Il y a 80 ans, l'armée rouge libère le tristement célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau. Le régime nazi y a envoyé près d'1 millions de juifs à la mort. Une histoire qui s'incrit dans une autre : celle de la Shoah et ses 6 millions de morts. Leur objectif : exterminer tous les juifs en Europe.
Pour se remémorer cette période, Jean-Pierre Gratien reçoit les historiens Annette Wieviorka et Tal Bruttmann.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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#LCP #documentaire #debat
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous dans Débats d'octobre.
00:00:18Voilà 80 ans, l'armée rouge libérait
00:00:20le tristement célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau
00:00:23où le régime nazi envoya plus d'un million de Juifs à la mort.
00:00:27A cette occasion, nous vous proposons le documentaire
00:00:31qui va suivre, La mémoire pour sépulture,
00:00:34réalisé par Maude Guyomain et Charlotte Jarix.
00:00:37L'histoire, vous allez le voir,
00:00:39du terrifiant parcours vécu par Benjamin Orenstein,
00:00:43un rescapé des camps de la mort,
00:00:45et il mettra près d'un demi-siècle
00:00:47avant de se décider à la raconter.
00:00:50Je vous laisse la découvrir, cette histoire,
00:00:53puis les historiens Annette Vizurka et Tal Bruttmann
00:00:56seront à mes côtés sur ce plateau
00:00:58pour s'interroger sur l'instrument de mort imaginé par les nazis
00:01:03pour exterminer les Juifs en Europe.
00:01:05Bon doc.
00:01:07Musique sombre
00:01:11-"Je m'appelle Benjamin Orenstein,
00:01:14B4416, je vais vous raconter mon histoire."
00:01:17Musique sombre
00:01:21-"Benjamin Orenstein,
00:01:22survivant des camps de la Seconde Guerre mondiale,
00:01:25a enduré l'impensable."
00:01:27-"Les camps, je me fais sept camps en tout,
00:01:32aux chutes, entre autres,
00:01:34et la marge de la mort comprime."
00:01:38-"Pendant des dizaines d'années,
00:01:40évoquer cet enfer des camps lui était impossible,
00:01:43malgré les questions répétées de ses enfants."
00:01:46-"Papa, est-ce que tu peux me parler de la Shoah ?"
00:01:49Et il m'a dit,
00:01:50-"Comment veux-tu que je te parle d'une odeur ?"
00:01:53Musique sombre
00:01:56-"Né en Pologne en 1926,
00:01:58Benjamin a vu toute sa famille décimée par les nazis.
00:02:02Il est le seul survivant."
00:02:04Musique sombre
00:02:05-"Face à la montée du négationnisme et après un demi-siècle de silence,
00:02:10il va raconter, témoigner de l'horreur
00:02:12pour que l'humanité n'oublie jamais."
00:02:15Musique sombre
00:02:16-"En 2007, alors qu'il accompagne un groupe à Auschwitz,
00:02:19Benjamin croise le chemin de Charlotte Jarrix,
00:02:22une jeune metteur en scène.
00:02:26Entre cet homme qui a traversé l'enfer et cet artiste,
00:02:29une amitié profonde voit le jour.
00:02:33Charlotte décide de porter à la scène le témoignage écrit de Benjamin,
00:02:37ses mots pour sépulture.
00:02:40Puis, en 2020, Benjamin accorde un long entretien à Charlotte.
00:02:45Elle lui promet de transmettre sa parole,
00:02:48de la faire entendre au plus grand nombre.
00:02:51Un legge pour les générations futures.
00:02:54La mémoire pour sépulture.
00:02:56Musique sombre
00:03:28...
00:03:44-"Je suis né dans une famille juive,
00:03:46croyante et pratiquante.
00:03:50On comptait sept personnes avant la guerre.
00:03:54J'avais mes parents.
00:03:56Mon père s'appelait Nahum.
00:03:59Ma mère s'appelait Tobalé.
00:04:02J'avais trois frères.
00:04:04Mon frère aîné, Rahim.
00:04:07Mon second frère, Jacob Meyer.
00:04:10Mon troisième frère, Léon.
00:04:12J'avais aussi une soeur.
00:04:15Elle s'appelait Hinda.
00:04:18Et moi, je suis le bon dernier,
00:04:21le seul et unique survivant."
00:04:24Musique sombre
00:04:27...
00:04:29Benjamin Orenstein est un survivant de la Shoah.
00:04:32A partir de 1987,
00:04:35il va témoigner auprès des jeunes générations,
00:04:38parce que le devoir de mémoire est essentiel.
00:04:43Un jour glacé de novembre,
00:04:44il accompagne un groupe à Auschwitz où se trouve Charlotte Jarix.
00:04:49-"On s'est croisés par hasard
00:04:51quand je suis moi-même allée à Auschwitz en 2007.
00:04:54Toute la journée, j'étais vers lui,
00:04:56mais je n'osais pas l'approcher,
00:04:58parce qu'il m'impressionnait.
00:05:03Je le suivais partout et je n'ai pas osé lui parler.
00:05:07Et puis, en revenant sur Léon,
00:05:09je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose de son histoire,
00:05:13parce qu'elle était hors norme."
00:05:15Benjamin a connu sept camps durant la guerre.
00:05:18Il a souffert mille épreuves que Charlotte a décidées de mettre en scène.
00:05:22...
00:05:25En 2020, à l'aube de ses 94 ans,
00:05:28Benjamin va se raconter à Charlotte.
00:05:32Un témoignage filmé, inédit et exclusif d'un Juif de Pologne
00:05:37déporté dès son plus jeune âge.
00:05:40-"Je suis né en Pologne,
00:05:43dans un village qui s'appelle Hannopol,
00:05:45dans le district de Lubin.
00:05:47Je suis natif dès 1926."
00:05:50...
00:05:58J'ai découvert l'antisémitisme
00:06:02quand je suis rentré à l'école la première année, j'avais sept ans.
00:06:06...
00:06:10En 1938, ils ont placardé
00:06:14tout le village.
00:06:15...
00:06:18Toutes les grandes villes.
00:06:20Les Juifs, c'est sale.
00:06:22Les Juifs, ils boivent ensemble.
00:06:24Les Juifs, c'est un parasite.
00:06:27Parce que, attention, j'ai oublié de vous dire
00:06:30que les Juifs, nés en Pologne,
00:06:32n'étaient pas considérés comme des citoyens à part entière.
00:06:35C'étaient les citoyens de la troisième zone.
00:06:37...
00:06:40Les Juifs représentent une minorité importante
00:06:43de la population polonaise avant la guerre,
00:06:46environ 10 %.
00:06:47Typiquement, la petite ville d'Hannopol,
00:06:50où est né Benjamin Orenstein,
00:06:53compte environ 1 800 Juifs en 1939.
00:06:56...
00:06:58Dans cette famille, il parle yiddish.
00:07:00La mère de famille allume les bougies le vendredi soir,
00:07:03il fait un dîner pour Shabbat.
00:07:05-"Il faudra faire attention à nous.
00:07:06Bientôt, nous ne pourrons faire Shabbat."
00:07:09-"Pourquoi dis-tu cela ?"
00:07:10-"Rinda, vous vous souvenez de ce qu'a dit Hitler ?
00:07:13Il y a un moment, déjà.
00:07:15Je ferai un jour le compte des Juifs.
00:07:17Des Juifs arrivent, ils fuient l'Allemagne
00:07:19et viennent se cacher dans nos villages."
00:07:21-"La Pologne n'est pas le meilleur endroit pour se cacher."
00:07:24...
00:07:25En 35, il y a un déchaînement d'antisémitisme populaire.
00:07:29Il y a de nouvelles mesures qui sont prises contre les Juifs,
00:07:32en particulier des restrictions économiques.
00:07:35A partir de 35, il y a des pogroms,
00:07:38il y a des Juifs qui sont assassinés dans la rue.
00:07:41...
00:07:53Dans ce contexte de fort antisémitisme
00:07:55de la part des Polonais,
00:07:57la Seconde Guerre mondiale éclate.
00:07:59...
00:08:01Le 1er septembre 1939,
00:08:03l'Allemagne nazie écrase la Pologne en moins d'un mois.
00:08:06...
00:08:07J'avais à peine 13 ans quand la guerre a éclaté.
00:08:12Deux jours après qu'ils sont rentrés dans le village,
00:08:14ils ont sorti tous les livres sacrés dans la cour,
00:08:18ils ont brûlé,
00:08:19et à la place, ils ont fait rentrer les chevaux.
00:08:22...
00:08:26Alors, il y avait une panique, mais terrible.
00:08:29Les femmes pleuraient, ils s'arrachaient les cheveux de la tête.
00:08:32C'était vraiment quelque chose d'atroce, je me souviens.
00:08:35Mais c'était encore rien par rapport à ce qui nous attendait.
00:08:43Dès l'automne 1939, les nazis profanent les synagogues.
00:08:48Le port d'un brassard blanc sur lequel est imprimée une étoile
00:08:51de David bleu ou noir est obligatoire pour les Juifs.
00:08:54...
00:08:56Les violences s'intensifient.
00:08:58On voit des pratiques d'humiliation.
00:09:01La plupart sont religieux et portent la barbe.
00:09:03On va les raser de force.
00:09:06...
00:09:07Ils attrapaient ces Juifs et leur coupaient la barbe
00:09:10avec leur baïonnette.
00:09:12Et souvent, un morceau de visage partait aussi avec.
00:09:15...
00:09:20Mon père, il avait une barbe.
00:09:22...
00:09:29On adorait, ma soeur et moi, s'asseoir sur ses genoux
00:09:33et tirer des pointes de la barbe.
00:09:36Et un jour, ils rentrent,
00:09:40sans la barbe, avec une casquette de paysan.
00:09:44On a eu un choc, ma soeur et moi.
00:09:47On a éclaté en sanglots, on pouvait pas s'arrêter.
00:09:50...
00:09:56C'est terrible pour les Juifs,
00:09:58parce qu'ils ont peur de sortir dans la rue.
00:10:00Tout de suite, il y a une imitation mentale à leur circulation.
00:10:05Et puis, ils sont particulièrement visés, les Juifs, justement,
00:10:09qui ressemblent le plus aux Juifs traditionnels,
00:10:12les Juifs religieux.
00:10:13L'histoire des Polonais en général et des Juifs polonais en particulier,
00:10:17est très différente de ce qu'on va voir en Europe occidentale,
00:10:20avec des persécutions qui commencent beaucoup plus tôt face aux Juifs
00:10:24et qui sont d'une intensité extrême.
00:10:28La Shoah, en Pologne, c'est vraiment la quintessence de la violence
00:10:32et de la destruction massive des Juifs.
00:10:35L'occupant nazi impose à tous les Polonais,
00:10:38Juifs ou non, le travail forcé.
00:10:41Au printemps 1941,
00:10:43le père de Benjamin doit partir dans un camp de travail pour Juifs.
00:10:47À 14 ans et demi, son fils prend sa place pour le sauver.
00:10:52On savait que si on le laissait là-bas,
00:10:55il ne sortira pas vivant.
00:10:57Parce qu'il avait déjà 60 ans passé.
00:11:01Mon frère me demande, de bout en blanc,
00:11:04est-ce que tu es prêt à faire l'échange avec papa ?
00:11:08Je dis oui.
00:11:11Je dis oui tout de suite, sans connaître ce que c'est.
00:11:13Est-ce que c'est un camp ?
00:11:15Surtout un camp des Juifs.
00:11:17Je n'avais jamais quitté la maison.
00:11:20C'est le premier camp de Benjamin.
00:11:22Le premier des sept camps qu'il va endurer.
00:11:25La découverte de l'univers concentrationnaire,
00:11:28le début du calvaire.
00:11:30Le jeune garçon de 14 ans et demi
00:11:32est détenu à quelques kilomètres de chez lui,
00:11:35avec près de 600 compagnons juifs d'infortune.
