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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Mon cher Robert, aucun commentaire à propos du dossier extraordinaire que Jacques-Antoine
00:16nous propose aujourd'hui. C'est l'un des plus époustouflants que nous ayons eu depuis le
00:21début de ces émissions et qui démontre que plus la société humaine s'organise et se polie,
00:27plus elle côtoie l'absurde.
00:31Le 30 juin 1926, le capitaine d'un bateau à vapeur naviguant sur le Danube manœuvre
00:58prudemment près des piliers d'un pont qui enjambe le fleuve et relie le centre de Vienne
01:04au faubourg du nord-est. Le chronomètre de bord indique qu'il est passé midi, il fait chaud et
01:12l'air est chargé d'humidité. Soudain, le regard du capitaine se fixe comme hypnotisé sur la berge
01:22longeant le fleuve en amont. Ce qu'il voit de quoi faire frémir, une jambe nue, d'homme ou de femme,
01:32légèrement enflée, que le courant pousse vers la rive. Horrifié, le capitaine alerte le plus
01:43rapidement possible la police viennoise et celle-ci demande l'aide des pompiers. Une heure
01:49plus tard, la trouvaille macabre est amenée à terre. Tard dans la soirée du même jour, au siège
01:57de la police judiciaire viennoise, le chef de la police examine un mince dossier, le rapport
02:02rédigé en toute hâte par l'institut de médecine légale de la ville de Vienne. La jambe, peut-on
02:09lire dans ce rapport, n'a séjourné dans l'eau que 30 heures au plus mais au moins 20 heures. Elle
02:16appartient à un homme d'âge moyen, une constatation qui se révélera fausse par la suite. L'amputation
02:23a été pratiquée tout près de l'articulation de la hanche, elle a été exécutée assez adroitement,
02:28voire par un homme du métier mais non par un médecin. Par conséquent de l'avis du chef de la
02:34police judiciaire, la farce macabre de quelques étudiants en anatomie doit être écartée et tout
02:39laisse à supposer que l'on se trouve en présence d'un crime. Commissaire Fonck prévient le chef
02:46de la police que l'enquête sera difficile tant que l'identité de la victime ne sera pas établie.
02:52En passant au crible les cas de disparition et si la disparition de cette victime a été signalée à
02:57la police, on pourra aller de l'avant mais on va de toute façon perdre par là un temps précieux
03:04et donner aux meurtriers la possibilité de brouiller les pistes et de se mettre à couvert. C'est pourquoi
03:09le commissaire Fonck exprime son avis, bien que les expériences de collaboration avec le public
03:15ne soient généralement pas très positives, la presse devrait publier l'affaire dans tous ses
03:21détails et avec le plus grand battage possible. Mais si le commissaire Fonck, chargé de l'enquête,
03:27avait compté sur le hasard, il n'avait pas escompté le concours des circonstances absolument
03:34incroyables qui devaient lui livrer le meurtrier le jour même. En effet, dans les premières heures
03:42de l'après-midi du 1er juillet 1926, l'acteur viennois Raymond Foureur fait sa promenade habituelle
03:49sur la rive du canal du Danube. Comme la plupart des Viennois, ses pensées tournent autour des
03:56détails horribles que les journaux du matin ont publiés à propos de la découverte macabre. Il se
04:01dit que la police devrait observer toutes les personnes qui se conduisent de façon suspecte
04:06au bord du fleuve car, pense-t-il, le meurtrier n'a peut-être pas encore jeté à l'eau toutes les
04:11parties du cadavre et il est possible qu'il s'efforce de le faire maintenant que son crime a
04:15été découvert. Et tout en se faisant ces réflexions, il regarde machinalement un homme assis au bord du
04:25canal et l'homme manipule un gros paquet. Cet homme, se dit l'acteur, manie ce paquet d'une
04:35manière suspecte. Et maintenant, mais... Mais grand Dieu ! Il l'a laissé tomber à l'eau ! Et
04:43comme si les furies étaient à ses trousses, Raymond Foureur remonte en courant le talus
04:47jusqu'au quai qui borde le canal et la première personne sur laquelle il tombe est un sergent de
04:51ville. Bégayant d'émotions, il lui fait part de ce qu'il a vu. Ne s'agirait-il pas de l'assassin ?
