Direction la Colombie, l'occasion de se remémorer les heures sombres de la guerre civile entre la guérilla armée des FARCS et le pouvoir central. Bien que la Colombie soit la plus vieille démocracie d'Amérique latine, elle n'en demeure pas moins gangréenée par la trafic de drogues et la corruption. À quel avenir peut désormais aspirer ce pays ?
Pour le savoir, Jean-Pierre Gratien sera accompagné, en plateau, de la chercheuse Mathilde Allain, de la députée (ENS) des Français établis hors de France en Amérique latine et dans les Caraïbes Éléonore Caroit, et du politologue Kévin Parthenay.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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#LCP #documentaire #debat
Pour le savoir, Jean-Pierre Gratien sera accompagné, en plateau, de la chercheuse Mathilde Allain, de la députée (ENS) des Français établis hors de France en Amérique latine et dans les Caraïbes Éléonore Caroit, et du politologue Kévin Parthenay.
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🗞
NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous.
00:00:17Direction la Colombie, aujourd'hui, dans ce débat doc,
00:00:20avec, pour commencer, le documentaire
00:00:22qui va suivre, Colombie, la paix confisquée,
00:00:25Parole d'otage, réalisé par Julie Perrard
00:00:28et Christophe Astruc, de quoi se remémorer
00:00:31les heures sombres de la guerre civile larvée
00:00:33entre la guérilla armée des Farc et le pouvoir central
00:00:37dans un pays, par ailleurs,
00:00:39toujours gangrené par le narcotrafic
00:00:42et la corruption, même s'il demeure
00:00:44la plus vieille démocratie d'Amérique latine.
00:00:47Je vous laisse le découvrir,
00:00:49et je vous retrouverai juste après, sur ce plateau,
00:00:51en compagnie de la chercheuse Mathilde Allain,
00:00:54de la députée Eleonore Carrois
00:00:56et du politologue Kevin Partenay.
00:00:58Avec eux, nous nous interrogerons
00:01:00sur l'avenir politique auquel peut désormais aspirer
00:01:04la Colombie. Bon doc.
00:01:05...
00:01:11-"La Colombie", on est toujours sans nouvelles
00:01:14de celle qu'on appelle la passionaria,
00:01:16la sénatrice Ingrid Bettencourt, enlevée samedi dernier
00:01:19par les Farc, principale guérilla du pays.
00:01:21On savait pas s'il était en vie,
00:01:23on savait pas dans quel état il se trouvait,
00:01:26on avait des craintes qu'elle ait été violée,
00:01:28qu'elle soit malade.
00:01:30C'est la plus ancienne guérilla au monde.
00:01:32Elle est issue, en 1964, d'un mouvement paysan
00:01:36en lutte contre les grands propriétaires terriens.
00:01:39...
00:01:44Qu'est-ce qu'on fait ? On se bat ou on part en courant ?
00:01:47...
00:01:49C'était une organisation mondiale de trafic de drogues.
00:01:52Pas une simple rébellion colombienne.
00:01:55...
00:01:57Mon travail était de prélever un impôt sur la cocaïne.
00:02:00...
00:02:05On a tous souffert de l'isolement,
00:02:07du manque de communication, de la barbarie,
00:02:09des mauvais traitements physiques et psychologiques.
00:02:12...
00:02:14On avait réussi à localiser les otages,
00:02:16mais leur libération allait être difficile.
00:02:18...
00:02:22J'avais 6 ans quand mon père a disparu.
00:02:25Et j'ai grandi à sa recherche.
00:02:28...
00:02:30Le plus dur, c'est pour les victimes.
00:02:32Le processus de paix a exigé d'elles
00:02:34qu'elles se confrontent à leurs bourreaux.
00:02:37...
00:02:39Il y a eu des kidnappés qui ont été dans les mains des femmes.
00:02:42D'autres qui ne sont jamais revenus.
00:02:44Et les familles n'ont jamais eu de réponse,
00:02:46de savoir où ils ont été enterrés.
00:02:48S'ils sont morts, comment est-ce qu'ils sont morts ?
00:02:50...
00:02:54Bruits de l'eau, bruits de la rue, bruits de la rue, bruits de la rue...
00:03:01...
00:03:17Il y a 20 ans, 2002,
00:03:20je suis une femme politique.
00:03:24Je suis sénatrice,
00:03:27candidate à la présidentielle.
00:03:30J'ai créé mon propre parti qui s'appelle Vert Oxygène,
00:03:34qui a coupé les ponts avec les partis traditionnels.
00:03:38...
00:03:39Ingrid Bettencourt est un personnage politique unique en Amérique latine.
00:03:4340 ans, ancienne élève de Sciences Po à Paris,
00:03:46cette fille de la haute société colombienne se bat contre la pauvreté,
00:03:49contre la guerre civile,
00:03:50contre surtout la corruption qui ravage son pays.
00:03:53...
00:03:54On s'accommode de la corruption.
00:03:57Et pour moi, la corruption est le vecteur qui explique la violence,
00:04:02la guérilla, le trafic de la drogue.
00:04:05Et je dénonce, et je fais des débats au Congrès.
00:04:08...
00:04:09C'était un concert pour dénoncer,
00:04:12avec un soutien politique, avec un pouvoir.
00:04:16Et c'est ce que la fiscalité doit investiger.
00:04:20Qu'est-ce qu'ils pensent ? Qu'ils apportent des chantages, des menaces ?
00:04:23Qu'ils demandent ? Qu'ils disent qu'on va mourir de peur ?
00:04:25Et bien non !
00:04:27J'étais étudiant à Bogotá
00:04:29quand j'ai entendu pour la première fois le discours d'Ingrid Bettencourt.
00:04:33Ici, il y a une liste de 170 personnes
00:04:37avec une pension de plus de 10 millions de pesos.
00:04:40Je me suis dit qu'elle a un sacré cran, cette femme,
00:04:43pour tenir tête à tous ces politiciens corrompus.
00:04:45Et c'est comme ça que j'ai commencé à l'aimer, à l'écouter.
00:04:49Je me suis dit, ça fait du bien d'entendre une proposition nouvelle,
00:04:53différente.
00:04:54Ce qui m'a le plus frappé, c'était sa force.
00:04:56Elle osait dénoncer les choses, sans peur,
00:04:59malgré les risques pour sa famille.
00:05:01C'est pour ça que j'ai décidé de travailler pour son parti,
00:05:04Oxygène Vert.
00:05:06C'est ce que j'ai fait.
00:05:18Ce 23 février 2002,
00:05:21je prends l'avion de Bogotá, très tôt le matin.
00:05:24J'atterris à Florencia.
00:05:28Pour prendre la route de Florencia jusqu'à San Vicente del Caguán,
00:05:31c'était l'endroit où le gouvernement
00:05:35avait tenu les négociations de paix avec les Farc.
00:05:52Le gouvernement avait entamé un processus de paix avec les Farc.
00:05:57Il leur avait même offert toute une zone du sud du pays,
00:05:59qu'on a appelée la zone du Caguán.
00:06:02Il leur avait cédé plus de 42 000 km2,
00:06:05l'équivalent de la Suisse,
00:06:07où les Farc pouvaient faire ce qu'ils voulaient,
00:06:09sans présence de l'Etat.
00:06:11En d'autres termes, ils n'y avaient ni juges,
00:06:13ni armées dans le Caguán.
00:06:17Malheureusement, les Farc ont utilisé ce territoire
00:06:20pour se livrer à un commerce d'armes très important,
00:06:22pour se renforcer militairement et créer un bastion
00:06:25où ils retenaient les personnes kidnappées.
00:06:32...
00:06:44...
00:06:47Ils attaquaient la population civile.
00:06:51Ils enlevaient des civils.
00:06:53Quand mes services de renseignement m'ont apporté la preuve
00:06:57que les Farc se servaient de la zone du Caguán
00:07:00pour commettre des actes illégaux,
00:07:02nous avons pris la décision de dire aux Farc
00:07:04que nous ne respections pas la loi,
00:07:06donc nous rompions le processus de paix.
00:07:08...
00:07:23C'est pour cela que je me rends à San Vincente del Caguán
00:07:25pour reprendre en main la zone.
00:07:27On voulait montrer au monde entier que nous contrôlions ce territoire,
00:07:30que les Farc n'y faisaient plus la loi.
00:07:32...
00:07:34Mais quand je me rends à San Vincente,
00:07:36Ingrid prend la décision d'y aller.
00:07:39Ingrid et Clara n'en démordent pas, il faut qu'elle y soit.
00:07:42...
00:07:45...
00:07:59Nous étions tous très inquiets.
00:08:02Nous étions anxieux de ce qui allait se passer.
00:08:04On n'entrait pas dans n'importe quel territoire.
00:08:07On allait pénétrer une zone que le gouvernement s'apprêtait à bombarder
00:08:11pour se débarrasser de la guérilla.
00:08:13...
00:08:15Je savais que nous prenions un risque.
00:08:17...
00:08:25J'ai pris une mauvaise décision ce jour-là.
00:08:28Je n'aurais pas dû y aller.
00:08:30Ce n'était pas à moi de faire le voyage.
00:08:32Je l'ai fait par solidarité.
00:08:35Pour accompagner la candidate,
00:08:36je savais qu'elle ne pouvait pas s'y rendre seule.
00:08:39...
00:08:41J'ai demandé à un de mes généraux
00:08:43de transmettre un message à Ingrid.
00:08:45S'il te plaît, Ingrid, n'y va pas.
00:08:47La zone n'est pas sécurisée, il y a des guerrilleros,
00:08:49il y a encore des combats, n'y va pas.
00:08:51Elle a répondu, je m'en fiche,
00:08:53et elle a dit à ses gardes du corps, j'irai quoi qu'il arrive.
00:08:57Et s'il y a la guérilla ?
00:08:59Eh bien, nous sommes en mains de Dieu.
00:09:03...
00:09:12Quand je vais prendre la route,
00:09:14mes escorts me disent
00:09:16qu'on vient de recevoir l'ordre de ne pas vous accompagner.