00:11:40Je ne sais pas à combien de temps que je suis resté là-bas.
00:11:43Je suis resté ici pendant des années.
00:11:46Je ne sais pas à combien de temps que je suis resté
00:11:51dans ce camp.
00:11:53Quatre semaines, cinq semaines.
00:11:55Je n'arrive pas à le dire.
00:11:57Et on a travaillé très dur.
00:12:01Surtout que l'hygiène et le sanitaire n'existaient pas.
00:12:06On n'était bouffé par la vermine.
00:12:09Mais le jour le plus atroce,
00:12:13c'était le dimanche.
00:12:16Parce que le dimanche, on allait à la vistole
00:12:19pour prendre son bain.
00:12:21Ça se passait de la manière suivante.
00:12:23On nous mettait en rang, on nous donnait l'ordre de marcher,
00:12:26courir, chanter sur le coup de fouet et le coup de matraque.
00:12:30Le
00:12:56Benjamin parvient à s'évader avant l'été 1941.
00:12:58C'est-à-dire, le génocide lui-même, l'assassinat systématique de tous les Juifs commence.
00:13:03Après des années de persécution, il y a eu énormément de Juifs qui sont morts dans les ghettos.
00:13:10Et la politique change radicalement.
00:13:12Les camps d'extermination, les camps de la mort, sont créés à cet effet pour assassiner les Juifs de Pologne.
00:13:19Et ce sont des camps, pour la plupart, régionaux.
00:13:22C'est-à-dire, c'est Chelmno, Belzec, Sobibor,
00:13:26et pour la liquidation des Juifs de Pologne, Treblinka, qui n'est pas loin de Varsovie.
00:13:40La conférence de Wannsee, 20 janvier 1942, dans une banlieue opulente de Berlin,
00:13:46c'est la seule grande conférence au niveau ministériel sur le sort des Juifs d'Europe
00:13:51dont on a le compte-rendu précis et complet.
00:13:55Et c'est donc devenu le symbole du côté administratif, géré, bureaucratique de la Shoah.
00:14:09La conférence de Wannsee est considérée comme l'endroit où a été décidée la solution finale.
00:14:16En fait, on pense que la solution finale a été décidée plus tôt,
00:14:21probablement entre novembre et décembre 1941.
00:14:33Les nazis ont planifié l'élimination des Juifs.
00:14:36À Hannepol, le 13 octobre 1942, la population de la ville va être rassemblée,
00:14:44conduite dans la ville voisine de Krasnik,
00:14:49et c'est là que les femmes, personnes âgées, enfants d'un côté,
00:14:53et hommes et adolescents valides de l'autre vont être séparés.
00:14:58À 16 ans, Benjamin réussit à être sélectionné parmi les hommes adultes pour aller travailler.
00:15:05Nous recherchons 500 Juifs pour aller travailler dans les camps de Yenisham.
00:15:10Celui-là !
00:15:11Yah !
00:15:13Celui-là !
00:15:14Non, il est trop petit !
00:15:15C'est mon petit frère, il est jeune, mais il est solide, il a l'habitude d'être avant des champs.
00:15:20Vous sélectionnerez le plus jeune.
00:15:23À ce moment-là, il y a des débats dans le leadership nazi,
00:15:28entre les gens, disons pragmatiques, qui vont dire qu'ils ont besoin de la main-d'œuvre juive,
00:15:33qui ne coûte rien, forcée, qui va d'ailleurs être louée
00:15:36à la plupart des grandes entreprises allemandes,
00:15:39qui vont venir ouvrir des ateliers en Pologne,
00:15:42et les idéologues qui vont dire qu'ils ont besoin de la main-d'œuvre juive,
00:15:47qui vont venir ouvrir des ateliers en Pologne,
00:15:50et les idéologues qui pensent qu'il faut terminer la solution finale tout de suite.
00:15:56Et pendant quelques mois, les premiers vont gagner.
00:16:01Et c'est ce qui va arriver à Benjamin Ornstein,
00:16:04qui va non pas être envoyé dans un camp de la mort,
00:16:07mais il va rentrer dans le système extraordinairement complexe du travail forcé,
00:16:12ce qui va, paradoxalement, lui sauver la vie.
00:16:16Il fallait avoir la chance, et ça, ça s'appelle la chance.
00:16:25Faire plus vieux que son âge sauve Benjamin ce jour-là.
00:16:29Il parvient à rester avec ses trois frères,
00:16:32et sont envoyés à seulement 11 kilomètres de chez eux,
00:16:35au camp de travail de Kotsch-Heradov.
00:16:40Leurs sœurs et leurs parents n'auront pas cette chance.
00:16:44J'ai plus revu mon père.
00:16:46J'ai pas vu ma mère ni ma sœur.
00:16:52J'ai appris après la guerre, c'est important que je vous le dise,
00:16:56que tous ces gens-là, ils ont arrêté trois jours et trois nuits à la gare
00:17:01pour attendre un convoi qui les amène dans le camp de la mort des Belzèques.
00:17:07Ça doit être eux qui partent.
00:17:09Oui, ce sont eux, venez, venez !
00:17:15Il y a papa, maman et Inda.
00:17:19Où ça ?
00:17:21Papa, papa, où allez-vous ?
00:17:24C'est le moment le plus dur.
00:17:26Elle a dit »
00:17:52Surtout, obéis à tes frères et tout ira bien avec l'aide du Dieu.
00:18:02J'avais l'impression que je voyais mon père pour la dernière fois.
00:18:07Malheureusement, ça s'est avéré exact.
00:18:22La souffrance, c'était une chose, la souffrance physique.
00:18:51On peut surmonter.
00:18:54Mais la souffrance psychique, ça c'est beaucoup plus difficile.
00:19:02Dans quelles conditions mes parents et ma soeur et le reste de la famille sont morts,
00:19:07avec ma belle-sœur et ma petite-nièce de sept mois ?
00:19:14Et ça, je trouve que c'est l'enfer.
00:19:22Parce que même si on est libéré, on garde toujours cet enfer en nous.
00:19:44Certaines personnes, il y a déjà au moins 20 ans, m'ont dit,
00:19:54vous ne croyez pas qu'il est temps de tourner la page ?
00:19:58Et moi, je leur ai dit, non, pour moi, ce n'est pas possible de tourner la page.
00:20:02Parce que moi, je ne vais jamais tourner la page et je ne l'oublierai pas.
00:20:10Et curieusement, depuis que j'ai commencé à témoigner,
00:20:16les cauchemars se sont dissipés, je me dégage par la parole.
00:20:22J'ai connu, tout au long de ces années de camp, la douleur physique,
00:20:26les affres de la soif et de la faim.
00:20:28Mais je crois que la peur, même si c'est un sentiment plus subjectif,
00:20:32demeure la pire des souffrances.
00:20:34La peur est fugace, mais elle nous habite à jamais.
00:20:39En publiant « Ces mots pour sépulture »,
00:20:42Benjamin Orenstein réussit à témoigner.
00:20:46Il a dépassé ça, vous voyez, face à l'horreur,
00:20:48il y a quelque chose qui a été plus grand.
00:20:50Et je voudrais que vous gardiez ça.
00:20:52Il y en a qui veulent dire quelque chose ou pas ?
00:20:54Il s'est échappé au bout de...
00:20:55Ah non, non, non, en fait, il a été libéré par les Américains, à Dora.
00:21:02Ma grand-mère disait tout le temps, avec Benjamin,
00:21:05on touche du bout du doigt l'histoire.
00:21:09Ben c'est ça.
00:21:10Donc il était impressionnant.
00:21:16Un récit dans lequel il se souvient de moments terribles,
00:21:19comme lorsqu'un commandant de camp sélectionne au hasard des prisonniers pour les fusiller.
00:21:28Et là, on est à l'appel, notre groupe,
00:21:31il prend le fouet côté manche et il passe.
00:21:36Et il dit « Toi ! Toi ! Toi ! »
00:21:42Et là, tout est devenu à l'intérieur de moi un morceau de glace.
00:21:52Le voir, j'entendais comme si j'étais en apnée dans une piscine ou dans la mer.
00:21:58On entend le voir, mais on ne distingue pas.
00:22:01Je ne sais pas combien d'années la lumière a duré,
00:22:06mais j'ai entendu « Bouille-toi ! »
00:22:09Et il y a un camarade qui sort devant moi.
00:22:14Inutile de vous dire qu'un quart d'heure après, il était mort.
00:22:18Même si cette paire a duré quelques secondes,
00:22:23elle reste des traces à tout jamais.
00:22:29Enfermés au camp de travail de Raroff,
00:22:32Benjamin Orenstein et ses trois frères vivent l'enfer concentrationnaire
00:22:36d'octobre 1942 à avril 1943.
00:22:40Dans leur barraquement, ils subissent la puanteur,
00:22:44les poux, la maladie, la souffrance, le froid et la faim.
00:22:51À l'époque, ils servaient de la soupe aux orties.
00:22:56Cet liquide immonde ressemblait à un étang de grenouilles.
00:23:01C'était verdâtre avec la mousse.
00:23:08Malgré qu'on n'avait rien pris depuis le matin, on a repoussé nos gamales.
00:23:12Et tout de suite, il y avait des gens qui se sont jetés dessus.
00:23:15« Tu ne bois pas ? » Ils ont bu dans le couloir.
00:23:18Il n'y avait rien à manger.
00:23:20Parce que des fois, il y avait ceux qui avaient de la chance
00:23:23de trouver des protéines sauvenagées de verre.
00:23:36On souffrait de la faim, n'essayez même pas de vous imaginer,
00:23:40parce qu'un être normal, normalement,
00:23:44constitué, ne peut pas s'imaginer.
00:23:47Il faut voir même si on a une imagination débordante.
00:23:51Si vous saviez ce qu'on a ramassé comme ordures pour manger le dimanche,
00:23:55comme passer 90% de notre temps à chercher de la nourriture de toutes sortes.
00:24:15En mai 1943, Benjamin subit un nouveau drame familial.
00:24:20Les prisonniers sont des pions, déplacés en fonction des besoins économiques des nazis.
00:24:25Ainsi ses frères, Rahim et Léon, restent sur place,
00:24:29alors que Benjamin et son aîné, Jacob Meyer,
00:24:32sont transférés au camp de Bouddhine, de sinistre réputation.
00:24:37Après le soulèvement du ghetto de Varsovie,
00:24:40des centaines de personnes sont déportées à Bouddhine.
00:24:43Tous sont terrorisés par le commandant du camp,
00:24:46l'impitoyable Feix.
00:24:53Il a mis son pied sur le garde-boue du camion,
00:24:56et il s'est présenté.
00:24:58Je me nomme Feix.
00:25:00Certains d'entre vous ont peut-être déjà entendu parler de moi.
00:25:03Mais un conseil, ne vous approchez pas trop de moi.
00:25:07Il avait raison, parce que quand on s'approchait de lui, on était morts.
00:25:15Le commandant Feix, connu pour son sadisme,
00:25:18va commander ce camp de Bouddhine entre décembre 1942 et l'été 1943,
00:25:24et c'est vraiment la période de l'existence de ce camp
00:25:27où il y a vraiment les conditions les pires,
00:25:32les rations sont vraiment extrêmement réduites,
00:25:36150 à 200 grammes de pain par jour,
00:25:39une mortalité par famine,
00:25:41évidemment par épuisement, mauvais traitement,
00:25:43et fusillades aléatoires.
00:25:46Donc on est vraiment dans un camp aux conditions absolument terribles,
00:25:51et c'est précisément la période
00:25:53durant laquelle Benjamin Orenstein est interné.
00:25:57Des horreurs qui hanteront Benjamin toute sa vie.
00:26:02Sa fille Linda se souvient de ces nuits terribles
00:26:04durant lesquelles, enfant,
00:26:06elle percevait le martyr que son père avait enduré.
