Anne Fulda reçoit Carmen Bramly pour son livre «Tout est chaos» dans #HDLivres
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00:00Bienvenue à l'Heure des Livres, Carmen Bralmi.
00:03Alors, vous êtes romancière.
00:05Vous avez écrit votre premier roman alors que vous aviez 15 ans.
00:07Un roman qui s'appelait Pastel Fauve.
00:09Et là, vous venez de publier aujourd'hui Tout est K.O.
00:12C'est cette fois votre cinquième roman.
00:14Un livre qui est paru aux presses de la cité.
00:16Un roman à l'écriture vive, incisive.
00:19C'est bien vu, il y a une vraie pâte.
00:22Et c'est un roman qui est de plein pied, on pourrait dire, dans notre époque, dans l'ère du temps.
00:26On suit ainsi pas à pas la vie personnelle et professionnelle de Paloma Amadar.
00:3124 ans, conceptrice, rédactrice pour le département Luxe d'ATK, prestigieuse agence publicitaire.
00:37Alors, pourquoi vous choisissez déjà cet environnement qui a un rôle dans la vie ?
00:43C'est un environnement que je connais.
00:45Mais au-delà de raconter juste ce que je connais très bien,
00:48parce que je travaille dans la publicité depuis 2016-2017.
00:52Ce qui est bien avec une agence de publicité, c'est que c'est un point d'observation pour comprendre le monde.
00:57Notre métier, c'est de comprendre la société,
01:00transformer les névroses d'une société en levier de consommation.
01:05Alors, justement, l'héroïne, Paloma, a une manière de mêler pas mal sa vie personnelle et professionnelle.
01:15Enfin, elles sont imbriquées.
01:17Vous écrivez, le métier de publicitaire a beaucoup à voir avec mes activités extra-professionnelles.
01:24Dans les deux cas, je mets en scène, j'invente un contexte, un cadre
01:27pour décomplexer une pulsion consumériste dans un cas et sexuelle dans l'autre.
01:31Alors, comme ça, elle paraît libre, Paloma, dans son époque.
01:36Elle accumule les rencontres d'un soir.
01:38Elle est libre, elle est surtout seule.
01:40Voilà, mais c'était ça la question.
01:42Est-ce qu'elle est vraiment libre et est-ce qu'elle est heureuse ?
01:45Heureuse, je ne sais pas.
01:47Alors, Paloma se confesse à un moment dans le livre et raconte quelque chose qui lui est arrivé à 18 ans
01:51et qui pourrait expliquer de manière psychologique cette espèce de trop plein et de vide.
01:57Mais Paloma, c'est quelqu'un qui a une espèce de vide en elle à remplir,
02:00qu'elle remplit avec des hommes, qu'elle remplit aussi avec des vêtements bas de gamme.
02:03Parce que, contrairement au cliché de la pub, Paloma ne boit pas d'alcool, ne se drogue pas.
02:07Elle est complètement sobre.
02:09Donc, elle, c'est sa manière de remplir un vide existentiel.
02:12Alors, vous écrivez que Paloma se définit elle-même comme une fille bien.
02:17Alors, il y a un passage assez drôle.
02:19Je ne dis du mal de personne, je tiens la porte, je souris, je dis bonjour et merci.
02:23Je réponds poliment lorsqu'on me harcèle pour suivre une formation gratuite.
02:26Plus loin, je vote à gauche, je suis tante, j'accorde de l'attention aux garçons timides.
02:30Je ne fais plus mes courses que dans les coopératives biologiques et j'achète des légumes de saison.
02:33J'appelle mes grands-parents tous les jeudis, etc.
02:36C'est une fille bien, donc, Paloma.
02:39C'est une fille bien dans ce que l'époque attend.
02:42Elle est conforme aux contraintes.
02:45Elle ne l'est pas. C'est un passage complètement ironique.
02:48C'est une présentation d'elle-même profondément ironique
02:51qui a pour point de départ le fait que travailler dans la publicité lui fait perdre 8 points de karma par jour
02:55et qu'elle doit les rattraper pour ne pas être en déséquilibre de balance karmique.
02:59Il faut qu'elle soit quelqu'un de bien.
03:01Et il y a une personne dans son monde qui lui permet d'être quelqu'un de bien
03:04et c'est Benjamin Esposito, son mentor,
03:07qui est le centre de son monde et à qui va arriver un drame.
03:10Alors, avec qui elle travaille ?
03:13Il faut préciser puisque c'est son supérieur.
03:16C'est ce qu'on appelle ça un directeur de création.
03:19Directeur de création.
03:21Vous écriviez Benjamin le meilleur, le meilleur des escrocs.
03:24Oui.
03:25Il s'efforce de créer une publicité dissidente, une anti-pub contre les poncifs du marketing.
03:29Lui a de l'ambition pour le consommateur, il l'aime, lui parle franchement de même homme.
03:33Il y a toujours cette petite ironie, cette petite distance par rapport à une tendance de l'époque
03:39et puis jusqu'à ce que la noirceur arrive avec ce qui lui parvient.
03:45Est-ce que vous avez été influencée par l'actualité, par ce qu'on lit dans les journaux,
03:51dans la presse féminine, qu'on voit dans les films ?
03:54Alors même pas, c'est très étonnant.
03:56Cette histoire est arrivée d'un coup au fil de la plume.
03:59De harcèlement ?
04:00Oui.
04:01Oui, parce que je n'avais pas précisé.
04:03Donc Benjamin va être accusé à tort de harcèlement sexuel pour un mail mal interprété.
04:11Et tout ça est arrivé assez naturellement au fil de la plume.
04:15Je n'avais pas une ambition de dénoncer quelque chose.
04:18C'est plus, dans tout le phénomène MeToo, les choses ne s'annulent pas, elles se complètent.
04:22Et donc ce livre est une autre histoire MeToo, assez différente.
04:27En plus, il y a un peu aussi un MeToo à l'envers dans ce livre.
04:30Et Benjamin, c'est un mec bien qui va plus ou moins tout perdre.
04:36Et surtout, c'est un personnage que j'aime beaucoup parce que c'est un homme de 45 ans
04:43qui a un côté rebelle, mais pas du tout comme la publicité entend ce qu'est la rébellion.
04:47C'est un rebelle parce que c'est un homme qui considère que dans un monde extrêmement polarisé,
04:52où tout est extrémisé, la voix du milieu a une posture contestataire.
04:57Et c'est en ça qu'il se rebelle.
04:59Et c'est en ça qu'il est insupportable dans cette agence de pub
05:02qui cristallise à elle seule toutes les névroses d'une époque.
05:05Alors c'est à lire, ça s'appelle « Tout est K.O. »
05:08C'est paru aux presses de la Cité.
05:10Merci beaucoup Carmen Bramli.
05:11Merci beaucoup.