00:09:19Je dis, si c'est le cas, il faut avorter,
00:09:22on va retourner à Bogotá.
00:09:24Ils me disent, non, parce qu'on nous donne l'ordre à nous,
00:09:27mais vous, vous êtes une candidate présidentielle,
00:09:30vous pouvez prendre la route.
00:09:32...
00:09:38L'atmosphère était extrêmement tendue.
00:09:42Je sentais qu'Ingrid était là par engagement politique.
00:09:46Clara, à l'arrière, avait peur.
00:09:49On voyait sa nervosité.
00:09:53On savait qu'il y avait un risque,
00:09:55mais c'était comme si on pensait pouvoir le surmonter,
00:09:58comme si on allait pouvoir rentrer chez nous le soir même
00:10:01ou le lendemain, comme prévu.
00:10:03...
00:10:07J'avais déjà traversé cette zone à quatre reprises,
00:10:11et à chaque voyage, il y avait des cadavres sur la route.
00:10:15...
00:10:18Donc, bien évidemment, faire ce voyage avec Ingrid
00:10:21par voie terrestre, c'était pas évident.
00:10:26...
00:10:29Mais je continue.
00:10:32Je dois traverser une rivière
00:10:35en empruntant un petit pont de bois.
00:10:38Mais ce que je ne vois pas,
00:10:41c'est qu'au sortir du virage, là,
00:10:44il y a deux personnes sur la route.
00:10:49Et je vois les bottes en caoutchouc.
00:10:52Et je sais que c'est le signe
00:10:55que c'est la guerrilla et que c'est la guerrilla des Farc.
00:10:58...
00:11:00Un grand maigre moustachu me dit de m'arrêter
00:11:03et de couper le moteur.
00:11:04...
00:11:07Et c'est là que j'ai senti
00:11:10que la situation était hors de contrôle.
00:11:12...
00:11:15Et à ce moment-là,
00:11:18un des guerrilleros qui était là s'approche de nous.
00:11:22Quand, tout à coup, j'entends une explosion.
00:11:25...
00:11:29Et je le vois sauter.
00:11:31...
00:11:35Un de ces hommes marche sur une mine
00:11:39et vole en éclat.
00:11:41C'est très, très violent.
00:11:42Euh... Le sang,
00:11:45une jambe déchiquetée,
00:11:47le hurlement de ce guerrillero
00:11:51qui prend conscience qu'il vient de perdre sa jambe,
00:11:54qui vole dans les airs et tombe des mètres ou plus loin.
00:11:58Tout ça est une violence.
00:12:00Ingrid me dit,
00:12:02reste avec moi.
00:12:04Et j'essaye de me rapprocher d'elle.
00:12:07Et le guerrillero me dit...
00:12:10Non, non, non, non !
00:12:13Les femmes là-bas, les hommes ici,
00:12:15ils nous séparent avec son arme comme ça.
00:12:17Pas comme ça, mais ils nous séparent avec son fusil.
00:12:20Et c'est là où je comprends qu'il ne peut pas me laisser partir.
00:12:23Que je suis qui n'est pas.
00:12:25...
00:12:29Ils la font monter dans une camionnette rouge
00:12:33et Clara dans une bleue,
00:12:35avec à son bord au moins 12 guerrilleros.
00:12:38...
00:12:41Et ces deux fourgons partent à toute vitesse.
00:12:45On ne voit que de la poussière sur la route.
00:12:49C'est la dernière fois que j'ai vu Ingrid.
00:12:53...
00:13:06Brouhaha
00:13:08Première nuit sans sommeil, évidemment.
00:13:11À attendre, dans l'angoisse.
00:13:15Et la radio qui s'allume à 4h du matin.
00:13:19...
00:13:21Un des guerrilleros s'allume près de moi.
00:13:24Et les bulletins d'info.
00:13:26Et donc, la façon dont ils sont en train d'annoncer
00:13:29la nouvelle de ma séquestration.
00:13:31Brouhaha
00:13:32...
00:13:42Et là, l'horreur.
00:13:44Et à partir de là, commence
00:13:48une descente en enfer.
00:13:50...
00:14:02...
00:14:07L'enlèvement est un acte sadique.
00:14:11...
00:14:14Il y a l'angoisse,
00:14:16il y a les sentiments de culpabilité, la douleur,
00:14:19l'inquiétude de ne pas savoir ce qui va se passer.
00:14:22C'est insoutenable.
00:14:24...
00:14:28Vous devez vous battre avec vous-même pour tenir,
00:14:31car vous ne savez pas si vous serez en vie à la minute suivante.
00:14:35C'est une anxiété à la limite du supportable.
00:14:38La mort vous accompagne toute la journée.
00:14:41...
00:14:42Quand j'ai appris que l'enlèvement d'Ingrid était en cours,
00:14:46c'est parce que je me suis dit que ça va durer longtemps.
00:14:49Ils vont en faire un enjeu politique et la transformer en monnaie d'échange.
00:14:53Ca a donné au Farc cette opportunité.
00:14:55La réalité, c'est que nous avons subi une guerre civile,
00:14:59et je dis bien guerre civile, depuis plus de 60 ans.
00:15:02...
00:15:08Un groupe d'insurgés a décidé de prendre les armes
00:15:12contre l'ordre établi, contre cette démocratie imparfaite
00:15:15qui a tous les travers des gouvernements modernes.
00:15:19Mais ici, un groupe armé, les Farc,
00:15:23a décidé de se rebeller.
00:15:26...
00:15:37...
00:15:48...
00:15:57J'ai rejoint la guérilla pour la patrie ou pour la mort.
00:16:02En d'autres termes, j'étais prêt à donner ma vie
00:16:06pour transformer le pays.
00:16:08C'est pour ça que je suis entré chez les Farc.
00:16:13...
00:16:20...
00:16:29J'ai grandi dans une famille communiste.
00:16:32Je me suis engagé en politique au niveau local,
00:16:35dans mon village.
00:16:37Il y avait ici tout un mouvement d'opposition communiste
00:16:42à la fin des années 70.
00:16:44On parlait de réformes agraires,
00:16:46on organisait les syndicats nationaux paysans.
00:16:49On avait obtenu beaucoup d'élus au conseil municipal.
00:16:54...
00:17:01C'est à ce moment-là que les assassinats ont commencé.
00:17:05...
00:17:10Des crimes commis par l'Etat contre des leaders syndicaux
00:17:13ou des opposants pour la plupart
00:17:15membres du Parti communiste colombien.
00:17:18Cela a engendré une vague de violence terrible
00:17:21dans les campagnes.
00:17:23...
00:17:27C'est pour ça qu'on s'est engagé dans la lutte armée.
00:17:30Tout ça s'est passé dans un certain contexte latino-américain.
00:17:34La révolution cubaine était à son apogée.
00:17:37Au Nicaragua, en 1979,
00:17:40la révolution sandiniste avait triomphé.
00:17:43Il y avait une guérilla puissante au Salvador
00:17:47et au Guatemala, c'était la même chose.
00:17:50On assistait à l'essor de la lutte armée
00:17:53et à la guerre de développement de tout le continent
00:17:56à cause des politiques étatiques.
00:17:59...
00:18:04...
00:18:07On a fait le pari d'une insurrection
00:18:10pour obliger l'oligarchie à lâcher le pouvoir
00:18:14ou à négocier avec nous.
00:18:17...
00:18:22...
00:18:27...
00:18:32...
00:18:37Ils étaient forts, très forts, à ce moment-là.
00:18:40Ils avaient réussi 3 ou 4 coups militaires très importants.
00:18:44Patascoy, Las Delicias, El Biar.
00:18:47Ils avaient massacré beaucoup de soldats.
00:18:50...
00:18:55...
00:18:58...
00:19:01Le 1er novembre 1998,
00:19:05je dormais parce que j'avais terminé mon service.
00:19:08Je me reposais quand j'ai réalisé
00:19:11que nous étions pris d'assaut.
00:19:14...
00:19:20J'entends des coups de feu, des explosions,
00:19:23des grenades, des bombes artisanales.
00:19:26...
00:19:29A ce moment-là, on essaie de défendre le poste de commandement,
00:19:33mais les bombes étaient d'une puissance dévastatrice.
00:19:36...
00:19:39Toutes les infrastructures de la ville tombent les unes après les autres.
00:19:42Des collègues policiers perdent l'oeil.
00:19:45On continue de se battre.
00:19:49Jusqu'au moment où les guerriers russes nous encerclent.
00:19:52...
00:19:55...
00:19:58Ils aspergent le bâtiment d'essence
00:20:02et menacent de nous brûler vifs si on ne se rend pas.
00:20:05Ils sont plus nombreux
00:20:08et mieux armés.
00:20:11Ils nous font prisonniers.
00:20:14...
00:20:17...
00:20:20...
00:20:23...
00:20:27...
00:20:30...
00:20:33Et de là, ils nous déplacent.
00:20:36Ils nous sortent de la ville,
00:20:39comme s'ils voulaient nous éloigner de la liberté.
00:20:42...
00:20:45Ils nous emprisonnent au plus profond de la jungle
00:20:49pour mieux nous cacher toujours plus loin dans la jungle.
00:20:52Ca nous a brisés psychologiquement
00:20:55parce qu'on a compris que notre captivité
00:20:58allait durer très longtemps.
00:21:01...
00:21:04Je me rappelle la date d'un an de séquestration.
00:21:08Le moment de ce 23 février 2003
00:21:12où là, il y a un déclic mental
00:21:15et tout bascule.
00:21:18Et là, je me dis, Ingrid,
00:21:21il faut que tu apprennes à vivre ici parce que ça va être long.
00:21:24Il faut que tu survives et il faut que tu te prépares
00:21:27pour quelque chose qui va être terrible.
00:21:31...
00:21:34...
00:21:37...
00:21:40C'est totalement déshumanisant.
00:21:43Ces gens ne vous appellent même plus par votre prénom,
00:21:46ce bien si précieux.
00:21:49Moi, je m'appelle Clara et j'attends des gens qui m'appellent comme ça.