00:26:11Il m'est arrivé de l'entendre hurler,
00:26:15de lui dire que c'était son père,
00:26:17que c'était son père,
00:26:19que c'était son père,
00:26:21que c'était son père,
00:26:23que c'était son père,
00:26:25hurler quelque chose d'indescriptible,
00:26:29d'aller le réveiller,
00:26:31lui se rendormait, moi pas.
00:26:35C'était terrorisant,
00:26:37je ne pouvais pas retrouver le sommeil à ce moment-là,
00:26:40ce n'était pas possible.
00:26:43Je ne me sentais pas capable de dire,
00:26:46mes enfants, maintenant je vais vous raconter ma sortie d'Egypte.
00:26:50Non, je ne pouvais pas.
00:26:52Souvent j'ai fait des cauchemars,
00:26:54et même en me réveillant,
00:26:56en étant réveillé, je continuais à hurler.
00:27:03A Bouddhine, Benjamin est assigné à la construction de HLM
00:27:06de la firme allemande Heinkel.
00:27:09Le cœur brisé, il assiste impuissant
00:27:11au transfert de son frère Jacob Meyer,
00:27:13déporté près de Lublin,
00:27:15dans le camp de travail où se trouvent ses frères aînés,
00:27:17Rahim et Léon.
00:27:19Il est désormais seul.
00:27:22Au mois d'octobre, au novembre,
00:27:24ils ont sorti un décret
00:27:26qu'il faut liquider tous les camps
00:27:28du district de Lublin,
00:27:30tous les camps de Juifs, bien sûr.
00:27:32J'ai appris, tout de suite après quelques jours,
00:27:35que mes frères,
00:27:37avec 632 Juifs dans ces camps,
00:27:41étaient fusillés.
00:27:43C'était le coup de grâce
00:27:45qui était donné pour moi,
00:27:47parce que maintenant je me suis dit,
00:27:49je suis vraiment seul au monde.
00:27:51Alors, qu'est-ce que je vais devenir ?
00:27:55Mais vous savez,
00:28:00on ne peut pas...
00:28:02On perd un moment les pédales,
00:28:04on se dit, ça y est, c'est fini,
00:28:06et puis après tout,
00:28:08tous sont morts, moi aussi.
00:28:10Mais l'instinct de survie
00:28:12prend la suite, tout de suite.
00:28:14L'instinct de survie vous dit,
00:28:17continuez, peut-être que j'aurai une chance.
00:28:25À l'automne 1943,
00:28:27toute la famille Orenstein a été décimée.
00:28:31À seulement 17 ans,
00:28:33Benjamin a perdu tous les siens.
00:28:36Nahum, Tobalé,
00:28:38Chaim, Jacob Meir,
00:28:40Léon et Hinda.
00:28:43Et moi, je suis le bon dernier,
00:28:46et le seul et unique survivant.
00:28:54Son destin est pareil à celui
00:28:56d'un brin de paille dans l'océan.
00:28:59Les affres de la Seconde Guerre mondiale
00:29:01se poursuivent, avec parfois
00:29:03des lueurs d'espoir qui aident
00:29:05ces hommes à survivre.
00:29:11Fin 1943,
00:29:13la rumeur se répand.
00:29:16À l'est, les nazis reculent face aux russes.
00:29:20Les francs s'approchaient, s'approchaient.
00:29:25Fin juillet, on commençait à parler
00:29:28d'évacuation.
00:29:30Finalement,
00:29:33on nous a évacués.
00:29:35C'était le 2 août.
00:29:47On nous a ramenés
00:29:49dans un camp des juifs
00:29:51gardé par les ukrainiens.
00:29:53Le camp s'appelait Ostrowiec.
00:29:59Ils étaient pires que les SS,
00:30:01ça je vous le garantis.
00:30:12En août 1944,
00:30:14les soviétiques se rapprochent plus encore.
00:30:17Les nazis doivent gérer leurs milliers de prisonniers
00:30:20et reculer en fonction de la ligne de front.
00:30:23Les transferts de camp en camp
00:30:25se multiplient.
00:30:27Il y a la crainte que ces camps
00:30:29qui travaillent pour l'armée amende,
00:30:31pour fournir des avions,
00:30:33des munitions, des uniformes,
00:30:35puissent tomber aux mains des soviétiques.
00:30:38Certains vont plaider pour rapatrier
00:30:40ces usines plus vers l'intérieur du Reich
00:30:42pour continuer leur production,
00:30:44mais plus loin du front.
00:30:46C'est une première option.
00:30:48C'est ce qui explique que
00:30:50un certain nombre de ces déportés
00:30:52vont être transférés dans d'autres camps
00:30:54plus à l'intérieur du Reich.
00:30:56L'autre logique parallèle,
00:30:58c'est la logique exterminatrice
00:31:00qui est de se dire
00:31:02qu'on va se débarrasser
00:31:04de ces juifs qui ne sont plus utiles
00:31:06à partir du moment
00:31:08où ces usines, ces camps de travail
00:31:10disparaissent.
00:31:40Les prisonniers sont des milliers
00:31:42à affluer simultanément
00:31:44au camp d'Auschwitz.
00:31:46Des déportés,
00:31:48gérés comme du bétail.
00:31:52Alors déjà,
00:31:54c'est un camp de travail
00:31:56qui est un camp de travail
00:31:58qui est un camp de travail
00:32:00qui est un camp de travail
00:32:02qui est un camp de travail
00:32:04qui est un camp de travail
00:32:06qui est un camp de travail
00:32:08Alors déjà,
00:32:10Benjamin nous expliquait que
00:32:12dans ce type de wagon,
00:32:14il tenait 250 personnes à minima.
00:32:16Ils ont mis 12 heures
00:32:18pour arriver à Auschwitz.
00:32:20Ils ont été contenus dans ces wagons
00:32:22sans eau, sans nourriture.
00:32:24Ils sont tombés de cette hauteur
00:32:26et se sont retrouvés ensuite
00:32:28sur la rampe de tri.
00:32:30Le train s'est arrêté.
00:32:32Tout de suite, on entend
00:32:34abouer les chiens et les SS.
00:32:36Laissez-tout, sortez !
00:32:38Laissez-tout, sortez !
00:32:40Alors bien sûr, on sortait.
00:32:42Il n'y avait pas d'escalier
00:32:44ni rien pour...
00:32:46On sortait les uns sur les autres
00:32:48en tombant parce qu'on était
00:32:50complètement aboutis par la nuit.
00:32:52C'était vers le matin.
00:32:54Je ne sais pas si c'était qu'à 10h00
00:32:56ou à 12h00.
00:32:58Il faisait nuit encore.
00:33:00On était aveuglés
00:33:02par les projecteurs.
00:33:08Les convois de Juifs
00:33:10qui arrivent à Auschwitz,
00:33:12à Birkenau,
00:33:14vont être sélectionnés
00:33:16par un ou plusieurs médecins SS.
00:33:18C'est-à-dire que,
00:33:20simplement, en quelques microsecondes,
00:33:22ce médecin
00:33:24va être sélectionné
00:33:26et, en quelques microsecondes,
00:33:28ce médecin va décider
00:33:30qui des arrivants soit
00:33:32va être assassiné tout de suite,
00:33:34donc va aller à la chambre à gaz
00:33:36et, dans les deux heures,
00:33:38seront morts,
00:33:40soit va rentrer
00:33:42dans le système concentrationnaire
00:33:44de Auschwitz,
00:33:46qui est gigantesque,
00:33:48pour être soumis
00:33:50ou soumise au travail forcé
00:33:52et donc mourir,
00:33:54à la fin, de maladies,
00:33:56de mauvais traitements.
00:33:58Pour Benjamin Rundstein,
00:34:00une fois de plus,
00:34:02il a une chance extraordinaire,
00:34:04il passe la sélection
00:34:06et il est sélectionné
00:34:08pour rentrer dans le camp de travail.
00:34:10Je ne me suis même pas aperçu
00:34:12de la sélection.
00:34:14Il fallait se mettre en rond
00:34:16devant une baraque.
00:34:18Une fois rentré à l'intérieur,
00:34:20je voyais des détenus
00:34:22tournent le bras
00:34:24et ils tapent avec un stylo.
00:34:26En rentrant,
00:34:28j'étais Benjamin Rundstein,
00:34:30en sortant, j'étais B44-16.
00:34:36Auschwitz, c'est le seul camp
00:34:38où les détenus étaient tatoués
00:34:40et sur le bras, son numéro de matricule
00:34:42qu'il devra répéter constamment
00:34:44dès qu'il est appelé
00:34:46et, en particulier,
00:34:48lors de ces interminables appels,
00:34:50il y a eu beaucoup de torture
00:34:52sur la grande place d'Auschwitz.
00:35:04Malheur à celui-là
00:35:06qui ne pouvait pas prononcer
00:35:08son matricule correctement.
00:35:12B44-16
00:35:16B44-16
00:35:20B44-16
00:35:28Quand les jours se sont levés,
00:35:30la première chose
00:35:32qu'on a constaté,
00:35:34c'était le gigantisme de ce camp.
00:35:36On ne voyait pas le bout,
00:35:38tellement c'était grand.
00:35:42Et cela est squelettique.
00:35:44Benjamin Rundstein
00:35:46découvre l'organisation millimétrée
00:35:48du camp d'extermination
00:35:50imaginé par les nazis.
00:35:52Un camp où il sait
00:35:54que les juifs sont éliminés.
00:35:56Benjamin Rundstein
00:35:58avait entendu des rumeurs
00:36:00de chambres à gaz,
00:36:02de gazages de juifs
00:36:04avant son arrivée à Auschwitz
00:36:06mais sans avoir d'informations précises.
00:36:08Ce qui est sûr, c'est qu'il savait
00:36:10qu'Auschwitz
00:36:12était un lieu de mise à mort.
00:36:15Finalement,
00:36:17j'ai descendu quelques marches
00:36:19à l'escalier.
00:36:21On se trouvait sur la pompe de douche.
00:36:23Chacun de nous savait
00:36:25qu'à Majdanek,
00:36:27le gaz était répandu
00:36:29par la pompe de douche.
00:36:31Alors chacun s'est éloigné
00:36:33de la pompe de douche.
00:36:35Je ne sais pas combien de temps
00:36:37cela a duré.
00:36:39On aurait pu s'enfoncer dans le mur.
00:36:41On l'aurait fait.
00:36:43Finalement, l'eau est coule.
00:36:45Il y a un courageux d'eux
00:36:47qui met un doigt,
00:36:49qui met un pied
00:36:51et on entend « c'est de l'eau, c'est de l'eau ».
00:36:53Alors, on a pris la douche
00:36:55et on nous a emmenés
00:36:57dans le camp de Tchigan
00:36:59qui, 48 heures avant,
00:37:01avait liquidé 2000 Tchigan.
00:37:07Benjamin a été sélectionné
00:37:09pour travailler
00:37:11et non pour être liquidé.
00:37:13Contrairement aux milliers de personnes
00:37:15dont les âmes s'élèvent
00:37:17à travers les cheminées.
00:37:23Ce qui nous a surpris aussi,
00:37:25c'était la fumée noire
00:37:27qui partait des cheminées
00:37:29lourdes
00:37:31et on sentait.
00:37:33On sentait la chemine.
00:37:35Surtout que quand il y avait
00:37:37un petit vent,
00:37:39c'était encore davantage.
00:37:47On respirait
00:37:49par les nez
00:37:51et la bouche.
00:37:53Dans la bouche, on sentait
00:37:55un goût amer
00:37:57et il fallait vivre avec ça.
00:37:59La première fois
00:38:01où j'ai parlé à mon père,
00:38:03je lui ai posé une question
00:38:05que je pensais facile,
00:38:07ou je croyais facile.
00:38:09Je lui ai dit
00:38:11« Papa, est-ce que tu peux me parler
00:38:13de la Shoah ? »
00:38:15Et il a eu une seule réponse
00:38:17qui a duré quelques secondes
00:38:19et il m'a dit
00:38:21« Comment veux-tu que je te parle
00:38:23d'une odeur ? »
00:38:25Fin de l'histoire.
