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Dans son édito du 31/01/2025, Thomas Bonnet revient sur Emmanuel Macron et sa relation avec les banlieues. 

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00:00Oui, alors qu'il est pressé de toute part d'agir sur le volet diplomatique avec Alger,
00:05Emmanuel Macron se mûre dans le silence, du moins un silence médiatique.
00:09Le président était hier dans des cafés du nord de la France,
00:12sans prévenir la presse pour aller sentir l'humeur générale.
00:16Et honnêtement, je le comprends, on ne peut décemment pas lui reprocher
00:19de tenter d'aller à la rencontre des Français et de s'affranchir du protocole
00:22pour essayer de garder une forme d'authenticité dans les échanges.
00:25Je me demande en revanche de quel sujet lui ont parlé les Picards qu'il a croisés.
00:30Parce que j'ai le souvenir de deux scènes.
00:32D'abord en octobre 2023, on est quelques jours après le 7 octobre 2023,
00:37Emmanuel Macron se balade sur les quais à Paris
00:39et des étudiants viennent à sa rencontre pour lui parler spontanément
00:42des manifestations pro-palestiniennes qui à l'époque avaient été interdites.
00:46Et Emmanuel Macron répond alors sur les risques de division en France
00:50sur la question du conflit au Proche-Orient.
00:53Deuxième scène, quelques semaines plus tard,
00:55en visite à Marseille pour l'opération PlaceNet,
00:58Emmanuel Macron là aussi va à la rencontre des habitants
01:01et un habitant lui dit les cités vont déborder sur la question de la Palestine.
01:06Deux échanges qui ont sans doute participé à façonner la vision
01:10qu'a peut-être aujourd'hui Emmanuel Macron des quartiers dits populaires.
01:13Et à ce titre, j'étais très frappé hier en entendant sur ce plateau
01:16le lanceur d'alerte Chokhi Ben Zerra évoquer le fait que la diaspora algérienne
01:21est utilisée comme un levier par le régime d'Alger
01:23pour peser sur les décisions françaises.
01:26On est obligé de se dire ce matin
01:28que ça fait partie des explications de cette inertie présidentielle.
01:31La crainte de la contestation dans les banlieues
01:33éclaire certaines décisions du président de la République selon vous Thomas ?
01:36Pour l'Algérie, ça fait sans doute partie des pistes de réflexion à ouvrir
01:40même si la diplomatie est une matière complexe.
01:42Mais si on réfléchit, ce sont déjà ces mêmes craintes
01:45qui avaient conduit le chef de l'État
01:47à ne pas se rendre à la marche contre l'antisémitisme.
01:49À l'époque, sur les conseils avisés d'un certain Yassine Belattar,
01:53il avait choisi de ne pas marcher aux côtés des présidents du Parlement
01:56par crainte, je cite, de ne pas fracturer.
01:59Une décision qui lui est régulièrement reprochée.
02:01De la même manière, quelques heures après la mort de Nahel à Nanterre,
02:04Emmanuel Macron assène de manière expéditive la sentence présidentielle
02:08parlant du geste des policiers comme inexcusable et inqualifiable
02:12en dépit du début de commencement de l'enquête.
02:15Déjà, cette sortie montrait une crainte des réactions dans les banlieues.
02:18Finalement, les émeutes avaient bien eu lieu
02:20et les mots du président n'avaient rien désamorcé.
02:23Les explications avançaient quelques mois plus tard
02:25pour tenter d'expliquer ces violences, montrer une forme de déni.
02:27Le président parlait de l'oisiveté de certains jeunes
02:30qui avaient conduit à ces scènes de violence.
02:31Alors, l'approche du président de la République vis-à-vis des quartiers
02:34que certains appellent populaires
02:36témoigne plus de la méconnaissance que du clientélisme ?
02:39Oui, il faut se souvenir qu'en 2016, c'est depuis Bobigny
02:41qu'Emmanuel Macron avait annoncé sa candidature à l'élection présidentielle.
02:45Pendant cette campagne, il avait tenté d'une certaine manière
02:47d'être le candidat des banlieues.
02:49Il y avait notamment eu ce meeting à Marseille
02:50où le candidat, Emmanuel Macron, avait énuméré et vanté
02:53les différentes diasporas de la cité phocéenne en disant cette phrase
02:57« Regardez bien, Mesdames et Messieurs du parti du Front National,
03:00c'est ça être fier d'être Français, être patriote.
03:02Ce n'est pas le Front National, le repli et la haine qui conduira à la guerre civile. »
03:06C'est une scène qui avait d'ailleurs suscité quelques temps plus tard
03:08un débat âpre entre Emmanuel Macron et Bruno Rotaillot
03:11sur un plateau de télévision.
03:12Une opposition qui éclaire sans doute aujourd'hui
03:15la différence d'approche entre les deux hommes.
03:16Et puis surtout, en 2017 comme en 2024,
03:19Emmanuel Macron emploie le terme de guerre civile.
03:22En sept ans, cette éventualité est restée dans l'imaginaire narratif
03:25du président de la République.
03:27Une France qui vit face à face plutôt que côte à côte,
03:29pour reprendre la formule de Gérard Collomb.
03:31Sans doute cette phrase explique encore en 2025 l'inertie,
03:35voire la tétanie du président de la République sur certains sujets.

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