00:21:52Mais ils nous disaient, vous êtes un numéro,
00:21:56toi, tu es 1, l'autre est 3.
00:21:59Ah tiens, 3 ne s'est pas réveillé aujourd'hui.
00:22:02On se disait, on doit continuer car 3 a sans doute été tué
00:22:05ou bien ils l'ont fait disparaître.
00:22:08...
00:22:11...
00:22:38...
00:22:41...
00:22:44...
00:22:48Pendant ces marches forcées,
00:22:51ils ne nous laissaient que très peu de temps de repos.
00:22:54On devait continuer alors qu'on était sur le point de s'évanouir.
00:22:57...
00:23:00On marchait, un otage devant,
00:23:03un guerriero derrière,
00:23:06des armes toujours pointées sur nous.
00:23:10...
00:23:13On sentait la mort toute proche.
00:23:16...
00:23:19...
00:23:22La jungle amazonienne est un espace où il pleut tout le temps.
00:23:25C'est un écosystème d'insectes,
00:23:29tous très bizarres.
00:23:32Donc moi, j'ai découvert les 10 000 façons
00:23:36d'être piqué par des insectes.
00:23:39Tous les jours, je sentais une sensation différente,
00:23:42des douleurs différentes
00:23:45en intensité, en sensation,
00:23:48en prolongation dans le temps de la piqûre.
00:23:51Il y avait des insectes volants,
00:23:54mais il y avait aussi toutes les fourmis,
00:23:58les vers de terre qui piquaient, les chenilles, les araignées.
00:24:01Enfin, tout pique.
00:24:04Les insectes ont des horaires.
00:24:07Donc le matin jusqu'à 9 h, c'est un certain type d'insecte.
00:24:10De 9 h à midi, c'est un autre type d'insecte.
00:24:14Et ils se relaient.
00:24:17...
00:24:20La nuche est une mouche qui, en vous piquant,
00:24:23laisse ses oeufs sous votre peau. Donc des petits vers se développent.
00:24:26Et quand ils commencent à essayer de sortir,
00:24:29ils sortent et ils rentrent, ils sortent et ils rentrent.
00:24:32C'est comme si vous aviez une lame de couteau
00:24:36qui vous lacererait en continu la peau.
00:24:39...
00:24:42Normalement, à 4 h 30,
00:24:45ils stoppaient la marche et le campement était fait
00:24:48en une demi-heure.
00:24:51On devait aller se léger dans un coin d'eau
00:24:54et se préparer pour l'homme.
00:24:58...
00:25:02La nuit est noire,
00:25:05immensément noire. C'est saisissant.
00:25:08Et peu à peu s'installe un silence total,
00:25:11comme si tout était figé.
00:25:14...
00:25:17On ressent alors davantage la solitude.
00:25:21Et cette confrontation avec soi-même
00:25:24et avec la nuit est redoutable,
00:25:27à tel point que beaucoup d'otages perdent le sommeil.
00:25:30...
00:25:33Et on n'avait même pas le droit à une lampe de poche
00:25:36ou à une simple bougie,
00:25:39parce que ça pouvait attirer l'attention des avions.
00:25:43...
00:25:46...
00:25:49...
00:25:52...
00:25:55C'est une belle matinée.
00:25:58Le ciel est dégagé avec quelques nuages ici et là.
00:26:01Je suis assis à mon poste
00:26:05et je m'entraîne à actionner nos radars.
00:26:08...
00:26:11Je travaille pour une société qui s'appelle Northrop Grumman.
00:26:14Nous sommes basés à Bogotá, en Colombie.
00:26:17Et notre mission consiste à collecter des informations
00:26:20sur les stupéfiants. Nos cibles de surveillance
00:26:23sont liées à la production ou au transport de cocaïne.
00:26:26Et la plus grande partie de la production de cocaïne dans le monde
00:26:30est contrôlée par un groupe terroriste
00:26:33qui s'appelle les FARC.
00:26:36...
00:26:39Tout à coup, j'entends un bruit qui ressemble à un « bzzz »
00:26:42et notre pilote dit
00:26:45« Ceci est une panne de moteur, messieurs. »
00:26:49Mon cœur s'est mis à battre très fort
00:26:52parce que cet avion n'a qu'un seul moteur.
00:26:55Et je me suis mis à prier.
00:26:58J'étais certain que nous allions mourir.
00:27:01...
00:27:04On était au-dessus de montagnes recouvertes d'une triple canopée.
00:27:07...
00:27:11Je me souviens m'être accroché à mon siège des deux mains.
00:27:14J'ai fermé les yeux et j'ai senti le premier impact.
00:27:17Quand j'ai rouvert les yeux,
00:27:20on aurait dit que l'avion avait été découpé en deux.
00:27:23Comme une boîte de conserve.
00:27:26...
00:27:29Dès que j'ai réussi à m'extraire de l'avion,
00:27:33j'ai commencé à entendre des coups de feu tirés dans notre direction.
00:27:36...
00:27:39Je pouvais voir un groupe d'hommes et de femmes, très agressifs.
00:27:42Tous très jeunes, tous adolescents.
00:27:45Ils se dirigeaient vers nous.
00:27:48Ils avaient dégainé leurs fusils et les pointaient vers nous.
00:27:51Et ils nous criaient dessus.
00:27:55Ils nous ont dit,
00:27:58« Vous vous mêlez de notre guerre. Vous êtes foutus. »
00:28:01Et c'est à peu près tout. Ils nous ont pris en otage.
00:28:04...
00:28:07...
00:28:10...
00:28:13...
00:28:17...
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00:29:35...
00:29:38...
00:29:41...
00:29:44...
00:29:48Ca dévastait les quartiers défavorisés des villes.
00:29:51C'était la menace criminelle la plus importante aux Etats-Unis.
00:29:54...
00:29:57...
00:30:00Nous avions saisi des kilos de cocaïne à Brooklyn
00:30:03qui avaient les mêmes tampons que ceux trouvés
00:30:07dans les laboratoires des FARC en Colombie.
00:30:10...
00:30:13...
00:30:16...
00:30:19...
00:30:22...
00:30:25En 2000, je suis allé à la Maison Blanche
00:30:29pour parler au président Clinton qui m'avait invité
00:30:32et je lui ai dit que j'allais proposer un plan Marshall
00:30:35pour la Colombie, pour lutter contre le trafic de drogue
00:30:38et que nous allions l'appeler le plan Colombie.
00:30:41Je lui ai dit
00:30:44que je suis le plus grand producteur de cocaïne au monde
00:30:47et vous, le plus grand consommateur.
00:30:51Je suis pauvre et vous êtes riches
00:30:54donc vous allez mettre de l'argent sur la table
00:30:57et moi aussi et nous allons éradiquer la drogue colombienne.
00:31:00...
00:31:03...
00:31:06Il s'agissait sans doute
00:31:09du plus grand programme d'aide approuvé
00:31:12par le Congrès sur le continent américain.
00:31:16...
00:31:19...
00:31:22L'idée était de donner
00:31:25aux autorités colombiennes des ressources
00:31:28et un entraînement avancé
00:31:31pour qu'elles puissent mener la guerre
00:31:35contre les cartels et contre les FARC.
00:31:38...
00:31:41...
00:31:44...
00:31:47...
00:31:50Le plan Colombie nous a été présenté
00:31:53comme un soutien financier des Etats-Unis à la Colombie
00:31:57pour faire face à ce qu'ils appelaient
00:32:00la menace du trafic de drogue.
00:32:03La soi-disant menace de la drogue.
00:32:06C'était en fait une offensive politique contre la guérilla.
00:32:09...
00:32:12...
00:32:15...
00:32:19...
00:32:22Nous voulions faire sauter le vernis politique des FARC,
00:32:25leur légitimité idéologique.
00:32:28Il était essentiel pour la DEA et le ministère de la Justice
00:32:31des Etats-Unis de démontrer qu'il ne s'agissait plus d'idéologie.
00:32:34C'était des barons de la drogue. C'était leur job.
00:32:37Ils n'étaient pas là pour rendre la Colombie meilleure.
00:32:40...
00:32:44Au début des années 2000, nous avons décidé
00:32:47de poursuivre plusieurs membres des FARC en justice.
00:32:50Nos enquêteurs ont commencé à rassembler des preuves.
00:32:53On offrait un million de dollars pour chaque capture.
00:32:56C'était notre mise de départ.
00:32:59...
00:33:03Mon pseudonyme au sein des FARC, Sonia.
00:33:07...
00:33:10Mon job était de collecter un impôt sur la cocaïne.
00:33:13...
00:33:16...
00:33:19...
00:33:22...
00:33:26...
00:33:29...
00:33:32...
00:33:35Ce n'est un secret pour personne.
00:33:38Dans de nombreuses régions de Colombie,
00:33:41la feuille de coca et ses dérivés sont les seuls moyens
00:33:44pour les paysans de gagner leur vie.
00:33:48Que faisaient les FARC ? On prélevait un impôt
00:33:51sur chaque kilo de cocaïne. C'était ça, mon travail.
00:33:54Alors je disais combien de kilos vous avez ?
00:33:57300 kilos ? Vous devez me payer une taxe sur ces 300 kilos.
00:34:00Et c'était l'argent qui était remis aux FARC.
00:34:03...
00:34:06...
00:34:09On connaissait le bénéfice net réalisé en une journée.
00:34:13L'énigme, le trou noir, en quelque sorte,
00:34:16a toujours été de savoir où allait l'argent.
00:34:19...
00:34:22On savait que la consommation de drogue,
00:34:25les fonds provenant du trafic de drogue aux Etats-Unis
00:34:28allaient à l'enrichissement personnel des FARC.
00:34:31Mais ce qui nous préoccupait le plus,
00:34:35c'était la part de cet argent
00:34:38qui servait à payer les balles et les armes.
00:34:41...
00:34:44Les FARC se finançaient par cette taxe sur la cocaïne,
00:34:47mais l'argent qui entrait était dépensé
00:34:50pour faire vivre une très grande armée.
00:34:54Nos effectifs étaient importants.
00:34:57Par exemple, rien que dans le front 14,
00:35:00celui dont je gérais les finances, nous étions 450.