00:38:27À ce moment-là, j'avais
00:38:2913-14 ans.
00:38:33Je crois que les enfants
00:38:35connaissaient pas mal de choses.
00:38:37Ils ne connaissaient pas les détails
00:38:39mais ils avaient peur
00:38:41surtout de poser des questions
00:38:43et de ne pas faire trop mal.
00:38:45Ça a pris 48 ans.
00:38:47Mon silence.
00:38:55Dans un mois, le 11 mai 1987,
00:38:57s'ouvrira au Palais de Justice de Lyon
00:38:59le procès de Klaus Barbie.
00:39:01Il a fait son lugubre travail
00:39:03à Lyon avec la légalité française
00:39:05de son côté.
00:39:09À Lyon, Benjamin a refait
00:39:11sa vie. Les négationnistes
00:39:13viennent défendre le criminel de guerre
00:39:15Klaus Barbie.
00:39:19Dans les années 90, on est dans des années
00:39:21où le négationnisme émerge
00:39:23et ça c'est une douleur supplémentaire pour ces survivants
00:39:25de la Shoah que de voir leur récit
00:39:27remis en question.
00:39:29Chambragasse ? Mais ça va pas.
00:39:31C'est une histoire des Juifs.
00:39:33Ils voulaient toucher de l'argent des indemnités
00:39:35des Allemands. Ils ont inventé
00:39:37une chambragasse.
00:39:39On ne tuait pas.
00:39:41Alors quand j'ai entendu
00:39:43ces gens prétendre
00:39:45que ça n'existait pas,
00:39:47alors où sont passés tous les miens ?
00:39:51La terre les a avalés ?
00:39:55Et j'ai dit
00:39:57pour moi c'est inacceptable
00:39:59et insupportable.
00:40:01J'ai dit
00:40:03maintenant il faudra que je rentre dans la danse.
00:40:05Et puis c'est mon épouse qui m'a poussé, Mireille
00:40:07qui m'a poussé. Tu vois, tu devrais raconter
00:40:09ton histoire.
00:40:13Je commence à témoigner.
00:40:15J'ai fait entre 45
00:40:17et 50 témoignages
00:40:19dans l'année scolaire.
00:40:21J'ai même dépassé
00:40:23les frontières.
00:40:25Je suis allé à deux reprises
00:40:27à Genève aux Nations Unies.
00:40:41Je dis toujours
00:40:43que nous, les survivants,
00:40:47on a quelque chose à l'intérieur
00:40:49qui est cassé à tout jamais.
00:40:51Cette pièce, on ne la retrouvera jamais.
00:40:53On ne peut pas la reproduire.
00:40:55Et c'est comme ça
00:40:57qu'on continue à vivre
00:40:59et finir la vie de cette manière-là.
00:41:05À 18 ans,
00:41:07Auschwitz est le cinquième camp
00:41:09où Benjamin Orenstein est détenu.
00:41:11Il devient mineur à Fürchtengrube,
00:41:13l'un des plus grands
00:41:15camps externes dépendants d'Auschwitz.
00:41:19J'avais la chance
00:41:21d'être dans l'école des mineurs.
00:41:23Nous, on avait un avantage
00:41:25que seulement ceux qui étaient
00:41:27dans le camp pouvaient comprendre.
00:41:29Nous, les jeunes mineurs
00:41:31des fonds,
00:41:33on avait une soupe à midi
00:41:35envoyée par le camp.
00:41:37Et ça, c'était un plus énorme !
00:41:45Dans ce camp-là,
00:41:47j'avais rencontré,
00:41:49dans le même baraque
00:41:51et même à hauteur du lit,
00:41:53c'était Simon.
00:41:55Simon Cramer était devenu
00:41:57un copain incontournable.
00:42:01On partageait tout.
00:42:03Alors voilà,
00:42:05on savait à quoi se tenir,
00:42:07que les jours où on n'aurait plus
00:42:09besoin de nous,
00:42:11ils vont nous massacrer.
00:42:21L'avancée du Front russe
00:42:33D'août 1944
00:42:35à janvier 1945,
00:42:37Benjamin et son ami Simon
00:42:39se soutiennent dans l'horreur.
00:42:41Leur seul espoir,
00:42:43l'avancée du Front russe.
00:42:47Et comme ils avançaient,
00:42:49il fallait évacuer le camp.
00:42:51C'était le 13 janvier
00:42:53et on sortait
00:42:55à la marche de la mort.
00:43:03Benjamin
00:43:05et plus de 1200 prisonniers
00:43:07entament cette marche de la mort.
00:43:09Une marche en direction
00:43:11de l'Allemagne,
00:43:13de jour comme de nuit.
00:43:19Pourquoi la marche de la mort ?
00:43:21Parce que de deux côtés de la route
00:43:23étaient des cadavres
00:43:25janchés de deux côtés.
00:43:29Les retardateurs s'y restaient
00:43:31soit assis, soit debout,
00:43:33qui n'étaient pas dans le rang,
00:43:35abattus, abattus.
00:43:37On chantait et on entendait
00:43:39des coups de feu sans arrêt,
00:43:41derrière nous.
00:43:49Je ne sais pas si vous avez déjà
00:43:51fait l'expérience de marcher
00:43:53avec des sabots de bois
00:43:55sur la neige.
00:43:57Ça vous tord les chouilles,
00:43:59ça vous blesse les jambes,
00:44:01les pieds.
00:44:03On marchait sans arrêt
00:44:05et Simon
00:44:07marchait avec moi.
00:44:09Simon dormait et moi je conduisais.
00:44:11Quand il se réveillait, c'était lui
00:44:13qui me conduisait et moi je dormais.
00:44:15On peut dormir debout,
00:44:17on peut dormir ici.
00:44:25Finalement, on arrive au bout
00:44:27du quatrième jour,
00:44:29les civils nous voyaient
00:44:31défiler comme ça,
00:44:33on était à moitié morts
00:44:35et on nous amène dans le camp
00:44:37de Gleiwitz.
00:44:39On nous a embarqués
00:44:41sur des plateformes ouvertes
00:44:43à moins 20.
00:44:45J'ai appelé Simon, Simon, Simon,
00:44:47pas de réponse.
00:44:51La première chose que j'ai fait
00:44:53quand on a fait un arrêt
00:44:55quelque part,
00:44:57j'ai couru pour chercher Simon,
00:44:59introuvable.
00:45:01Je n'ai jamais trouvé Simon.
00:45:11Exténué,
00:45:13Benjamin Orenstein arrive au camp de Dora
00:45:15le 25 janvier 1945.
00:45:21C'est un camp de concentration,
00:45:23c'est un gigantesque camp de travail,
00:45:25mais c'est aussi un des camps
00:45:27où a commencé la conquête spatiale.
00:45:31On a tout un complexe industriel
00:45:33qui est construit
00:45:35littéralement à la toute fin de la guerre
00:45:37pour encore
00:45:39espérer mettre en place
00:45:41les fameuses fusées V2
00:45:43dans un tunnel bien caché,
00:45:45bien camouflé
00:45:47et on y fait travailler
00:45:49les détenus vraiment jusqu'au bout.
00:45:51On est en janvier 1945.
00:45:57Moi j'ai commencé à avoir mal
00:45:59à la jambe droite
00:46:01et j'ai boité
00:46:03de plus en plus.
00:46:05Je ne pouvais plus marcher
00:46:07et on m'a conseillé d'aller
00:46:09à l'infirmerie.
00:46:11Et moi j'ai toujours évité
00:46:13les infirmeries
00:46:15parce que c'était dangereux.
00:46:17L'infirmerie,
00:46:19le plus souvent,
00:46:21c'est l'antichambre de la mort.
00:46:23Une fois qu'on est à l'infirmerie,
00:46:25on est considéré comme faible,
00:46:27malade et donc potentiellement
00:46:29sélectionnable pour être éliminé
00:46:31et donc pour mourir.
00:46:33L'infirmerie va pourtant lui sauver la vie.
00:46:35Pendant ces jours d'attente
00:46:37les Américains avancent par l'ouest.
00:46:39Une arrivée imminente
00:46:41qui oblige les nazis à évacuer le camp de Dora.
00:46:43Incapable de suivre
00:46:45une nouvelle marche,
00:46:47Benjamin Moribond est abandonné sur place.
00:46:4915 jours avant
00:46:51la libération du camp,
00:46:53il y avait une commission de blouses blanches
00:46:55qui se sont amenées des SS
00:46:57et ils ont fait une sélection
00:47:01des gens
00:47:03qui pouvaient se tenir
00:47:05sur leurs jambes
00:47:07et ils étaient évacués.
00:47:11Et moi, ce qui m'a sauvé,
00:47:13c'était ma jambe.
00:47:15Voilà ce qu'on appelle un camp de la chance.
00:47:35Le 11 avril 1945,
00:47:37à 15h30,
00:47:39on a vu les deux
00:47:41premiers Américains
00:47:43rentrer dans notre rivière.
00:47:47Bien sûr,
00:47:49j'étais choqué
00:47:51parce que
00:47:53l'image qu'on dégageait,
00:47:55l'odeur surtout.
00:47:57Alors, ils se sont agenouillés,
00:47:59ils ont quitté leur casque
00:48:01pour reposer leur fusil
00:48:03et ils ont,
00:48:05je dois dire, pleuré comme des enfants.
00:48:07Et pourtant,
00:48:09ils étaient pas de nouveau venus.
00:48:27Pour moi,
00:48:29ça a duré plus que six ans,
00:48:31la guerre.
00:48:33Six ans
00:48:35et sept camps.
00:48:37Libéré à 18 ans,
00:48:39Benjamin pèse moins de 35 kilos
00:48:41et n'a pas grandi
00:48:43depuis ses 14 ans.
00:48:45Il faudra du temps
00:48:47pour que sa croissance reprenne
00:48:49et des années pour qu'il puisse
00:48:51à nouveau verser des larmes.
00:48:53Parti construire sa vie en Israël,
00:48:55un cousin installé en France
00:48:57va changer son destin
00:48:59et l'inciter à le rejoindre à Lyon.
00:49:03Grâce à un cousin que j'ai retrouvé
00:49:05ici à Lyon,
00:49:07qui était déjà là avant la guerre,
00:49:09j'ai retrouvé la seule et unique photo
00:49:11de ma sœur, Hinda,
00:49:13parce qu'elle avait envoyé sa photo
00:49:15au cousin.
00:49:17Voilà, c'est la seule et unique photo
00:49:19que j'ai pu récupérer.
00:49:21Là, je me suis rappelé
00:49:23que j'avais une famille.
00:49:27Comme ils sont tous disparus,
00:49:29ils n'ont pas laissé une photo,
00:49:31rien.
00:49:33C'est difficile de se rendre compte
00:49:35qu'on n'a pas de famille,
00:49:37que ce n'est pas la norme.
00:49:39Moi, j'avais juste une grand-mère.
00:49:41C'était la mère de ma mère.
00:49:45Mais du côté de papa,
00:49:47personne, pas d'oncle, pas de tante,
00:49:49pas de cousine, pas de cousin,
00:49:51pas de grand-parent.
00:49:57Hitler, il voulait nous anéantir
00:49:59complètement.
00:50:01Et quand moi, j'ai des descendants
00:50:03encore qui portent mon nom,
00:50:05je m'attribue
00:50:07une toute petite victoire.
00:50:19L'autre arme de Benjamin,
00:50:21c'est la parole.
00:50:23En osant compter l'insoutenable,
00:50:25il perpétue la mémoire
00:50:27auprès de centaines de jeunes
00:50:29afin d'éveiller les consciences.
00:50:39La dernière fois
00:50:41que j'ai fait ce voyage,
00:50:43c'était en décembre 2014.
00:50:45Quand on est rentrés dans ce bâtiment
00:50:47quand on a passé la porte d'entrée,
00:50:49Benjamin s'est senti mal.