04:57Pour l'agent paisible, cette déduction paraît quelque peu échevelée mais il accompagne tout
05:03de même Foureur à l'endroit où l'inconnu manipulait son paquet. Et là, brusquement, l'agent est saisi
05:09d'un pressentiment. Il commence à comprendre que dans Vienne qui compte des millions d'habitants,
05:13il pourrait bien être le témoin d'un enchaînement de circonstances incroyables car au moment où
05:18l'inconnu voit venir vers lui les deux hommes et qu'il reconnaît l'uniforme de la police, il prend
05:23la fuite. Presque convaincu maintenant que leurs soupçons sont fondés, les deux poursuivants se
05:27mettent à courir, une rue puis une autre, enfin l'homme est rejoint. Il se tient là, tremblant,
05:33incapable de dire un mot et ses mains étreignent convulsivement un sac tâché de sang. On lui
05:41demande « Qu'aviez-vous dans ce sac ? » « Un chat mort, dit-il. Je l'ai jeté dans le canal. »
05:50Au siège de la police judiciaire où l'homme appréhendé a été conduit,
05:56Fonck travaille calmement selon la routine et en bon ordre. L'accusé est laid, son aspect
06:04reconnaissons-le est repoussant, ses yeux sont troubles et sans expression. Fonck établit tout
06:10d'abord l'état civil du prévenu. Il s'appelle Johan Vipassinger. Il habite le deuxième arrondissement
06:17de Vienne. Il est bouché, âgé de 48 ans, marié à Marie Vipassinger, 52 ans. Il est père de deux
06:27enfants mineurs et d'une fille illégitime de 17 ans. Il a déjà subi plusieurs condamnations pour
06:33vol et lésions corporelles sans gravité. Entre temps, le prévenu s'est tout à fait calmé. Fonck
06:39lui donne une cigarette et une tasse de café. Fonck, qui a l'expérience de ces problèmes,
06:44s'attend à un interrogatoire pratiquement ininterrompu de plusieurs jours. Mais il se
06:49trompe. « Comment s'appelle votre fille naturelle et où habite-t-elle ? » demande-t-il au suspect.
06:55« Elle se nomme Caroline Spesslechner », répond-il. « Je ne sais pas où elle habite. Elle doit avoir
07:0417 ans maintenant, si elle est encore en vie. » « Comment, si elle est encore en vie ? »
07:11« Parce qu'elle a disparu. » réplique Vipassinger.
07:17Fonck reste court un instant. Serait-il prêt de résoudre l'énigme que pose l'identité de la
07:24victime ? L'appareil judiciaire se met en marche et quelques minutes plus tard, cet espoir est
07:28dissipé. On a en effet signalé la disparition de Caroline Spesslechner, mais c'était le 27 mars
07:341925, c'est-à-dire 15 mois plus tôt. Cependant, la femme du suspect,
07:40convoquée par la police, demeure également introuvable. « Où est votre femme Marie ? » demande
07:46Fonck au boucher. Il répond qu'il ne sait pas. « Qu'il l'a assommée. » « Ah bon ? » « Puis,
07:57dépecer le cadavre. » « Ah bon ? » « Et jeter les diverses parties dans le danum. » « Qui a un
08:10don ? » Complètement décontenancé, Fonck demande « Mais pourquoi avez-vous tué votre femme ? »
08:17« Je ne l'ai pas tuée, » répond sentencieusement le meurtrier. « Je l'ai seulement assommée. »
08:23D'après lui, elle avait été hargneuse et grossière toute sa vie. Le 28 juin, une fois de plus,
08:29les deux époux s'étaient querellés. La femme l'avait menacée avec un couteau de cuisine. Pour
08:33se défendre, il avait saisi un hachoir et lui avait fendu le crâne. Il avait pensé qu'il
08:38allait être enfin tranquille et avait caché le cadavre sous son lit. Mais le lendemain matin,
08:42il avait « senti » qu'il fallait faire quelque chose. C'est alors qu'il avait découpé le
08:47corps en six morceaux. L'instruction avance à grands pas. On apprend que Vapassingère avait
08:54violé sa fille Caroline Spieslechner alors qu'elle était âgée de 16 ans. Lorsque la victime en eut
08:59fait part en pleurant à des tiers, elle disparut soudainement sans laisser de traces. Depuis 15
09:05mois, les bruits selon lesquels Vapassingère aurait tué sa fille et fait disparaître son
09:09corps s'étaient faits de plus en plus insistants chez les voisins et certainement sa femme avait
09:13dû être mise au courant. Mais si au cours de l'instruction, Vapassingère avoue l'inceste,
09:18il rejette avec indignation l'idée qu'on pût le soupçonner d'avoir tué sa fille et fait
09:22disparaître son cadavre. Qu'importe, pour le commissaire Fonck et pour le juge d'instruction,
09:27le meurtre de sa femme qui est prouvé et qu'il a avoué suffira à le faire condamner.