00:35:03Il fallait nourrir tout le monde, gérer la logistique, la santé.
00:35:06L'argent de la drogue était réinvesti comme ça.
00:35:09...
00:35:12...
00:35:16...
00:35:19...
00:35:22...
00:35:26...
00:35:29...
00:35:32...
00:35:35Au bout d'un an de captivité,
00:35:38les FARC nous ont sortis de l'isolement
00:35:42et nous ont amenés dans un grand camp
00:35:45où ils détenaient beaucoup d'autres otages.
00:35:48...
00:35:51...
00:35:54...
00:35:57Je n'avais jamais rien vu de pareil, seulement à la télé.
00:36:00Ca ressemblait à un camp de concentration nazi.
00:36:04Il y avait des barbelés, des tours de surveillance,
00:36:07des gardes avec des mitraillettes
00:36:10et des gens derrière des clôtures.
00:36:13...
00:36:16...
00:36:19Ils nous ont amenés dans la partie civile du camp.
00:36:23Ils ont soulevé le loquet de ce qui ressemblait à une porte de prison
00:36:27et nous ont dit de rentrer là-dedans.
00:36:30Et là, une femme, une otage s'est approchée de la porte
00:36:33et a dit non, on ne veut pas d'eux ici.
00:36:36Il n'y a pas assez de place.
00:36:39C'était Ingrid Bettencourt,
00:36:42la femme politique,
00:36:45candidate à la présidentielle colombienne.
00:36:49...
00:36:52On a faim.
00:36:55On commence à se battre pour des choses totalement absurdes.
00:36:59Pourquoi un tel va avoir plus de nourriture que l'autre,
00:37:02alors qu'on a tous faim ?
00:37:05Pourquoi est-ce que
00:37:08un tel va réussir
00:37:12à ce que le garde lui prête sa machette
00:37:15et pourquoi pas les autres ?
00:37:18...
00:37:21...
00:37:24...
00:37:27Un conflit peut surgir pour tout et n'importe quoi,
00:37:30parce qu'un tel a mis à sécher ses vêtements
00:37:34sous le seul rayon de soleil disponible,
00:37:37parce que l'autre a choisi le meilleur arbre
00:37:40pour y fixer sa tente.
00:37:43Ça devient vite un enfer.
00:37:46On aurait pu s'attendre à plus de fraternité,
00:37:49à plus d'otages,
00:37:52mais disons qu'il y avait parfois des disputes.
00:37:56...
00:37:59...
00:38:02...
00:38:05Et ça, c'est quelque chose qui, je pense,
00:38:08était aussi manipulé par l'effort de nous mettre
00:38:11un petit peu en rivalité, qui est le chef du groupe,
00:38:15qui est celui qui peut donner des ordres aux autres.
00:38:18...
00:38:21On était enchaînés par le cou, sous un arbre,
00:38:25parce qu'étant donné que j'avais essayé de m'enfuir
00:38:28de nombreuses occasions,
00:38:31j'étais constamment isolée.
00:38:34Je n'avais pas le droit de parler avec mes compagnons
00:38:37et je vivais toujours un petit peu à l'écart de tout le monde.
00:38:41Donc ça, c'était très, très dur.
00:38:44...
00:38:47Nous avons tous souffert de l'isolement, de la cruauté, des abus physiques et psychologiques.
00:38:53Les femmes, bien sûr. Il y a des choses qui nous font particulièrement mal.
00:38:59Mais j'ai aussi été témoin de la douleur des hommes enchaînés tout le temps.
00:39:03Les militaires enchaînaient les uns aux autres, pour marcher et même pour traverser les rivières.
00:39:09Le risque qu'ils encouraient était énorme. Ces chaînes étaient tellement ignobles.
00:39:18On se sent humilié, on se sent comme un animal, comme un four enchaîné.
00:39:24Ils nous avaient déjà fait perdre la liberté.
00:39:27Mais les chaînes, c'était une humiliation supplémentaire que rien ne pouvait justifier.
00:39:32Les gardes qui nous surveillaient n'avaient aucun respect pour la vie.
00:39:47Quelle qu'elle soit, pour les vies humaines ou animales.
00:39:52Nos geliers étaient des gamins, pour la plupart des mineurs.
00:39:59C'était des enfants soldats qui faisaient le sale boulot pour les FARC.
00:40:19Ils avaient des croyances et des comportements très immatures.
00:40:26Par exemple, un jour, après avoir regardé un film sur les ninjas,
00:40:31ils nous ont demandé si les ninjas existaient vraiment
00:40:35et comment ils arrivaient à créer de la fumée pour disparaître.
00:40:39Ils étaient persuadés que c'était vrai.
00:40:43C'est pour ça que c'était des proies faciles pour les FARC.
00:40:48Les FARC étaient chez eux dans la campagne colombienne,
00:40:52là où l'État, la police, le gouvernement ont toujours été pratiquement inexistants.
00:41:07Ils pouvaient débarquer dans les villages,
00:41:11et recruter des mineurs pour les enrôler dans la guérilla.
00:41:26Chucky ! Chucky ! Viens, Chucky !
00:41:31Chucky ! Viens !
00:41:42J'étais très jeune.
00:41:46J'allais avoir 10 ans,
00:41:50quand un jour, 5 ou 6 guerrilleros sont arrivés dans mon école.
00:41:56Et ils nous ont fait un speech, à la maîtresse et aux enfants qui étaient là,
00:42:03en nous expliquant qu'ils allaient emmener certains d'entre nous
00:42:07parce qu'on était en âge de rentrer chez les FARC,
00:42:10et qu'il y avait un quota d'enfants que chaque parent devait à la guérilla.
00:42:17On m'a choisi, moi, et une dizaine d'autres enfants,
00:42:22et ils nous ont embarqués dans un petit camion.
00:42:27Je n'ai pas trop compris.
00:42:29Je pensais que c'était une sortie scolaire, j'étais heureuse,
00:42:31je portais mes cahiers sous le bras,
00:42:33et ils nous ont emmenés au plus profond de la jungle.
00:42:37Nous étions environ 200 enfants, presque tous mineurs,
00:42:4116, 15, 9 ans, de simples enfants.
00:42:49Quand j'ai eu 10 ans, ils m'ont envoyée à la formation militaire.
00:43:08C'était terrible.
00:43:10Ces entraînements sont très durs, très, très durs.
00:43:13Mais j'ai réussi, et ils m'ont envoyée auprès d'un commandant
00:43:16qui s'appelait Le Paisa.
00:43:27C'est une personne sanguinaire, mouillée,
00:43:31ce qu'il leur donnait s'exécutait, sinon ils se vengeaient, et ils tuaient.
00:43:41Dès qu'il m'a vue, je ne sais pas, il m'a dit que je devais être pour lui,
00:43:46mais je ne comprenais pas, et il m'a demandé si j'étais vierge.
00:43:50Je lui ai répondu « Mais qu'est-ce que c'est que ça ? »
00:43:53Il m'a dit que je devais être pour lui,
00:43:56mais je ne comprenais pas, et il m'a demandé si j'étais vierge.
00:44:01Il m'a demandé si j'avais déjà été avec un homme.
00:44:04J'ai répondu que non, jamais, jamais de ma vie.
00:44:07J'étais tellement choquée.
00:44:09J'ai dit non, monsieur.
00:44:11Il m'a dit « Si on ne dit pas monsieur, on dit camarade, appelle-moi camarade. »
00:44:20Il m'a dit « Tu dors avec moi ce soir.
00:44:23Que tu le veuilles ou non, c'est un ordre.
00:44:25Et tu sais ce qui arrive à ceux qui n'obéissent pas aux ordres chez les FARC.
00:44:28Ici, soit vous vous exécutez, soit vous êtes exécutés. »
00:44:33Cette nuit-là, je suis allée dans son lit, et il a commencé à abuser de moi.
00:44:59Les jours et les mois ont passé.
00:45:02J'ai eu 12 ans.
00:45:05Il continuait à me violer.
00:45:08Il avait aussi deux autres femmes.
00:45:11Et je suis tombée enceinte à 13 ans.
00:45:14Et quand c'est arrivé, ils m'ont dit qu'ils allaient me faire avorter.
00:45:20Ils m'ont dit « Vous n'êtes pas venue ici pour donner naissance à des enfants,
00:45:23mais pour vous battre pour un peuple. »
00:45:29C'était très dur.
00:45:32Parce que je ne savais même pas.
00:45:35C'était très difficile.
00:45:38J'ai beaucoup prié.
00:45:41J'ai supplié Dieu de m'aider.
00:45:48J'ai traversé des moments terribles.
00:45:58Je me suis beaucoup accrochée à Dieu.
00:46:13Quand j'ai eu 20 ans, j'ai décidé de m'échapper.
00:46:18Je suis sortie avec tellement de rage et de haine
00:46:21que j'ai commencé à les dénoncer.
00:46:24A dénoncer tout ce que j'avais vécu là-bas et ce que j'avais vu.
00:46:27Les monstruosités que j'avais vues là-bas.
00:46:30Ça les a tellement énervées
00:46:33qu'ils ont commencé à me menacer de mort
00:46:36et à me rechercher pour me tuer.
00:46:48Quand on est arrivé, on nous a dit que c'était une organisation
00:46:51qui défendait le peuple.
00:46:54Mais quel peuple ?
00:47:01Les filles qui arrivaient là à 10, 11, 12 ans,
00:47:04c'était de la chair fraîche pour les commandants.
00:47:12Ce que je veux dire, c'est que mon histoire n'était pas un cas isolé.
00:47:15J'ai vu beaucoup de filles qui ont vécu la même chose que moi.
00:47:25On m'a donné la nouvelle.
00:47:45Pour survivre, on a dû s'endurcir.
00:47:48De tout et avec tout le monde.
00:47:51C'est devenu normal, s'occuper des otages, les tuer le lendemain.
00:47:57Pour moi, c'est devenu un truc normal, quotidien.
00:48:00Tout ce qu'il me faisait faire, je le faisais pour survivre.