00:50:51Il a fait un malaise.
00:50:53Et on voyait dans ses yeux
00:50:55qu'il y avait toute la réalité
00:50:57derrière ça qu'il avait vécu.
00:50:59Et à ce moment-là,
00:51:01il a dit, ça devient trop pour moi,
00:51:03ça devient trop difficile, il va falloir que j'arrête.
00:51:05Que je laisse d'autres
00:51:07témoigner pour moi.
00:51:17Le 10 février 2021,
00:51:19Benjamin Orenstein s'est éteint.
00:51:21Pour la première fois,
00:51:23toute la famille Orenstein
00:51:25a eu droit à une sépulture
00:51:27sur laquelle ses enfants, Linda et Norbert,
00:51:29et ses petits-enfants
00:51:31peuvent se recueillir.
00:51:37Avec le soulagement de savoir
00:51:39que Charlotte Jarrix,
00:51:41devenue ambassadrice de la mémoire,
00:51:43a pour rôle de poursuivre le travail
00:51:45que Benjamin a mené sans relâche.
00:51:57Je voudrais vous dire une chose.
00:51:59Ne jamais oublier
00:52:01que ça a eu lieu.
00:52:03Et de réagir
00:52:05au premier accident.
00:52:09On ne peut pas rire
00:52:11de 6 millions de victimes.
00:52:13C'est la tragédie humaine.
00:52:17Et ce n'est pas seulement la faute des Allemands,
00:52:19c'est toute l'humanité qui a reçu une jufle.
00:52:21Alors toute l'humanité
00:52:23doit se surveiller
00:52:25et être vigilant que ça ne recommence pas.
00:52:27Il y a un danger
00:52:29que ça recommence.
00:52:31Alors rappelez-vous ça, c'est tout ce que je peux vous dire.
00:52:3780 ans après la libération
00:52:39par l'armée rouge du tristement célèbre
00:52:41camp d'Auschwitz-Birkenau
00:52:43où plus d'un million de juifs
00:52:45ont été envoyés à la mort par les nazis,
00:52:47c'était donc l'histoire,
00:52:49le terrifiant parcours vécu par Benjamin Orenstein,
00:52:51un rescapé
00:52:53des camps de la mort qui mettra
00:52:55près d'un demi-siècle à raconter
00:52:57à travers de nombreuses
00:52:59prises de parole un livre,
00:53:01puis ce documentaire réalisé
00:53:03par Maude Guyomin et Charlotte Jarix.
00:53:05Une histoire qui se mêle
00:53:07à une autre, bien plus vaste,
00:53:09celle de la Shoah
00:53:11et de ses 6 millions de victimes,
00:53:13à propos de laquelle nous allons
00:53:15revenir avec nos invités présents
00:53:17aujourd'hui sur ce plateau de Débat Doc.
00:53:19Annette Vivurquin est tout d'abord
00:53:21avec nous, bienvenue à vous.
00:53:23Vous êtes historienne, spécialiste de la Shoah
00:53:25et de l'histoire des Juifs.
00:53:27Au XXe siècle, votre tout dernier ouvrage
00:53:29retrace un parcours de vie,
00:53:31c'est le vôtre ce parcours de vie.
00:53:33Il s'intitule « L'itinérance », il est publié
00:53:35chez Albain Michel et c'est réellement
00:53:37passionnant. Tal Brunmann
00:53:39est également à nos côtés aujourd'hui. Bienvenue
00:53:41à vous, vous êtes historien, spécialiste
00:53:43vous aussi de la Shoah et de l'antisémitisme
00:53:45en France au XXe siècle. On vous doit
00:53:47notamment un album d'Auschwitz,
00:53:49« Comment les Allemands ont photographié leurs crimes »,
00:53:51un livre publié aux éditions du Seuil
00:53:53et puis vous publiez aujourd'hui cette
00:53:55réédition de ce livre
00:53:57sobrement intitulé « Auschwitz »,
00:53:59Auschwitz-Birkenau ayant été à la fois
00:54:01le site le plus important
00:54:03des camps de concentration et le plus
00:54:05montrier des centres de mise à mort de la
00:54:07solution finale imaginée par les nazis
00:54:09et cet ouvrage est lui disponible
00:54:11aux éditions La Découverte.
00:54:13Benjamin Orenstein,
00:54:15voilà ce personnage
00:54:17que nous avons découvert dans ce documentaire
00:54:19et ce terrifiant parcours.
00:54:21Commençons par le début, il est né en
00:54:231926, c'est un juif
00:54:25polonais et qui connaît très vite
00:54:27les exactions parce que
00:54:29son village d'origine est transformé en
00:54:31ghetto dès 1941.
00:54:33C'est là qu'il connaît
00:54:35les premières violences, non seulement lui,
00:54:37mais toute sa famille.
00:54:39Qu'est-ce que ça nous raconte, cette histoire d'un juif polonais
00:54:41né à la fin des années 1920 ?
00:54:43Ce qui me frappe d'abord, c'est son accent.
00:54:45C'est-à-dire qu'il a
00:54:47un accent yiddish qu'on n'entend
00:54:49pratiquement plus aujourd'hui,
00:54:51l'accent de ces juifs
00:54:53originaires de Pologne
00:54:55et dont la langue maternelle
00:54:57est telle le yiddish.
00:54:59Ce que raconte cette histoire,
00:55:01c'est d'abord une histoire
00:55:03d'avant la mise
00:55:05en route de
00:55:07ce qu'on appelle la solution finale
00:55:09au sens propre du terme,
00:55:11c'est-à-dire la
00:55:13décision,
00:55:15c'est pas le bon terme,
00:55:17de rendre
00:55:19l'Europe nazie
00:55:21Judenrein, sans juif.
00:55:23Effectivement, les exactions
00:55:25commencent tout de suite
00:55:27avec des...
00:55:29La...
00:55:31Dès l'entrée des nazis,
00:55:33de la Wehrmacht de l'Allemagne
00:55:35en Pologne,
00:55:37et dès la disparition de la Pologne,
00:55:39puisque la Pologne cesse d'exister,
00:55:41et bien immédiatement,
00:55:43il y a d'un côté
00:55:45la mise en ghetto très vite,
00:55:47à des dates différentes
00:55:49suivant les villes,
00:55:51et il y a aussi l'ouverture
00:55:53de camps de travail
00:55:55pour faire
00:55:57différentes tâches,
00:55:59où on envoie systématiquement
00:56:01les juifs, et c'est ce qui s'est
00:56:03passé pour Rundstein,
00:56:05parce que vous avez dit qu'il avait
00:56:07fait sept camps, plusieurs camps,
00:56:09mais ces camps sont pas
00:56:11tous exactement les mêmes,
00:56:13et les camps de travail pour juifs,
00:56:15c'est quelque chose qui est assez mal connu.
00:56:17Il y a un ouvrage
00:56:19de Christopher Browning
00:56:21qui est paru il y a quelques années,
00:56:23mais il y a pas beaucoup de travaux
00:56:25qui ont été faits sur ces camps.
00:56:27Alors justement,
00:56:29à propos de ces camps, nous avons préparé
00:56:31une petite carte qui regroupe ce qu'ont été
00:56:33les principaux camps de concentration
00:56:35et les fameux camps d'extermination
00:56:37mis en oeuvre dans le cadre
00:56:39de la solution finale,
00:56:41établie à la conférence de Wenzhe
00:56:43en janvier 1942.
00:56:45Peut-être que ça permet de comprendre
00:56:47que l'extermination des juifs
00:56:49d'Europe,
00:56:51au vu des nazis,
00:56:53on passait par à la fois
00:56:55l'extermination par le travail,
00:56:57peut-être, pour alimenter
00:56:59cette machine de guerre nazie,
00:57:01et l'extermination tout court à travers
00:57:03la mise en place de ces fameux camps de la mort.
00:57:05Il y a plusieurs choses par rapport
00:57:07à votre question, mais au documentaire,
00:57:09et la carte, elle est intéressante
00:57:11parce qu'elle reflète notre perspective
00:57:13d'Europe occidentale. C'est-à-dire que quand on parle
00:57:15de l'achat en France, le processus est relativement simple,
00:57:17les juifs sont arrêtés, raves du Veldiv,
00:57:19ils sont envoyés dans le camp de transit
00:57:21et ils sont déportés, en général, vers Auschwitz.
00:57:23En Pologne,
00:57:25comme l'a rappelé Annette,
00:57:27les persécutions violentes
00:57:29d'une intensité qui est totalement inconnue
00:57:31par la suite en France, commencent dès septembre 1939.
00:57:33Dès septembre 1939, il y a les premières tueries,
00:57:35les fusillades de masse. Il y a quasiment
00:57:3760 000 juifs qui sont exécutés dans les trois premiers mois,
00:57:39par exemple. Il y a la ghettoïsation que vous avez rappelée,
00:57:41il y a la mise en place de différents systèmes
00:57:43de camps. Tout ça nous est totalement inconnu
00:57:45et est totalement inconnu aux sueurs
00:57:47des juifs d'Europe occidentale.
00:57:49Ce que vous avez montré, qui est très important,
00:57:51elle concentre deux choses. Ce qu'on appelle communément
00:57:53en histoire les centres de mise à mort pour éviter la confusion
00:57:55avec les camps de concentration
00:57:57et le système concentrationnaire nazi
00:57:59à proprement parler, les camps de concentration.
00:58:01Or, justement,
00:58:03ce que les juifs de Pologne ont subi,
00:58:05c'est tout un ensemble de camps de travaux forcés
00:58:07qui ne sont pas encore pensés
00:58:09par rapport à l'assassinat, mais où
00:58:11une chose très importante va se développer,
00:58:13c'est la relativisation de la valeur de la vie humaine.
00:58:15En gros, si un juif est mis au travail
00:58:17et qu'il meurt, ce n'est pas grave, on en a plein
00:58:19sous la main
00:58:21et il y en a un autre qui viendra le remplacer.
00:58:23C'est notamment les camps de l'organisation
00:58:25Schmel, du nom du SS qui la dirige,
00:58:27qui ont une particularité,
00:58:29ils sont
00:58:31ultra-meurtriers, mais ça ne relève pas encore
00:58:33de l'assassinat, au sens juridique du terme.
00:58:35Il n'y a pas de planification. Ils peuvent mourir,
00:58:37ce n'est pas grave. Et les camps
00:58:39de concentration répondent à d'autres logiques et les juifs
00:58:41en sont exclus. La seule exception,
00:58:43ça va être pendant très longtemps,
00:58:45le camp d'Auschwitz-Birkenau
00:58:47où là, vous avez l'assassinat pour les juifs
00:58:49et la détention pour
00:58:51les prisonniers, les concentrationnaires.
00:58:53Et où va se mélanger, et Annette en parlera
00:58:55aussi bien, sinon mieux, que moi,
00:58:57les juifs
00:58:59qui ont été, dit, sélectionnés pour le travail,
00:59:01ce qui va être le cas d'Orenstein, mais qui arrivent
00:59:03très tardivement, quasiment à la fin
00:59:05de l'histoire d'Auschwitz. Parce que l'essentiel du parcours
00:59:07en tant que victime de la Shoah
00:59:09d'Orenstein, il se déroule à l'extérieur
00:59:11de le système concentrationnaire
00:59:13ou le système des centres de mise à mort
00:59:15qui nous sont connus.
00:59:17Et c'est ça qui est frappant.
00:59:19Ce que ce documentaire évoque,
00:59:21c'est un itinéraire qu'en France, on n'a pas l'habitude
00:59:23de croiser.
00:59:25Il fait son premier camp de travail
00:59:27obligatoire à l'âge
00:59:29de 15-16 ans.
00:59:31Il est très jeune.
00:59:33Dites-nous-en un peu plus
00:59:35sur ces camps, d'ailleurs, qui ne figurent pas
00:59:37sur cette carte.