09:33Et c'est alors, chers amis, oui c'est alors que l'inimaginable va se produire.
09:44Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
09:50Avant d'en arriver à l'incroyable, voyons le procès. Johan Vapassingère, le meurtrier horrible
09:57de sa femme dont le nom est prononcé avec épouvante par les Viennois, comparaît devant
10:01ses juges le 21 décembre 1926. Il est accusé d'avoir assassiné sa femme Marie et d'avoir commis sur sa
10:08fille mineure, illégitime Caroline Spichleschner, les délits d'incitation à la débauche et d'inceste.
10:14Faute de preuves, on ne peut l'accuser d'avoir assassiné cette dernière. Dès la lecture de
10:21l'acte d'accusation, Vapassingère éclate de rire. Le président s'adresse à lui. « Vous
10:27paraissez vous amuser beaucoup », l'accusé. « Quand j'entends que je suis un grand criminel,
10:33je ne peux m'empêcher de rire, puisque je n'ai jamais fait de mal à personne. » Le président
10:39montra l'acte d'accusation qui se trouve devant lui. « Pourtant, d'après ce dossier, on peut
10:45dire que vous êtes l'une des plus sombres figures de ce temps », l'accusé. « Je suis devenu depuis
10:51que j'ai tué ma femme, mais avant j'étais l'être le plus inoffensif de Vienne. » Et il s'écrit
10:56devant les yeux au ciel. « Oh, cette femme, cette maudite femme ! » Le président. « Mais pourquoi
11:03avez-vous vécu à Vienne sous un faux nom entre 1914 et 1920 ? » « Je suis pacifiste et je ne voulais
11:10pas participer à la guerre. » Le président. « Pourquoi avez-vous tué votre femme ? » L'accusé.
11:17« Je ne l'ai pas tuée. Je l'ai seulement assommée pour me défendre. Elle est morte au combat. » Le
11:23président. « Voilà une déclaration qui ne cadre pas avec votre pacifisme. Enfin, décrivez-nous
11:29les circonstances de la mort de votre femme. » D'après l'accusé, sa femme le menaçait avec un
11:35long couteau de cuisine. En reculant, il se réfugia dans la cuisine, saisit un hachoir avec
11:41lequel il la frappa la tête. Elle s'est écroulée et il a crié « Marie, qu'est-ce que je t'ai fait ? »
11:47Il a voulu laver la blessure, mais a constaté que des matières cérébrales sortaient de la
11:52plaie. Peu après, elle mourait. Il disait avoir pleuré amèrement, puis il cacha le corps sous
11:58le lit. Enfin, il a décidé de faire disparaître le cadavre et de répondre, au cas où la police
12:02viendrait l'interroger, que sa femme était partie pour la campagne. Il ne savait pas où. Il n'avait
12:07pu se résoudre à se livrer à la police parce qu'il ne voulait pas se séparer de ses enfants.
12:11« Monsieur le Président, vous êtes donc un père si aimant ? » L'accusé acquiesce de la tête,
12:19sans répondre. Connaissant bien son métier de boucher, il décida de dépecer le cadavre car
12:25l'odeur était déjà si pénétrante qu'il avait dû dire aux enfants d'ouvrir les fenêtres. Il avait
12:29donc scié d'abord les jambes, puis les bras et enfin la tête, afin de jeter séparément les
12:34morceaux dans le danube. Pendant son absence, il avait caché les restes du cadavre dans le
12:38placard de la cuisine et il avait cloué les portes. « Le Président, avez-vous posé le cadavre
12:44sur la table pour le dépecer ? » L'accusé. « On n'a pas besoin d'une table pour faire ça. Je l'ai
12:50fait par terre. » « Le Président, et qu'avez-vous fait des viscères ? » « Oh, je les ai laissés
12:57dedans. Je n'ai sorti que la vésicule biliaire. Je voulais voir si elle était très grosse,
13:02parce que Marie était toujours si mauvaise. » « Le Président, vous n'avez donc pas éprouvé de peine,
13:09c'était... enfin, c'était quand même votre femme. » L'accusé qui ne comprend pas. « Pourquoi ? Elle
13:15était déjà morte. » Un juré demande alors à lui poser une question. « Vous dites que votre femme,
13:21vous avez déjà attaqué à plusieurs reprises. Que faisiez-vous dans ce cas ? » L'accusé. « Je me
13:26sauvais. » Le juré. « Et pourquoi ne vous êtes-vous pas sauvé le 28 juin ? » L'accusé se
13:33tait. « Le Président, pourquoi, en vous défendant, vous avez frappé à la tête, et non pas sur les
13:40mains, par exemple ? » L'accusé. « Quand on est affolé, on ne sait plus ce qu'on fait. » Le Président.