00:48:04On attendait une négociation pour notre libération depuis tellement d'années.
00:48:22L'évasion était notre seule option.
00:48:24Moi, j'avais en projet de vie de m'échapper.
00:48:31C'était ce que je voulais faire.
00:48:33Je voulais partir, rejoindre mes enfants.
00:48:35Parmi les otages, on avait tous des forces et des faiblesses.
00:48:43Mais il y avait un gars qui avait plus de difficultés physiques quand on marchait,
00:48:49et qui ne savait pas nager.
00:48:52Il s'appelle John Frank Pinchao.
00:48:56C'était la personne la moins susceptible de tenter une évasion,
00:49:00et encore moins susceptible de la réussir.
00:49:03Ce jour-là, à minuit, j'écoutais la radio.
00:49:12Et à un moment donné, une chanson est passée.
00:49:16Ça disait...
00:49:17« Pour un baisseau, la vie, en tes bras, la mort »
00:49:23Et quand j'ai entendu ces deux mots, la vie et la mort, j'ai senti que c'était un signe.
00:49:29J'ai préparé un petit sac à dos, et je me suis échappé.
00:49:34J'ai réussi à atteindre la rivière, mais je savais que les guerriers russes
00:49:40surveillaient cette zone pour empêcher une opération de libération.
00:49:44J'ai eu de la chance.
00:49:45C'était l'heure de la relève de la garde.
00:49:47J'ai pu échapper à leur attention.
00:49:49Je suis entré dans l'eau.
00:50:00Ingrid m'avait dit de ne pas me laisser emporter au milieu de la rivière,
00:50:04car même pour elle, qui savait bien nager, c'était trop difficile.
00:50:07Mais sans le vouloir, je me suis retrouvé rapidement au milieu de la rivière.
00:50:12J'ai essayé de sortir d'un côté, impossible, de l'autre, impossible.
00:50:18J'ai commencé à vraiment paniquer, une panique telle que j'ai même espéré l'espace
00:50:25d'un instant que les guerriers russes me retrouvent et me sortent de l'eau.
00:50:27Mais j'ai réussi à retrouver mon calme.
00:50:33Je me suis dit « il faut que tu continues ».
00:50:36Et j'ai réussi à nager vers une rive où l'eau était plus calme, et je suis sorti.
00:50:41Les derniers jours de mon évasion, j'ai remarqué des hélicoptères qui survolaient
00:51:05la région, et j'ai commencé à me diriger vers eux.
00:51:09J'ai aperçu un petit village, des policiers et les hélicoptères au sol.
00:51:16J'étais tellement heureux, je me suis précipité dans les bras d'un policier.
00:51:21C'était un mélange de sentiments, je ressentais la joie d'être enfin libre, mais en même
00:51:44temps je sentais aussi toute la douleur accumulée pendant toutes ces années.
00:51:49J'ai beaucoup pleuré à ce moment-là, j'ai lâché les vannes.
00:51:55Ensuite, un officier m'a tendu un téléphone satellite et m'a dit « je vous passe votre
00:52:11maman ». J'ai dit non, ce que je veux moi c'est aller sauver mes compagnons.
00:52:15Il m'a répondu « non, vous avez déjà fait votre part, laissez-nous faire le reste. »
00:52:20On aperçoit à peine son visage, mais son sourire est bien visible.
00:52:44Et il est pour sa mère.
00:52:45Six ans, quatre mois et dix-huit jours qu'elles ne se sont pas vues.
00:52:49Qu'est-ce que je vais trouver dans cette vie ? Papa n'est plus là, je sais que mon mari est
00:53:04avec quelqu'un d'autre, je n'ai pas du tout envie de revenir en politique.
00:53:10Quelle va être ma vie ? Qui je suis ? Est-ce que je pourrais être maman à nouveau ?
00:53:15Lorsqu'on capture Mélanie à 16 ans, Lorenzo à 13, et là,
00:53:22je vais voir une femme de 23 ans et un homme de 19. Est-ce qu'ils vont me reconnaître ?
00:53:39C'était inouï, inouï d'intensité, les voir, les toucher, les prendre dans les bras.
00:54:03J'imaginais qu'ils étaient très bien, mais pas aussi bien. Ils sont merveilleux, ils sont très beaux.
00:54:33Ils m'ont volé huit ans et demi de ma vie. J'ai été enchaîné, privé de liberté,
00:54:49privé de tout ce que j'aurais pu vivre. Ça, je l'ai enduré, je l'ai dépassé. Mais ils ont
00:54:55aussi fait du mal à ma famille, à mes parents, à mes soeurs, à mes neveux, à mes oncles. L'angoisse
00:55:02de ne pas savoir où j'étais les a rendus malades et les a fait vieillir prématurément.
00:55:05Moi, je n'aime pas le terme de syndrome post-traumatique. J'ai l'impression que les
00:55:17gens l'utilisent à tout va. Tout le monde dit qu'il en souffre. Eh bien, moi, je ne veux pas
00:55:21souffrir de syndrome post-traumatique. Je ne veux pas le dire aux gens. Je ne veux pas ça.
00:55:26Je dirais juste que la captivité laisse des cicatrices. Certaines s'effacent,
00:55:35d'autres restent. Je rêve encore parfois que je suis sur le point de mourir. Et dans ce cas-là,
00:55:49ce que je fais, c'est que je me force à me réveiller. Je serre mes chiots dans mes bras,
00:55:54j'embrasse ma femme et je me recouche.
00:55:56Colombie, la paix confisquée, paroles d'otages, documentaire réalisé par Julie Perard et Christophe
00:56:21Astruc, de quoi se remémorer, vous venez de le voir. Les heures sombres de la guerre civile
00:56:26larvée entre la guérilla armée des Farc et le pouvoir central dans un pays en outre toujours
00:56:31gangréné par le narcotrafic et la corruption, même s'il demeure la plus vieille démocratie
00:56:38d'Amérique latine. Et maintenant, quel avenir politique pour la Colombie ? Nous allons en
00:56:43débattre avec nos invités présents aujourd'hui sur ce plateau de débats d'octobre. Mathilde
00:56:47Dalin est tout d'abord avec nous. Bienvenue à vous. Vous êtes maître de conférence en sciences
00:56:51politiques à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine, Sorbonne. Nouvelle, c'est
00:56:57évidemment le titre de votre établissement, et chercheuse au Centre de recherche et de
00:57:02documentation sur les Amériques, le CREDA, je crois, concernant ce centre de recherche.
00:57:08Et Léonore Carois est également avec nous. Bienvenue à vous. Vous êtes députée ensemble,
00:57:13représentant les Français établis en Amérique latine et aussi aux Caraïbes, et vice-présidente
00:57:18de la Commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale. Et puis enfin avec nous,
00:57:23Kevin Partonnet. Bonjour. Bienvenue à vous aussi. Vous êtes professeur de sciences politiques,
00:57:28relations internationales à l'Université de Tours et auteur de Crise en Amérique latine,
00:57:33les démocraties déracinées 2009-2019. C'est un ouvrage qu'on peut se procurer chez Armand
00:57:42Colin. On vient de voir ce documentaire. Peut-être, avant de parler d'aujourd'hui, revenons sur cette
00:57:47fameuse période et cette guerre civile larvée, un plan des choses comme ça, entre environ 1990
00:57:55et 2016. 2016, c'est une date importante. Ce sont les accords de la Havane et qui signent finalement
00:58:01l'appel à fin de cette confrontation entre le pouvoir cendral et les Farc. On peut dresser un
00:58:07rapide bilan de ce qu'a été, et notamment un bilan humain, de ce qu'a été cette période en
00:58:12Colombie aujourd'hui ? Oui, en effet, il y a un gros travail qui a été fait par la Commission de
00:58:17la vérité. C'est une commission qui s'est réunie à la suite des accords de paix signés entre les
00:58:21Farc et le gouvernement colombien en 2016 à la Havane. Et on connaît en fait l'ampleur des
00:58:27exactions et des violations des droits humains. Et quelle est-elle, cette ampleur ? Pour vous
00:58:31donner quelques chiffres, on a par exemple 120 000 disparus, donc des personnes qui ont été tuées ou
00:58:38dont on ne sait pas en fait où se trouve leur corps. Donc c'est aussi des milliers de familles
00:58:42qui sont à la recherche d'un proche. On a plus de 50 000 personnes qui ont été séquestrées et
00:58:49on a plus de 450 000 personnes qui ont été tuées. Plus de 80 % ce sont des civils, donc c'est
00:58:56avant tout un conflit interne, plutôt contre les civils qu'une guerre civile. Et les Farc ne sont
00:59:02pas les seuls perpétrateurs des violences. Il y a d'autres types d'acteurs, des groupes paramilitaires
00:59:07mais aussi l'armée colombienne. Tout ça se sait assez bien maintenant puisqu'on a tout un
00:59:12processus de justice, de transition qui est à l'œuvre en Colombie aujourd'hui. Alors c'est
00:59:16justement la question que j'allais vous poser. Est-ce que justice sera faite concernant ces
00:59:22victimes que vous venez de dénumérer ? Alors le processus actuel c'est ce qu'on appelle la justice
00:59:27transitionnelle, donc c'est-à-dire une justice qui permette de passer d'une situation de conflit
00:59:32à une situation de paix. Le but n'est pas de punir mais plutôt de connaître la vérité, connaître
00:59:39les faits et permettre aux personnes, aux victimes de se reconstruire et surtout aux perpétrateurs
00:59:44des violences de dire aussi leur vérité sur le conflit. C'est plutôt une justice qui permet de
00:59:50pacifier la société, de réconcilier une société meurtrie depuis plusieurs années. Le processus est
00:59:56en cours, la plupart des chefs guerriéros des FARC ont accepté de faire partie de ce processus
01:00:04donc en échange de la vérité ils ont une réduction de peine et on a aussi un certain
01:00:08nombre de haut commandant de l'armée qui commencent à faire partie du processus de justice puisqu'il
01:00:13s'agit aussi de juger les crimes côté état autant que les crimes commis par les guérillas.