00:59:39Les cartes
00:59:41sont obligatoirement simplificatrices.
00:59:43Même les cartes du système
00:59:45concentrationnaire ou d'Auschwitz-Birkenau.
00:59:47Auxchwitz,
00:59:49vous avez le camp principal,
00:59:51camp de concentration pour Polonais,
00:59:53ouvert dès 1940,
00:59:55et qui, jusqu'en 1942, n'internera
00:59:57que des hommes polonais. Puis ensuite,
00:59:59vous avez la construction,
01:00:01très largement par des prisonniers de guerre soviétiques
01:00:03de Birkenau.
01:00:05Mais vous avez une quarantaine
01:00:07de petits camps autour
01:00:09qui sont des petits camps
01:00:11où on envoie des Juifs pour travailler.
01:00:13Par exemple, toutes les mines
01:00:15de charbon du bassin
01:00:17minier d'Auschwitz-Birkenau,
01:00:19Anna Grube, Javier Chauvis,
01:00:21toutes ces mines, ce sont des petits camps.
01:00:23Donc, si on voulait faire
01:00:25une carte des camps,
01:00:27ça serait une carte qui serait littéralement
01:00:29constellée, parce que
01:00:31il y a plusieurs types de camps.
01:00:33Il y en a absolument
01:00:35partout.
01:00:37Ce sont des camps
01:00:39qui vont servir
01:00:41à des travaux
01:00:43liés à la guerre,
01:00:45les tranchées,
01:00:47à différentes choses. Ils vont être
01:00:49extrêmement meurtriers, pas seulement
01:00:51en Pologne, on a la même chose
01:00:53en Hongrie.
01:00:55C'est la première phase
01:00:57avant que la solution finale,
01:00:59proprement dite,
01:01:01soit organisée
01:01:03lors de l'interministériel
01:01:05de Wenzel.
01:01:07On compte sur cette main-d'oeuvre juive
01:01:09pour alimenter la machine de guerre nazie ?
01:01:11On va compter jusqu'au bout sur cette main-d'oeuvre
01:01:13juive s'il y a des survivants
01:01:15d'Auschwitz.
01:01:17C'est tout simplement parce qu'à un moment donné,
01:01:19la guerre,
01:01:21on le sait, c'est avec Ukraine
01:01:23aujourd'hui, la guerre, ça pose
01:01:25après des problèmes de main-d'oeuvre.
01:01:27Donc, les Allemands
01:01:29ont des problèmes de main-d'oeuvre.
01:01:31Ils résolvent ces problèmes de main-d'oeuvre
01:01:33en mettant,
01:01:35où ils peuvent, les Juifs au travail forcé
01:01:37et en raflant dans tous
01:01:39les pays des gens
01:01:41pas juifs pour le travail obligatoire
01:01:43de façon légale
01:01:45en France.
01:01:47À Wenzel, il est décidé
01:01:49qu'un certain nombre de Juifs serviront
01:01:51à la machine de guerre et ils vont
01:01:53servir jusqu'au bout.
01:01:55Un des tout derniers commandos qui est ouvert
01:01:57qui dépend du camp de concentration
01:01:59de Brunval, c'est Ordruf.
01:02:01Il est ouvert en novembre 1944,
01:02:03au moment où
01:02:05les nazis
01:02:07essaient d'enterrer au maximum
01:02:09leur industrie de guerre pour éviter les bombardements.
01:02:11Donc, on peut dire que le travail
01:02:13forcé, le travail
01:02:15esclave, le travail
01:02:17létal, mortel,
01:02:19il est du début
01:02:21de l'occupation allemande
01:02:23pour la Pologne
01:02:25et la disparition de la Pologne.
01:02:27La Pologne n'existe plus jusqu'au tout dernier
01:02:29moment avant que
01:02:31le Reich ne soit contraint
01:02:33à capituler.
01:02:35Ce qui l'aura sauvé, Benjamin Reinstein, c'est son âge,
01:02:37sa condition physique.
01:02:39Il arrive à Auschwitz en août 1944,
01:02:41il a 19 ans, sur cette fameuse
01:02:43rampe de tri de Birkenau.
01:02:45Comment se faisait ce tri
01:02:47à travers ces Juifs
01:02:49bien portants
01:02:51et ceux qu'on destinait immédiatement à la mort ?
01:02:53En fait,
01:02:55il n'y a pas de règle, c'est ça qui est assez
01:02:57frappant, c'est l'arbitraire qui prévaut
01:02:59et hypothétiquement, si la même
01:03:01personne était passée à deux jours d'intervalle,
01:03:03elle pouvait être sélectionnée pour le travail ou envoyée
01:03:05à la chambre à gaz. Ça dépend
01:03:07d'énormément de critères. Si la personne
01:03:09avec énormément de guillemets a bien voyagé,
01:03:11s'il n'est pas malade à la suite du voyage,
01:03:13s'il est enfermé trois ou quatre jours dans des wagons abestiaux,
01:03:15vous arrivez déjà affaibli,
01:03:17si vous vous présentez
01:03:19bien, vous avez plus de chances de passer la sélection
01:03:21que si vous n'êtes pas
01:03:23malade. Si le SS
01:03:25est bien luné ou pas, si le
01:03:27camp a des besoins de main-d'oeuvre particuliers,
01:03:29etc., etc., il n'y a pas de
01:03:31règle. Alors, on dit communément, en gros,
01:03:33de 15 à 45 ans,
01:03:35en majorité des hommes, puisque dans la logique
01:03:37des SS, une femme, ça travaille moins bien qu'un
01:03:39homme, voilà. Mais dans la réalité,
01:03:41on se rend compte que c'est
01:03:43beaucoup plus complexe que ça et sur
01:03:45les photos qu'on a étudiées avec mes deux collègues allemands,
01:03:47Christophe Kreutzmüller et Stéphane Horleur,
01:03:49on a pu montrer qu'il y avait parfois des hommes
01:03:51très âgés qui étaient sélectionnés et qui sont
01:03:53sans doute, enfin, ce qu'on appelle,
01:03:55enfin, ou les SS appellent des spécialistes,
01:03:57des médecins, des ingénieurs, parce que ce jour-là, il y avait
01:03:59un tel besoin. Et on connaît, par ailleurs, du
01:04:01côté des femmes, d'autres exemples, quand ils ont
01:04:03besoin de chanteuses, de danseuses,
01:04:05de musiciennes, ils les cherchent
01:04:07activement pendant la sélection.
01:04:09Donc, il n'y a pas une règle qui est figée.
01:04:11Orenstein arrive au début du mois d'août 1944.
01:04:13On est dans un cadre très
01:04:15particulier. Annette l'a évoqué.
01:04:17Il y a, depuis le printemps 1944,
01:04:19une décision opérationnelle
01:04:21qui change légèrement le cours de la solution
01:04:23finale. Pour les besoins
01:04:25de la production d'armement,
01:04:27ce qui va initialement être appelé le
01:04:29Jägerstab, en gros, le bureau d'armement,
01:04:31il va être décidé pour la première fois
01:04:33qu'Auschwitz n'est plus un terminus
01:04:35pour les Juifs, mais que des Juifs peuvent être
01:04:37transférés vers l'extérieur d'Auschwitz.
01:04:39Ce qui va être le cas, d'abord, des Juifs d'Hongrie,
01:04:41qui ont été massivement photographiés par les SS,
01:04:43et le cas de Benjamin Orenstein...
01:04:45Il y a encore ces clichés dans votre ouvrage,
01:04:47d'ailleurs, que j'ai cité tout à l'heure.
01:04:49Ce sont les clichés les plus iconiques
01:04:51de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.
01:04:53Mais Orenstein, il fait partie de ces convois
01:04:55de Juifs polonais. Il y a le Slien,
01:04:57mais il y en a d'autres qui arrivent du dernier
01:04:59grand ghetto qui existe,
01:05:01qui s'appelle le ghetto de Łódź,
01:05:03ou Litzmannstadt,
01:05:05et qui vont être massivement réacheminés
01:05:07vers d'autres camps, comme
01:05:09Ordruf, comme les camps de Kaufering,
01:05:11qui sont rattachés à Dachau,
01:05:13et qui sont tous liés à la production d'armement,
01:05:15enterrés, comme Annette l'a rappelé,
01:05:17et qui sont destinés qui à produire des V2,
01:05:19qui à produire des chars, qui à produire
01:05:21des avions de chasse.
01:05:23On va voir le nombre de victimes
01:05:25concernant les fameux camps d'extermination
01:05:27que nous avons évoqués tout à l'heure, ces six camps.
01:05:29J'espère que vous validerez ces chiffres.
01:05:31Au Chaudier-Perconneau, un million
01:05:33de victimes.
01:05:35Treblinka, environ 925 000.
01:05:37Belzec, environ 435 000.
01:05:39Chelmau, de 156 000
01:05:41à 172 000.
01:05:43Sobibor, environ 167 000.
01:05:45Et Matzjanek,
01:05:47entre 60 et 80 000 personnes.
01:05:49C'est vrai qu'on a l'habitude de dire
01:05:51que 6 millions de Juifs
01:05:53d'Europe sont morts
01:05:55dans ces camps.
01:05:57S'il fallait comptabiliser
01:05:59les Juifs qui sont morts à la fois dans ces camps
01:06:01et via cette fameuse extermination
01:06:03par le travail qu'on a évoquée ensemble,
01:06:05on en arriverait à quel chiffre
01:06:07concernant la totalité ?
01:06:09Ce qui rend les choses difficiles,
01:06:11c'est que Tal expliquait tout à l'heure
01:06:13pour les Juifs de France,
01:06:15de Belgique, de Hollande,
01:06:17il y a un processus bureaucratique
01:06:19et administratif, les convois partent,
01:06:21il y a des listes, donc on peut être
01:06:23extrêmement précis
01:06:25dans le nombre
01:06:27de Juifs déportés
01:06:29et dans ceux
01:06:31qui ont survécu. Dans des pays
01:06:33comme la Pologne
01:06:35ou comme la Hongrie,
01:06:37la déportation
01:06:39est sauvage
01:06:41parce qu'on n'a pas tous les noms
01:06:43et l'Institut historique
01:06:45de Jérusalem-Yad Vashem
01:06:47s'emploie depuis
01:06:49sa création
01:06:51à essayer de retrouver tous les noms
01:06:53et il me semble qu'ils en sont
01:06:55à 4 800 000.
01:06:57Il y a encore le programme des noms polonais
01:06:59qui n'est pas terminé,
01:07:01des noms hongrois, c'est un travail
01:07:03extrêmement complexe de retrouver les noms.
01:07:05Donc on a adopté ce chiffre
01:07:07de 6 millions. Bien évidemment,
01:07:09quand on dit 6 millions,
01:07:11ça peut être 5,5 millions ou 6,2 millions.
01:07:13À l'heure actuelle,
01:07:15il y a des opérations
01:07:17archéologiques
01:07:19à Treblinka
01:07:21ou il y en a eu
01:07:23à Belzec aussi,
01:07:25pour essayer de déterminer
01:07:27à travers
01:07:29l'archéologie des fosses
01:07:31des chiffres plus exacts.
01:07:33Mais là, c'est des ordres
01:07:35de grandeur et je trouve
01:07:37qu'ils sont déjà terrifiants.
01:07:39Si je peux me permettre, juste pour rajouter
01:07:41la complexité qu'Anette a évoquée,
01:07:43quand vous donnez
01:07:45les chiffres qui étaient totalement corrects
01:07:47au regard de l'historiographie aujourd'hui,
01:07:49pour Auschwitz, il y a, on estime,
01:07:51environ 1 million de juifs
01:07:53qui sont morts. Parmi ce million,
01:07:55il y en a environ 900 000 qui ont été assassinés
01:07:57dès l'arrivée, qui ne sont jamais rentrés dans le camp de concentration
01:07:59et 100 000 qui sont morts littéralement
01:08:01dans le camp ou dans l'un des camps.