13:47« Était-ce de la légitime défense ou de l'affolement ? » L'accusé. « Les deux. » Hans,
13:56le fils de l'accusé âgé de quinze ans, s'était comme témoin tendre de décharger son père. Il
14:00indique que sa mère l'avait également menacé avec un couteau, mais qu'il lui avait tordu la main
14:04et que le couteau lui avait échappé. Le Président. « Le garçon a pu lui faire lâcher le couteau,
14:11tandis que vous, vous avez dû vous servir d'un hachoir. » L'accusé. « Oui, mais avec moi. » Elle
14:17s'est montrée plus violente. L'accusé n'y avoir commis un inceste sur la personne de sa fille.
14:23Il rétracte ses aveux précédents à ces termes. « J'ai signé pour que la police me laisse tranquille. »
14:28L'avocat principal de la défense, le docteur Paul Stern, pour étayer sa thèse d'un homicide dû à
14:35l'affolement, cite une série de témoins qui s'accordent pour affirmer que la victime était
14:40une femme méchante, haineuse, alors que l'accusé avait toujours paru calme et réfléchi. Enfin, il
14:45tente de réfuter l'accusation d'inceste et d'incitation à la débauche en mettant en doute
14:49la sincérité des témoins et il affirme que l'accusé a été séduit plutôt qu'il n'a séduit.
14:55Le médecin légiste donne son avis. « La manière dont le dépeçage du cadavre a été effectué,
15:01rappelle celle du boucher, le procédé est à peu près le même que celui qu'on emploie pour un
15:06porc. » L'avocat de la défense affirme « Le dépeçage d'un corps humain ne constitue pas un
15:11délit dans la mesure où il se fait sur un corps privé de vie. La femme était à cariatre d'une
15:16méchanceté pathologique. On doit donc croire l'accusé lorsqu'il affirme qu'il a agi en état
15:21de légitime défense quant au délit d'incitation à la débauche et d'inceste, il n'est pas prouvé. »
15:25Le procureur général fait remarquer « De nombreuses déclarations de l'accusé donnent
15:30à penser que sa femme savait qu'il avait commis un délit grave. Cela crée chez l'accusé un
15:35état d'anxiété perpétuel. Voilà pourquoi il décida de la tuer. Le procédé bestial qu'il
15:41a utilisé pour dissimuler son crime prouve qu'il n'avait pas perdu son sang-froid. »
15:46Mais maintenant, chers amis, tenez-vous bien, voici que l'impensable arrive. Oui,
15:53l'impensable arrive. Il est 23 heures lorsque le président du jury prononce le verdict.
15:58Écoutez bien. A la question principale « Assassinat, inceste et incitation à la débauche », la réponse
16:07est non par douze voix, c'est-à-dire unanimité. A la question subsidiaire « Homicide », oui,
16:15par douze voix, unanimité. « Légitime défense », non, par douze voix, unanimité.
16:22Question subsidiaire « Dépassement de la légitime défense », oui, par douze voix,
16:28unanimité. Question accessoire « Homicide par imprudence », non, par huit voix sur douze.
16:35Conclusion. Eh bien conclusion, le président des débats, après un moment de stupeur,
16:44de réflexion et d'évidente consternation, proclame l'arrêt.
16:51Étant donné le verdict du jury, je me vois dans l'obligation d'acquitter l'accusé et d'ordonner
17:02sa mise en liberté immédiate. Eh oui, chers amis, le président ne peut pas faire autrement. Le
17:10verdict des jurés est définitif et souverain. Or, les jurés qui sont d'honnêtes gens et convaincus
17:17comme tout le monde que l'accusé a bel et bien tué sa femme et sa fille, ont berlificoté dans
17:21le système autrichien des questions subsidiaires ou facultatives, eh bien que répondant avec bon
17:26sens à chacune d'elles, ont abouti à ce que l'accusé soit responsable simplement d'un homicide.