01:00:19On va avoir une carte pour resituer bien sûr la Colombie en Amérique latine avec sa capitale bien
01:00:25sûr Bogota. 51,2 millions d'habitants aujourd'hui en Colombie, la quatrième plus grande économie
01:00:32d'Amérique latine, la troisième en Amérique du Sud et un tout nouveau président ou presque qui a
01:00:37été élu en 2022, c'est le premier président de gauche élu en Colombie. Son nom est Gustavo
01:00:43Pedro qui veut lui instaurer une paix totale dit-il en Colombie aujourd'hui. Autrement dit,
01:00:50la paix qui avait été signée en 2016 était une forme de paix factice jusqu'à maintenant ? Non
01:00:56alors c'était pas une paix factice mais c'était une paix qui ne concernait pas tous les acteurs de
01:01:03cette situation qui était une situation de violence, de guerre civile qui a duré vous l'avez
01:01:07rappelé pendant des décennies et qui aujourd'hui malgré une nette amélioration de la situation
01:01:13depuis 2016 continue d'exister dans certains endroits du territoire colombien. Alors Gustavo
01:01:21Pedro, moi j'avais eu la possibilité en tant que député des Français d'Amérique latine et des
01:01:25Caribes d'assister à son investiture justement, écouter son discours et sa volonté d'avoir une
01:01:31paix plus globale qui inclut aussi des groupes purement criminels mais qui sur le plan géopolitique,
01:01:39géographique jouent un rôle et un rôle néfaste et donc il voulait les intégrer aussi dans ce
01:01:44processus de justice transitionnelle qui vient de nous être expliqué. Mais cette volonté de paix
01:01:50totale se heurte à des difficultés avec un certain nombre de groupes notamment l'Ejército de
01:01:56Libération Nationale, l'ELN qui est aussi un groupe guerrillero qui ne fait pas partie du
01:02:01premier processus de paix et qui aujourd'hui est toujours en pourparler mais ces pourparlers
01:02:05semblent un peu s'embourber et ça semble assez compliqué. Là aussi nous sommes concernant ce
01:02:11groupe sur un groupe d'obédience marxiste comme les Téléfarc. Oui alors avec quelques nuances et je
01:02:18laisserai peut-être les professeurs vous en dire plus mais aussi avec une partie de théologie de
01:02:22la libération mais il y a une forme de porosité entre ces groupes qui sont vraiment avec des
01:02:29fondements idéologiques qui se sont créés dans les années 60 etc et la réalité aujourd'hui qui
01:02:34est très liée il faut le dire au commerce de la drogue, au narcotrafic et à des systèmes économiques
01:02:40qui existent aujourd'hui sur ce territoire colombien et qui affectent la population et qui
01:02:44créent toujours ce cycle de la violence. On n'en est pas complètement sorti même s'il y a eu depuis
01:02:482016 on doit le dire en tout cas dans les métropoles et dans certains territoires colombiens
01:02:53une nette amélioration. C'est vrai que j'ai énuméré les principaux secteurs forts de l'économie
01:02:58colombienne mais alors au chapitre économie informelle cette fameuse économie informelle je
01:03:03sais pas très bien ce qu'on y met dedans mais vous allez nous le dire 47% de cette économie
01:03:07informelle représenterait aujourd'hui l'économie colombienne. Qu'est-ce qu'on y met justement dans
01:03:13cette fameuse économie informelle ? Comme dans beaucoup d'autres pays latino-américains ce sont
01:03:17du travail avant toute chose dans l'économie la force de travail dans les secteurs informels est
01:03:23très importante comme pour le Brésil comme pour le Pérou d'autres pays. Évidemment en terme de
01:03:30ressources vous évoquiez le pétrole vous évoquiez les minerais ça c'est des ressources qui sont
01:03:35partie prenante justement du développement de ces secteurs informels qui empruntent justement
01:03:39des routes allant jusqu'aux Etats-Unis allant jusqu'en Europe circulant le continent latino-américain
01:03:46et qui s'appuient beaucoup sur des forces humaines sur les ressources humaines et c'est ce qui je
01:03:50crois historiquement aussi beaucoup expliquer les raisons pour lesquelles vous retrouvez de la
01:03:53violence des violences armées c'est que ces ressources circulent pas uniquement par des
01:03:58machines mais par des êtres humains qui amènent justement ces denrées illicites dans d'autres
01:04:03parties du continent et qui démultiplient ce facteur violence ce facteur insécurité et ça
01:04:10c'est bon l'informalité contribue beaucoup effectivement aux enjeux de sécurité aux enjeux
01:04:14d'instabilisation en termes de sécurité humaine c'est ça qui pose le plus de problèmes. La Colombie
01:04:19se différencie d'autres pays d'Amérique latine sur ce point ou on retrouve le même phénomène dans
01:04:25d'autres pays d'Amérique latine ? On le retrouve dans d'autres pays latino-américains notamment
01:04:29en Bolivie, le Pérou, l'Équateur qui sont des pays producteurs de notamment là pour la Colombie
01:04:33dont on a parlé ce qui est évoqué dans le documentaire les feuilles de coca qui sont
01:04:37producteurs de matières qui vont générer la production de ressources illicites la drogue
01:04:42en particulier qui n'est pas consommée directement sur les territoires mais qui est consommée plutôt
01:04:46en Amérique et puis en Europe. Elle est produite, transformée en Colombie et ensuite distribuée
01:04:54à l'extérieur. Exactement, transformée en territoire et c'est ce que l'on met souvent en avant c'est que
01:05:00la production de valeur se fait à la sortie du territoire une fois que la substance a été
01:05:06transformée et qu'elle passe à la consommation dans le marché justement international des
01:05:11substances illicites c'est là qu'elle prend de la valeur et c'est là que justement on alimente des
01:05:15réseaux, des réseaux de criminalité, des réseaux de commerce illicite. Effectivement c'est un
01:05:21problème qui se trouve dans beaucoup de pays latino-américains qui ont dans leur modèle
01:05:26économique la production de ressources primaires de cette nature. Alors la culture de coca, la
01:05:30cocaïne problème numéro un semble-t-il qui gangrène le pouvoir politique, le pouvoir économique dans
01:05:36ce pays et c'est pas nouveau la preuve avec cet extrait du film que nous venons de voir où Andrés
01:05:41Pastrana qui est ancien président de la république colombien qui s'exprime.
01:05:45En 2000 je suis allé à la maison blanche pour parler au président Clinton qui m'avait invité
01:05:51et je lui ai dit que j'allais proposer un plan Marshall pour la Colombie pour lutter contre le
01:05:57trafic de drogue et que nous allions l'appeler le plan Colombie. Je lui ai dit je suis le plus
01:06:06grand producteur de cocaïne au monde et vous le plus grand consommateur. Je suis pauvre et vous
01:06:14êtes riches donc vous allez mettre de l'argent sur la table et moi aussi et nous allons éradiquer
01:06:20la drogue colombienne. Il a été président Andrés Pastrana entre 98 et 2002 autrement dit finalement
01:06:28le problème n'est pas nouveau c'est le moins qu'on puisse dire. Il était question du fameux plan
01:06:32Colombie à l'époque en association donc avec les Etats-Unis. Rien n'a changé depuis cette période
01:06:39où les choses ont vraiment évolué pour lutter justement contre à la fois la culture la
01:06:44transformation de la cocaïne et la distribution de la cocaïne dans les pays soit l'Amérique qui
01:06:49était un grand consommateur qu'il est peut-être un peu moins aujourd'hui et l'Europe aujourd'hui.
01:06:53Alors rien n'a changé la production de cocaïne est encore plus importante aujourd'hui donc
01:07:00aujourd'hui les producteurs de cocaïne sont devenus plus performants c'est à dire qu'on produit plus
01:07:07sur un hectare donc une productivité en hausse et les transformations donc les laboratoires où
01:07:13on transforme la cocaïne sont aussi devenus plus efficaces. Si on revient sur cet extrait là on
01:07:18est en train de parler du plan Colombie mais en fait finalement la participation des Etats-Unis
01:07:22dans le conflit colombien elle est plus ancienne elle s'ancre aussi dans une volonté des Etats-Unis
01:07:26de contenir les guérillas, les idéaux révolutionnaires et dans une politique anticommuniste
01:07:31donc on revient toujours à une intervention états-unienne autour de l'anticommunisme qui va
01:07:36se transformer en une politique antidrogue avec vraiment une aide financière très importante
01:07:41l'armée colombienne devient une armée de métiers très équipés grâce en partie à l'aide états-unienne
01:07:48qui sont des financements très importants mais il faut aussi...
01:07:52Si j'entends bien ce que vous me dites, finalement c'est un échec, production record de cocaïne en 2023 en Colombie
01:08:01En fait c'est qu'il faut revenir aux raisons je pense un peu structurelles pourquoi les
01:08:04personnes produisent de la feuille de coca en fait à l'origine c'est surtout un échec de
01:08:09développement puisque les personnes qui produisent, ce sont des paysans qui produisent la
01:08:13feuille de coca, ce sont des personnes qui vivent dans des zones très éloignées, très peu de
01:08:17ressources alors par nécessité économique mais aussi par contrainte parce qu'on est dans
01:08:22des secteurs vraiment très violents où il y a une forte contrainte pour produire et donc ces
01:08:27personnes-là elles ne gagnent que très peu finalement et elles n'ont pas d'autre possibilité
01:08:31de produire autre chose que de la feuille de coca donc la possibilité avait été ouverte avec les
01:08:35accords de la Havana justement de permettre aux personnes de produire autre chose avec des
01:08:41financements justement dirigés vers la transformation des campagnes c'est là peut-être
01:08:45qu'est le coeur finalement. Dans le cadre d'une réforme agraire. Bien sûr la clé de la
01:08:49transformation pourquoi les personnes produisent et après pourquoi les personnes consomment c'est
01:08:52une autre question. Le bilan concernant cette lutte contre la production, la transformation
01:08:59de cocaïne sur place. C'est difficile de faire un bilan parce que c'est un processus qui est un
01:09:04processus en mouvement et qui finalement est un processus international. Il est long en tout cas.