01:08:03Ce qui vous montre qu'on ne peut pas distinguer.
01:08:05En gros, les historiens estiment
01:08:07qu'il y a 2 700 000 juifs qui ont été
01:08:09assassinés sur ces 6 sites.
01:08:11Il y a une demi-douzaine d'autres sites
01:08:13qui sont très mal connus chez nous,
01:08:15mais mieux connus, plus on se déplace à l'Est.
01:08:17Si vous allez en Allemagne, au grand mémorial de Berlin,
01:08:19le Denkmal, vous verrez qu'ils n'en présentent pas 6,
01:08:21mais 7, le 7e étant
01:08:23Mali-Trostigny, en Biélorussie,
01:08:25ont été déportés des juifs d'Allemagne.
01:08:27Donc, tout cela, c'est une histoire
01:08:29qui est toujours en cours de construction et c'est normal.
01:08:31Et sur le chiffre
01:08:33communément habillé d'environ 6 millions,
01:08:35une moitié a été assassinée
01:08:37dans ces sites-là
01:08:39et sur les 3 millions qui restent,
01:08:411,5 million a été exécuté
01:08:43lors des fusillades ou des opérations mobiles,
01:08:45parfois avec des camions à gaz ou peu importe.
01:08:47Et ce qui reste
01:08:49est mort soit dans les ghettos, soit dans ces fameux
01:08:51camps de travail forcés.
01:08:53Il sera libéré en avril 45
01:08:55après les fameuses marches de la mort
01:08:57parce que
01:08:59plus les troupes soviétiques
01:09:01avançaient à l'est, plus ces camps
01:09:05et ces juifs qui étaient
01:09:07dans ces camps de la mort ont été déplacés
01:09:09vers d'autres camps, vers l'Allemagne,
01:09:11en fonction de l'avance de l'armée rouge.
01:09:15Benjamin Orenstein, une fois libéré,
01:09:17décidera de regagner Israël,
01:09:19l'état d'Israël qui sera
01:09:21créé, évidemment, en 1948.
01:09:23Il va participer, d'ailleurs, à la guerre
01:09:25israélo-arabe, la première,
01:09:27entre 1948 et 1949.
01:09:29Et puis, ensuite,
01:09:31il décidera de revenir en France,
01:09:33de quitter Israël.
01:09:35C'est un cas qui symbolise
01:09:37assez bien ce qu'ont essayé de faire
01:09:39un certain nombre de rescapés de ces camps.
01:09:41On n'a pas beaucoup de détails,
01:09:43on ne sait pas s'il a été dans un camp
01:09:45pour personne déplacée avant de partir,
01:09:47on ne sait pas comment il a gagné
01:09:49la Palestine mandataire,
01:09:51mais ce que l'on sait avec certitude,
01:09:53c'est que pour les survivants,
01:09:55très peu nombreux,
01:09:57les juifs polonais,
01:09:593 250 000 avant la guerre,
01:10:01à peu près 200 000
01:10:03qui survivent en Union soviétique
01:10:05et une cinquantaine de milliers seulement
01:10:07qui survivent sur place.
01:10:09Ils rentrent chez eux,
01:10:11quand ils repassent par chez eux,
01:10:13il n'y a plus personne,
01:10:15c'est ce qu'explique Benjamin Orenstein.
01:10:17Ils sont extrêmement mal accueillis
01:10:19puisqu'ils sont parfois assassinés
01:10:21et que, bon,
01:10:23symboliquement, on évoque toujours
01:10:25le grand pogrom
01:10:27où il y a une quarantaine de morts
01:10:29qui s'est déroulé en 1946 à Kielce.
01:10:31Donc, pour eux, c'est la Palestine.
01:10:33-"La planche de salut",
01:10:35c'est la Palestine.
01:10:37Et la Palestine,
01:10:39où l'immigration
01:10:41est illégale
01:10:43et où, quand on les chope,
01:10:45on les interne,
01:10:47notamment dans des camps
01:10:49à Chypre, mais beaucoup
01:10:51de survivants qui se retrouvent
01:10:53en Palestine vont combattre
01:10:55dans la guerre dite
01:10:57guerre d'indépendance,
01:10:59la guerre qui va...
01:11:01Et trouver la mort.
01:11:03Mais cette partie-là,
01:11:05on peut en parler généralement,
01:11:07mais il y a très peu de choses
01:11:09dans le documentaire qui nous explique
01:11:11comment il a gagné la Palestine
01:11:13mandataire et le documentaire
01:11:15nous dit seulement qu'au début des années 50,
01:11:17il a un cousin à Lyon
01:11:19et que c'est ce cousin qui le fait venir
01:11:21et qui va le convaincre
01:11:23de revenir d'Israël
01:11:25pour s'installer à Lyon.
01:11:27On va voir un extrait de ce film
01:11:29et on va essayer de comprendre,
01:11:31à travers ce que nous dit Benjamin Einstein,
01:11:33pourquoi a-t-il mis 48 ans
01:11:35avant de décider
01:11:37de parler de ce qu'a été son parcours
01:11:39en tant que rescapé de la Shoah.
01:11:41-"A Lyon,
01:11:43Benjamin a refait sa vie.
01:11:45Les négationnistes viennent défendre
01:11:47le criminel de guerre,
01:11:49Klaus Barbie."
01:11:51-"Dans les années 90,
01:11:53on est dans des années
01:11:55où le négationnisme émerge
01:11:57et ça c'est une douleur supplémentaire
01:11:59pour ces survivants de la Shoah
01:12:01que de voir leur récit remis en question."
01:12:03-"Chambre à gaz ?
01:12:05Mais ça ne va pas, c'est une histoire des Juifs.
01:12:07Ils voulaient toucher de l'argent
01:12:09des indemnités des Allemands
01:12:11et ils ont inventé les chambres à gaz."
01:12:13-"Voilà l'explication.
01:12:15Le procès, Klaus Barbie est à Lyon,
01:12:17et il dit, trop c'est trop,
01:12:19le négationniste, je ne peux pas l'accepter
01:12:21compte tenu ce que j'ai vécu, moi,
01:12:23Benjamin Weinstein.
01:12:25Qu'est-ce qu'on peut en dire de cette prise de parole ?
01:12:2748 ans après,
01:12:29il n'est pas le seul
01:12:31à ne pas avoir pris la parole avant.
01:12:33Alors évidemment, on se pose toujours cette question,
01:12:35pourquoi ces rescapés ont mis
01:12:37autant de temps à prendre la parole ?
01:12:39Mais cette motivation-là,
01:12:41ça a poussé ce rescapé
01:12:43à prendre la parole.
01:12:45Pourquoi des rescapés ? Je vais laisser Annette
01:12:47en parler bien mieux que moi.
01:12:49Sur le moment qui est évoqué,
01:12:51qui est très important, ça s'inscrit dans une séquence
01:12:53qui est beaucoup plus longue,
01:12:55qui va se finir dans les années 90,
01:12:57comme le dit Isabelle Doré.
01:12:59Mais en fait, ça commence littéralement
01:13:01à la fin des années 70,
01:13:03notamment quand D'Arquette-Pelpois
01:13:05dit, à Auschwitz, on a gazé que des poux,
01:13:07et ensuite, dans plusieurs
01:13:09quotidiens en France, des courriers signés
01:13:11Faurisson vont être...
01:13:13Parce que le monde, ça a toujours une...
01:13:15Une audience plus importante.
01:13:17Et puis, ça valide les choses.
01:13:19Mais c'est pas le seul journal. Faurisson
01:13:21inonde la presse pour dire que
01:13:23les chambres à gaz n'ont pas existé.
01:13:25Idéologue de l'extrême-droite française, bien sûr.
01:13:27Qui va se présenter comme étant apolitique,
01:13:29mais avec une appétence pour le nazisme,
01:13:31pas juste l'extrême-droite, mais pour le nazisme,
01:13:33qui en fait un apolitique très particulier,
01:13:35plutôt d'extrême-droite, évidemment.
01:13:37Et au moment du procès Barbie, il va y avoir
01:13:39un resurgissement de ce négationnisme
01:13:41qui était déjà affirmé à la fin
01:13:43des années 70.
01:13:45Lyon va être inondé de tracts non signés,
01:13:47mais qui ont pour origine Faurisson,
01:13:49et qui vont provoquer un émoi très
01:13:51important au sein de l'opinion publique,
01:13:53et pas juste des rescapés de la Shoah
01:13:55ou de la communauté juive.
01:13:57Ce qui fait que des rescapés dans la région
01:13:59de Lyon
01:14:01vont commencer à manifester au sens propre
01:14:03du terme et à se manifester.
01:14:05Et Benjamin Orenstein fait partie
01:14:07d'un certain nombre de personnes.
01:14:09Des figures qui, à ce moment-là,
01:14:11ont commencé comme Simone Lagrange.
01:14:13C'est un moment pour ces gens-là.
01:14:15Au moment du procès de Klaus Barbie,
01:14:17j'étais professeur au lycée Voltaire,
01:14:19et des tracts négationnistes
01:14:21ont été mis
01:14:23dans tous les casiers.
01:14:25Et ça a
01:14:27suscité vraiment un émoi
01:14:29considérable.
01:14:31Et facilité cette fameuse crise de parole.
01:14:33Mais je pense qu'il y a
01:14:35deux étapes. La première étape,
01:14:37c'est le procès Heichmann.
01:14:391961, à Jérusalem.
01:14:41Où le procureur israélien
01:14:43Gideon Hosner
01:14:45fait toute une scénographie
01:14:47fondée sur les témoignages.
01:14:49Et c'est le moment
01:14:51où le témoin
01:14:53devient le porteur de mémoire,
01:14:55celui qui est chargé de dire l'histoire,
01:14:57et où, en quelque sorte, réhabilité,
01:14:59parce qu'il faut pas croire
01:15:01que les survivants étaient accueillis
01:15:03comme des héros, les bras ouverts.
01:15:05On a beaucoup pensé
01:15:07qu'ils avaient fait des choses un peu grades
01:15:09pour avoir survécu.
01:15:11En Israël, on les surnommait les savons.
01:15:13Ils n'ont pas parlé
01:15:15parce qu'on n'a pas voulu les écouter.
01:15:17Donc ce qui est très important,
01:15:19c'est la question de la demande sociale.
01:15:21Et c'est vraiment
01:15:23à partir des années 80
01:15:25où,
01:15:27pour différentes raisons,
01:15:29on commence à écouter
01:15:31les témoignages.
01:15:33Moi, j'écris un bouquin
01:15:35qui s'appelle L'ère du témoin
01:15:37et je caractérise
01:15:39le procès d'Adolphe Eichmann
01:15:41comme étant l'avènement du témoin,
01:15:43c'est-à-dire le procès qui crée le témoin.
01:15:45Et ensuite, à partir de la fin
01:15:47des années 70,
01:15:49avec notamment
01:15:51la diffusion
01:15:53dans tout le monde occidental
01:15:55du feuilleton holocauste,
01:15:57c'est à ce moment-là
01:15:59que commencent les grandes collectes
01:16:01de témoignages
01:16:03et on commence à demander
01:16:05aux survivants
01:16:07de témoigner.
01:16:09C'est une série américaine
01:16:11qui a été produite
01:16:13par NBC,
01:16:15diffusée aux Etats-Unis en 1978
01:16:17et elle arrive en France
01:16:19en 1979.
01:16:21Et à la fin du dernier épisode de cette mini-série,
01:16:23une émission
01:16:25qui s'appelle Les dossiers de l'écran,
01:16:27qu'on aime beaucoup,
01:16:29où il s'agit de commenter,
01:16:31après un film, c'est Simone Veil
01:16:33qui est invitée.
01:16:35Ce sera un grand moment de télévision
01:16:37après cette série holocauste...
01:16:39Si vous permettez, il n'y a pas seulement Simone Veil,
01:16:41il y a par exemple Marie-Claude Vaillant-Couturier.
