Comme l'a annoncé son entourage à l'AFP confirmant une information du Point ce jeudi 23 janvier, le journaliste et essayiste Jean-François Kahn est mort à l’âge de 86 ans.
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00:00C'est Jean-François Kahn et on a appris sa disparition aujourd'hui à Jean-François Kahn, il avait 86 ans, Alain Duhamel.
00:07On a retrouvé les photos que l'on voit de Jean-François Kahn et vous l'avez connu, je vais dire que la photo était encore en noir et blanc quand vous l'avez connu Alain Duhamel.
00:18On a une photo de vous avec Jean-François Kahn, voilà, en Europe 1.
00:21Bon, on y a fait des dizaines, une centaine de débats peut-être. Bon, mais c'était dans notre génération, puisqu'on a presque le même âge,
00:30dans notre génération c'était certainement un des plus brillants, un des plus volubiles, un des plus imaginatifs, un des plus courageux, incontestablement,
00:42un des plus obsessionnels aussi, il avait ses thèmes assez paradoxaux quelquefois, le centrisme révolutionnaire.
00:50Bon, et en même temps c'est quelqu'un qui avait beaucoup de chaleur humaine, qui était sympathique avec les autres, quel que soit leur statut,
00:59ce qui est relativement rare, et puis il faut le dire, il avait une facilité intellectuelle, moi je l'ai vu écrire à côté de moi des articles,
01:08et puis je l'ai entendu faire des éditoriaux, etc., puis débattre avec moi, il n'y en a pas beaucoup qui étaient de ce...
01:16Pour dire les choses comme elles sont, dans ma génération, parmi les journalistes écrits, mais en l'occurrence beaucoup d'audiovisuels,
01:24il est dans les 4 ou 5 quand même d'une génération.
01:28Et même quand il était d'accord avec vous dans des débats, il arrivait à être en désaccord ?
01:32Bon, il était d'ailleurs, et puis s'il n'arrivait pas à être en désaccord avec moi, il était en désaccord avec lui-même, sans hésiter.
01:42Natacha Polony, il a notamment créé Marianne, et vous avez travaillé directement avec lui ?
01:49J'ai commencé comme jeune journaliste à Marianne en 2002, donc en fait j'ai appris avec Jean-François,
01:58et c'est un... d'abord, en effet, il y a cette dimension générationnelle, moi quand je suis arrivée jeune journaliste,
02:04avoir en face de moi quelqu'un qui avait interviewé le prince Youssoupov, c'est-à-dire l'assassin de Rasputin,
02:09qui avait interviewé Chiang Kai-shek, bien sûr, il a connu toute l'histoire du XXe siècle et il y est allé, il a interviewé les gens.
02:16Et puis il y a la dimension patron de presse, l'événement du jeudi en effet, Marianne,
02:21c'est-à-dire qu'il a inventé des formes journalistiques et il était visionnaire, c'était un extraordinaire patron de presse,
02:28et selon moi c'était un patron de presse formidable, pourquoi ?
02:31Déjà parce que c'était l'un des rares, voire le seul, qui passait sa vie en dehors de Paris,
02:38qui allait partout dans le moindre petit village, il organisait des conférences, il allait rencontrer ses lecteurs, il allait rencontrer les Français,
02:45et donc il sentait les choses, il les sentait.
02:48Et puis il y avait cette détestation chez lui de ce qu'il appelait, et c'est le premier à avoir employé ce terme,
02:54la pensée unique journalistique, il ne supportait pas le conformisme.
02:59Quand vous disiez qu'il pensait en permanence contre les autres, contre lui-même,
03:04en fait ce qu'il détestait, c'était la facilité qui fait que par souci, d'être bien vu par les confrères, on ne dit pas les choses.
03:14Et donc lui se battait contre ça, et au nom d'une idée, alors moi le centrisme révolutionnaire je peux vous l'expliquer,
03:20c'est-à-dire son idée, c'était qu'au cours du XXème siècle...
03:24Si j'avais pu le comprendre, ça aurait été fait depuis un demi-siècle.
03:28Selon lui, le XXème siècle avait montré qu'il y avait d'un côté le capitalisme qui avait mis l'argent au centre,
03:34de l'autre le communisme qui avait mis l'État au centre, et il voulait une révolution copernicienne qui remette l'homme au centre.
03:42C'était pour ça, il croyait en cette idée d'une révolution dans ce sens-là.
03:47Et avec l'idée que la France crevait du clivage gauche-droite vu comme une guerre de religion,
03:54c'est-à-dire en gros, l'autre en face est toujours un salaud.
03:58Et lui, il estimait qu'on n'avait jamais tort sur tout, et que donc il y avait des choses intéressantes à prendre de tous les côtés.
04:05Et je peux vous le dire, on a eu des désaccords, lui et moi, des désaccords violents sur certains points,
04:09mais ça, je pense qu'il avait parfaitement raison.