Manu Payet à la poursuite du meilleur rougail saucisses
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00:00Ce que j'aime bien, c'est qu'on a toujours mangé ça dans notre vie, depuis qu'on est né,
00:06et pourtant, on a un, deux ou trois souvenirs de Koukaï Saucisse qui ont marqué notre enfance, notre adolescence.
00:14Je me souviendrai toujours, il y a une fois, j'ai retrouvé des copains à moi, il n'y a pas très longtemps,
00:20pour jouer de la musique, on était des copains d'avant avec qui je faisais de la musique quand on était ici au lycée du Butor,
00:27et puis, nous là, on trouve à nous la case, Didier Florian, qui s'appelle le bassiste,
00:35et le batteur, Olivier Piccard, est arrivé avec une marmite, en disant « Maman, on va faire un carré de volaille,
00:41tout à l'heure, quand on aura fini de jouer, on pourra manger ».
00:45Et franchement, ça fait longtemps, en fait, il y a une magie qui opère à un moment ou pas, ou moins, pas ou pas,
00:54et ça fait longtemps que je n'ai pas mangé un carré de volaille aussi bon que celui de Mme Piccard,
00:59qui n'était pas prévu, il n'y avait pas du tout, voilà, et celui-là, il reste dans ma tête.
01:04Après, il y a un autre carré, c'était un sinetsurik de ma grand-mère, d'une année où j'avais fait ma communion, voilà.
01:11Et puis, les rougailles saucisses, ben voilà, il y en a des marqueurs comme ça.
01:13Donc, il n'y a pas de meilleure rougaille saucisse, je pense qu'il faut, plutôt que d'aller chercher le meilleur,
01:20je pense que quand un plat a été, pour vous, le meilleur, c'est que ça fait partie d'un moment.
01:26Le moment fait que tu ne peux pas être en train de kiffer un affaire si tu n'es pas en train de passer un bon moment.
01:32Ça n'est pas possible, tu ne peux pas te faire rouler sur le pied par une voiture et dire « t'sais, les rougailles, là, elles sont bonnes ».
01:37Voilà, il faut qu'il y ait une conjonction des événements qui va faire que…
01:44Et je me souviens, il y avait lui, elle, il y avait cette personne-là, c'était à ce moment-là, il faisait beau, il ne faisait pas beau, il faisait chaud, voilà.
01:54Et bien souvent, ce n'était pas prévu, tu ne pensais pas que tu allais le faire.
01:59Parce que souvent, des fois, tu commandes, tu te dis « fais-toi rouler les saucisses pour moi, s'il te plaît »,
02:02et tu arrives et tu es un peu déçu.
02:04J'ai une mémoire gustative, c'est vrai, mais je pense qu'il n'y a pas de meilleur, je pense qu'il y a des meilleurs moments que d'autres.
02:11Et quand, dans ces moments-là, il y a un plat, alors moi, évidemment, c'est un plat créole qui va me toucher plus,
02:18mais ça peut être formidable.
02:19J'ai déjà réussi avec pas les bons ingrédients, pas les ingrédients locaux, je peux dire, en rougaille-saucisse en France,
02:26où je me suis dit de moi-même…
02:29Et tu sais, c'est surtout qu'en fait, t'aimerais qu'il y ait d'autres gars qui soient là pour goûter nos affaires, tu vois, des copains, des copines.
02:35Tu te dis « putain, est-ce que je congèle, je mets dans une boîte, pourquoi ils vont venir en France ?
02:40Je ressors, je vais faire goûter », moi, je suis pas là quand même.
02:43Voilà, il y a des moments magiques et d'autres moments censés régaler.
02:47On a découvert des talents que je ne connaissais pas, finalement, on se rend compte qu'on va toujours faire un peu les mêmes choses,
02:53et puis t'as beaucoup de famille à voir quand tu reviens ici, etc., donc tu ne vas pas aller découvrir des nouveaux coureurs.
02:58Or, il faut, c'est ce que je disais hier soir à la Projo, il faut, autant que personne peut, être curieux, parce que le talent d'un monde,
03:07si tu ne vas pas au-devant du talent de la personne, tu ne sauras pas qu'elle en a, pas forcément, en tout cas, surtout quand elle est enfermée dans une cuisine.
03:14Mais il y a des talents ici, et ça c'est une première chose, et la deuxième chose, c'est que pour perpétuer le truc,
03:19je sais que la cuisine créole n'est plus enseignée dans les écoles de cuisine ici, dans les écoles hôtelières,
03:27il faut bien que quelqu'un s'occupe de ça.
03:30Il y a aussi un petit peu cette vocation-là dans le projet, c'est qu'à la fois on s'est régalé, on a rigolé, c'est drôle, c'est bien, ça fait envie, ça donne faim, etc.,
03:40mais il y a aussi un truc, c'est que la tradition, la tradition se perd.
03:45Et tu vois, par exemple, Pierre, je disais, à chaque fois que maintenant, quand je reviens, il y a toujours un nouveau truc.
03:51Par exemple, je ne sais pas moi, la légime, quand je suis parti de la Réunion, ce n'était pas la semaine dernière,
03:58je n'avais jamais entendu ce mot même.
04:01Il y avait vivano, cabote, tilapia, poisson rouge.
04:06Maintenant, c'est que légime.
04:08Au début, je pensais que c'était un pantalon.
04:11Je ne sais pas pourquoi ma mère ne parle que de ce pantalon.
04:15C'est très, très bon, c'est vrai.
04:18Mais les choses se perdent, alors parfois elles deviennent...
04:21Il y a aussi d'autres bonnes choses, tu vois.
04:23Maintenant, il est important, je pense, à nous et à vous, les nouvelles générations,
04:29de garder un petit casier tradition, tradition-transmission.