01:09:09Il est long et il nous concerne en fait et c'est ça qui est important parce qu'on a l'impression
01:09:13qu'on est en train de parler d'un pays qui est très éloigné duquel finalement en France on
01:09:18connaît assez peu de choses mais ça nous concerne directement parce que ce qui fait qu'une culture
01:09:23en Colombie soit rentable pour un paysan colombien c'est aussi que le commerce international soit
01:09:31équitable c'est aussi qu'il soit payé à son juste prix c'est qu'il soit plus rentable de produire
01:09:36du café ou du cacao que de produire par exemple de la feuille de coca et de la même façon
01:09:43on l'a dit le narcotrafic c'est un phénomène international le consommateur il se trouve pour
01:09:48sa grande majorité en dehors de la Colombie donc il y a aussi une responsabilité ou en tout cas une
01:09:53nécessité de coopérer à l'international pour contrer ce fléau et je pense qu'on regarde souvent
01:10:01ce qui se passe sur notre territoire les effets du narcotrafic en France qui sont réels et qui
01:10:05sont malheureusement de plus en plus visibles avec une délocalisation de cette violence du
01:10:10narcotrafic sur notre territoire mais en réalité cette violence elle existe depuis des décennies
01:10:15en Amérique latine et je pense que pour la combattre il faut la combattre de manière
01:10:19coordonnée et que la coopération internationale sur ce plan là est essentielle.
01:10:24L'influence du narcotrafic en Colombie on a vu dans ce documentaire que les FARC prenaient
01:10:30enregistré des dimes de l'impôt sur ce trafic sur le marché intérieur et là on n'a pas on n'est
01:10:37plus du tout dans le combat politique on est sur du narcotrafic pur et simple est-ce que les choses
01:10:41continuent est-ce que la cocaïne alimente à nouveau d'autres guerriers armés qui subsistent
01:10:46vous l'avez dit aujourd'hui dans le pays ?
01:10:49Oui c'est un phénomène qui continue tant que c'est ce que Mathilde Allain expliquait tant que la production ne change pas la finalité de l'usage de cette production ne va pas changer non plus elle va continuer à alimenter des réseaux ce qui est très bien montré dans le documentaire c'est aussi la très grande difficulté de l'état à contrôler une partie du territoire
01:11:06et dès lors que sur cette difficulté de contrôle territorial par l'état avec l'existence de groupes justement qui essayent de survivre
01:11:16c'est un point qui est bien montré dans le documentaire ce sont ces groupes là et les FARC à l'époque cherchaient à survivre et pour alimenter leur capacité à agir
01:11:26ils devaient tirer profit d'un commerce qui était certilicite mais à partir du moment où ces groupes continuent à exister vous avez des ressources qui sont recherchées pour cela
01:11:35donc ça continue et puis comme on l'a tous rappelé cette problématique elle est profondément transnationale et tant que les consommateurs continueront à exister c'est des réalités qu'on n'arrivera pas à faire disparaître
01:11:50et on parlait à l'instant des initiatives nécessaires de coopération internationale je crois que si ça continue à exister en Colombie les réponses qui doivent être apportées doivent largement dépasser la Colombie
01:12:02c'est l'Amérique latine mais c'est également les Etats-Unis, c'est l'Europe, ce sont des alliances ad hoc ou plus pérennes mais internationales qui doivent s'établir, se forger pour pouvoir combattre le phénomène
01:12:15Gustavo Petro dont on a parlé tout à l'heure, président de la Colombie depuis 2022, que met-il en place concrètement pour lutter contre ce narcotrafic dans son pays aujourd'hui ?
01:12:25En interne au niveau de la Colombie il a ouvert un processus qui s'appelle la paix totale, cette volonté qui a déjà été un petit peu évoquée de dialoguer avec tous les groupes, c'est l'idée de dire il faut de toute façon ouvrir des cycles de négociations avec tous les groupes
01:12:38Alors tous les groupes, les groupes politiques, obédiences politiques mais aussi les narcotrafiquants où les deux se mélangent ?
01:12:44La proposition c'est celle d'ouvrir des négociations avec tout le monde, alors la difficulté c'est qu'on ne parle pas de la même façon avec un groupe qui a des vocations politiques ou des idéaux qu'avec un groupe armé qui base son activité uniquement sur le narcotrafic
01:13:01Mais on a pu voir que les politiques qu'on dit de mano dura donc un peu fortes ne permettent pas non plus d'indiquer ce phénomène. Aujourd'hui dans le nord de la Colombie on a 30 000 militaires qui sont dédiés à la lutte contre le narcotrafic et on voit qu'en fait ça n'a aucun impact sur la situation
01:13:18Les voies d'acheminement de la cocaïne sont modifiées, on est face à des entreprises transnationales qui sont très fluides, qui s'adaptent, qui coopèrent, on n'est plus face à des grands cartels comme on pouvait avoir avec Pablo Escobar
01:13:31Comment ne pas citer le nom de Pablo Escobar dans cette émission dédiée à la Colombie, décédé et tué par les forces armées centrales en 93
01:13:42En fait les têtes ne sont plus si facilement identifiables, on est face à des petits groupes qui vont se recomposer donc il est extrêmement difficile de nous lutter contre cette fluidité. On voit que les voies changent rapidement, l'équateur est maintenant aussi en proie à des scènes de violence depuis un ou deux ans, notamment parce que les ports d'acheminement sont ceux de l'équateur actuellement
01:14:05Qu'est-ce qu'on propose à ceux qui sont autour de la table et parmi eux des narcotrafiquants du côté du pouvoir central colombien justement pour un temps soit peu modifier la situation, mettre en place des cultures subsidiaires, une activité économique subsidiaire ? Qu'est-ce qu'on propose à des narcotrafiquants quand on les a autour d'une table aujourd'hui en Colombie ?
01:14:26C'est là où c'est très compliqué et où c'est difficile à accepter par une partie de la population colombienne parce qu'on est en train de parler de personnes qui sans aucun doute se sont livrées à des opérations criminelles et parce qu'on a un pays qui est extrêmement meurtri. Il n'y a pas un Colombien avec qui on parle, c'est très empirique mais c'est assez réel, on peut le vérifier avec les chiffres, qui n'a pas dans sa famille, dans son cercle proche, quelqu'un qui a été soit kidnappé, soit tué, soit disparu.
01:14:56Donc le processus de paix c'est un processus long. Les accords dont on parlait de 2016, c'est vrai que ça va faire dix ans mais en réalité dix ans c'est rien lorsque l'on voit le degré de violence, l'intensité et surtout à quel point c'est quelque chose qui est présent dans toute la société colombienne.
01:15:13Donc aujourd'hui ce processus de paix est à la fois je pense souhaité par une grande partie de la population parce qu'on se rend compte que malgré les accords de 2016, la violence continue et même elle s'accroît dans certaines zones, dans certains territoires.
01:15:28On a des personnes qui reprennent les armes, des groupes qui se recomposent et en même temps la solution n'est pas évidente parce que ce processus justement de pardon, de dialogue est un processus difficile et je pense que c'est assez bien montré dans le documentaire,
01:15:41surtout avec la jeune fille à la fin qui a perdu son père et qui se réjouit de ce qu'il y a un dialogue et une forme de paix, de processus judiciaire mais qui semble pas complètement convaincu.
01:15:55Et je pense que c'est un peu à l'image de cette société colombienne qui veut cette paix totale mais qui n'est pas prête à tout pardonner à tout le monde aujourd'hui et je pense qu'on peut les comprendre.
01:16:04Est-ce que cette population colombienne compte tenu de tout ce qui s'est dit là croit encore à la démocratie ? On a l'impression qu'on a une démocratie qui est toujours sur le fil en Colombie et c'est pourtant la plus ancienne démocratie d'Amérique latine.
01:16:17Alors je crois que quand on regarde la Colombie par les chiffres, fort heureusement c'est un des pays qui ne sombre pas dans l'attachement à la démocratie.
01:16:25Je crois qu'il faut s'en réjouir toujours parce que beaucoup de pays ont tendance à décliner dans l'idée de savoir si la démocratie au final est le meilleur des régimes pour pouvoir gouverner.
01:16:33On voit quand même une chute assez significative dans beaucoup de pays.
01:16:36La Colombie tend à résister et je crois pour une bonne raison, c'est qu'on a vécu il y a quelques années avec l'élection de Gustavo Petro une alternance qui était historique pour le pays.
01:16:46Première fois de l'histoire du pays qu'un président de gauche dans une coalition de centre-gauche arrive au pouvoir dans un moment où la situation politique du pays était quand même très agitée.
01:16:55Énormément de protestations sociales, différents secteurs qui s'étaient développés dans les années-mois qui précédaient les élections.
01:17:03Et on a eu une élection qui a permis de canaliser la demande sociale avec une alternance et puis une contre-proposition sociétale.
01:17:10Ça je crois que ça fait partie quand même d'une des bonnes garanties de la vitalité de la démocratie dans le pays.
01:17:15Même si on l'a vu, le documentaire Le Monde, rien n'est parfait.
01:17:19Il y a beaucoup de problèmes institutionnels, économiques, d'inégalités sociales.
01:17:24Mais sur le plan de la confiance dans les institutions, alors encore que la confiance, on pourrait discuter longtemps dessus, mais confiance dans les institutions
01:17:32ou robustesse de l'État à faire en sorte qu'un gouvernement démocratique reste légitime et soit en place.
01:17:38Je crois qu'en Colombie, on n'est encore pas si mal placé.
01:17:42C'est aussi votre avis ?
01:17:44Oui, c'est tout le paradoxe colombien. Il y a un attachement fort...
01:17:47En tout cas, avec notre regard, nous Français, je dirais même Européens sur ce pays.
01:17:51Oui, c'est tout le paradoxe. Il y a un attachement très fort en Colombie aux institutions.
01:17:55Les institutions, globalement, elles fonctionnent, notamment les institutions liées à la justice, elles fonctionnent bien.
01:18:00On voit qu'on a un processus de paix très moderne qui fait figure même par beaucoup d'exemples
01:18:05avec des processus vraiment très novateurs.