17:32Or, l'homicide en soi n'est pas un crime. À la guerre, vous tuez et on ne vous punit pas pour
17:38autant. De même, vous ne serez pas puni pour avoir tué une personne, par exemple qui s'est
17:42volontairement jetée sous les roues de votre voiture. C'est la façon dont l'homicide a été
17:46accompli qui en fait soit un acte légitime, soit un délit. Mais dans ce cas, qu'est-ce qu'on
17:52retiendra du vote du jury ? Que l'accusé a accompli un homicide qui n'est pas un assassinat et n'est
17:58pas non plus imputable à l'imprudence. Bref, il ne tombe absolument pas sous le coup de la loi.
18:04Alors, imaginez le tableau. L'horrible bonhomme demeure tranquillement assis au banc des accusés.
18:11Il n'a pas compris le drame juridique qui vient de se jouer et il est visiblement abasourdi par le
18:17déchaînement des protestations du public. Ce n'est que lorsque les deux gendarmes qu'il encadrait
18:22s'éloignent, ahuris et à contre-cœur, qu'il comprend qu'il a échappé à tout et qu'il peut
18:27quitter le banc des accusés. Alors en sanglotant, il serre dans ses bras ses défenseurs, eux-mêmes
18:32tout aussi abasourdis. Le lendemain, indignation, consternation de l'Autriche tout entière, la presse
18:38écrit « On peut à peine en croire ses yeux et ses oreilles, le criminel a été acquitté ». Grave
18:43imprudence de la part des journaux car le criminel en question serait juridiquement fondé à les
18:47attaquer en diffamation. Étant donné que le procès a été mené de manière exemplaire, il ne présente
18:52pas de vice de forme, que ni faits nouveaux ni preuves nouvelles ne seront mises à jour, il ne
18:57pourra jamais être question de recourir à des moyens légaux pour casser ce jugement. Mais
19:02l'histoire ne s'arrête pas là. Peu après sa mise en liberté, nous retrouvons l'époux meurtrier en
19:08pleine possession de ses droits civiques dans l'étude des avocats qui l'ont défendu. Cette
19:12fois, il se présente à eux avec un problème plus difficile que le meurtre, le dépeçage et l'inceste.
19:18Il est sans moyens d'existence. Personne à Vienne ne veut avoir affaire à lui, ni lui donner du
19:24travail, ni même à manger. De plus, l'hiver est particulièrement rude et il n'a plus de logement.
19:30Longuement, les avocats se consultent. Puisqu'ils ont sauvé sa tête, ils sont bien obligés de porter
19:36secours à cette personne en péril. Alors ils lui remettent une somme d'argent et lui signifient que
19:42les bureaux de l'étude lui seront désormais fermés. Mais Vainpassagère n'est pas en mesure de faire
19:48face à l'effondrement matériel de son existence. Il passe la nuit dans les salles d'attente et
19:54l'été venu dans les parcs publics. Comme il souffre de la faim, il pénètre un jour dans une boulangerie
20:00où il vole un pain. Le boulanger ne le remarque pas et n'aurait d'ailleurs pas averti la police.
20:08Mais c'est alors que nous retrouvons le commissaire Fonck. Celui-ci, dès qu'il entendit la sentence
20:15du tribunal, voyant échapper à la justice le criminel que Dieu lui-même semblait lui avoir
20:20apporté sur un plateau, décida de le faire suivre partout, nuit et jour. Filature qui va durer des
20:27mois et des mois jusqu'à ce qu'il vole un pain. Aussitôt le policier qui le suivait bondit et
20:35l'arrête. Le criminel vient de retomber entre les mains de la justice. Son arrestation fut une
20:42joie générale, même une cloche sonne à D'en Vienne. Nous ignorons ce qu'il est devenu par
20:50la suite ce criminel. On peut supposer que cette fois encore la justice s'efforça d'être très très
20:56injuste, en lui faisant payer très très cher ce pain volé.
21:02Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives
21:27d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio. Réalisation et composition musicale Julien
21:33Tarot. Production Raphaël Mariat. Patrimoine sonore Sylvaine Denis, Laetitia Casanova,
21:41Antoine Reclus. Remerciements à Roselyne Belmar. Les récits extraordinaires sont disponibles sur
21:47le site et l'appli Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement
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