01:16:43Bien sûr, mais je cite Simone Veil
01:16:45parce que dans l'esprit collectif...
01:16:47Et c'est vrai que
01:16:49Simone Veil, quand elle arrive aux affaires,
01:16:51elle a la possibilité
01:16:53de parler,
01:16:55elle le fait très vite.
01:16:57Elle a dit, nous, on voulait parler,
01:16:59on ne voulait pas nous écouter.
01:17:01Et c'est vrai qu'elle prend la parole
01:17:03quand elle est nommée ministre
01:17:05de Giscard d'Estaing.
01:17:07Il y a le premier grand documentaire
01:17:09sur une chaîne
01:17:11qui était alors publique, TF1,
01:17:13et ensuite, elle va être
01:17:15vraiment la personne
01:17:17qui a porté la mémoire
01:17:19de façon extraordinaire.
01:17:21Benjamin Wenschen, il va la porter
01:17:23autrement, cette mémoire.
01:17:25Il va aller à la rencontre des jeunes,
01:17:27pas seulement en France, d'ailleurs,
01:17:29il va faire quasiment un tour du monde.
01:17:31Il a eu plus de 50 colloques
01:17:33de parlement,
01:17:35il va écrire un livre,
01:17:37et puis il y a ce documentaire.
01:17:39Une pièce de théâtre.
01:17:41Et, bien entendu, une pièce de théâtre.
01:17:43Il s'est régulièrement rendu à Auschwitz
01:17:45avec des groupes de scolaires de la région lyonnaise.
01:17:47C'est quelqu'un qui a passé
01:17:49une grande partie de cette
01:17:51troisième vie.
01:17:53C'est aussi le moment où ils sont à la retraite.
01:17:55Ils sont beaucoup.
01:17:57Si on prend un autre
01:17:59exemple, Ginette Kolinka,
01:18:01c'est exactement la même chose.
01:18:03C'est au moment où elle a été à la retraite
01:18:05qu'elle s'est mise à témoigner activement.
01:18:07Elle aussi est rescapée d'Auschwitz.
01:18:09Pour beaucoup,
01:18:11la retraite, c'est le moment
01:18:13où ils peuvent passer du temps
01:18:15à expliquer ce qui leur est arrivé.
01:18:17Ils ont reconstruit leur vie,
01:18:19et ensuite, ils peuvent
01:18:21raconter ce qui s'est passé
01:18:23pendant la guerre.
01:18:25Benjamin Orenstein, dans cela,
01:18:27il a un parcours, sans chercher
01:18:29à le réduire en rien,
01:18:31qui ressemble à énormément de gens
01:18:33qui ont témoigné depuis le début des années 90
01:18:35et qui se sont énormément
01:18:37investis là-dedans. On pourrait citer
01:18:41des dizaines de noms de personnes,
01:18:43hommes ou femmes, qui ne sont plus parmi nous,
01:18:45mais qui ont consacré une grande partie
01:18:47des années 90, 2000 et 2010,
01:18:49à porter ce témoignage.
01:18:51C'est eux qui portent cette mémoire
01:18:53de l'achat aujourd'hui ?
01:18:55Il n'y a plus beaucoup de survivants ?
01:18:57Aujourd'hui, c'est une période
01:18:59qui est terminée, mais je pense que
01:19:01c'est le passage du temps.
01:19:03Les derniers qui sont décédés
01:19:05ou qui sont encore en vie
01:19:07ne sont pas loin d'être centenaires.
01:19:11Le monde est en train de changer.
01:19:13Je pense que les derniers
01:19:15événements politiques,
01:19:17c'est-à-dire l'élection de Trump,
01:19:19les régimes autoritaires
01:19:21qui s'installent un peu
01:19:23partout dans le monde,
01:19:25montrent que l'après-guerre,
01:19:27ce qui avait été fait dans l'après-guerre,
01:19:31est en train d'être défait.
01:19:33On rentre dans un monde
01:19:35où on ne sait pas
01:19:37de quoi sera faite
01:19:39la mémoire d'Auschwitz.
01:19:41On va écouter un deuxième extrait.
01:19:43C'est le message que voulait passer
01:19:45Benjamin Reinstein à ceux et celles
01:19:47qui allaient voir ce film
01:19:49et connaître son histoire.
01:19:51Je voudrais vous dire une chose.
01:19:53Ne jamais oublier
01:19:55que ça a eu lieu
01:19:57et de réagir
01:19:59au premier accident.
01:20:03On ne peut pas rire
01:20:05de 6 millions de victimes.
01:20:07C'est une tragédie humaine.
01:20:11Ce n'est pas seulement la faute des Allemands,
01:20:13c'est toute l'humanité qui a reçu une jupe.
01:20:15Toute l'humanité
01:20:17doit surveiller
01:20:19et être vigilant
01:20:21pour que ça ne recommence pas.
01:20:23Il y a un danger que ça recommence.
01:20:25Rappelez-vous ça.
01:20:27C'est tout ce que je peux vous dire.
01:20:29Voilà le message que voulait passer
01:20:31Benjamin Reinstein pour que ça ne recommence pas.
01:20:33C'est un vœu pieux
01:20:35qui a été martelé à partir de la fin de la guerre
01:20:37le plus jamais ça.
01:20:39Sauf que c'est un vœu pieux
01:20:41et par ailleurs,
01:20:43Reinstein, dans ce qu'il dit en conclusion,
01:20:45il ne parle plus jamais ça
01:20:47les violences de masse
01:20:49et plus jamais d'antisémitisme.
01:20:51Or, on est dans une période où l'antisémitisme
01:20:53s'affirme d'une manière totalement décomplexée.
01:20:55Désormais, il n'est plus confiné aux marges,
01:20:57pas assumé.
01:20:59Non, il est revendiqué
01:21:01à bord de l'échiquier
01:21:03et c'est redevenu
01:21:05une réalité.
01:21:07Annette a très justement dit
01:21:09qu'on était rentré dans un nouvel âge
01:21:11qui n'est plus l'après-guerre, en tout cas l'héritage
01:21:13de la Seconde Guerre mondiale.
01:21:15Et derrière nous, on passe dans un nouvel âge
01:21:17dont on ne sait pas ce qu'il va devenir.
01:21:19Mais il y a une chose qui est claire,
01:21:21c'est que le combat contre l'antisémitisme
01:21:23qui avait été entamé en 1945,
01:21:25qui continue à être mené jusqu'à aujourd'hui,
01:21:27il a eu ses effets,
01:21:29mais en même temps, on se rend compte
01:21:31qu'il n'a pas été annihilé,
01:21:33il n'a pas été exilé,
01:21:35il a même été réintégré quasiment
01:21:37dans le travail politique, aussi bien à l'extrême droite
01:21:39qu'à l'extrême gauche.
01:21:41Votre sentiment également ?
01:21:43Oui, oui, oui.
01:21:47La première remarque que je ferai,
01:21:49c'est que la destruction des Juifs d'Europe
01:21:51a été si massive
01:21:53qu'aujourd'hui, il y a dans le monde
01:21:55peut-être 15 millions de Juifs,
01:21:57c'est-à-dire même moins
01:21:59qu'il y en avait
01:22:01en 1939.
01:22:03Ca veut donc dire que
01:22:05les Juifs sont
01:22:07extrêmement peu nombreux,
01:22:09et pourtant, dans des pays
01:22:11où les Juifs sont là,
01:22:13mais aussi dans les pays où il n'y a pas de Juifs,
01:22:15on a cet antisémitisme
01:22:17qui perdure,
01:22:19et comme l'a dit Tal,
01:22:21qui s'épanouit aujourd'hui,
01:22:23c'était tabou,
01:22:25c'est tabou, on ne pouvait pas
01:22:27se dire antisémite. Aujourd'hui,
01:22:29on peut tranquillement être antisémite.
01:22:31Qu'est-ce qu'il reste à découvrir
01:22:33pour les chercheurs, les historiens
01:22:35que vous êtes, autour
01:22:37de cet choix, de cette période
01:22:39de l'histoire, dramatique période de l'histoire,
01:22:41de son cortège de victimes ?
01:22:43Qu'est-ce qui m'aide d'être encore
01:22:45creusé aujourd'hui sur ce sujet ?
01:22:47On a l'habitude de dire qu'on continue toujours à faire l'histoire
01:22:49de Rome ou d'Athènes, 2000 ans après
01:22:51la chute d'Athènes, ou 1500 ans après la chute
01:22:53de Rome, donc on n'en est qu'au début, en fait,
01:22:55de cette histoire, qui a été
01:22:57écrite d'abord par les grands pionniers,
01:22:59comme on peut rappeler Léon Paul Yacov ou Raoul Hilberg.
01:23:01Ceux à qui je rends hommage dans mon itinérance.
01:23:03Mais, en fait,
01:23:07le cadre est connu depuis très longtemps,
01:23:09le cadre, c'est-à-dire la solution finale,
01:23:11et chaque génération
01:23:13d'historiens amène un nouvel éclairage
01:23:15et bénéficie
01:23:17de ce que les prédécesseurs
01:23:19ont réalisé
01:23:21et va laisser un héritage
01:23:23ou une absence d'héritage, et chaque génération arrive
01:23:25avec des nouveaux questionnements.
01:23:27Vous avez eu la gentillesse de citer le livre qu'on a consacré
01:23:29à l'analyse
01:23:31des photos d'Auschwitz.
01:23:33C'est une génération qui arrive et qui
01:23:35interroge des documents qui étaient connus, mais avec des
01:23:37nouveaux questionnements.
01:23:39Et des nouvelles techniques, aussi, qu'on avait moins.
01:23:41Non, on n'a pas trop bénéficié
01:23:43de nouvelles techniques. Quand je dis nouvelles techniques,
01:23:45c'est la possibilité de regarder...
01:23:47Il y a un certain nombre de choses qui sont
01:23:49rendues possibles, effectivement,
01:23:51pour le cinéma,
01:23:53pour tout ce qui touche à l'image, la photo
01:23:55et l'image animée.
01:23:57C'est vrai qu'il y a tout un champ.
01:23:59L'histoire ne cesse
01:24:01d'évoluer, de progresser,
01:24:03de se réinterroger
01:24:05elle-même. Il reste
01:24:07énormément de choses à faire, et si je savais ce qu'il restait
01:24:09à faire, je le ferais.
01:24:11Chaque génération pose
01:24:13à l'histoire d'autres questions.
01:24:15Ce qui va changer, c'est que
01:24:17ces témoins de l'histoire
01:24:19vont disparaître.
01:24:21Vous l'avez dit.
01:24:23On ne peut pas dire
01:24:25qu'il y ait un manque de témoignages.
01:24:27Il y a des dizaines de milliers de témoignages
01:24:29sous toutes les formes.
01:24:31Ornstein est un exemple.
01:24:33Il a fait un livre, il y a une pièce de théâtre
01:24:35et il y a un documentaire.
01:24:37On ne peut pas dire
01:24:39qu'on n'ait pas de témoignages.
01:24:41Benjamin Ornstein s'est éteint
01:24:43le 10 février 2021
01:24:45et il avait 94 ans.
01:24:47Un grand merci, vraiment,
01:24:49à tous les deux d'avoir participé à ce débat
01:24:51d'aujourd'hui, pour
01:24:53nous reparler de la Shoah,
01:24:55à l'occasion de ses 80 ans,
01:24:57de la libération par l'armée rouge
01:24:59du camp d'Auschwitz-Birkenau.
01:25:01Vos réactions, ce sera sur hashtag
01:25:03DébatDoc, bien entendu.
01:25:05Merci à Félicité Gavalda, Victoria Bellé,
01:25:07qui, comme à l'accoutumée, m'ont aidée
01:25:09à préparer cette émission.
01:25:11Je vous donne rendez-vous pour un prochain DébatDoc
01:25:13et ce sera, bien entendu, avec son documentaire
01:25:15et son débat. A très bientôt.
01:25:23Sous-titrage Société Radio-Canada