27« Mais non, mais on ne comprend pas.
01:28Pour nous, tu n'es pas asiatique.
01:30Bon, ben, tu t'en fiches, tu fais comme si rien n'était. »
01:32Mais du coup, pour moi, ce n'étaient pas des réponses.
01:34On a peur qu'adresser la différence,
01:36ça crée du racisme.
01:37Or, reconnaître que votre enfant est noire,
01:39reconnaître que votre enfant est asiatique
01:41ou reconnaître que votre enfant est latina
01:43et que peut-être aussi, du coup,
01:44elle va avoir des besoins spécifiques,
01:45voilà, moi, j'ai cité les cheveux pour les noirs,
01:47mais ça peut être aussi juste le besoin
01:49d'apprendre à découvrir sa culture d'origine,
01:51ça n'en fait pas moins votre enfant.
01:52Moi, par exemple, c'est vrai que j'ai eu beaucoup de chance,
01:54encore une fois,
01:55parce que mes parents avaient une sociabilité noire
01:58avant que j'arrive.
01:59Ma mère avait un ami qui était d'origine guadeloupéenne,
02:01qu'elle s'était fait dans sa jeunesse, etc.
02:03Donc, quand ils ont d'abord adopté mon frère,
02:06cette amie-là lui a dit, « Mais tu sais, pour le coiffer,
02:08c'est mieux d'avoir un peigne à grandes dents, etc. »
02:10Elle a eu des informations,
02:12justement parce qu'elle fréquentait déjà des noirs.
02:14Et moi, pour moi, ce que je voudrais,
02:15c'est que les gens réalisent
02:17que si vous ne fréquentez pas du tout,
02:18jamais de personnes non-blanches,
02:20et que la première personne que vous fréquentez
02:22qui n'est pas blanche,
02:23c'est votre enfant,
02:24vous allez devoir faire un sacré rattrapage.
02:26Sinon, c'est votre enfant qui va devoir vous éduquer.
02:29Niyongira, le petit Rwandais,
02:31ben, à l'époque,
02:36je dirais que je l'ai fait taire, quand même.
02:39Nicolas, je vais le...
02:41Je vais le vivre, Nicolas.
02:44Et là, maintenant que je suis en France,
02:45et que j'ai ce prénom maintenant,
02:47il faut que je...
02:49Je rentre dans un rôle, un peu, quand même.
02:51Moi, c'était ça.
02:51Cette question de
02:52« Quelle personne vous êtes ? »
02:54Devenir une nouvelle personne,
02:55arriver dans une nouvelle famille, etc.
02:56Comment on s'accommode de ça ?
02:58Moi, ce que je veux, en fait,
02:59c'est susciter de l'empathie.
03:00Je veux que quand lui raconte ça,
03:02vous vous disiez
03:03« Ah ouais, quand même, quoi.
03:04Comment ça se passe
03:05quand on me donne un nouveau prénom ?
03:06J'arrive dans une nouvelle famille,
03:07un nouveau pays.
03:08Qu'est-ce que je fais ? Qui je suis ?
03:09Qu'est-ce qui se passe ? »
03:10Il y a un enracinement un peu forcé
03:13dans une culture qui n'est pas forcément la nôtre.
03:15Qui n'est pas la nôtre, en fait.
03:18Et pour moi, je pense que ça peut être...
03:21Enfin, à titre personnel,
03:22je pense que
03:23l'adoption internationale,
03:24ça peut être nuisible, en fait.
03:26Et je suis plus pour
03:28que les pays développent
03:30l'adoption en interne, en fait.
03:32Pour limiter au maximum le déracinement.
03:35Que l'enfant puisse au moins avoir...
03:38Se rattacher à sa culture.
03:40Imaginez, par exemple,
03:42qu'on demande,
03:43dans le cadre de l'adoption internationale,
03:44aux parents de se déplacer.
03:45Parce qu'en fait,
03:46on déplace les enfants
03:47parce que c'est plus pratique.
03:48On pourrait aussi vous dire
03:49il n'y a pas de soucis
03:50pour adopter des enfants brésiliens
03:51mais vous devez vous installer au Brésil.
03:53Et vous devez apprendre à parler portugais.
03:55Et vous devez changer vos modes alimentaires, etc.
03:57Et moi, je veux dire,
03:58c'est quand même intéressant
03:59de se poser
04:00la question de la pratique
04:02de ce point de vue-là.
04:03Les adultes ne se déplacent pas
04:04pour les enfants
04:05alors qu'ils se déplacent
04:06pour un travail, par exemple.

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