01:18:08Et en même temps, on a cet État, alors solide en termes institutionnels, mais qui n'arrive pas à être présent sur tout son territoire.
01:18:15Donc en fait, il y a vraiment un problème aussi de présence de l'État dans tous les villages, dans tous les endroits de Colombie.
01:18:21Et c'est là vraiment que le bas blesse.
01:18:23Son rapport avec, on va peut-être revoir la carte un instant, cette proximité avec le Venezuela et évidemment avec le régime Maduro-Chavez hier.
01:18:31Maduro, aujourd'hui, il y a eu une émigration, visiblement émigration, je dis bien importante, du Venezuela en Colombie.
01:18:38Je crois que c'est de l'ordre de 2 millions de personnes.
01:18:40Est-ce que ça peut déstabiliser un tant soit peu, justement, la situation économique et sociale de la Colombie aujourd'hui ?
01:18:46Cette émigration auquel on assiste venant de la Venezuela et du régime, aujourd'hui, Maduro ?
01:18:52Alors en effet, c'est des flux très importants parce que la plupart, une grande partie des Vénézuéliens,
01:18:57va d'abord en Colombie avant d'être vraiment dispersés dans toute l'Amérique latine.
01:19:01C'est un phénomène régional, c'est vraiment massif.
01:19:03C'est l'un des plus grands phénomènes migratoires pour l'Amérique latine.
01:19:07C'est impressionnant.
01:19:09La Colombie a aussi une longue culture d'accueil.
01:19:11Les Vénézuéliens et les Colombiens sont très proches culturellement.
01:19:13Donc dans un premier temps, il y a vraiment eu une dynamique d'accueil qui, parfois aussi, peut être instrumentalisée politiquement,
01:19:19comme dans d'autres contextes.
01:19:21Donc la question migratoire reste forcément question importante.
01:19:24Il faut rappeler que la Colombie a connu aussi 8 millions de déplacés internes.
01:19:28Donc les flux de population, la Colombie connaît.
01:19:32Et on a des institutions qui savent aussi faire face à ce type de situation.
01:19:35Et finalement, les Vénézuéliens se sont insérés progressivement dans la société colombienne.
01:19:40On a évoqué les secteurs économiques qui sont porteurs pour ce pays, notamment aussi et surtout l'hydrocarbure.
01:19:46Il y a un schéma post-hydrocarbure aujourd'hui en Colombie.
01:19:52Est-ce qu'on peut arriver à des résultats dans ce domaine ?
01:19:56Et à quel prix ?
01:19:57Ça semble un secteur qui compte beaucoup sur le plan économique en Colombie.
01:20:00Ça compte beaucoup, effectivement.
01:20:01La question est très bonne.
01:20:03C'est une des grandes questions qui occupe beaucoup des pays de la région,
01:20:06tous les pays qui sont dotés notamment de ressources hydrocarbures.
01:20:09Le Venezuela également.
01:20:11Le Venezuela également, mais le Brésil aussi.
01:20:13Ça va toujours essayer de naviguer sur cette ligne très étroite entre profiter de l'extractivisme,
01:20:19le modèle d'extraction des ressources, ou essayer d'avoir un autre modèle de développement.
01:20:23Mais d'un autre côté, ça incite à ne pas tirer profit de ce qui fait la valeur la plus importante en termes de ressources.
01:20:32Parce que c'est aussi une société très inégalitaire, vous l'avez dit tout à l'heure.
01:20:35Exactement, et je crois que c'est le point qui a la racine de tout ce dont on a parlé jusqu'à aujourd'hui,
01:20:39l'inégalité, voire même les origines de ce mouvement des FARC dont il est question dans ce document-là.
01:20:45Les inégalités restent toujours extrêmement présentes.
01:20:47Le modèle de développement qui est derrière est essentiel.
01:20:51Et vous le voyez comment, ce modèle de développement ?
01:20:54Aujourd'hui ?
01:20:55Oui.
01:20:56Aujourd'hui, c'est un modèle de développement qui est très pragmatique,
01:20:59qui continue à tirer profit essentiellement du commerce,
01:21:02commerce des ressources dont on a parlé, justement,
01:21:04qui est, on va dire, dépendant d'une trajectoire.
01:21:08En sciences politiques, on parle de dépendance au sentier,
01:21:11c'est-à-dire d'un chemin dont on a peine à s'écarter, une fois qu'il est tracé,
01:21:14un chemin de développement plutôt néolibéral, avec une forte ouverture de l'économie,
01:21:18parce que la valeur ajoutée pour le pays, elle est dans l'exportation de ses ressources.
01:21:24Donc oui, il y a des politiques publiques visant la décarbonation,
01:21:29visant la transition environnementale qui existe.
01:21:32Malgré tout, en termes macroéconomiques,
01:21:35le modèle prédominant, à mon avis, reste et restera encore pendant pas mal d'années,
01:21:42celui d'un programme plutôt libéral, voire même néolibéral.
01:21:46Je vois que ça fait réagir, on commence par vous, on finira par vous.
01:21:49Il nous reste assez peu de temps.
01:21:51Oui, alors Gustavo Petro, quand il est arrivé au pouvoir,
01:21:54a proposé justement de sortir de l'extraction,
01:21:56ça veut dire arrêtons d'extraire des ressources naturelles pour les exporter.
01:22:00C'est un programme qui est plutôt novateur,
01:22:02pour un président de gauche latino-américain en tout cas,
01:22:05parce qu'il y a une veine écologiste assez forte.
01:22:07Cependant, à mettre en pratique, c'est plus compliqué,
01:22:09notamment quand il y a cette dépendance très forte,
01:22:11qu'a bien expliqué Kevin Partenay.
01:22:13Mais il faut voir aussi que les impacts environnementaux
01:22:16sont très forts de ces différentes économies.
01:22:19Et on n'a pas parlé, on voit beaucoup de très belles images des forêts
01:22:22dans ce reportage, mais il y a vraiment un impact aussi sur l'Amazonie,
01:22:27qui est ce poumon de la planète qui nous concerne tous.
01:22:29Donc, il y aurait aussi beaucoup à faire pour accompagner aussi la Colombie
01:22:34dans la préservation de cet environnement qui est le sien,
01:22:37mais aussi le nôtre.
01:22:38Et toutes ces économies, finalement,
01:22:40elles ont un impact très fort sur cet environnement.
01:22:43Oui, j'allais aller dans ce sens-là,
01:22:45parce qu'il y a une véritable volonté politique
01:22:47qui a été affichée dès sa prise de fonction.
01:22:50La Colombie a été le pays hôte de la COP16 il y a quelques mois.
01:22:55C'est un des pays qui a la plus grande biodiversité.
01:22:57C'est un pays amazonien, il y a des espèces endémiques.
01:23:00Mais à côté de ça, on voit que c'est un pouvoir
01:23:02qui est aussi fragilisé,
01:23:04qui n'a pas le soutien de son Parlement
01:23:07et qu'il est difficile,
01:23:09lorsque l'on a une dépendance économique telle
01:23:11et lorsque l'on s'est construit sur ce modèle économique,
01:23:14de sortir complètement, de changer de modèle radicalement
01:23:17et de véritablement préserver ces écosystèmes.
01:23:22Alors, il y a aussi une volonté par rapport aux océans.
01:23:25Beaucoup d'initiatives.
01:23:26On aura la conférence de Lunoc qui se tiendra en juin à Nice.
01:23:30La Colombie est aussi un pays qui est très actif.
01:23:33Lunoc, c'est la conférence des Nations Unies pour les océans,
01:23:37qui est vraiment majeure cette année.
01:23:39Ce n'est pas parce qu'elle se passe à Nice et en France,
01:23:41mais parce que l'idée, c'est d'avancer
01:23:43avec le traité de protection de la haute mer.
01:23:45Je parle de ça parce que c'est un des exemples
01:23:47dans lesquels la Colombie, comme d'autres pays latino-américains,
01:23:49ont vraiment un rôle de leader.
01:23:51Je pense qu'ils font des choses,
01:23:53mais qu'ils ne font pas autant que ce qu'ils pourraient
01:23:55ou peut-être voudraient faire du fait d'un blocage politique réel
01:23:58qui existe dans ce pays aujourd'hui.
01:24:00Je précise, juste avant de finir, c'est la fin de cette émission,
01:24:02vous avez présenté ce documentaire
01:24:04que nous avons eu, nous, le plaisir de présenter
01:24:06dans cette émission. Vous l'avez, vous aussi,
01:24:08présenté à l'Assemblée nationale, il y a quelque temps maintenant.
01:24:10C'était pour sensibiliser la représentation nationale
01:24:13sur cette question colombienne.
01:24:15Il y avait un objectif particulier ?
01:24:17Oui, absolument. Je pense que c'est très important
01:24:19de parler de la Colombie. C'est un pays fascinant
01:24:21que je porte dans mon coeur,
01:24:23mais aussi parce que cette question de la justice transitionnelle
01:24:25ou restauratrice
01:24:27est quelque chose qui est assez universel.
01:24:29Je pense que de parler de la Colombie,
01:24:31on peut parler du monde et des conflits
01:24:33que l'on voit dans d'autres endroits,
01:24:35dans d'autres géographies.
01:24:37La fameuse justice post-accord de 2016 de la Havane,
01:24:43dont on a parlé au tout début de notre échange.
01:24:45Merci, un grand merci vraiment
01:24:47à tous les trois d'avoir été sur ce plateau aujourd'hui
01:24:50pour parler de la Colombie,
01:24:52ce pays parfois méconnu des Français
01:24:55et plus largement des Européens.
01:24:58Vos réactions, ça sera sur hashtag débadoc,
01:25:00bien entendu.
01:25:02Merci aussi à Félicité Gabalda,
01:25:04Victoria Bellé, qui m'ont aidée à préparer cette émission.
01:25:06Prochain rendez-vous avec Débadoc,
01:25:08même place, même heure,
01:25:10et toujours avec son documentaire et son débat.
01:25:12A très bientôt.
01:25:28Sous-titrage Société Radio-Canada